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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 10, part. 4, Mard-Memmonium.djvu/39

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livrant au batelier pour passer l’eau. À Jérusalem, il ne lui fut pas possible d’entrer dans le temple : une force secrète l’en repoussait, à cause de l’abomination de sa vie, et elle alla se purifier au désert. C’est là que sous Théodose le Jeune, quarante-sept ans après le commencement de sa pénitence, le moine Zozime, qui errait au hasard de ce côté-là, fut tout surpris de voir une sorte de fantôme, une femme entièrement nue, qui l’appela par son nom quoiqu’elle ne le connût aucunement, et lui fit cette curieuse confession. En supputant les années, elle devait alors avoir soixante-seize ans, Elle lui raconta que durant les premières années, cette vie lui avait été dure ; qu’elle avait beaucoup regretté le temps où elle faisait l’amour et mangeait à discrétion du poisson en buvant de bons vins, mais que depuis elle s’y était habituée. Elle récitait du reste des fragments des Évangiles sans jamais avoir eu connaissance des livres saints ; mais Dieu sait donner à l’homme l’intelligence. L’année suivante, Zozime la revit et lui apporta une petite provision de dattes, de figues et de lentilles ; c’était au bord du Jourdain et elle marchait sur les eaux sans la moindre difficulté. Cette fois il lui demanda son nom, ce qu’il avait jusque-là négligé de faire, et bien lui en prit car, étant revenu une troisième fois dans ces parages, il la trouva morte. C’est d’après le récit de Zozime, conservé dans un monastère de Judée, que cette légende a été écrite ; son étrangeté l'a rendue populaire. Les poëtes et les peintres s’en sont maintes fois inspirés.

— Iconogr. Le monument iconographique le plus curieux qui ait été consacré à sainte Marie l’Égyptienne était la série de vitraux qui décorait l’église de Paris placée sous son vocable. Toute l’histoire de la pécheresse repentie s’y déroulait, exprimée en traits naïfs et avec cette ingéniosité qui distinguait les imagiers du moyen âge. Ils n’en avaient omis aucune particularité, pas même l’épisode scabreux de la sainte offrant son corps au batelier pour payer le passage ; mais ce vitrail fut jugé indécent et on l’enleva en 1600. C’est l’église de Sainte-Marie-l’Égyptienne qui, par corruption, a donné son nom à la rue de la Jussienne. D’ordinaire les peintres se sont attachés, dans la vie de la sainte, aux divers épisodes de sa pénitence. Autant ils ont donné de grâce et de beauté à Marie-Madeleine, autant ils ont représenté Marie l’Égyptienne ravagée par les macérations. Ribera s’est plu tout particulièrement à nous montrer chez cette pénitente les effets d’un ascétisme presque barbare ; dans un tableau de lui qui est au musée de Madrid, elle est tellement décharnée que sa poitrine et ses bras n’ont plus rien de féminin. Le musée de Montpellier possède une peinture analogue signée : Iusepe de Ribera Espanol f., 1641. La sainte, demi-nue, debout, les mains jointes, les regards levés vers le ciel, prie avec ardeur devant une pierre sur laquelle sont une tête de mort et un morceau de pain. Cette peinture est d’un coloris clair et vigoureux. Au musée de Dresde est une Sainte Marie l’Égyptienne du même peintre, beaucoup moins effrayante : elle est à genoux près de sa tombe, tenant un bout de son suaire dont un ange tient l’autre extrémité ; sa tête, ornée d’une abondante chevelure, lutte ici de fraîcheur et de grâce avec celle du messager céleste. « Ce tableau, dit M. Viardot, est peint dans la manière douce et suave du Corrége. » Michel Lasne a gravé une Sainte Marie l’Égyptienne d’après Ribera.

La même sainte est représentée sur le volet d’un triptyque de l’ancienne école flamande, qui appartient au musée de Bruxelles (n° 80) : elle est nue et velue, selon la tradition et tient dans la main droite les trois pains qu’elle emporta dans sa solitude, sur les bords du Jourdain, où elle demeura quarante-sept ans... Un tableau de Greuze, représentant Sainte Marie l’Égyptienne dans le désert, fut payé 84,000 francs, en assignats, à la vente de Duclos-Dufresnoy en 1795 ; il appartenait en 1816 à Lucien Bonaparte. Des images de cette sainte ont été gravées par Lanfranc, par Nic. Bazin (1695, d’après Ch. Le Brun), par Claude Charpignon ou Carpion (d’après Th. Blanchard). Un tableau de Cuzes, Sainte Marie l’Égyptienne recevant la communion des mains du moine Zozime, était autrefois dans la chapelle consacrée à cette sainte, à Paris (rue Montmartre). Le même sujet a été gravé par Ch. Duflos d’après L. Baugin, et peint par Vanni, de Sienne, pour l’église Sainte-Marie-de-Carignan, à Gênes. La Mort de sainte Marie l’Égyptienne a été peinte par le Baroche (musée de Munich) et par M. Eugène Thirion (Salon de 1863). Au Salon de 1864, M. James Bertrand a exposé une Sainte Marie l’Égyptienne repentante.

