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et d’une force d’âme véritablement extraordinaires, s’ébranla, et elle devint folle. Lorsque son mari revint en France, en 1822, elle ne le reconnut plus, et elle continua à vivre dans ce triste état jusqu’en 1855. C’est en partie sur les papiers réunis par elle que son mari composa les intéressants Mémoires publiés par sa famille en 1831.



LA VALETTE (Charles-Jean-Marie-Félix, marquis de), homme d’État et diplomate français, né à Senlis en 1806. Sous le règne de Louis-Philippe, il entra dans la diplomatie, fut successivement secrétaire d’ambassade à Stockholm (1837), chargé d’affaires prés le gouvernement persan, consul général en Égypte (1843), et ministre plénipotentiaire à Hesse-Cassel (1846). À cette époque, les électeurs de Bergerac l’envoyèrent siéger à la Chambre des députés, où il soutint naturellement la politique ministérielle. Après la révolution de 1848, M. de La Valette s’attacha à la fortune de Louis-Napoléon Bonaparte, qui le nomma, en février 1851, ambassadeur à. Constaminople. De retour en France, en 1853, il reçut un siège au Sénat. Au mois do mai 1860, il retourna en Turquie ; mais, dés le mois d’août de l’année suivante, il échangea son poste contre celui d’ambassadeur à Home (1831). Là, il s’attira la haine des ultramontaius en se montrant très-favorable à

l’unité de l’Italie et très-médiocrement convaincu de l’utilité du pouvoir temporel du pape. Rappelé en France au mois d octobre 1862, il succéda, en 1865, à M. Boudet comme ministre de l’intérieur et montra, en général, un certain tact et une certaine modération dans l’exercice du pouvoir. Il se borna à suspendre quelques conseils municipaux, supprima le Courrier du dimanche pour un article de Prévost-Paradol (2 août 1866), géra pendant quelque temps par intérim, cette même année, le ministère des affaires étrangères, et publia alors sur l’attitude du gouvernement dans les affaires d’Allemagne une circulaire qui lit grand bruit. Le 13 novembre 1867, le marquis de La Valette quitta le ministère de l’intérieur, devint membre du conseil privé et prit, à la fin de 186S, le portefeuille des affaires étrangères. Il s’attacha alors, soit dans ses discours au Corps législatif, soit dans ses circulaires diplomatiques, a montrer le désir du gouvernement de taire tous bes efforts pour maintenir la paix de l’Europe, pour empêcher touie cause de conflit, et il mena à bonne fin les négociations relatives au différend franco-belge, qui faillit un instant compromettre la paix générale (1869). Lors de la crise ministérielle qui suivit les élections générales de mai 18G9, M. de La Valette fut remplacé par M. de La Tour d’Auvergne (17 juillet), puis il se rendit en qualité n’ambassadeur à Londres, et occupa ce poste jusqu’au 3’janvier 1870, époque où MM. Ollivicr et Daru arrivèrent aux affaires. 11 reprit alors sa place au Sénat et y siégea jusqu’à ce que la révolution du 4 septembre suivant, en balayant l’Empire, le fit rentrer dans la vie privée.


LA VALETTE (Adrien, comte de), publiciste et administrateur, né à Paris en 1814. Il s’attacha d’abord à l’étude des sciences appliquées et collabora à diverses publications périodiques, notamment à YEcho du monde savant. Le 20 lévrier 1848, il adressa à la Gazette de France une protestation contre la proclamation de la république avant qu’une assemblée nationale eût décrété la forme du nouveau gouvernement. Très-attaché aux opinions légitimistes, M. de La Valette fonda pour les soutenir l’Assemblée nationale, qui devint bientôt le principal organe des partisans de la fusion-entre les deux branches de la maison de Bourbon, lit une guerre acharnée à la république et aux républicains et continua à paraître sous l’Empire. Mais, après avoir été l’objet de plusieurs condamnations et avoir changé, en 1857, son litre en celui de Spectateur, ce journal fut supprimé, en janvier 1858, par ordre du ministre de l’intérieur. M. Adrien de La Valette s’est lancé, pendant ces dernières années, dans les entreprises industrielles. Il est devenu administrateur du chemin de fer de la ligne d’Italie et vice-président du conseil d’auministration ; il a fait inaugurer, eu 1S6S, la section de Sion à S.erre, et a ouvert avec succès une souscription pour achever la traversée du Simplon.

LA VALETTE (Jean-Louis de Nogaret de), duc d’Ephrnon, pair et amiral de France.

V. EfliRNO.N.

LA VALETTE (Bernard de Nogaret de), due d’Epernon, général français. V. Epernom.

