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nait entre ses mains, à une pareille époque, les destinées de la France. « Ce qui le frappe, dit un écrivain, c’est le nombre de révérences qui lui ont été faites à propos de la mort de sa belle-mère Marie-Thérèse ; ce qui l’intéresse, c’est le résultat de ses chasses au gros ou au petit gibier. Un soir, — et quelque grave événement s’était peut-être passé dans la journée, — il écrit tristement : « Rien. Pas chassé. » Tout lui était bon pourtant pour ses coups de fusil. Entre la digestion du déjeuner et l’appétit du dîner, il tuait plus de « deux cents hirondelles, » et il notait cet exploit avant de se mettre au lit pour s’endormir dans la conscience d’une journée bien remplie. C’est le Titus des chasseurs sauvages, et rien de plus.


LOUIS XVII (Louis-Charles de France), deuxième fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, né à Versailles le 27 mars 1785, mort à la tour du Temple le 20 prairial an III (8 juin 1795), âgé, conséquemment, de dix ans deux mois et douze jours.

Si nous plaçons la notice de ce malheureux enfant sous ce vocable Louis XVII, ce n’est pas, on le pense bien, que nous reconnaissions en droit son règne idéal. C’est uniquement pour nous conformer à un usage qui n’est d’aucune conséquence et pour ne pas faire un vide dans la série bourbonienne des Louis.

Le jeune prince reçut d’abord le titre de duc de Normandie, puis celui de dauphin après la mort de son frère aîné (4 juin 1789). Sa première enfance fut confiée aux soins de Mme de Polignac, puis de Mme de Tourzel. S’il en fallait croire ses biographes les plus enthousiastes, M. de Beauchesne, notamment, il montra, pour ainsi dire dès le berceau, les dispositions les plus extraordinaires et les qualités les plus touchantes et les plus aimables. « Il avait reçu en partage, dit le valet de chambre du roi, Hue, une figure céleste, un esprit précoce, un cœur sensible et le germe des plus grandes qualités. Dans un âge encore tendre, il faisait admirer la grâce et la finesse de ses reparties.» Et le bonhomme cite des exemples qui n’ont rien de particulièrement extraordinaire, et comme on en pourrait relever à peu près chez tous les enfants, si l’on prenait la peine de tenir registre de leurs mots et de leurs saillies. Un jour, notamment, le petit prince sifflait en étudiant sa leçon, et comme la reine l’en réprimandait : « Maman, répondit-il, je répétais ma leçon si mal, que je me sifflais moi-même. » Ceci n’a rien d’invraisemblable. Mais voici qui est tout à fait ridicule : « Un autre jour, ajoute M. Hue, dans le jardin de Bagatelle, emporté par la vivacité, il allait se jeter à travers un buisson de rosiers ; je courus à lui. « Monseigneur, lui dis-je en le retenant, une seule de ces épines peut vous crever les yeux ou vous déchirer le visage. » Il se retourna, et, me regardant d’un air aussi noble que décidé : « Les chemins épineux, me dit-il, mènent à la gloire ! »

Qu’un enfant de cinq ou six ans fasse une telle réponse, qu’on oserait presque appeler une gasconnade à la Henri IV, cela n’est pas absolument impossible ; mais, vraiment, il est permis d’en douter un peu. On en peut dire autant d’une foule d’autres mots à effet, de phrases théâtrales, de traits d’esprit, de réflexions attendrissantes ou profondes que l’on trouve dans M. de Beauchesne, dans l’ouvrage de Hue et dans une foule de compilations qui pullulèrent après le rétablissement des Bourbons. L’histoire du jeune prince est devenue une véritable légende que chacun s’est plu à enrichir, le plus souvent d’après des on dit de nourrices et de serviteurs, dont plusieurs s’étaient fait une industrie fructueuse de leurs souvenirs.