Marie l’Égyptienne (Maria AEgyptiaca), poëme espagnol du XIIIe siècle. L’auteur, qui est resté anonyme, était évidemment un moine. Le sujet du poème est celui qui était si familier au moyen âge et dont l’épisode caractéristique se voyait peint sur les vitraux de quelques églises.

Des le XIe siècle, Hildebert, évêque du Mans, composa un poëme en vers latins sur cette singulière légende ; Rutebeuf traita le même sujet en vers français. L’auteur inconnu de l’œuvre espagnole suit à peu près le récit tel qu’il a été inséré dans les Acta sanctorum et dans la Légende dorée. Il a su peindre d’une manière assez vigoureuse les désordres de la pécheresse à Alexandrie, la vie de cette femme qui, selon l’énergique expression de d’Aubigné, « depuis douze ans jusques à l’âge du mépris, ne refusa homme. » Il y a même, dans ce vieux castillan, comme dans notre français du XVIe siècle, des grâces mignardes qui adoucissent l’expression toujours un peu crue de ces vieux auteurs. Voyez par exemple le portrait de la jolie courtisane : « Non, jamais reine ni comtesse ne fut belle comme celle-ci ! Elle avait les oreilles rondes, blanches comme du lait de brebis, les yeux et les sourcils noirs, le front blanc jusqu’aux boucles blondes des cheveux, la joue colorée comme la rose pourpre, la bouche petite et par-dessus tout une mine charmante. Son col et sa poitrine semblaient la fleur de l’églantier ; ses seins, jeunes et purs, deux pommes. Les bras, le corps et tout le reste étaient blancs comme le cristal ; jetée dans le bon moule, ni grasse ni fluette, ni longue ni courte, sa taille était parfaite. Mais laissons là sa beauté, je ne pourrais vous la dire tout entière, je veux vous parler de ses habits et de leurs parures. Le pire jour de la semaine elle n’eût pas voulu se vêtir de drap ; elle prenait assez d’or et d’argent au monde pour s’habiller à son gré. Toujours elle portait des robes de toile de soie et se couvrait d’un manteau d’hermine ; jamais ne chaussait autres bottines sinon de maroquin tailladé, brodées d’or et d’argent avec lacets de soie pour les attacher. Telle était, sa bonne façon, qu’à tout le monde elle tournait la tête. » Ce portrait, tracé de la main du vieux maître inconnu qui composa ce poëme, n’est-il pas singulier de couleur et de précision ? Le poète nous édifie au sujet de toutes les débauches de son héroïne ; il nous la montre attirant tous les jeunes gens de la ville chez elle, où l’on joue, où l’on soupe, où les épées sortent du fourreau, où le sang coule pour elle. Il n’est pas moins énergique dans la peinture des pénitences de la sainte. Cette seconde partie est horrible et sert de repoussoir aux descriptions gracieuses du début.

On assiste à la lente destruction de ce beau corps que le poète avait dépeint avec tant de charme. « Les chairs roses comme la fleur se flétrissent, les oreilles pendent, les lèvres se hérissent de poils, la face est ridée, la poitrine est noire comme de la poix ; les bras et les doigts semblent des fuseaux, les pieds sont gonflés par des plaies. À chaque épine qui la meurtrit, elle perd un péché ! » Les vingt dernières années de sa pénitence, ce furent des anges qui la nourrirent. Un moine d’un couvent voisin, Don Gozimas (Zozime), l’ayant rencontrée, recula d’effroi ; mais elle l’appela par son nom, lui qu’elle n’avait jamais vu, lui fit une confession entière, et reçut la communion. Quelque temps après, elle mourut. « Sentant son heure venue, elle abaissa ses paupières, ferma sa bouche, s’entoura de ses cheveux comme d’un linceul et, ayant croisé ses bras sur sa poitrine, rendit son âme que les anges recueillirent ! » Zozime revint l’enterrer, et comme il regrettait de ne pas avoir amené de compagnons pour l’aider à creuser la fosse, un lion accourut et l’aida à ensevelir la sainte.

