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ligne de bataille, marchant en avant au petit pas.

Pas de retraite. Ce pas cadencé devait être le pas ordinaire si la retraite se faisait en présence de l’ennemi, et le pas redoublé si elle s’ol était hors du feu ennemi,

Pas de pivot. Ce pas cadencé qui, d’après l’ordonnance du 4 murs 1931, doit avoir on*,22, est le pas d’une aile du côté opposé sa guide dans les conversions à pivot mobile des colonnes de route et dans les changements de direction d’une subdivision de colonne en marche.

Pas d’école ou Pas lent. C’est un ancien pas cadencé que l’ordonnance de 1755 prescrivit pour la première fois. Il avait 1 pied et sa vitesse était de 50 à la minute. Il fut abandonné pendant la Révolution, parce qu’on n’avait pas le temps de donner une longue instruction aux recrues. Il fut repris sous le premier Empire, puis on y a renoncé comme étant trop compliqué.

Pas en arrière. C’est une sorte de demipas qui, d’après les ordonnances du 20 mai 17C4 et du 1er mai 1769, devait mesurer 12 pouces. On l’étndie dans l’école de peloton à raison de quinze ou vingt mouvements de suite tout au plus. Les pas en arrière servent à exécuter des conversions à reculons. On a essayé de le faire exécuter vivement, au pas accéléré ; mais on n’a pu y réussir. Les soldats ne peuvent reculer qu’au ^kw ordinaire.

Pas oblique. C’est une sorte de pas cadencé qui a été inventé par Frédéric II, pour gagner, sans perdre accoudement, du terrain a la fois en avant et de côté. Il fut admis dans l’armée française par ordonnance du 6 mai 1755. Le mécanisme de ce pas est ingénieux, niais compliqué, et l’on a proposé d’en abolir l’usage. Nos soldats l’emploient très-rarement. Il est pourtant le seul moyen de réparer dans une marche en bataille certaines déviations. On commence à l’exécuter au moment où le pied du côté opposé à l’obliquité est près de poser à terre. Il est, suivant les circonstances, ou ordinaire ou accéléré ; cependant l’instruction du 20 mai 1788 ne lui donnait que la vitesse du pas ordinaire. Sa mesure est de n k 24 pouces. Il sert à partager et a. raccorder les subdivisions qui

" rompent et se remettent en ligne, à rapprocher les rangs qui bâillent, etc. On a plusieurs fois essayé de le remplacer par un demi à droite ou un demi k gauche par homme, mais ces essais n’ont d’abord pas eu de suite en France. La milice néerlandaise est’ la première qui ait adopté cette innovation. Les Anglais ont un pas oblique moins compliqué que lu nôtre ; on a proposé de l’adopter pendant la guerre de Crimée. Enfin, depuis 1861, le pas oblique s’exécute dans l’armée française par un demi k droite, si l’on veut obliquer à droite, et par un demi k gauche si l’on veut obliquer à gauche. Sa longueur est de om,65 et sa vitesse de no par minute.

Pas de charge. Ce pas, que nous ne pouvons classer parmi les pas cadencés, puisque sa cadence est variable, peut être considéré comme l’extension du pas accéléré. Il est susceptible d’être porté jusqu’à 130 a la minute (ordonnance du 4 mars 1831). On a proposé de régler o pas de charge à raison de 27 pouces, mais il faudrait des géants pour réaliser ce projet. L’ancien pas redoublé n’était autre que le pas de charge. Ce pas a été créé par une ordonnance eu date du 1« juin 1776. Il existe une sonnerie d’infanterie qui porte la nom de pas de charge.