LA VALETTE (Anne-Louise-Christine de Foix), carmélite. V. Epernon.

LA VALLADE (Pierre de), ministre de l’église de Bergerac au commencement du

xvne siècle. Il fut appelé à desservir l’église de Fontenay-le-Comte, où il eut des disputes avec deux capucins. Il en publia la relation en 1617. Il est aussi l’auteur d’une Brève réponse à un certain écrit intitulé : Catéchisme dressé par les commandements du cardinal de Sourdis (Fontenay, 1608, in-8°), et d’une Apologie pour l’épisire des ministres de l’Église de lJaris contre le livre d’Armand-Jean au Plessis de Richelieu, évesque de Lucon (La Rochelle, 1619, in-fol.).

LA VALLÉE (Joseph dis), marquis de Bois-

LAVA

Robert, littérateur français, né près de Dieppe en 1747, mort à Londres en 1816. Il suivit d’abord la carrière des armes, devint capitaine, puis donna sa démission pour s’adonner à ses goûts littéraires et alla se fixer h Paris. La Vallée devint un des rédacteurs de l’Almanach des Muses, puis s’essaya dans le roman, et se prononça pour les idées nouvelles après 1789. Il fut secrétaire de la Société philotechnique, obtint la croix de la Légion d’honneur et devint chef de division à la grande chancellerie de cet ordre. Lors de la rentrée des Bourbons, il perdit sa place et se retira à Londres. C était un homme instruit, très-spirituel et parlant plusieurs langues. Il avait le travail facile, possédait à fond la théorie des arts, et il a concouru à la rédaction ou à la publication de divers ouvrages. Nous citerons de lui : les Basreliefs du xvme siècle (Londres, 1786, in-12) ; Cécité, fille d’Achmel 'III, empereur des Turcs (Paris, 1788, in-12), roman qui a eu plusieurs éditions ; le Nègre comme il y a peu de blancs (Paris, 3 vol. in-12), écrit où l’on trouve du talent et des intentions philanthropiques ; les Dangers de l’intrigue (Paris, 1790, in-12) ; Tableau philosophique du règne de Louis XIV ou Louis XI V jugé par un Français libre (Strasbourg, 1791, in-s0) ; la Vérité rendue aux lettres par la liberté ou De l’importance de l’amour de la vérité dans l’homme de lettres (Strasbourg, 1791, in-8°) ; Manlius Torquatus, tragédie jouée sur le théâtre des Arts en 1795 ; les Semaines critiques ou les Gestes de l’an V (1797, 4 vol. in-8»), journal curieux et devenu rare, qui comprend 33 numéros et qui fut supprimé le i s fructidor ; les Dangers de t’intrigue (1798, 4 vol.) ; Poëme sur les tableaux d’Italie (1738, in-8°) ; Voyage dans les départements de la France (1792-18UU, 13 vol. in-8°) ; Lettres d’un mameluk (Paris, 1803, in-8°), qui rappellent trop les fameuses Lettres persanes de Montesquieu ; elles sont agréables, gaies, pleines de sens et pétillantes desprit ; Annales nécrologiques de la Légion d’honneur (1807, in-8°) ; Histoire des inquisitions religieuses d’Italie, d’Espagne et de Portugal depuis leur origine (1809, 2 vol. in-8°) ; Histoire de l’origine, des progrès efde la décadence des diverses factions révolutionnaires gui ont agité la France depuis 1789 jusqu’à la deuxième abdication de Buonaparte (Londres, 1816, 3 vol. in-8°). La Vallée a produit, en ouire, une quantité d’Odes, d’Épîtres, de fragments en prose et en vers ; deux poèmes inédits, Y Art théâtral et les Saisons, des éloges de Marceau (1797), de Desaix (1800), de Joubert (1800) ; enfin, il a collaboré aux Annales de statistique, au Journal des arts, au Journal des défenseurs de la patrie, à la Quotidienne, bien qu’il ne partageât pas les opinions de cette feuille réactionnaire, au Cours historique de peinture de Filhol (1804 et suiv.), etc.

LA VALLÉE (Joseph-Adrien-Félix), littérateur, né à Paris en 1S01. Il abandonna l’étude du droit pour s’adonner à des travaux littéraires et historiques, puis s’occupa d’une façon toute particulière de cynégétique, et fonda, en 1838, le Journal des chusseurs. Depuis plusieurs années, M. Lavallée a été frappé de cécité. Nous citerons de lui : le Code du chasseur, avec M. L. Bertrand ; l’Espagne (1844-1847, 2 vol.), faisant partie de Y Univers pittoresque ; la Chasse à tir en France (1854), avec des illustrations ; la Chasse de Gaston Phœbus, comte de Foix (1854) ; la Chasse à courre en France (1856) ; Récits d’un vieux chasseur (1858) ; Zurga le chasseur (1800), etc.

