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rait-il fallu, pour se servir d’un tel instrument, un esprit droit, méthodique et façonné à la spéculation métaphysique. Raymond Lulle n’avait aucune de ces qualités. Il avait commencé à étudier le mécanisme do la pensée, ou plutôt à se défaire d’une ignorance absolue, à l’âge de trente ou quarante ans. C’est un âge où il faut avoir acquis l’habitude de penser. Il est trop tard pour l’acquérir désormais : l’âme a pris son pli. Raymond Lulle n’arriva, en effet, qu’à 1 érudition. Il parvint à donner, un moment, le change aux. esprits superficiels. La matière de son argumentation en impose ; mais quand on l’examine de près, on découvre bientôt que toute cette métaphysique est une mauvaise contrefaçon d’Aristote. Ses classifications sont aussi purement artificielles. Il a neuf catégories de l’être et neuf classes d’attributs, et cela sans qu’on aperçoive d’autre motif de cette division que parce que le chiffre neuf est sacramentel et adopté par les alchimistes et les docteurs des sciences occultes. De plus, il n’estmême pas probable que Raymond Lulle soit l’auteur de son Ars magna. Il l’a emprunté aux Arabes ou à la cabale juive. Son génie compilateur et léger n’était pas dénature à se prêter à des éïucubrations aussi compliquées. Il y a encore un moyen d’expliquer 1 invention de ce monomane, c’est de l’attribuer au Saint-Esprit, procédé auquel ont eu recours quelques lullisies effrénés. Sa méthode d’argumenter parvint à grand’peine à s’acclimater dans quelques rares établissements d’Espagne, de France et d’Italie. Nulle part elle n’a pu s’implanter d’une manière définitive. La Sorbonne protesta : la méthode employée par les docteurs et les Pères de l’Église n’est pas si compliquée et n’en vaut que mieux, disait-elle : L’observation était juste. Mais la Sorbonne aurait dû faire le même raisonnement à propos des autres méthodes scolastiques. Cependant il est certain que si Raymond Lulle n’a pu parvenir à imposer son Ars magna, il a exercé sur le développement ultérieur de la philosophie scolastique une influence importante. La méthode syllogistique, si sèche et si stérile, des trois siècles qui ont suivi sa mort s’est évidemment inspirée de lui. Il a même eu quelques disciples qui ont laissé leur nom à la postérité. Les principaux sont Raymond de Sébonde, qui a eu l’honneur d’avoir"Montaigne . pour traducteur ; Politien, Cardan, Cornélius Agrippa, et surtout Jordano Bruno, qui essaya de refaire l’Ars magna, et le commenta longuement dans plusieurs de ses ouvrages. Leibniz lui-même a défendu Raymond Lulle contre les rigueurs de Bacon. Au fond, il

  • n aimait pas Raymond Lulle, mais il méprisait

encore bien plus la méthode empirique et terre à terre du philosophe anglais.

Il n’y aurait guère à s’occuper des autres écrits de Raymond Lulle, si l’on n’avait cru découvrir dans son arbre des sciences l’idée de la classification faite plus tard par Bacon. Lulle divise les sciences en quatorze parties figurées par autant d’arbres ; il est vrai que ces arbres ont des noms singuliers. Il y a l’arbre de la Vierge Marie, 1 arbre angélique, l’arbre apostolique. L’arbre apostolique a pour racines les vertus théologales, pour branches les cardinaux, et pour feuilles les sept sacrements.

Raymond a néanmoins joui, jusqu’à la Renaissance, d’une immense renommée. Elle est à peu près éteinte aujourd’hui j il ne figure plus que dans le nôcrologe de la pensée, et n’y figure même qu’à un rang secondaire.