Pas de course ou précipité. L’infanterie « athénienne exécutait les charges au pas de

course. Scipion ne promenait jamais ses fantassins autrement qu’au pns de course. Au nombre des pas que Végèce mentionne, il cite le pas de course. Généralement les Romains prenaient ce pas lorsqu’ils se trouvaient à environ 300 mètres de l’ennemi. Cependantles inoderiiescroientqu’il est mieux de ne le commencer qu’à environ 100 métros du but pour ne pas trop essouffler le soldat. Le pas de course n’est pas un pas cadencé, parce que les soldats perdent toute cadence et ne conservent plus leurs rangs. On a quelquefois proposé d’en proscrire l’usage ou de ne l’employer que lorsqu’il faut attaquer avec emportement, lorsqu’il y a enfin une nécessité absolue d’aller vite. Ce pas sert de nos jours aux exercices de tirailleurs à pied, qui ont donné son nom k une de leurs sonneries,

Pas de route. D’après l’ordonnance de 1861, ce pas est enseigné aux soldats dans l’école de peloton afin de leur procurer plus de facilité pour marcher en route. Il s’exécute au commandement de Pas de route, marche/ Les Soldats prennent le pas de route et mettent d’eux-mêmes l’arme à volonté ; ils ne sont plus tenus à marcher du même pied ni à’observer le silence ; les files marchent à l’aise ; mais on fait attention à ce que les rangs ne se Confondent pas, que les hommes du premier rang ne dépassent jamais le guide et que ceux du second rang ne prennent que om,70 de distance du rang qui les précède.

La vitesse du pas de route est la même que celle du pas accéléré, soit 110 par minute. C’est le dernier pas qu’on apprend aux soldats.

— Manège. On désigne sous ce nom l’allure lente qui est ordinaire à la plupart des animaux quadrupèdes. Elle appartient au che PAS

val, à l’âne, à l’hémione, au zèbre, au bœuf, au cerf, an dromadaire, à l’hippopotame, au rhinocéros, au porc et a la plupart des carnassiers.

Il faut examiner très-attentivement pour reconnaître dans cette allure la succession des mouvements des membres. Le pas comprend quatre temps à peu près d’égale durée. Le commencement de chacun est marqué par le lever d’un pied, et la fin par le poser d’un autre. « Dans le pas, dit M. Lecoq, en supposant que l’animal entame à gauche, l’action des membres s’exercera successivement dans l’ordre suivant : 1° Membre antérieur gauche ; ï« membre postérieur droit ; 30 membre antérieur droit ; io membre postérieur gauche, et ainsi de suite. L’action des membres a donc lieu en diagonale, mais séparément, de telle sorte que chaque extrémité fait entendre sa battue ; mais chaque membre n’attend pas pour se lever que celui qui le précède ait effectué son poser, ainsi que le dit Borelli. C’est quand un membre est à la moitié de son soutien que celui qui doit le suivre commence le sien, et ainsi des autres ; ce qui fait que l’animal, excepté au départ et a l’arrêt, a constamment deux pieds posés et deux pieds levés, quoiqu’il y ait dans un pas complet quatre levers et quatre posers bien distincts.» Dans le pas, le centre de gravité est donc supporté alternativement par un bipède latéral et par un bipède diagonal. Le support sur un bipède latéral est formé par l’appui d’un pied antérieur, qui s’éloigne du pied postérieur, et celui sur un bipède diagonal par l’appui d’un pied postérieur qui se rapproche du pied antérieur, de sorte que la ligne de sustentation latérale est plus longue que celle de sustentation diagonale.