LAVALLÉE (Théophile-Sébastien), historien, né à Paris en 1804, mort en 1867. Il a été attaché à l’École militaire de Saint - Cyr, successivement comme répétiteur de mathématiques (1826), puis d’histoire, comme professeur de géographie et de statistique militaires, enfin, en 1852, comme professeur d’histoire et de littérature. C’était un homme très-instruit et un infatigable travailleur. Outre la continuation de la traduction de l’Histoire d’Angleterre, de Lingard, commencée par L. de Wailly (1844), une édition refondue de la Géographie de Malte-Brun (1855-1856, 6 vol. in-8u), la publication des Œuvres complètes de Mw de Alain tenon (1854 et suiv.), on lui doit des ouvrages dont plusieurs sont fort estimés : Jean sans Peur (1829), réédité en 1861 ; Géographie physique, historique et militaire de la France (1830, in - 12 et in-8°), souvent rééditée et augmentée d’un atlas in-fol. (1851) ; Histoire des Français depuis le temps des Gaulois (1838-1839, 3 vol. iu-8"), excellent abrégé historique qui aété plusieurs fois réédité, remanié, et dont la 15e édition a paru, en 1861, en 6 vol. ; Histoire de Paris (1851, in-8°) ; Histoire de la maison royale de Saint-Cyr (1853, in-8°), ouvrage auquel l’Académie française a décerné le second prix Gobert, et qui a été réédité, en 1862, sous le titre de Moie de Maintenait et la maison royale de Saint-Cyr (in-8°) ; Histoire de l’empire ottoman (1854, in - 8°), réédité sous le titre d’Histoire de la Turquie (1859, 2 vol. in-12) ; la Famille d’Aubignè et l’enfance de Àf me de Maintenon (1863, in-8u) ; les Frontières de la France (1864, in-18), etc.

LAVALLÉE (Guillaume-François FouquesDesuayes, connu sous le nom de Desfontaines-), littérateur français. V. DesfontainesLavallée.

LAVALLEV (Alexandre-Th.), ingénieur fran LAVA

çais, né en 1821. En sortant de l’École polytechnique (1842), il entra dans le génie militaire, mais il donna, peu après, sa démission. Voulant connaître à fond les arts mécaniques, il se rendit en Angleterre, n’hésita point à travailler comme ouvrier dans les principales usines de ce pays, et remplit assez longtemps l’emploi de chauffeur mécanicien pour étudier pratiquement les diverses sortes de locomotives. De retour en France, M. Lavalley

se fit attacher à la grande usine dirigée par son ami, M. E. Gouin. Lors du percement du canal de Suez, il se chargea, avec l’ingénieur Borel, de l’entreprise du dragage, et s’engagea à extraire du canal, dans l’espace d un peu moins de deux ans, quarante -cinq raillions de mètres cubes de sable. Pour exécuter cette œuvre gigantesque, représentant le travail de plus de 100,000 hommes, M. Lavalley employa des dragues mécaniques d’une grande puissance, exécutées d’après des modèles fournis par lui, et parvint, au moyen de ces machines, non - seulement à enlever les sables, mais à les déposer régulièrement sur les rives.

LA VALL1ÈRE (Françoise - Louise de La Baume Le Blanc, duchesse de), célèbre maîtresse de Louis XIV, née à Tours le 6 août 1644, morte à Paris, au couvent des Carmélites, le 6 juin 1710. Elle est restée, malgré sa faute, une des plus intéressantes figures féminines de son siècle, et l’amour vrai qu’elle eut pour Louis XIV, son peu d’ambition, joints à l’expiation qu’elle s’imposa pendant tes trente-six dernières années de sa vie, lui donnent une place à part parmi les favorites royales, dignes, pour la plupart, d’être vouées à l’exécration publique. Ce qu’elle offre encore de remarquable, c’est qu’en étudiant sa vie réelle on la trouve conforme à la légende, qui s’est plu à l’entourer d’une sorte d auréole.