Sans nous arrêter à ces détails, qui font ressembler l’histoire au recueil des bollandistes, et qui d’ailleurs n’ont pas d’importance réelle, nous rappellerons que l’enfant, devenu dès lors le dauphin de France, suivit naturellement sa famille à Paris après les journées des 5 et 6 octobre, ainsi que dans la fuite de Varennes. La reine s’en servit volontiers dans les grandes circonstances comme d’une sorte d’égide contre la haine dont elle-même était l’objet, pour toucher le peuple, attendrir les âmes par le spectacle irrésistible de l’innocence malheureuse, enfin pour qu’on ne vît plus en elle que la mère. En octobre, elle le montra au balcon à la foule mugissante. Au retour de Varennes, la présence dans la voiture du pauvre petit innocent ne contribua pas peu à désarmer les colères. Au 20 juin 1792, lors de l’envahissement des Tuileries, elle l’avait auprès d’elle pendant le défilé du peuple, et, sur la demande de quelques femmes, elle le coiffa même d’un bonnet rouge, le mettant ainsi sous la protection de la liberté. L’enfant étouffait de chaleur sous cette lourde coiffure de laine ; Santerre la lui enleva. Ces scènes étranges et terribles, dont le petit dauphin s’était un moment amusé, l’avaient néanmoins vivement impressionné. Le lendemain matin, entendant le tambour au dehors, il s’écria, dit-on, avec une frayeur naïve ; « Maman, est-ce qu'hier n’est pas encore fini ? » Le 14 juillet suivant, on le revêtit d’un petit uniforme de garde national pour l’emmener à la cérémonie de la Fédération, au Champ-de-Mars. Le temps n’était plus où la reine affectait de ne voir cet uniforme qu’avec horreur et indignation. Après la révolution du 10 août, le dauphin fut enfermé au Temple avec sa famille. Il fut installé dans la chambre de sa mère et continua ses études sous la direction de Louis XVI, qui lui donnait des leçons de latin, d’histoire, de géographie, etc. Bientôt la Commune lui rendit, pour son service personnel, son valet de chambre Cléry. Tout ce qu’on a dit des persécutions subies par la famille royale au Temple mériterait un examen attentif et une analyse critique que notre cadre ne nous permet pas de faire ici. M. Louis Blanc, dans son Histoire de la Révolution, a déjà réfuté beaucoup de mensonges et réduit les exagérations à leur juste valeur. En ce qui touche le Petit Capet, on a pu d’autant mieux se donner carrière, qu’il existe peu de renseignements authentiques sur sa triste existence à l’intérieur du Temple. L’ouvrage de M. de Beauchesne (v. la notice ci-dessous) peut être considéré comme un roman historique, sans qu’on puisse discerner ce qui prédomine, du roman ou de l’histoire. Les écrivains royalistes ont rapporté mille anecdotes sur les mesures vexatoires dont les prisonniers étaient l’objet de la part des commissaires municipaux ; mais, outre que la vérification de la plupart de ces faits est impossible, faute de documents, il faut rappeler que, la Commune étant chargée, sous sa responsabilité, de la garde de la famille royale, il était bien nécessaire qu’elle prît quelques mesures de précaution. Au reste, et ce sont les royalistes eux-mêmes qui l’ont révélé, les intelligences entretenues avec le dehors, les tentatives d’évasion, les correspondances et autres intrigues poursuivies au moyen de municipaux gagnés, sont la meilleure preuve que cette surveillance, dont on accuse la rigueur, était encore bien incomplète et aurait pu se trouver insuffisante.

Après l’exécution de Louis XVI, le dauphin devint le souverain de droit, le roi de France, pour les émigrés et les insurgés vendéens ; et la reine multiplia du fond de sa prison, chose fort naturelle d’ailleurs, les intrigues les plus actives. On sait aujourd’hui, par les révélations des acteurs, combien, parmi ces « farouches » commissaires de la Commune, n’étaient que des agents royalistes. À l’article Marie-Antoinette, nous entrerons dans quelques détails à ce sujet.

Parmi les serviteurs et les surveillants subalternes que la Commune entretenait au Temple se trouvaient les époux Tison, qui furent remplacés au commencement de juillet 1793 par Simon et sa femme, auxquels on remit le petit dauphin, qui dut alors quitter sa mère. Simon était un bonhomme dont on s’est plu à rendre la physionomie horrible, mais sur lequel on sait, en réalité, très-peu de chose. Il était maître cordonnier dans la rue de l’École-de-Médecine (des Cordeliers) ; il avait été élu membre du conseil général de la Commune. C’était un patriote très-ardent, considéré dans son quartier, comme le prouve son élection. Lui et sa femme avaient, après le 10 août, recueilli et soigné des fédérés marseillais blessés à l’attaque du château. Les artistes, qui sont les plus grands inventeurs de légendes peintes et de fictions, nous l’ont représenté fabriquant des chaussures au Temple, maltraitant le petit Capet à coups de tire-pied, etc. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il n’exerçait pas son état au Temple et qu’il n’avait pas besoin de l’exercer, recevant comme traitement 500 francs par mois, ce qui était alors une somme beaucoup plus considérable qu’aujourd’hui.