« Pur ses actes et ses écrits religieux et philosophiques, dit E.-J. Delécluze, Raymond Lulle a laissé le souvenir d’un homme qui, joignant l’héroïsme à l’étourderie, ne fut qu’un fou sublime de la nature de don Quichotte. Que lui reste-t-il donc aujourd’hui qui puisse préserver son nom de l’oubli ? Précisément ceux de ses travaux que les admirateurs fanatiques de son Grand art et de son martyre désiraient si ardemment voir retranchés de ses œuvres. Ce sont ses nombreuses expériences de chimie, ses tentatives pour opérer la transmutation des métaux, efforts qui lui assignent une place éminente parmi les adeptes de la science hermétique, depuis Gaber jusqu’à Parucelse. Les expériences chimiques de Raymond Lulle sont loin sans doute d’offrir, dans leur ensemble et leurs résultats, un corps de science lumineux et complet ; toutefois, si insuffisants qu’ils paraissent, ces essais ont certes donné à la chimie la première impulsion régulière, en imposant, à ceux qui s’occuperaient de cette science à l’avenir, l’obligation de ne procéder que par la voie de l’expérience. Après avoir lu les volumineux traités de Raymond Lulle, il est difficile d’extraire de ces ouvrages, écrits dans un style diffus, de pure convention, et peut - être embrouillé à dessein, un simple passage qui renferme un sens net et facile à saisir ; mais quand on parvient enfin à saisir, par intervalle, quelques lueurs, et qu’au lieu de s’attacher à la lettre de ses ouvrages, ou cherche l’esprit qui y domine, on est surpris d’y trouver quelques idées générales pleines de grandeur, épurses confusément dans l’ensemble, que l’on retrouve toujours néanmoins, et dont la haute portée semble jeter le défi à la scieuce de nos jours. »

LULLE (Antoine), grammairien espagnol, de la même famille que le précédent, né dans l’Ile de Mnjorque vers 1510, mort à Besançon

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en 15S2. Il vint professer la théologie à Dôle, puis fut vicaire général de l’archevêque de Besançon. C’était un remarquable érudit à qui l’on doit trois ouvrages estimés sur la rhétorique et la grammaire : Progymnasmata rhétorica (Bâle, 1550-1551, in-8») ; Basilii. Magni de exercitaiione grammaiica (Bâle, 1553, in-8°) ; Deoralione libri V//(Bàle, 1553, in-fol.), ouvrage contenant les préceptes d’Hermogène, d’Aristote, de Cicéron, etc.