Cette singulière composition, où la légende est suivie pas à pas, a un grand mérite poétique. Elle est écrite en vers de huit syllabes, mais avec des négligences ; le rhythme n’est pas toujours observé. Au point de vue historique, elle est curieuse en ce que la langue du poète est presque encore l’idiome des troubadours provençaux ; un critique espagnol, Perez Beyer, l’ayant regardée sans chercher à mieux s’en rendre compte, crut qu’elle était écrite en limosin. Comme dans le Poëme du Cid et dans le Livre d’Apollonius, on rencontre bon nombre de mots latins, Deus, corpus Christi, Ave Maria, uxor, etc, et d’expressions appartenant à notre vieux français. Ce poëme a été réimprimé dans la collection de Sanchez, Poesias anteriores al siglo XV.

Marie-l'Égyptienne OU la Jussienne (ÉGLISE Sainte-) Quelques auteurs pensent que cette église, qui était située dans la rue Montmartre, à 1 angle septentrional de la rue de la Jussienne, existait dès le règne de Louis IX. Toutefois, le plus ancien titre qui en fasse mention d’une manière positive date de 1372. Elle était désignée sous les noms de chapelle ou d’église de Quoque-Héron, de l’Égyptienne, de l’Égyptienne de Blois, de la Gipecienne ou de la Jussienne. On ne connaît pas l’origine de ces différentes dénominations.

On voyait dans l’église de la Jussienne un vitrail remarquable par sa naïveté ; sainte Marie l’Égyptienne était représentée au moment où, traversant une rivière et n’ayant pas de quoi payer son passage, elle offrait de prostituer son corps à celui qui voudrait payer pour elle ; assise dans le bateau, elle relevait sa robe jusqu’aux genoux ; sous le vitrait se trouvait cette légende : Comment la sainte offrit son corps au batelier pour son passage. La confrérie des marchands drapiers était établie dans cette église, qui fut démolie vers 1792.


MARIE D’OIGNIES (sainte), née à Nivelle (Brabant) en 1177, morte en 1213. Mariée à quatorze ans, malgré son goût pour la vie religieuse, elle décida son mari à vivre dans la continence, distribua son bien aux pauvres, se consacra au service des lépreux et, après avoir habité le monastère de Wilbrouck, elle alla terminer sa vie à trente-six ans dans le monastère d’Oignies. Elle mourut en odeur de sainteté et, bien que sa canonisation n’ait pas été prononcée, on célèbre sa fête le 23 juin. Le cardinal Jacques de Vitry a écrit sa vie, que Arnauld d’Andilly a traduite et publiée dans les Vies de plusieurs saints illustres de divers siècles (Paris, 1664, in-fol.).

MARIE-MADELEINE-DE-PAZZI (sainte). V. Madeleine.

REINES ET PRINCESSES SOUVERAINES.

MARIE D’ARAGON, impératrice d’Allemagne, morte en 998. Elle était fille de don Sanche, roi d’Aragon, et épousa le jeune empereur Othon III. Cette princesse est l’héroïne d’une légende rapportée comme un fait historique par plusieurs écrivains, notamment-par Muratori, dans son Dictionnaire historique. « L’impératrice, dit cet historien, avait ordinairement avec elle un garçon déguisé en fille, lequel, ayant été découvert et convaincu d’adultère, fut brûlé vif. Cela n’empêcha pas qu’elle ne continuât ses dissolutions et qu’elle ne sollicitât un jeune comte à satisfaire à ses désirs. Mais ce seigneur, aussi chaste que Joseph, la rebuta généreusement : ce qui irrita tellement l’impératrice, qu’elle l’accusa du crime qu’il n’avait point voulu commettre. L’empereur crut trop facilement un fait de cette importance, et, sans autre information, fit trancher la tête au comte, qui, pour ne point déshonorer l’impératrice, n’avait pas voulu révéler le dérèglement de cette princesse. La comtesse, à qui son mari, sur le point de tendre le col au bourreau, avait déclaré la vérité, s’alla présenter à l’empereur lorsqu’il rendait la justice, suivant la coutume des empereurs et des rois d’Italie, dans l’assemblée générale qui se tenait en une grande plaine auprès de Plaisance, et, sans se faire connaître, elle lui demanda justice du meurtrier de son mari. Othon lui promit sur-le-champ de la lui faire, selon toute la rigueur des lois, au cas qu’elle le représentât. Alors cette généreuse veuve, lui montrant la tête du comte, qu’elle prit d’un de ses gens qui la tenait cachée sous son manteau : « C’est vous-même, seigneur, dit-elle, qui êtes ce meurtrier, qui avez fait mourir injustement le comte mon mari ; ce que je suis prête de prouver par l’épreuve du feu, en tenant un fer chaud entre mes mains. » L’empereur y consentit, quoiqu’il ne dût pas admettre cette épreuve, déjà condamnée par les papes... On apporta un fer dans un grand brasier, et, lorsqu’il fut tout rouge, la comtesse le prit sans s’émouvoir et le tint entre ses mains sans se brûler ; puis, se tournant vers Othon, épouvanté d’un spectacle si surprenant, elle eut la hardiesse de lui demander sa propre tête, selon l’arrêt qu’il avait rendu contre lui-même, puisqu’il était convaincu par cette épreuve d’être le meurtrier de ce comte innocent. Enfin, après plusieurs délais qu’elle accorda à l’empereur, qui se confessa coupable et digne de mort, elle se contenta que l’on punît l’impératrice, qui avait inventé cette horrible calomnie. Cela fut aussitôt exécuté à Modène, selon l’arrêt de l’empereur même, qui condamna sa femme au feu l’année 998. »

