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LOUR

Le temps avec lourdeur pèse sur l’homme oisif.

Rorou. Il Défaut de grâce légère, de délicatesse : La lourdeur du style, La lourdeur d’un dessin. La plaisanterie allemande n’est pas légère, mais elle prend une particulière lourdkur lorsqu’au lieu d’être écrite ou parlée, elle est peinte. (Th. Gaut.)

LOURDIE s. f. (lour-dl). V. lourdée.

LOURDIER s. m. (lour-dié). Sorte de matelas : Il print des préceptes d’Altalus de ne se coucher plus sur des LOuneiERS qui enfoncent. (Montaigne.) il Vieux mot.

— Grosse couverture de poils, que l’on donne aux prisonniers.

LOURDINERIE s. f. (lour-di-ne-rl). V. lourdée.

LOURDISE s. f. (lour-di-ze — rad. lourd). Défaut d’une personne lourde, lourderië : J’étais désolé de ma lourdise. (J.-J. Rouss.) Il Peu usité.

— Grosse étourderie : Commettre des lourdisbs.

LOURDOIS, OISE adj. (lour-doi, oi-zerad. lourd). Sot, imbécile, il Désagréable. H Vieux mot.

— s. m. Patois, langage du peuple : S’exprimer en son lourdois. Il Naïveté grossière.

LOURDOUE1X-SA1NT-P1ERRE, bourg et comm. de France (Creuse), cant. de Bonmit, arrond. et à 32 kilom. de Guéret ; pop. aggl, 1, 908 hab. — pop. tôt., 2, 0Û4 hab. Sur le territoire de cette commune, on voit un camp romain de 120 mètres de côté, dont l’agger est encore parfaitement conservé. Dans le pays, on nomme ces fortifications fossé de Châtres {castrum).

LOURDOUEIX (Jacques-Honoré Lelarge, baron de), publiciste et journaliste français, né au château de Beaufort (Creuse), en 1787, mort le 2 octobre 18G0. Il fit ses études au collège de Pontlevoy, et fut employé sous le gouvernement impérial dans les bureaux de la préfecture d’Anvers. Venu à Paris à la suite des événements de 1814, il concourut à la rédaction du Mercure et da la Gazette de France ; en même temps, il publia les Folies du siècle (1817, in-so), roman philosophique dont le succès lui valut l’appui de MM. Decazes et Laine, alors ministres. Attaché au journal le Spectateur, qui était destiné à soutenir la politique de ses protecteurs, il y collabora activement jusqu’au jour où M. Laine dut se retirer sous l’influence du centre gauche. Il se jeta alors dans l’opposition ultra-royaliste, et combattit la politique ministérielle dans la Gazette de France jus

? u’en 1821. Un ministère de la droite s’éiant

orme à cette époque, il fut appelé a la division des beaux-arts, sciences et belles-lettres, au département de l’intérieur, sous M. de Corbières, en qualité de directeur, reçut le titre de baron et fut créé chevalier, puis, le 29 octobre 1826, officier de la Légion d’honneur. La surveillance des journaux se trouvant dans ses attributions, de Lourdoueix fut nommé, en 1827, directeur du bureau de censure, fonctions qui lui ont été durement reprochées plus tard ; mais il quitta le ministère a la chute de M. de Villèle, c’est-à-dire du parti ultra et réactionnaire qui voulait supprimer la liberté « par des moyens légaux, » et faire revivre l’esprit et les institutions de l’ancien régime. Il refusa d’y rentrer quand M. de Peyronnet fut appelé, en 1830, au dé-’ partement de l’intérieur, À partir de 1828, de Lourdoueix était devenu le coopérateur assidu de son ami M. de Genoude, à la Gazette de France, et il se fit remarquer par sa polémique ardente. Il se plaça dès lors parmi les partisans de la légitimité qui prétendaient allier les traditions religieuses et monarchiques aux tendances philosophiques et libérales de la société nouvelle. En 1849, après la mort de M. de Genoude, avec lequel il avait mis en avant le principe de la souveraineté du peuple et réclamé le suffrage universel, il devint propriétaire et rédacteur en chef de la Gazette de France, où il continua jusqu’à sa mort de défendre, avec un talent mûri par l’expérience des événements, les traditions du savant traducteur de la Bible, son prédécesseur.