LULLI (Jean-Baptiste), célèbre musicien et compositeur du xviic siècle, né à Florence en 1633, mort à Paris en 1087. C’est, avec Lambert, une des physionomies originales du grand siècle. D’abord aide des cuisines de M’e de Montpensier, il put un jour faire dire impunément à Louis XIV qu’il était le maître de s’ennuyé’r, en attendant qu’il lui plût, à lui, Lulli, de commencer un opéra. Ce rapprochement entre son point de départ et son arrivée montre assez quelle fut la fortune de ce rusé Florentin. Né de parents nobles suivant les uns, simple fils d’un meunier suivant d’autres, il raclait de la guitare, tout enfant, lorsque sa mine intelligente fut remarquée par le duc de Guise, qui voyageait en Italie. Le duc l’amena en France et en fit cadeau, comme curiosité, à M"« de Montpensier, qui, après s’en être amusée quelque temps, le relégua dans ses cuisines. Le petit musicien ne s’en exerçait pas moins, aux heures perdues, sur un violon qu’il s’était procuré, on ne sait comment. Un" jour, au lieu de surveiller ie rôti confié à ses soins, Baptiste, qui se livrait à des improvisations dans lesquelles il jetait tous ses heureux instincts, toute sa verve, vit soudain entrer à l’office le comte de Nogent. Le premier regard du visiteur fut adressé au rôti, complètement brûlé ; le marmiton coupable baissait la tête et attendait, en tremblant, la punition inévitable, lorsque, au contraire, le gentilhomme le prit par la main, sans lui adresser un reproche, et l’amena devant M11» de Montpensier, à laquelle i ! vanta chaleureusement le talent qu’il avait inopinément découvert. M1’1" de Montpensier, revenue de sa première surprise, lui fit donner des leçons, et le petit Baptiste fut bientôt admis au nombre des musiciens de sa maison. Malheureusement, son esprit satirique ie poussa à écrire et à mettre en musique des couplets assez mordants à l’adresse de sa protectrice, qui lui signifia son congé. Toutefois, il était déjà suffisamment connu pour se passer de protection ; il était réputé bon musicien et bon compositeur, puisque, dès cette époque, on lui attribuait la paternité d’un morceau resté bien populaire, et que n’ignore peut-être personne en France, le fameux air : Au clair de la lune. Lulli se fit recevoir dans la bande des violons de la chambre du roi, et composa quelques airs qui plurent à Louis XIV, Le monarque se lit présenter l’auteur et lui confia l’organisation d’une nouvelle compagnie d’exécutants, qui furent appelés les petits violons du roi, pour les distinguer de la première, connue sous le nom de la grande bande. Lulli n’avait pas encore dix-neuf ans. C’était une école à former ; mais notre Florentin déploya tant d’ardeur et de ténacité, que la grande bande, jusque-là réputée hors ligne et contrainte, par son brevet, d’éclipser tous les autres violonistes, fut complètement battue par la jeune troupe, pour laquelle Lulli, avec son génie original et inventif, composa une foule de symphonies, airs de danse, gigues, sarabandes, qui charmèrent la cour. Louis XIV, enthousiasmé, voulut que tous les divertissements et ballets destinés à ses plaisirs particuliers fussent réglés et mis en musique par le jeune maestro. Le ballet à’Alcidione, dont Benserade avait fait les vers, fut un des premiers qu’il régla ; le Ballet des arts, l’Amour déguisé, le divertissement de la Princesse d’Elide. accrurent encore sa renommée. De la représentation de cette dernière pièce date sa liaison avec Molière, dont il resta longtemps l’ami et le collaborateur. 11 ne se contentait pas d’écrire la musique des divertissements ; il jouait quelquefois un rôle dans les pièces du grand comique, et se faisait remarquer par sa verve et sa bouffonnerie. Il parut ainsi dans Monsieur de Pourceuugnac, et joua ie rôle du mufti dans le Bourgeois gentilhomme (1669-1670). Sa faveur était alors au comble ; il était devenu indispensable aux plaisirs de Louis XIV et de la cour, et lorsque le monarque voulut fondera Paris une salle d’opéra, genre de spectacle qui lui agréait le plus, c’est à Lulli qu’il conféra le brevet d’exploitation ; comme chez celui-ci l’artiste était doublé d’un spéculateur habile, il sut parfaitement se tirer d’affaire. Des lettres patentes de Louis XIV lui assurèrent, sa vie durant, la direction de l’Académie royale de musique, et, afin d’éviter toute contestation avec les précédents cessionnaires d’un semblable privilège, le marquis de Sourdeac et l’abbé Perrin, il lit construire un nouveau théâtre rue de Vaugirard. Le 15 novembre 1672, la nouvelle salie lut inaugurée par les Fêtes de l’Amour et de Bacchus, opéra do Lulli et de Quinault ; des seigneurs de la cour, entre autres le grand éeuyer et M. de Villeroy, dansèrent dans le divertissement. À cette époque, la salle du Palais - Royal étant devenue vacante par la mort de Molière, Lulli no tarda pas à y émigrer avec sa troupe.