MARIE DE BRABANT, reine de France, fille du duc de Brabant Henri III et d’Alix de Bourgogne, née vers 1260, morte en 1321. Elle était belle, instruite, et joignait à des grâces touchantes un esprit vif et délicat. Elle épousa en 1275 Philippe le Hardi. Il y avait à peine deux ans que cette union était formée que la jeune reine fut accusée d’avoir empoisonné l’aîné des fils que Philippe avait eus d’une première femme. On la jeta dans une étroite prison ; mais le roi ayant consulté une sorte de prophétesse, celle-ci proclama l’innocence de la reine et rétorqua l’accusation contre Pierre de Labrosse, favori de Philippe, qui fut pendu ou gibet de Montfaucon (1278). Marie était sensible aux charmes de la poésie et protégeait les trouvères. Ce fut elle qui fit venir à la cour de France Adenez, le fameux roi des ménestrels, l’auteur de Berte aux grains piés et du roman intitulé’ Clëomades. Après la mort du roi, en 1285, elle se retira du monde et passa les dernières années de sa vie à Murel, près de Meulan, s’occupant principalement de fondations pieuses. C’est sur cette princesse qu’Ancelot a composé son poëme en six chants, intitulé Marie de Brabant (Paris, 1825).

MARIE DE LUXEMBOURG, reine de France, née au commencement du XIVe siècle, morte en 1324. Fille aînée de l’empereur Henri VII, sœur de Jean de Bohême, elle fut mariée en 1322 à Charles le Bel, roi de France, qui vivait séparé, depuis sept années, de Blanche de Bourgogne, enfermée dans un couvent. Cette princesse joignait aux grâces de la jeunesse beaucoup d’esprit et de savoir. Elle se rendait un jour à Montargis lorsque, renversée de son chariot, elle reçut un choc violent qui amena une fausse couche, aux suites de laquelle elle succomba.

MARIE D’ANJOU, reine de France, fille de Louis II, duc d’Anjou et roi de Sicile, née en 1404, morte en 1463. Cette princesse, dépourvue de toute grâce et de toute beauté, et dont l’intelligence était fort ordinaire, fut mariée en 1413 à l’héritier présomptif de la couronne, depuis Charles VII, dont elle eut beaucoup d’enfants. Elle vécut longtemps obscure, retirée, suivant son mari dans ses nombreux déplacements pendant sa lutte contre les Anglais. À partir de 1444, Marie donna à sa maison, séparée de celle de son royal époux, beaucoup de développement et d’éclat. Elle fit de nombreux pèlerinages, et elle était sur le point, deux ans après la mort de Charles VII, de partir pour la terre sainte, lorsqu’elle mourut.

