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a été popularisé par la belle gravure de Calamatta.


LOUIS XIV, fils du précédent et d’Anne d’Autriche, né à Saint-Germain-en-Laye le 6 septembre 1638, mort à Versailles le 1er septembre 1715. Il vint au monde après vingt-trois ans d’un mariage stérile et par suite d’un rapprochement fortuit entre Louis XIII et son épouse. Les circonstances de ce rapprochement ont même fait naître quelques doutes sur la légitimité de l’enfant. Quoi qu’il en soit, sa naissance parut une sorte de miracle, et pour exprimer que c’était Dieu qui l’envoyait, on lui donna le surnom de Dieudonné. Le « grand roi » semblait voué à l’emphase dès son berceau.

Il n’avait pas cinq ans lorsqu’il succéda à son père (14 mai 1643), sous la régence d’Anne d’Autriche. Son éducation fut honteusement négligée, et très-certainement par un calcul de Mazarin, qui en réalité était le maître de l’État et régnait sous le nom de la reine mère. Sa minorité fut remplie par la continuation des guerres contre l’Autriche, par les victoires de Condé (Rocroy, 1643 ; Fribourg, 1644 ; Nordlingen, 1645 ; Lens, 1648), victoires couronnées par le traité de Westphalie, qui nous donnait l’Alsace ; par les luttes du parlement contre la régente et Mazarin, par les troubles sanglants de la Fronde, la révolte de Condé, etc. V. Anne, Condé, Fronde, Mazarin.

Au milieu de cette misérable guerre civile, le jeune prince fut parfois obligé de quitter la capitale avec la cour, et de promener sa royauté nomade à travers le pays, protégé par Turenne et l’armée royale. Une fois même, en 1651, il faillit être surpris à Bléneau par Condé. L’année suivante, il put enfin rentrer dans Paris. Déclaré majeur, il n’en resta pas moins en tutelle sous la main de Mazarin, qui, chassé deux fois de France, se ressaisit deux fois du pouvoir, et en garda la réalité jusqu’à sa mort.

Louis avait eu pour gouverneur le maréchal de Villeroy, et pour précepteur l’abbé Péréfixe de Beaumont, plus tard archevêque de Paris. Mais d’ailleurs il apprit peu de chose, et manqua toujours des éléments de l’instruction la plus ordinaire, bien qu’on lui ait attribué une traduction des Commentaires de César. S’il s’instruisit un peu dans la suite, ce fut par le contact, par une culture extérieure, toute en surface, mais fort peu par l’étude. Mazarin l’amusait, l’efféminait de fêtes, de divertissements, de bals, de carrousels ; il en faisait un prince de représentation, un danseur intrépide, fait pour briller de sa personne et triompher dans ces somptueux ballets, une des perfections du règne et qui sont demeurés si fameux.

Élevé au milieu des femmes de la reine, au centre des intrigues galantes, il se laissa de bonne heure emporter par les ardeurs d’un tempérament précoce. Les mémoires de son valet de chambre, Laporte, laissent supposer qu’on avait tenté de le pousser dans le bourbier des vices les plus hideux pour l’avilir et le dominer. « Les femmes, dit M. Michalet, le sauvèrent de l’effroyable éducation de Mazarin. » Après quelques aventures faciles et vulgaires, il s’attacha assez sérieusement à l’une des nièces de Mazarin, Marie Mancini, et manifesta même la volonté de l’épouser. Anne d’Autriche, quoique asservie au cardinal, sentit cependant son orgueil espagnol se soulever à l’idée de cette mésalliance. « Si mon fils, dit-elle, est assez bas pour faire cela, je me mettrai contre lui, avec mon second fils, à la tête de tout le royaume. »

Mazarin, quelles qu’aient été d’abord ses vues secrètes, et en admettant l’hypothèse vraisemblable qu’il ait été un moment ébloui, n’eut plus dès lors qu’à se prononcer contre le mariage et à afficher le désintéressement. On sépara les deux jeunes gens. Ce fut alors que l’ambitieuse jeune fille adressa à son amant les paroles souvent citées : « Vous êtes roi, vous pleurez, et je pars ! »

Mais Louis courba la tête et céda (1659).

Peu de temps après fut signée avec l’Espagne la paix des Pyrénées, qui nous laissait les conquêtes de Richelieu, mais presque rien de celles de Mazarin. L’une des clauses était le mariage de l’infante Marie-Thérèse d’Autriche avec le roi de France.