De cette époque date sa plus grande gloire. En 1673 parut Cadmus, tragédie lyrique en

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cinq actes»(poSme de Quinault), dans laquella le compositeur déploya toute la puissance de son invention. Puis suivirent : Alceste (1674) ; Thésée (1675) ; Atys (1676) ; lsis (1677) ; Psyché (1678) ; Bellérophon (1679) ; Proserpine (lôSO) ; Orphée (1680) ; le l’riomphe de l’amour UGSlk Persée (1582) ; Phaéton (1683) ; Amadis (1684) ; Roland, l’Idylle de la paix et YEglogue de Versailles (1685) ; le Temple de la pais (1685) ; Armide (1686) ; Acis et Galatée (1687). Ses ballets et intermèdes sont au nombre de vingt-cinq, dont huit en collaboration avec Molière : la Princesse d’Elide, le Mariage forcé, la Fête de Versailles, l’Amour médecin, Monsieur de Pourceaugnac, le Ballet de Chambord ou le Bourgeois gentilhomme, le Ballet des nations, suite du Bourgeois gentilhomme, et Psyché. Quant à la musique religieuse de Lulli, elle " offre peu d’intérêt, quels que soient les éloges qu’ait prodigués à deux pièces de ce genre Mme de Sévigné, dans sa lettre du 6 mai 1672 sur les obsèques du président Séguier.

Il est assez difficile aujourd’hui de juger, dans Lulli, le compositeur ; ses opéras, qui enthousiasmèrent la cour île Louis XIV et parurent alors le comble de l’art, n’ont plus pour nous la moindre saveur. Les poèmes de Quinault sont restés et peuvent être encore lus avec plaisir ; il en est tout autrement de la musique du Florentin. Quoique ces opéras soient tous en cinq actes, ils sont généralement fort courts ; 1 acte ne se compose que de quelques scènes, les airs sont d’une brièveté singulière, deux phrases généralement font à elles seules une mélodie : presque toujours un récitatif, assez bon, mais monotone et sans rhythme, fréquemment coupé par des tenues, une mélopée aux allures roides et solennelles, dans laquelle la musique ne sert qu’à mettre en relief l’accentuation du mot, et quelques chœurs d’une simplicité primitive. De temps à autre, un duo dialogué ou marchant à la tierce et à la sixte, d’un mouvement toujours noble et compassé, où la passion n’a jamais jeté son cri ni son impétueux désordre ; une vraie musique d’étiquette. Lulli n’a rien ajouté à l’art musical tel qu’il existait à son époque ; il n’a ouvert à la mélodie aucun nouvel horizon ; il a pris à Carissimi sa simplicité d’orchestration, à Cavalli la coupe de ses airs,

et il a approprié ses emprunts à la majesté de son siècle. Son œuvre n’est qu’une longue déclamation mesurée, où la note suit mot à mot la parole, sans oser rompre la marche sévèrement réglée du vers. L’instrumentation du musicien paraît aujourd’hui bien pau- ■ vre. Aux violons, violes, basses de viole et hautbois se bornaient alors toutes les ressources orchestrales du compositeur ; et encore ces instruments se contentaient-ils de suivre les voix, hasardant à peine, de temps à autre, quelque trait d’agrément ou bien encore, innovation immense, terminant par quelques mesures supplémentaires ou une ritournelle finale l’air principal, telle que la phrase de violon qui clôt la grande scène d’Armide. Du reste, Lulli n’écrivait que le chant et la basse de ses opéras. Lalouette et Colasse, ses élèves et batteurs de mesure à son théâtre, remplissaient les parties d’orchestre d’après ses indications.

Lulli n’en fut pas moins un génie créateur ; non-seulement il créa l’opéra en France, mais lui seul eut tout d’abord l’art de le faire prospérer, et, dès sa mort, l’Académie royale tomba en pleine décadence, au point d’inquiéter Louis XIV, fort soucieux de ses plaisirs. Lulli mourut le 22 mars 1687, des suites d’une blessure qu’il se fit au pied, en battant la mesure avec sa canne, pendant l’exécution d’un Te ûeum qu’il faisait chanter aux Feuillants, à la suite d’une convalescence de Louis XIV. Un abcès se déclara et la plaie prit tout de suite un caractère si grave, que l’on conseilla au malade de se faire amputer ; un charlatan, abusant de la générosité de M. de Vendôme, qui lui avait promis 2,000 pistoles s’il guérissait le compositeur, vint arrêter les efforts des médecins et tua Lulli avec son empirisme extravagant.