MARIE D’ANGLETERRE, reine de France, née en 1497, morte en 1534. Elle était fille de Henri VII, roi d’Angleterre, et d’Élisabeth d’York, par conséquent sœur de Henri VIII. Elle fut d’abord un instant fiancée à Charles-Quint ; plus tard, elle aima Charles Brandon, devenu duc de Suffolk, et son frère semblait vouloir ne pas gêner son inclination, lorsque, en 1514, Louis XII, roi de France, ayant perdu sa seconde femme, Anne de Bretagne, et voulant, avant sa mort, assurer la paix entre la France et l’Angleterre, demanda et obtint la main de Marie ; le mariage fut célébré le 10 octobre. Tous les historiens du temps s’accordent pour reconnaître chez cette princesse de précieuses qualités, mais aussi un grand fond de coquetterie ; elle se montra, dit-on, sensible aux empressements du duc de Valois, plus tard François Ier ; mais Louise de Savoie sut mettre bon ordre à cette passion naissante, ne voulant pas que son fils restât « comte d’Angoulême toute sa vie. » Quoi qu’il en soit, quelques mois plus tard, Louis XII mourut d'une dysenterie et très-probablement de ses transports amoureux, car depuis son mariage il avait complètement changé son genre de vie. Trois mois après son veuvage, Marie épousa en secret son ancien amant, le duc de Suffolk, et bientôt après elle retourna en Angleterre, où cette union fut rendue publique. De ce second mariage elle eut deux filles, dont l’une fut mère de Jane Grey.

MARIE STUART, reine de France et d’Écosse. V. plus loin Marie Stuart, reine d’Écosse.

MARIE DE MÉDICIS, reine de France, née à Florence en 1573, morte à Cologne en 1642. Fille du grand-duc de Toscane François Ier, elle épousa Henri IV en 1600 et devint mère de Louis XIII. Marie était loin d'être aussi belle que l'avait cru Henri IV sur la foi d’un portrait. Grande, grosse, avec des yeux ronds et fixes, « elle n’avait rien de caressant dans les manières, dit Sismondi, aucune gaieté dans l’esprit ; elle n’avait point de goût pour le roi ; elle ne se proposait point de l’amuser ou de lui plaire ; son humeur était acariâtre et obstinée ; toute son éducation avait été espagnole, et dans l'époux, qui lui paraissait vieux et désagréable, elle soupçonnait encore l'hérétique relaps. » Une telle princesse était peu faite pour fixer enfin le cœur volage du Vert-galant qui, rebuté dès le début, alla chercher des consolations auprès de sa maîtresse la belle marquise de Verneuil, et l'installa bientôt au Louvre, dans un appartement voisin de celui de la reine. À partir de ce moment, la mésintelligence régna à peu près constamment entre les deux époux. Marie avait avec Henri IV des querelles incessantes, se montrait altière, irascible, violente à l’excès. Un jour, elle allait frapper le roi, lorsque Sully, qui était présent, retint fort à propos son bras. Sans rancune, Henri faisait toujours les premiers pas pour amener une réconciliation toujours éphémère. Il donna à la reine des témoignages d'une affection sincère lorsqu'elle devint mère du dauphin ; il consentit, sur ses instances, à rétablir l’ordre des jésuites (1603), à la nommer régente (1610), enfin à la faire couronner et sacrer à Saint-Denis. Le lendemain du sacre, Henri IV était assassiné par Ravaillac (14 mai 1610). Marie fut soupçonnée d’avoir trempé dans le crime qui coûta la vie à son époux. Devenue régente, elle se confia à d’indignes favoris (v. CONCINI), fit sortir du conseil Sully, Villeroi, Jeannin, s’attacha à détruire l'ouvrage et à condamner les projets de son époux, et accabla le peuple d'impôts, après avoir dissipé en folles prodigalités, en largesses faites aux grands qui montraient quelque velléité de résistance, le trésor amassé par Sully. Le mécontentement qu’excita sa conduite fut bientôt universel. Ayant eu à lutter contre le parti des princes, à la tête duquel se trouvait Condé, Marie de Médicis se vit contrainte de signer avec les rebelles le traité de Sainte-Menehould (1614). Cette même année, Louis XIII fut reconnu majeur, mais la reine mère continua à administrer le royaume. Presque aussitôt la guerre civile recommença. Forcée de céder, Marie de Médicis prodigua en gratifications pécuniaires plus de six millions, congédia Sillery et d'Épernon, mit Condé à la tête du conseil (1616), mais le fit arrêter au bout de quelques mois. Sur ces entrefaites, Louis XIII, dont elle s’était aliéné le cœur, fit mettre à mort Concini, remit l'autorité à son favori de Luynes et éloigna sa mère de la cour (1617). Marie tenta, mais sans succès, de ressaisir par les armes son influence perdue, fit la guerre à son fils et fut vaincue aux Ponts-de-Cé. Richelieu la réconcilia avec le roi (1620) ; mais, quelques années plus tard, après la journée des Dupes, il fut obligé de la faire exiler de nouveau, à cause de ses intrigues et de ses complots (1631). Envoyée à Compiègne, elle s'échappa peu après de cette ville, quitta la France, se réfugia successi-