À la mort de Mazarin (9 mars 1661), Louis XIV, qui avait alors un peu moins de vingt-trois ans, annonça à son conseil sa volonté de régner désormais par lui-même et sans premier ministre. Cela étonna fort ; depuis un demi-siècle qu’on était accoutumé à voir l’autorité royale exercée par délégation, on se prit à douter qu’un prince de cet âge eût longtemps le courage de sacrifier ses plaisirs aux affaires et à d’arides travaux, de négliger ses ballets et ses chasses pour les labeurs du cabinet. Cependant, cet effort de travail et de volonté qu’on ne le jugeait pas capable de soutenir trois mois, il le soutint pendant cinquante-quatre ans, tant il était jaloux de son autorité personnelle, tant il voulait que la monarchie ce fût lui, et lui seul. Il semble qu’après la domination successive de deux ministres souverains, espèces de maires du palais, il ait voulu relever le prestige de l’individualité royale, amoindrie depuis Henri IV, la replacer au sommet de l’ordre politique et social. On connaît son mot fameux : l’État, c’est moi ! En effet, nul monarque français ne fut plus exclusivement le maître de la nation. Son règne fut l’apogée de la royauté absolue.

Au reste, la machine monarchique étant montée, il n’y a pas à se faire une idée trop effrayante du travail des souverains les plus laborieux. Ce travail est rarement assez accablant pour les empêcher de songer à leurs plaisirs.

Comme dans tous les gouvernements personnels, Louis XIV était d’ailleurs assez facile à conduire quand on flattait son orgueil en lui persuadant qu’il dirigeait tout.

Au moment où il prenait en main le gouvernement de l’État, la France, exténuée par les guerres étrangères et la guerre civile, par les exactions de Mazarin, de Fouquet et de leurs agents, les brigandages des soldats et des seigneurs, les exigences du fisc, etc., était dans la plus effroyable misère. On en aura une idée en lisant notamment les documents publiés par M. Feillet dans son Histoire du paupérisme à cette époque. Des populations entières mouraient de faim, et l’on trouvait sur les chemins des cadavres la bouche encore pleine d’herbe. Les tableaux navrants donnés par Bois-Guillebert, Vauban et Saint-Simon montrent qu’à la fin du règne cet état de choses ne s’était nullement amélioré, et que même sous beaucoup de rapports il avait empiré. Incontestablement cette circonstance, ainsi que d’autres encore, est de nature à tempérer l’admiration que la plupart des historiens s’efforcent de nous inspirer pour le « grand roi. » Malgré tous les systèmes, si le despotisme et la misère publique sont les conditions indispensables de la grandeur monarchique, il est bien permis, au nom du bon sens et de la critique, d’établir une balance exacte et de faire ses réserves en jugeant une époque.

L’une des premières pensées de Louis XIV fut de briser Fouquet, le surintendant des finances, dont les vols énormes, les dilapidations et le pouvoir monstrueux étaient d’ailleurs un scandale public. L’intérêt de l’État n’était pas seul en jeu : le faste inouï déployé par le surintendant, ses tentatives de séduction auprès de Mlle  de La Vallière, aimée par le roi, avaient blessé celui-ci dans son orgueil et dans ses sentiments les plus intimes. Il dissimula pendant de longs mois, pour mieux envelopper son ennemi, puis le fit arrêter à Nantes le 5 septembre 1661. Fouquet fut enfoui dans une prison, où il végéta près de vingt années encore. Il avait été condamné au bannissement par une commission : par un renversement de tous les principes d’ordre légal, Louis aggrava la sentence en lui infligeant la prison perpétuelle. Colbert, l’un des principaux instruments de cette mémorable chute, fut appelé au conseil des finances, et dirigea en réalité cette administration, mais avec le simple titre de surintendant, car le roi fut censé dès lors la diriger en personne.