On a de Lourdoueix, outre les Folies du siècle, les Séductions politiques ou l’A » 1821, roman (Paris, 1822, in-8o) ; Restauration da la société française (1833, in-8o), ouvrage qui compte trois éditions et est précédé d’une lettre à M. de Genoude : De la vérité universelle, pour servir d’introduction à lapnilosophie du Verbe (iS3i, in-8o) ; la liaison monarchique (1838, in-8o), en collaboration avec M. de Genoude ; Élévations et prières (1847, in-12 ; 20 édit., 1850), ouvrage approuvé, dit le titre, « par notre, archevêque martyr, M6r Atfre, qui en a recommandé la lecture par acte officiel du 8 octobre 1847. ■ À ces écrits il convient d’ajouter plusieurs brochures politiques inspirées par la circonstance, entre autres celle qui est intitulée : Nouvelle phase, nouvelle politique (1850, in-8<>), et qui a pour but de s’élever contre l’alliance « hors des principes » des légitimistes et des orléanistes, de demander la révision de la’loi électorale du 31 mai, et le triomphe de la cause du trône et de l’autel par un appel au peuple. — Un fils du précédent. M, Paul dis Lourdoueix, est mort à Amélie-les-Bains le 23 juin 1868, à la suite d’une maladie dont il

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avait éprouvé les premiers symptômes en 1861, et qui l’avait brusquement éloigné à cette époque de la rédaction de la Gazette de France, où il avait succédé à son père au milieu des plus graves difficultés.

LOURDOUEIX (Sophie Tessier, veuve Pannier, dame de), femme du précédent, née à Paris le S juin 1793. Elle fut élevée dans un couvent, et épousa dès l’âge de dix-huit ans un commerçant, M. Pannier, que ruinèrent les désastres du premier Empire. Devenue veuve, elle se remaria avec M. de Lourdoueix, alors censeur royal. Quelques articles qu’elle fit insérer dans les journaux de l’époque l’encouragèrent à écrire des romans sous les initiales S. P. ou sous le nom de Sophie Pannter, entre autres : le Prêtre (1820, 4 vol. in-12) ; la Vieille fille (1821, 2 vol. in-12) ; Elisa Hivers, traduit de l’anglais (1823, 2 vol. in-12) ; Contes mythologiques (1823, 2 vol. in-12) ; Osmond (1823, 4 vol. in-12) ; l’Écrivain public ou Observations sur les mœurs-et les usages [recueillies par feu LeRagois] (1825, 3 vol. in-12), recueil de nouvelles qui obtint un des prix Montyon à l’Académie française. Outre des articles et nouvelles insérés dans divers recueils, on cite encore du même auteur : l’Athée (1836, 2 vol. in-8o), et Un secret dans le mariage (1845, 2 vol. in-8o), qui a pour suite le Fils de ses œuvres (1845, 2 vol. in-8<>). À partir de cette époque, elle a renoncé à’ce genre de littérature, et s’est bornée à publier quelques variétés dans la Gazette de France. — De son premier mariage, Mme de Lourdoueix avait eu une fille, Sophie Pannier, qui est devenue la femme d’un des rédacteurs de la Gazette de France, M. Brisset, et qui a inséré dans ce journal et dans la Mode divers articles sous le pseudonyme de Sophie des Nos.

LOURE s. f. (lou-re. — Ce mot se rapporte probablement au germanique : vieux Scandinave lûdr, sorte d instrument à vent, cornemuse, musette ; danois luur, flûte de berger. Ce nom germanique correspond exactement au sanscrit rudeâ, luth, de rud, se lamenter, pleurer, ce qui indique un instrument aux sons doux et plaintifs. Comparez le grec lura pour ludra). Cornemuse. Il Vieux mot.

— Chorégr. Sorte de danse grave à deux temps, d’un mouvement marqué : Danser une loure. Il Air sur lequel s’exécute cette danse.

— Encvel. La loure fut en usage au moyen âge et jusque vers le xvie siècle ; témoin ces deux vers de Ronsard :

Et moi j’ai perdu ma loure tout entière… Que Pernet déroba dedans ma panetière.

On donnait aussi ce nom aux airs destinés a cet instrument, qui, le plus souvent, étaient des airs à danser, notés à six-quatre, et dont le mouvement était assez lent. Aujourd’hui que la loure n’est plus en usage, le verbe lourer est resté au vocabulaire des musiciens, qui, dans le même sens, disent encore <■ jouer loure. a Ainsi, voilà un mot qui, après avoir été deux fois substantif, sest transformé en verbe, puis en adverbe. Placé en tête d’un morceau de musique, l’indication loure dit nettement que le virtuose devra nourrir les sons avec douceur et marquer la première note de chaque temps plus sensiblement que la seconde, quoiqu’elles soient de même valeur. Cette manière d’exécuter est encore en usage pour les pastorales et pour toutes les compositions qui ont le caractère rustique et montagnard.