On a raconté sur ce personnage, si célèbre pendant un demi-siècle, bon nombre d’anecdotes curieuses qui peignent l’homme. Homme de plaisir ; et, s il faut croire les mauvaises langues, fort débauché, il manqua bien des fois de passer de vie à trépas, avant la crise finale qui le mit au tombeau. Dans une de ses ; maladies, comme son état désespérait les mé- | decins, son confesseur exigea, avant de le : réconcilier avec le ciel, qu’il mît au feu le manuscrit i’Armide, œuvre considérée alors comme enchanteresse et corruptrice. Le moribond s’y décida, avec bien des lenteurs et des hésitations. Presque aussitôt, le prince de Conti vint lui faire visite, et le prêtre, tout fier de sa victoire, lui apprit l’auto-da-fé qu’il venait de faire. « Ehl mon pauvre Baptiste, s’écria le prince, comment as-tu pu brûler un ouvrage qui t’avait coûté tant de peine ?-Tranquillisez-vous, monseigneur, lui dit à l’oreille le rusé compère ; je savais bien ce que je faisais, j’en ai gardé un double. » Au cours d’une autre maladie, ou peut - être de la même, sa femme, la fille du musicien Lambert, qu’il avait épousée en 1662, persuadée que c’était l’ivrognerie qui l’avait mis dans cet état, en faisait des reproches au chevalier de Lorraine, avec lequel le compositeur J avait fait sa dernière débauche. Lulli se sou- ! leva péniblement sur ses oreillers pour lui | dire : « Tais-toi, ma chère femme ; si j’en réchappe, c’est le chevalier qui m’enivrera le i

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premier, » Spirituel, convive amusant, buveur

insatiable, raillant vivement et supportant

également toutes les plaisanteries, il était fort

recherché des grands seigneurs, mais’il se fit

aussi beaucoup d’ennemis. Boileau ne paraît

pas l’avoir fort estimé. C’est sur lui qu’il a

fait ces vers :

En vain par 6a grimace un bouffon odieux

A table nous Tait rire et divertit nos yeux,

Ses bons mots ont besoin de farine et de plâtre ;

Prenez-le tête à tête, ôtez-lui son théâtre,

Ce n’est plus qu’un cœur bas, un coquin ténébreux ;

Son visage essuyé n’a plus rien que d’affreux.

Boileau n’est pas le seul qu’il l’ait ainsi livré à la satire, La Fontaine, cet excellenthomme, qui n’eut jamais de méchanceté dans le cœur, s’est plaint d’avoir été volé par lui : « Je me suis laissé enquinauder, » écrit-il plaisamment à la duchesse de Bouillon, marquant par là que Lulli lui avait joué un de ces tours dont il était coutumier envers Quinault, c’est-à-dire de laisser les autres prendre la peine et de récolter pour lui tout l’argent. Sénecé, victime également d’une de ses fourberies, l’a représente comme un homme perdu de débauches et de vices ignobles. En admettant qu’il y ait dans tout ceci quelque exagération, il reste néanmoins sur la personne de Lulli, sinon sur son talent, indiscutable pour l’époque où il parut, un assez mauvais vernis. Molière pourtant aimait son genre d’esprit et lui disait souvent : « Allons, Baptiste, viens nous faire rire. » Lors de la représentation à Versailles de l’opéra-ballet, le Temple de la paix, Lulli s’aperçut, au moment du lever du rideau, que le décorateur, trop soucieux de la couleur locale et se croyant à Athènes, avait peint une chouette au fronton du temple. Vite, il faut effacer le malencontreux oiseau et le remplacer par un soleil ; mais on n’a pas de peintre sous la main, it faut courir par tout le palais et le premier coup de pinceau est à peine donné, qu’un gentilhomme de la chambre vient prévenir Lulli que Sa Majesté est prête et va attendre. Le maestro demande quelques minutes de répit ; mais le temps s’écoule rapidement, et à deux ou trois reprises un nouveau messager vient se faire l’interprète de l’impatience toujours croissante du monarque. « Le roi attend 1 • lui’dit sévèrement le gentilhomme de service. « Il en est bien le maître, répond Lulli ; qu’il attende tant qu’il lui plaira. »