On sait que le célèbre ministre étendit successivement son pouvoir sur toutes les branches de l’administration publique. Dans la période là plus brillante de sa carrière, c’est-à-dire de 1661 à 1672, il accomplit une série. de réformes dans les finances, punit les infidélités des officiers comptables et les exactions des traitants, réduisit les rentes, supprima des offices inutiles, répartit les tailles d’une manière plus équitable, créa la Compagnie des Indes, traça des routes, creusa des canaux, fonda des manufactures et tenta une foule de réformes dont le détail ne peut trouver place ici, et dont beaucoup, il faut le dire, sont restées sur le papier. C’est aussi dans le même temps que furent fondées les Académies des inscriptions, des sciences et d’architecture. À cette brillante période se rattache tout le cortège des hommes de génie qui ont illustré les sciences, les arts, les lettres, et fait donner par la postérité au XVIIe siècle le nom de siècle de Louis XIV. Il suffira de citer : Corneille, Descartes, Racine, Pascal, La Fontaine, Bossuet, Fénelon, Boileau, Lebrun, Lesueur, Malebranche, Vauban, Puget, Turenne, Cassini, Mabillon, Ducange, Molière, Mme  de Sévigné, Nicole, Bourdaloue, La Rochefoucauld, Lenostre, Mansart, Perrault, etc.

C’est là sans doute le côté éclatant du règne ; mais il serait excessif de faire plus qu’il ne convient honneur à Louis XIV de cette magnifique efflorescence du génie français et de répéter la boursouflure du poëte :

Un regard de Louis enfantait des Corneille.

Personne à notre époque, croyons-nous, ne pousse le mysticisme monarchique jusqu’à croire sérieusement qu’il fût donné au grand roi de créer, ou même simplement de former, de développer des génies. Ce ne fut même pas un bien grand mérite, à tout prendre, que d’encourager leurs travaux, de leur permettre de graviter autour de l’astre royal. De tels hommes sont la gloire d’un règne et d’une époque, et il n’est pas de monarques, pas de despotes, même parmi les plus ineptes, qui n’aient essayé de confisquer cette gloire à leur profit, de s’envelopper de cette lumière et de se parer de ces rayons. Quoi qu’en disent les idolâtres de l’absolutisme et de ses merveilleux résultats, il n’est vraiment pas possible de s’émerveiller outre mesure si Louis XIV ne traita pas tout à fait Molière en valet, et s’il daigna faire quelques petites pensions aux grands hommes dont la célébrité rejaillissait sur son temps et sur lui. Son intérêt, son orgueil y étaient trop évidemment intéressés pour qu’on lui fasse de cette conduite un titre de gloire et de grandeur.

Les faits de ce règne, le plus long de l’histoire en y comprenant la minorité, sont nombreux et importants ; mais notre cadre ne nous permet qu’un résumé des événements les plus considérables.

Colbert, dont l’action s’étendait, comme il est dit plus haut, sur diverses branches d’administration, avait pour principaux coopérateurs : Lionne, aux affaires étrangères ; Letellier, à la guerre, et quelques années plus tard le fils de celui-ci, le fameux Louvois (Letellier entrant au conseil comme ministre d’État).

L’un des premiers actes de Louis XIV, après la mort de Mazarin, fut de fortifier sous main les Portugais contre l’Espagne, au mépris du traité des Pyrénées, et d’associer à cette œuvre occulte l’Angleterre ; malheureuse combinaison qui préparait le protectorat de cette dernière puissance sur le Portugal et lui donnait Tanger, c’est-à-dire le détroit de Gibraltar, ainsi que Bombay dans l’Inde. Presque aussitôt la guerre faillit éclater pour des questions de préséance, d’abord avec l’Angleterre à propos du salut des pavillons en mer, puis avec l’Espagne, dont l’ambassadeur à Londres, Vatteville, voulut prendre le pas sur le nôtre, d’Estrades, et fit maltraiter son escorte et quelques-uns de ses gens. Louis chassa aussitôt de France l’ambassadeur d’Espagne et rappela le sien de Madrid. Sur la menace d’une guerre, Philippe IV céda et donna toutes les satisfactions exigées. En octobre 1662, Louis racheta Dunkerque, moyennant 5 millions, à Charles II, roi d’Angleterre. (Cette ville avait été enlevée à la France au milieu des troubles de la Fronde.) Dans le courant de la même année, des difficultés d’étiquette envenimèrent nos rapports, déjà peu amicaux, avec Rome, où notre ambassadeur, le duc de Créqui, fut attaqué dans son palais par la garde corse du pape, à la suite de rixes particulières. À la nouvelle de ces violences et de ces outrages, Louis XIV fit éclater les réclamations les plus énergiques et menaça la cour de Rome d’une expédition armée. Les négociations se prolongèrent, le saint-siége ne donnant que des réparations insuffisantes. Enfin, en février 1664, le pape (Alexandre VII), voyant qu’aucune puissance catholique ne prenait parti pour lui et que déjà des troupes françaises étaient dans le Modénais, se soumit aux conditions les plus humiliantes : licenciement de la garde corse, érection d’une pyramide commémorative au lieu de l’attentat, etc.