Amenée toute jeune à la cour de Louis XIV par sa mère, qui, veuve du sieur Le Blanc de LaVallière, s’était remariée au baron de Saint-Rémy, maître d’hôtel du frère du roi, elle fut placée comme demoiselle d’honneur près de Madame Henriette, lorsque celle-ci devint duchesse d’Orléans. En 1661, le licencieux monarque, épris de sa belle-sœur, qu’il avait dédaignée jeune fille, en disant : » J ai peu d’appétit pour les os des saints innocents» (Henriette d’Angleterre était, en effet, fort maigre), la convoita dès qu’elle fut mariée. C’était une liaison cynique, sur laquelle les historiens ont épaissi tous les voiles. Le roi lui-même, malgré son impudeur, eu comprit tout le scandale, et, pour la cacher, ses bons courtisans lui suggérèrent qu’il ferait bien de paraître amoureux d’une des filles d’honneur de celle qu’il aimait, ce qui lui donnerait toute facilité de séjourner dans les appartements réservés. Trois des filles d’honneur furent mises en avant pour jouer ce rôle : M’es de Chemerault, de Pons et de La Vallière. Celleci fut choisie par Louis XIV, à cause de sa candeur et de sa simplicité, qui l’éloigneraient de tout soupçon. Mais La Vallière aimait déjà en secret le monarque depuis qu’elle l’avait vu à Blois, allant à la rencontre de l’infante Marie - Thérèse ; elle laissa deviner son secret penchant, et Louis XIV, malgré le monstrueux égoïsme qui le domina toute sa vie, se laissa prendre à son tour a tant de grâce et de charme. Louise de La Vallière était douée de cette beauté douce et pénétrante qui captive et qui attache ; son caractère était également plein dé douceur et de sincérité. Eprise du roi comme elle l’était, elle n’eut besoin que d’un mot de lui pour être à sa discrétion ; c’est à Fontainebleau, en 1661, que commença l’intimité de cette liaison.

Sainte-Beuve, réunissant tous les témoignages contemporains, a tracé d’elle un très-fin portrait. • La beauté de Mlle de La Vallière était, dit-il, d’une nature, d’une qualité tendre et exquise sur laquelle il n’y a qu’une voix parmi les contemporains. Les portraits graves, les portraits peints eux-mêmes ne donneraient pas aujourd’hui une juste idée de ce genre de charme qui lui était propre. NLa fraîcheur et l’éclat, un éclat fin, nuancé et suave, en composaient une partie essentielle. « Elle était aimable, écrit M™» de Motteville, et sa beauté avait de grands agréments par l’éclat de la blancheur et del’incarnatde son teint, par le bleu de ses yeux, qui avaient beaucoup de douceur, et par la

« beauté de ses cheveux argentés, qui augmentait celle de son visage. » Ce blanc d’argent de ses cheveux, joint a cette blancheur transparente et vive, cette douceur bleue de son regard, s’accompagnaient d’un son de voix touchant et qui allait au cœur. Tout se mariait en elle harmonieusement ; la tendresse, qui était l’âme de sa personne, s’j’ tempérait d’un fonds visible de vertu. La modestie, la grâce, une grâce simple et ingénue, un air de pudeur qui gagnait l’estime, inspiraient et disposaient a. ravir tous ses mouvements. « Quoiqu’elle fut un peu boiteuse, elle dansait a fort bien.- > Plus tard, au cloître, une de ses plus grandes gênes et mortifications sera pour la chaussure, que, dans le monde, elle faisait accommoder à Sa légère infirmité. Très-mince, et même un’ peu maigre, l’habit de cheval lui seyait fort bien. Le justaucorps faisait ressortir la finesse de sa taille, et des

« cravates la faisaient paraître plus grasse. » En tout, c’était une beauté touchante et non

LAVA

triomphante, une de ces beautés qui ne s’achèvent point, qui ne se démontrent point aux yeux toutes seules par les perfections du corps, et qui ont besoin que l’âme s’y mêle ; et l’âme, avec elle, s’y mêlait toujours, >