LULLI (Louis de), musicien français, fils aîné du précédent, né en 1664, mort en 1736. On lui doit : Zéphire et Flore, ballet héroïque (16SS), en collaboration avec son frère Jean-Louis ; Orphée, tragédie lyrique, en collabo■ ration avec son frère Jean-Baptiste (1690) ; Alcide, en collaboration avec Marais (1633) ; les Saisons, ballet, avec Colasse (1695) ; ie Triomphe de la Maison, cantate (1703).

LULLI (Jean-Baptiste de), musicien et prélat français, frère du précédent et second fils du grand Lulli, né à Paris en 1665, mort en 1701. Destiné par sa famille à la carrière ecclésiastique, " il fit ses études théologiques au séminaire de Saint-Sulpice ; puis Louis XIV lui donna l’abbaye de Saint-Ililaire, près de Narbonne. Avant d’entrer au séminaire, il avaitcomposé avec son frère Louis l’opéra d’Orpliée.

LULLI (Jean-Louis de), musicien français, frère des précédents et troisième fils du fameux Lulli, né en 1667, mort en 16SG. Il a composé, en collaboration avec Louis, son frère aîné, la musique du ballet Zéphire et Flore, représenté en 1GSS.

LU LU 1UÎ (Charles-Ernest), officier de marine et écrivain français, un des chefs du mouvement du 18 mars, né à Mirecourt (Vosges) en 183S. Admis à l’École navale en 1854, il fut nommé aspirant en 1856 et enseigne en 1860. À cette époque, iladressait secrètement, de l’escadrtj qui stationnait devant Gaete, une correspondance à un journal de l’opposition. En 1861, à’ia suite d’une querelle avec son capitaine, à bord du vaisseau la Licorne, Lullier fut envoyé en France et mis en retrait d’emploi. Deux ans plus tard, il se portait sans succès candidat à la députation dans le Finistère. Rappelé à l’activité en 1864, il se vit, par suite de nouveaux actes d’indiscipline, mis de nouveau, en 1805, en non-activité. Toutefois, le 6 juillet 1867, il obtint d’être rappelé à l’activité et fut envoyé en (Jochinchine, à bord du Fleurus. Sou humeur inquiète, son esprit indiscipliné ne tardèrent pas à lui attirer l’antipathie de son commandant, qui le frappa de plusieurs punitions disciplinaires ; puis, sur l’ordre du gouverneur

de la Cochiuchine, il fut traduit devant un conseil d’enquête, qui prononça sa mise à la réforme (16 avril 1868). Ayant appris sur ces entrefaites qu’il avait été nommé lieutenant de vaisseau ie 7 mars 1868, M. Lullier demanda l’annulation du jugement du conseil d’enquête, déféra l’affaire au conseil d’État et prit le costume de lieutenant de vaisseau.

Peu après son arrivée à Paris, M. Luilier attira vivement sur lui l’attention publique en allant provoquer, dans les bureaux du journal le Pays, M. Paul Granier de Cassagnac et lui demander raison d’articles injurieux qu’il dirigeait contre le parti républicain. Bien que souffleté, ce dernier refusa de se battre, et, le 30 septembre 1868, M. Lullier était condamné, pour coups et port illégal d’uniforme, à six mois de prison et 200 francs