Une expédition contre les États barbaresques, terminée par un traité avantageux (1666), des secours donnés à l’Autriche contre les Turcs, quelques petits combats de mer contre les Anglais (pour soutenir la Hollande, notre alliée), un traité offensif conclu avec le Portugal contre l’Espagne (mars 1667) donnèrent à Louis XIV l’occasion de relever notre marine, de se faire des alliés et de se préparer pour de plus grandes entreprises. Son beau-père, Philippe IV, roi d’Espagne, était mort en septembre 1665. Il en profita pour élever des prétentions plus ou moins fondées (du chef de sa femme) sur les Pays-Bas espagnols. Sur ces entrefaites, Anne d’Autriche était morte (20 janvier 1666), après avoir fait de vains efforts pour s’entremettre entre son fils et sa maison. Retardé par divers incidents, Louis entra en campagne en mai 1667, accompagnant en personne l’armée (commandée par Turenne), prit Charleroi, Tournai, Douai, Courtrai, Lille, enfin conquit en trois semaines toute cette Flandre wallonne qui a conservé la nom de Flandre française ; conquête rendue facile, d’ailleurs, par l’épuisement de l’Espagne. Celle de la Franche-Comté, par Condé, offrit moins de difficulté encore ; quinze jours suffirent pour la soumettre presque sans coup férir (février 1668). Mais cette dernière province fut presque aussitôt restituée à l’Espagne par suite de la triple alliance (Hollande, Angleterre, Suède), qui amena le traité d’Aix-la-Chapelle (2 mai). Toutefois Louis ne la rendit qu’après avoir noué des intelligences avec une partie des notables et démantelé la plupart des places. Dans le même temps, il faisait fortifier, par Vauban, les villes dont la possession lui était confirmée, Dunkerque, Arras, Lille, etc.

Ces succès enivrèrent l’orgueil du roi, qui depuis longtemps déjà avait pris fastueusement le soleil pour emblème, avec la fameuse légende Nec pluribus impar (qui signifie, par à peu près : Il peut suffire à plusieurs mondes). Désormais il va s’abandonner de plus en plus à sa politique personnelle et se jeter dans les aventures. La ruine de la nation républicaine et protestante, la perte de la Hollande devint son idée fixe ; idée funeste, mais qu’il n’y avait pas à combattre en lui, car il se croyait très-sincèrement infaillible. Il s’attacha d’abord à dissoudre la triple alliance, poursuivit de longues négociations pour acheter l’alliance du roi d’Angleterre Charles II, avec qui il s’unit par le traité de Douvres (1670), et renouvela ses anciens traités avec l’empereur Léopold.

Enfin, le 6 avril 1672, il déclara la guerre à la Hollande, sous des prétextes dérisoires, et, le 28 du même mois, il partit de Saint-Germain pour aller se mettre à la tête de son armée, pendant que nos flottes sortaient de Brest et de Rochefort pour aller rallier la flotte anglaise. Il alla exécuter à Wesel ce fameux passage du Rhin que les poètes et les artistes ont illustré, que les flatteurs ont comparé au passage du Granique par Alexandre, mais que Napoléon appelle dédaigneusement une opération de quatrième ordre. Dans le fait, ce ne fut qu’une escarmouche à laquelle le roi ne prit aucune part, attendu que sa grandeur l’attachait au rivage. Après l’action, on jeta un pont de bateaux sur lequel Louis passa majestueusement avec l’armée, que dirigeaient Condé et Turenne.