LOURÉ, ÉE (lou-ré) part, passé du v. Lourer : Notes lohrées. Passage loure.

lourÉE s. f. (lou-ré). Bot. Genre de plantes, de la famille des légumineuses, tribu des héclysarées, comprenant plusieurs espèces qui croissent en Cochinchine et dans les lies de l’archipel Indien.

LOUREIRA s. m. (lou-rè-ra — de Loureiro, botan. portug.). Bot. Genre d’arbustes, rapporté avec doute à la famille des burséracées, et comprenant des espèces qui croissent en Cochinchine. Il Syn. de moginna, autre genre de plantes.

LOUREIRO (Joâo de), botaniste portugais, né en 1715, mort en 1796. Membre de l’ordre des jésuites, il se mit à voyager lorsque sa congrégation fut abolie, et visita l’Indo-Chine. On lui doit : Flora cochiuchinensis (Lisbonne, 1790, 2 vol. gr. in-4o)..

LOUREIRO (Manuel-Joseph-Gomez), historien portugais, né vers 1805. Admis dans l’administration, il est devenu conseiller d’État et député du conseil d’outre-mer. Nous citerons de lui : Mémoires sur les établissements portugais à l’est du Cap de DonneEspérance (Lisbonne, 1835, 111-40) ; Additions à divers mémoires relatifs à des particularités sur les établissements portugais à Macao (Lisbonne, 1836, in-4o).

LOURER, v. a. ou tr. (lou-ré — rad. loure). Mus. Lier, en parlant des notes ou d’un air, et appuyer sur le premier temps de chaque mesure : Lourer des notes, Lourer un air.

LOIJHESSE-HOCllEMEiMER, village et comm. de France (Maine-et-Loire), cant. de Douô-la-Pontaine, arrond. et à 23 kilom. de Saumur ; 854 hab. Dolmens à l’entrée do la forêt de Milly. Château de la Bourée, ancien

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prieuré de l’abbaye de Mélinais. Château de Launay, près d’un étang.

LOUREUR s. m. (lou-reur— rad. lourer). Mus. Joueur de loure, de cornemuse.

LOUR1CAL, bourg du Portugal, province de Beira., comarca et à 35 kilom. S.-O. de Coïmbre— 2, 992 hab. On y remarque trois églises, deux couvents et trois hôpitaux.

LOURINHAM, bourg du Portugal, province d’Estramaduve, comarca et à 17 kilom. N. de Torres-Vedras ; 2, 600 hab. Ce bourg, bâti dans une position charmante, possède un hospice, un hôpital et des habitations de plaisance. La campagne qui l’environne est délicieuse.

LOURISTAN ou LOURESTAN, anc. Clymaîs, contrée de la Perse, dans lo N. du Khouzistan et à l’E. du Kourdistan. Elle est presque entièrement couverte de montagnes dont les plus remarquables sont la Zerdkhouk et l’Uoubetikouh, et entre lesquelles s’ouvrent des vallées très-fertiles. Ce pays est partagé en grand Louristan à l’O., et en petit Louristan à l’E. Khorremabad en est la principale ville. Les habitants portent le nom de Loures, et se divisent en deux principales tribus : les Feïli, qui comptent 40, 000 guerriers, et les Bakhtiaris, qui en onf30, 000. Ils sont mahoniétans de la secte d’Ali.

LOURMEL (Frédéric-Henri Lenormandde), général français, né à Pontivy en 1811, mort en Crimée en 1854. Élève de l’École Saint-Cyr (1828), il passa en 1841 en Algérie, où il se distingua en maintes expéditions, devint colonel en 1849, commanda cette même année une des colonnes d’assaut à la prise de Zaatcha et prit part, l’année suivante, à l’expédition de la grande Kabylie. Peu après, de Lourmel devint aide de camp de Louis-Napoléon, alors président de la République, qui le nomma général de brigade en 1852. Lorsque la guerre d’Orient éclata, il reçut un commandement dans l’armée expéditionnaire, se conduisit de la façon la plus brillante à la bataille d’Inkermann et fut mortellement blessé ce jour même (5 nov. 1854), en poursuivant les Russes jusque sous les murs de Sébastopol. Il avait publié : Mise en valeur des landes de Bretagne pour le défrichement et l’ensemencement des bois (Paris, 1853).