On a dit avec raison que ce qu’elle aimait en Louis XIV, c’était l’homme lui-même, et non le roi ; aussi mit-elle à cacher son bonheur autant de soin que celle qui lui succéda, la Montespan, mit d ostentation à révéler la faveur dont elle jouissait. Elle obligeait son royal amant à prendre de si grandes précautions, que la cour ignorait où ils en étaient de leur liaison, ou était réduite à de vagues conjectures. Fouquet paya cher cette ignorance, qu’il partageait, malgré sa haute position, avec tout l’entourage de Louis XIV ; ce fut bien plutôt pour avoir voulu acheter La Vallière à beaux deniers sonnants, que pour avoir pillé l’État, que ce malheureux passa toute la fin de son existence dans la plus dure réclusion. En dépit de ce secret, qui fut absolu tant que vécut la reine mère, La Vallière était de toutes les fêtes et de tous les divertissements ; elle y brillait dans les premiers rôles, et toujours avec le roi. C’est pour elle que fut donné le fameux carrousel de 1662, devant les Tuileries, sur la place qui en a gardé le nom ; pour elle aussi que fut ordonnée une des plus belles et des plus coûteuses fêtes de Versailles, en 1664.Cette même année, une première grossesse fut si bien cachée par elle, que la reine elle -même, qui l’épiait, n’eut aucun soupçon. Une note de Colbert nous apprend comment les choses se passaient, et comment le roi et ses ministres complices se mettaient au-dessus des lois. La Vallière fit ses couches au Palais-Royal ; l’enfant, qui mourut, du reste, en bas âge, fut présenté comme leur fils par des domestiques, et on loua même un pauvre, un vrai pauvre, comme témoin, pour donner plus d’apparence à cette audacieuse supposition d’enfant. Elle accoucha encore successivement d’un second fils, qui ne survécut pas non plus, puis d’une fille, qui fut M"" de Blois (1666), et d’un fils, le comte de Vermandois (1667). A cette époque, Louis XIV ne se cachait plus ; elle était sa maîtresse déclarée, et le roi, par lettres patentes, reconnut sa fille. Il érigea en duché deux terres qu’il acheta pour sa maîtresse et ses descendants, « afin, dit-il en propres termes dans l’acte, d’exprimer ûu public l’estime toute particulière que nous faisons de notre très-chere, bien-aimée et très-féale Louise de La Vallière, en lui conférant les plus hauts titres d’honneur, qu’une affection très-singulière, excitée dans notre cœur par une infinité de rares perfections, nous a inspirée depuis quelques années en sa faveur.» C’est Pellisson qui prêta sa plume pour la rédaction de ces lettres patentes, qui prouveraient, s’il en était encore besoin, qu’il y avait, sous la monarchie, bien des manières d’acquérir la noblesse.

Sa faveur était en ce moment au plus haut point ; elle allait décliner. LaVallière en avait le pressentiment, car elle se fit peindre, à cette époque, par Mignard, entre ses deux derniers enfants et tenant h la main une paille au bout de laquelle est une bulle de savon ; l’inscription : Sic transit gloria mundi, ne laisse guère de doute sur la mélancolie qui, dès lors, commençait à l’envahir. Plusieurs nuages s’étaient dnjà élevés sur son bonheur. À la suite d’une brouille légère, elle s’était enfuie un soir jusqu’à l’abbaye de Saint-Cloud, dont les religieuses refusèrent de la recevoir. Louis XIV, qui l’aimait encore follement, monta à cheval avec trois de ses plus dévoués courtisans, et courut la réclamer ; il ne parlait rien moins que de brûler le couvent si on tardait à la lui rendre. Une seconde fois, à la suite d’une semblable querelle, provoquée sans doute par quelque infidélité du roi, Car Louis XIV ne l’aima uniquement que les deux ou trois premières années, elle se réfugia au couvent de Chaillot. Cette fois, le roi fut plus tiède ; il ne monta pas à cheval, il envoya seulement Lauzun et Colbert la prier de revenir. C’était en 1671. It est même douteux qu’il l’ait reprise, car il lui préférait alors la Montespan.

La Vallière resta encore trois ans à la cour ; ce furent trois années de supplice pour elle, car il lui fallait chaque jour assister au triomphe de sa rivale. Le roi se servait d’elle comme d’un chaperon pour cacher ses nouvelles amours ; dans ses voyages continuels de Saint-Germain à Versailles, il aimait à se placer, comme un pacha, entre ses deux maîtresses, celle de la veille et celle du jour, et il fallait que La Vallière s’y prêtât de bonne grâce. Bien mieux, la Montespan la forçait de lui servir de femme de chambre, se faisait parer et coiffer par elle pour plaire davantage au roi. La princesse palatine raconte même quelque chose de plus singulier. « La Montespan, qui avait plus d’esprit, dit-elle, se moquait d’elle publiquement, la traitait fort mai, et obligeait le roi à en agir de même. Il fallait traverser la chambre de La Vallière pour se rendre chez la Montespan. Le roi avait un joli épagneul appelé Malice ; à l’instigation de la Montespan, il prenait cet épagneul et le jetait à la duchesse de La Vallière en lui disant : «Tenez, madame, voilà votre > compagnie, c’est assez. » Cela était d’autant plus dur, qu’au lieu de rester il ne faisait que passer chez elle pour aller chez la Montespan. Cependant, elle a tout souffert en patience. > La raison do cette déchéance