La Hollande envahie pouvait difficilement lutter contre des forces aussi supérieures, d’autant plus qu’elle avait à lutter sur mer contre les escadres française et anglaise réunies. En quelques semaines, trois de ses provinces furent conquises, la Gueldre, l’Over-Issel, l’Utrecht. Elle sollicita la paix. Le roi répondit avec la plus grande dureté, inspiré dès lors par son orgueil intraitable et par les conseils impitoyables du terrible Louvois, prétendant imposer des conditions qui n’étaient rien moins que l’anéantissement politique et territorial de la glorieuse république, la ruine de son commerce et le renversement de la constitution protestante. Le contre-coup de ces événements, aussi bien que les intrigues de l’étranger, produisirent en Hollande la contre-révolution qui fit proclamer le prince Guillaume d’Orange stathouder. Celui-ci prit du moins en main la défense nationale. Pendant qu’il luttait sans trop de désavantage, une réaction contre l’ambition de Louis se produisit en Europe. L’empereur, l’Espagne, le Danemark, etc., conclurent la grande alliance ; Charles II lui-même, contraint par le parlement, restait inactif ; d’autre part, la Hollande avait percé ses digues pour défendre le territoire qui lui restait : en présence d’une situation qui devenait de plus en plus menaçante, Louis se résolut à évacuer ses conquêtes, au commencement de 1674, pour se mettre en état de faire face à la coalition et agir contre l’Espagne et la maison d’Autriche. Il se jeta de nouveau sur la Franche-Comté, qu’il reprit en six semaines, et cette fois pour toujours, pendant que Condé triomphait à Senef, que Turenne opérait sur le Rhin et dans le Palatinat, et que Duquesne luttait glorieusement en mer contre les flottes hollandaise et espagnole. La mort de Turenne (1675) n’interrompit pas le cours de nos succès. Deux campagnes brillantes en Flandre mirent le roi en possession de Condé, de Bouchain, de Valenciennes, ’de Cambrai, de Gand, d’Ypres, de Saint-Omer. Enfin la victoire remportée à Cassel par le duc d’Orléans sur Guillaume d’Orange (1677) et divers autres succès rétablirent glorieusement les affaires de la France. Toutefois la défection de l’Angleterre et divers autres motifs engagèrent Louis à accepter le traité de Nimègue (11 août 1678), par lequel nous restions en possession de la Franche-Comté et d’une partie de la Flandre.

Pendant les années qui suivirent, Colbert essaya de faire face aux embarras financiers, résultat de tant d’entreprises, et de poursuivre le cours de ses réformes, véritable toile de Pénélope qu’il recommençait sans cesse, entravé constamment par les énormes dépenses du roi, les fastueuses constructions de Versailles, de Trianon, de Marly, etc.

Des négociations laborieuses avec l’empire nous avaient mis en possession d’une partie de l’Alsace. Louis profita de la paix pour s’emparer successivement du reste, par une pression continue sur les chambres de réunion et le conseil souverain de l’Alsace. Enfin, l’occupation de Strasbourg (1681), ville libre et impériale, compléta ces usurpations nationales, mais suscita contre nous une nouvelle coalition, que l’invasion des Turcs dans l’empire empêcha d’éclater. L’Espagne seule essaya de lutter, et perdit encore quelques places dans les Pays-Bas. Une nouvelle trêve de vingt ans fut signée à Ratisbonne (1634). La Hollande et l’empereur y accédèrent bientôt. L’année précédente avait été marquée par une brillante campagne maritime de Duquesne dans la Méditerranée, contre les pirates barbaresques, par le bombardement d’Alger et par celui de Gênes (accusée de connivence avec les corsaires). Le doge de cette république fut contraint de venir à Versailles solliciter le pardon do Louis XIV, et, interrogé sur ce qu’il y trouvait de plus surprenant, il fit la fameuse réponse : C’est de m’y voir.

Louis était alors à l’apogée de sa gloire et de sa puissance. On lui avait décerné le titre de Grand; il était vraiment tout l’État, comme il l’avait dit ; tout ployait devant lui, noblesse, parlement, clergé même. Le tiers état avait perdu ses dernières libertés municipales ; l’établissement des intendants dans les provinces, la formation d’une centralisation de plus en plus despotique, le silence et l’obéissance passive imposés à tous les corps, à tous les individus, le culte de la royauté, de la personne royale, élevé à l’état de dogme, complétaient l’absorption de la nation, l’incarnation de tout un peuple dans un homme, lequel en était arrivé à un degré d’infatuation. dont il y a heureusement peu d’exemples dans l’histoire. Son absolutisme et son orgueil s’étaient manifestés dès le commence-