LOUROUX-RECONNAIS (le), bourg de France (Maine-et-Loire), chef-lieu de canton, arrond. et à 27 kilom. N.-O. d’Angers, sur un plateau entouré de bois et de nombreux ruisseaux qui forment de vastes étangs ; pop. aggl., 777 hab. — pop. tôt., 2, 908 hab. Commerce de chevaux, bestiaux, volailles, grains, cidre. Cette commune est traversée pur la voie romaine de Rennes à Angers, que l’on peut suivre encore sur une longueur de 145 mètres. Sur le bord de ce tronçon de voie se distingue une enceinte carrée dite les Châteaux, formée d’un fossé et d’une levée de terre de 3 mètres de hauteur sur 5 mètres de largeur. On remarque aussi àLourouxles ruines de l’abbaye de Pontron, de l’ordre de Clteaux, fondée en 1134 par Foulques d’Anjou.

LOUS (le), contrée de l’Asie moderne, dans le Beloutchistan, entre le Djalaouan, au N., et le Sindh ; elle mesure 200 kilom. de longueur sur environ 100 de largeur ; chef-lieu, Bêla.

LOUS s. m. (lo-uss). Chronol. anc. Dixième mois du calendrier macédonien.

LOUSSEAU s. m. (lou-sô). Mar. Petite cavité ménagée dans le fond d’une embarcation dépourvue de pompe, pour recevoir les eaux. || On dit aussi losse, loussec et lousset.


LOUSTALLOT et non LOUSTALOT (Élisée), publiciste, né à Saint-Jean-d’Angely en décembre 1761, mort le 19 septembre 1790. Il était fils d’un avocat distingué ; il suivit la même carrière, fut reçu à Bordeaux, et vint se faire inscrire au barreau de Paris au commencement de 1789. Il paraît qu’il écrivit quelques brochures et fit des traductions de l’anglais. Dès le début de la Révolution, il se jeta dans le mouvement et fut un des orateurs des rassemblements du Palais-Royal, le rendez-vous de la jeunesse patriote.

Prudhomme l’avait apprécié, dit-on, en l’entendant plaider au palais. Il l’attacha à son journal, dont il fut le rédacteur principal jusqu’en septembre 1790, c’est-à-dire pendant près de quatorze mois. On sait quel fut le succès inouï de cette feuille, dont certains numéros eurent jusqu’à dix éditions et plus. C’est dans ce sens qu’on a pu dire qu’elle tirait à 200, 000, ce qui, pour le temps surtout, serait prodigieux. Mais sans doute qu’il n’en fut pas de même pour tous les numéros.

Quoi qu’il en soit, c’était le journal le plus répandu. Il était hebdomadaire, et chaque numéro formait une brochure in-8o de 48 pages très-compactes et très-serrées. V. Révolutions de Paris.

Loustallot y rédigea, jusqu’à sa mort, ce que nous appelons aujourd’hui les articles de fond, avec la passion qui était alors dans tous les esprits, mais avec autant de gravité que de modération et de sobre énergie. Ce n’est point par l’éclat littéraire qu’il se distingue, mais par la force du raisonnement, la gravité judicieuse, la sincérité, la dignité de sa polémique, le soin avec lequel il évitait les excès de langage au milieu de luttes si ardentes, enfin par son éloignement des théories abstraites, sa sollicitude très-politique pour les questions positives, pratiques et les besoins de chaque jour.

Lamartine, qui l’a deviné plutôt qu’étudié, a dit de lui : « Il avait ce caractère excessif et ombrageux du républicain probe et désintéressé qui conquiert l’estime du peuple en lui disant des vérités quelquefois sévères et en ne flattant que ses passions honnêtes. Les factions, les séditions, les crimes du peuple lui faisaient horreur ; mais plus philosophe que politique, il s’armait contre toute-espèce de force, comme si toute force eût été une tyrannie. Loustallot, par son enthousiasme, par son honnêteté, par ses illusions même de jeunesse, répondait complètement à la majorité de la France en ce moment : il popularisa des erreurs, jamais des crimes. Il eut un auditoire immense, et tel qu’il n’en exista pas un pareil pour un écrivain politique. »

La libertê de la presse eut en lui un défenseur énergique et constant ; il la voulait pour ses adversaires comme pour ses amis, et il défendit avec la même vigueur contre les persécutions l’Ami du peuple et l’Ami du roi, et jusqu’aux Actes des apôtres, qui cependant couvraient les patriotes d’insultes et de calomnies.