Il avait été désigné par la Commune comme instituteur du dauphin. Sa candidature avait été appuyée par Robespierre. Quoi qu’on en ait dit, ce n’était pas un homme complètement illettré. Qu’il ait appris à son élève la Déclaration des droits et des chansons patriotiques, que même il lui ait fait porter le deuil de Marat, cela n’a rien d’impossible ; mais quant aux mauvais traitements dont il l’aurait accablé, il est vraisemblable qu’ils sont de pure invention, ou tout au moins monstrueusement exagérés. Il ne faut pas se lasser de répéter que les renseignements sérieux à cet égard sont presque nuls. Et quand M. de Beauchesne, par exemple, raconte minutieusement des scènes de brutalité qui se seraient passées entre Simon et le dauphin, sans aucun témoin, quand il entre dans tant de détails, on peut lui demander qui donc a pu lui fournir de tels renseignements, qui a pu si exactement l’instruire des faits, des gestes, des paroles et des moindres incidents. Au surplus, Simon, que l’on rend communément responsable de la maladie et de la mort du fils de Louis XVI, n’a séjourné que six mois au Temple. Obligé, par la loi sur le cumul, d’opter entre cette fonction, grassement rétribuée, et celle de membre du conseil de la Commune, qui était gratuite, il choisit cette dernière, ce qui annonce au moins du désintéressement. Il quitta le Temple le 19 janvier 1794. On sait qu’il périt sur l’échafaud après le 9 thermidor suivant (27 juillet), avec un grand nombre d’autres membres de la municipalité. V. Simon.

Louis XVII vécut donc encore dans sa prison dix-huit mois après le départ de Simon et près d’une année après son exécution. Qu’on remarque aussi que l’enfant n’était pas malade quand les époux Simon partirent.

Certes, le sort d’un enfant accoutumé à toutes les recherches du luxe, et plongé tout à coup dans une prison, séparé de ses parents, mis sous une discipline étrangère, ce sort est lamentable. Mais à cette époque, c’est-à-dire sous la Terreur, ce régime était moins dur qu’il le devint plus tard. Le petit captif avait un grand jardin pour courir, jouer aux quilles, au palet ; il avait une salle de billard, où il s’amusait souvent, des jouets nombreux, un bon régime alimentaire, etc. Et parmi les officiers municipaux, journellement et tour à tour de garde, il s’en rencontrait qui lui étaient sympathiques, ou qui du moins étaient d’honnêtes pères de famille, et qui occupaient les loisirs de leur ennuyeux service à lui procurer des distractions. Parmi les comptes de sa dépense, aux Archives, on trouve une quittance de 300 livres d’un horloger pour réparation d’un oiseau automate dont il s’amusait. Un enfant pour qui on faisait de telles dépenses pour réparation d’un simple jouet n’était pas traité aussi durement qu’on l’a dit, du moins à cette époque, au temps de Simon.

Après le départ de ce dernier, il n’eut plus de gardien spécial jusqu’au 29 juillet 1794, époque où on lui donna le nommé Laurent. Le régime aussi fut resserré. Le logement du prisonnier fut restreint à une pièce ; il ne communiqua plus avec sa sœur Marie-Thérèse ; et même il paraît, suivant l’assertion de cette dernière, qu’on l’empêcha dès lors de descendre au jardin et de se promener sur la plate-forme de la tour. Cette claustration produisit ses inévitables effets. L’enfant dépérit peu à peu. Réduit au régime cellulaire, à la solitude, privé de jeu et de distraction, laissé, par incurie ou stupide insouciance, dans la malpropreté, il se consuma rapidement. En février 1795, une commission de la Commune vint le visiter, fit appeler un chirurgien, et constata qu’il avait des tumeurs à toutes les jointures. Il passait alors toutes ses journées assis ou couché sur son lit, jouant machinalement avec des cartes et autres jouets épars autour de lui. Cette situation excita autant de pitié que d’indignation ; une commission de députés vint également vérifier l’état des choses, et des mesures furent ordonnées pour le faire cesser. Le 6 mai, le célèbre chirurgien Desault fut chargé de donner ses soins à l’ex-dauphin, auquel on ne pouvait plus arracher une parole, et qui mourut, comme on l’a vu plus haut, le 8 juin suivant. Par une fatalité étrange, Desault lui-même était mort à la fin de mai, et l’on avait dû le remplacer par Pelletan, chirurgien non moins célèbre. Toutes ces circonstances contribuèrent à faire naître des bruits d’empoisonnement. Mais l’autopsie, soigneusement faite, donna l’assurance que le malheureux enfant avait succombé à une affection scrofuleuse existant depuis longtemps, mais aggravée par le marasme et la claustration.