On connaît son éloquent appel aux publicistes patriotes pour les engager à la résistance contre les tentatives de corruption et contre les persécutions du despotisme. Si le gouvernement, dit-il en substance, voulait consommer l’attentat d’écraser la presse, d’éteindre la pensée, beaucoup d’écrivains baisseraient la tête ; mais quelques-uns sans doute opposeraient la plus vigoureuse résistance.

« S’il en reste un seul qui soit tout à la fois intrépide et inflexible, qui ne craigne ni les coups de l’autorité, ni le couteau des lois, ni les fureurs populaires, qui sache être au-dessus des honneurs et de la misère, qui dédaigne la célébrité, et qui se présente quand il le faut pour défendre légalement ses écrits, ah ! qu’il ne cesse d’abreuver l’esprit public de la vérité des bons principes, et nous lui devrons la Révolution et la liberté ! Écrivains patriotes, voyons qui de nous cueillera cette palme ! Qu’il serait glorieux d’être vaincu ! »

Il proposait, dans ce numéro (n° 49), une sorte de pacte fédératif entre les écrivains, un engagement de défendre la liberté jusqu’à la mort.

L’inflammable Camille Desmoulins et Marat répondirent avec enthousiasme à cet appel, qui trouva un écho dans toutes les feuilles patriotiques.

Il n’est pas nécessaire d’ajouter que, dans toutes les questions qui se présentèrent, Loustallot se prononça énergiquement dans le sens des principes de la Révolution. Bien que ses articles ne fussent point signés et que sa modestie dédaignât la célébrité à laquelle il avait droit ; bien que le journal qu’il avait placé au premier rang par son talent et son patriotisme n’eût guère mis en lumière que le nom de Prudhomme, c’est-à-dire du libraire qui le publiait, il avait acquis personnellement une grande autorité parmi les écrivains-patriotes.

Mais ce travail incessant, les émotions de chaque jour, son excessive sensibilité, la crainte de voir la cause populaire vaincue, la tristesse que lui causait chaque événement défavorable à la cause qu’il servait, la préoccupation virile des affaires publiques, avaient altéré sa santé délicate. La nouvelle du massacre de Nancy lui porta le coup mortel ; il crut la liberté perdue, la France destinée à s’abîmer dans la guerre civile. Il tomba gravement malade quelques jours après, au commencement de septembre 1790. Le bruit courut qu’il avait été empoisonné ; mais sa maladie fut classée comme fièvre putride. La souffrance morale avait sans aucun doute été pour lui une prédisposition funeste. Il mourut le 19, avant d’avoir atteint sa vingt-neuvième année. Il y eut une véritable explosion de douleur. Les jacobins, les cordeliers, nombre de sociétés populaires en province votèrent un deuil de trois jours. Sur le bord de sa fosse, Legendre, le boucher patriote, proféra quelques paroles énergiques, en jurant que le massacre de Nancy serait vengé. Camille Desmoulins prononça devant les jacobins l’éloge funèbre du noble publiciste, du courageux champion que perdait la cause populaire. Fréron et Brissot déplorèrent en termes touchants cette mort prématurée. Enfin Marat écrivit à ce sujet une page admirable. Après avoir critiqué, mais avec bienveillance, la modération du jeune écrivain, il concluait ainsi :

« Doué d’un esprit calme, juste, méthodique, mûri par le temps, il eut été merveilleusement propre à former à la liberté un peuple nouveau. Chez une nation heureuse, sa perte eût été sensible ; elle eût été douloureuse chez une nation opprimée ; mais chez une nation menacée de la servitude, sa perte est amère et cruelle. Chère patrie ! ce n’est donc pas assez qu’environnée d’ennemis implacables tu sois menacée par les uns, déchirée par les autres ; fallait-il encore que l’aspect de tes enfants égorgés fît mourir d’effroi l’un de tes plus zélés défenseurs !… Tant que le soleil éclairera la terre, les amis de la liberté se souviendront avec attendrissement de Loustallot ; leurs enfants béniront chaque jour sa mémoire, et son nom, inscrit dans les fastes glorieux de la Révolution, passera avec éloges jusqu’à nos derniers neveux. Ombre chérie et sacrée, si tu conserves encore quelque