Il reste encore beaucoup de personnes convaincues que l’enfant mort au Temple n’était pas Louis XVII, mais un petit malade par lequel on l’avait remplacé. Quant au vrai dauphin, on l’aurait fait évader. Nous examinerons ce problème, qu’on n’a pas cessé d’agiter, dans l’article qu’on trouvera plus bas et qui est consacré aux faux Louis XVII. On y trouvera aussi divers détails que nous n’avons pas donnés ici, pour éviter des répétitions.

Louis XVII, sa vie, son agonie, sa mort, par M. A. de Beauchesne (Paris, 1853, 2 vol. in-12 ; 2e édit., 1867, in-8o, précédé d’une lettre de M. Dupanloup). Ce livre mérite peu l’attention de la critique et la confiance des lecteurs. C’est, en effet, un roman plus ou moins historique, et qui a juste autant d’autorité que ceux de M. Alexandre Dumas, toutefois avec moins d’intérêt et d’agrément. On pourrait même dire que, sauf les faits généraux et quelques détails, le récit a un caractère légendaire qui est bien de nature à fatiguer les plus robustes croyants. Cette histoire, ainsi embellie, dramatisée, dénaturée, semble un fragment détaché du recueil des bollandistes, un épisode de la Vie des saints.

Pour les choses essentielles, l’auteur a puisé dans les mémoires de Hue, de Cléry, de Turgy, de la duchesse d’Angoulême, ainsi que dans les Mémoires historiques sur Louis XVII, par Eckard (Paris, 1817), intéressant résumé des sources précédentes. Aux larges emprunts faits à ces ouvrages, qui déjà demandent à être consultés avec infiniment de précaution, à cause de leur caractère exclusif et partial, M. de Beauchesne a ajouté une foule de détails, les uns recueillis de la bouche de quelques vieillards, le plus grand nombre puisés on ne sait à quelle source. Des renseignements de cette nature, dont il est impossible de contrôler l’origine et la valeur, ne peuvent avoir aucune autorité, il est à peine nécessaire d’en faire l’observation, et à bien plus forte raison quand, d’autre part, on constate avec certitude que la plupart sont de pures fictions. En effet, non content de mettre sur les lèvres du pauvre enfant une foule de paroles tantôt très-touchantes, tantôt très-philosophiques, quelquefois même d’une profondeur étonnante, M. de Beauchesne raconte minutieusement une infinité d’incidents dont personne n’a pu être témoin, que personne n’a jamais pu raconter, oubliant d’apprendre à la postérité par quel merveilleux moyen il était parvenu à connaître, jour par jour, heure par heure, presque minute par minute, ce qui se passait dans une chambre fermée, verrouillée, et où l’enfant était le plus souvent seul. C’est ainsi qu’il nous montre le prisonnier accablé de souffrances, abandonnant son lit au milieu des ténèbres, se plaçant sur une chaise et passant le reste de la nuit les coudes appuyés sur la table et plongé dans les méditations les plus douloureuses. C’est ainsi qu’il décrit, avec une accablante richesse de détails, des scènes entre Louis XVII et Simon, les brutalités du geôlier, la résignation de la victime, la physionomie des personnages, les gestes, etc., sans qu’il soit possible d’imaginer par quelle voie ces renseignements lui sont parvenus, et quand il ressort de son récit même que la plupart de ces scènes n’ont eu aucun témoin.

Dans le fait, il a puisé un peu partout pour composer sa légende, et jusque dans les rapsodies publiées sous la Restauration, et qui n’ont pas la moindre valeur historique. Il accepte aussi comme des autorités les radotages de trois vieilles femmes qui avaient connu la veuve de Simon. Entraîné par sa piété royaliste, assurément fort touchante, il a tout accepté, il a tout compilé, sans contrôler et sans vérifier. Soumis à une critique sérieuse, son livre s’évanouirait en grande partie. C’est une œuvre de sentiment, ce n’est pas un travail historique dans le sens rigoureux du mot. Il contient cependant des recherches intéressantes ; mais il en faut opérer le triage avec autant de patience que de précaution. Au point de vue littéraire, l’ouvrage n’a que peu de valeur ; il est diffus, encombré de choses qui ne se rapportent qu’indirectement au sujet, de digressions, de précis sur les événements, etc. Il est à peine nécessaire d’ajouter que les jugements sur la période révolutionnaire sont inspirés par le plus aveugle esprit de réaction.

LOUIS XVII (les faux). On sait combien il s’est rencontré d’aventuriers pour jouer ce rôle, que le scepticisme moderne a rendu si ingrat. En effet, un trait caractéristique de notre époque, c’est que, d’une part, aucun de ces individus n’a réussi à baser sur ces prétendus droits une possession même temporaire, comme certains imposteurs du passé (v. imposteurs), et, d’autre part, qu’il n’en est aucun non plus qui ait pu en appeler aux armes ou même à de simples conspirations, aucun qui ait pu former un parti sérieux. Aussi, on n’a jamais eu à employer contre eux des moyens extrêmes, comme autrefois à l’égard des pseudo-Sébastien, des pseudo-Pierre, etc. On s’est borné ou à les chasser ou à les traduire en police correctionnelle, comme de vulgaires escrocs.

Mais le mauvais succès des premiers n’a pas découragé les autres ; il a pullulé des Louis XVII, et même on a déjà vu poindre des fils de Louis XVII ; les journaux, en effet, annonçaient dernièrement la mort, en Allemagne, d’un individu qui se donnait ce titre. C’est une nouvelle série de mystificateurs qui commence.

On comprend que nous ne pouvons discuter ici toutes les fables, toutes les légendes qui ont été mises en circulation par cette légion de prétendus fils ou petits-fils de Louis XVI. Il y a toute une littérature relative à ces personnages, à leur histoire supposée, aux preuves qu’ils prétendent donner de leur origine, à leurs réclamations, aux plaidoyers de leurs rares partisans, etc.

Cependant, comme des doutes ont été de nouveau émis sur l’épisode capital de cette histoire, nous ne pouvons nous dispenser de présenter à nos lecteurs une esquisse de l’état actuel de la question.

Des historiens très-graves, obsédés de ces doutes, ont de nouveau posé cette question :

L’enfant mort au Temple le 20 prairial an III (8 juin 1795) était-il réellement le fils de Louis XVI ou un enfant substitué ?

Parmi les écrivains qui hésitent à se prononcer pour l’affirmative et qui même penchent plutôt pour l’opinion contraire, il suffira de citer M. Louis Blanc (Histoire de la Révolution, t. XII, ch. IV, intitulé : Mystères du Temple), et l’historien allemand Frédéric Bulau, dans ses Personnages énigmatiques, histoires mystérieuses, etc. (t. III, trad. en français par W. Duckett, Paris, 1861).

Ces doutes sur la mort réelle du jeune prince au Temple, que nous ne regardons pas, quant à nous, comme sérieux, reposent sur une série de petits faits qui auraient, en effet, une certaine valeur, si la plupart n’étaient pas très-probablement romanesques.

On a prétendu que le gardien Simon, gagné par des émissaires du prince de Condé, avait emmené secrètement le jeune prince avec lui lorsqu’il sortit du Temple, après avoir résigné ses fonctions (19 janvier 1794). Un enfant muet aurait été substitué au fils de Louis XVI, qui, conduit d’abord en Vendée, puis à l’armée de Condé, aurait ensuite été confié à Kléber, qui en fit un de ses aides de camp en Égypte. Il avait alors quatorze ans. Il serait un peu plus tard passé en Italie avec Desaix, etc. On n’attend pas de nous, bien certainement, que nous discutions le récit des aventures de ce prétendant, ainsi que de tous les autres ; on trouvera tous ces détails dans les deux ouvrages que nous venons de citer, et on en trouvera une infinité d’autres, fort oiseux et bien évidemment pour la plupart mensongers, dans les divers plaidoyers en faveur de tel ou tel faux dauphin. Nous citerons ici les deux plus importants :

Intrigues dévoilées ou Louis XVII, dernier