Le plus grand espace qu’embrasse un pas complet dans le pas lent est à peu près égal à la distance qui, lors de la station, sépare la pied antérieur du pied postérieur, bien que la piste du second reste en arrière de celle du premier ; dan3 le pas ordinaire, l’espace franchi est supérieur à cette distance, quoique les pistes se recouvrent à peine ; enfin, dans le pas plus rapide, l’espace parcouru par une extrémité est bien supérieur à la distance laissée pendant la station entre les deux extrémités d’un bipède latétal. Les choses se passent toujours ainsi lorsque l’animal, le cheval par exemple, est libre et chemine sur un plan horizontal. Mais si l’animal remonte un plan incliné, le, pas est d’autant plus raccourci que la montée est plus rapide. Le pied postérieur n’atteint plus la place laissée par le pied antérieur. De môme, si le cheval est attelé k une voiture lourde, le pas est raccourci, comme si l’animal remontait un plan incliné. Si, au contraire, le cheval descend le plan incliné, le pas s’allonge et la piste du pied antérieur est dépassée plus ou moins par celle du pied postérieur ; mais cela n’a lieu que dans les cas où l’animal est libre ou peu chargé ; car, s’il est "attelé à une voiture pesante ou si la pente est très-rapide, il raccourcira son allure pour ne pas être entraîné par l’accélération du mouvement."

Si maintenant on cherche quels doivent être les déplacements du centre de gravité dans le pas, ou voit que, si le corps est soutenu par un bipède latéral, le centre de gravité se trouve à peu près sur le tiers antérieur de la ligne qui réunit les deux extrémités à l’appui ; il passe de là au tiers antérieur de la ligue qui réunit les deux pieds d’un bipède diagonal dès que le corps, dans le temps suivant, est soutenu par ces derniers ; puis il se porte sur le second bipède latéral, et de celui-ci sur le second bipède diagonal, de telle sorte qu’il éprouve, dans un pas complet, quatre déplacements successifs.

Le pns est l’allure propre à la plupart des quadrupèdes de moyenne taille et à ceux de haute stature. Ils la prennent naturellement, sans le secours de l’éducation, mais on ne sait pourquoi la girafe, l’hyène et d’autres encore ont une autre allure. « Elle convient parfaitement, dit M. Colin, aux animaux qui traînent de lourds fardeaux et k ceux qui supportent des charges considérables ; elle leur permet alors de déployer la plus grande somme de force avec aussi peu de tatigue que possible. • Le pas est l’allure la plus lente du cheval et la moins fatigante ; mais, dès que l’on veut accélérer le pas, l’animal se fatigue bientôt de cette allure et prend un petit trot qui lui fait faire plus de chemin avec moins d’efforts.

Pas relevé. On désigne sous le nom de pas relevé une allure dans laquelle le cheval fait entendre, comme dans le pas, quatre battues qui ont lieu dans le même ordre, mais précipitées et irrégulières. Les chevaux qui possèdent cette allure forment, en Normandie, une race peu répandue, mais recherchée pour certains services. On appelle ces animaux chevaux de haut pas, bidets d’allure. Ils ont les muscles très-développés, la tête assez volumineuse, l’encolure forte et horizontale, les reins courts, la fesse charnue, la croupe bien développée. Le pas relevé, chez ces animaux, s’exécute avec une très-grande rapidité, remplace le trot, et n’exige qu’un léger déplacement vertical du centre dé gravité, les membres s’élevant très-peu de terre. Tout l’effort est utilisé à chasser le corps en avant ; aussi cette allure est-elle très-douce pour le cavalier, mais elle a l’inconvénient de forcer les chevaux a, raser le tapis, et, par

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conséquent, de les faire butter souvent sur les chemins peu unis.

Dans le pas relevé, les foulées des bipèdes diagonaux se succèdent immédiatement, et l’intervalle le plus grand, au lieu d’être, comme dans le pas, entre les deux battues du bipède diagonal, se fait remarquer entre celles du bipède latéral. Mais tous les chevaux n’exécutent pas le pas relevé de la même manière ; il en est chez lesquels les battues sont espacées par des temps à peu près égaux, et ne diffèrent de celles du pas ordinaire que par la rapidité avec laquelle elles se succèdent et par le peu d’élévation des membres. Cette allure est bien plus fatigante pour le cavalier que celle du pns relevé ordinaire, en raison du bercement qu’elle produit.. Le pas relevé, dit M. Lecoq, nécessite un déplacement horizontal du centre de gravité analogue à celui qui a lieu dans le pas, et toujours d’autant plus grand que les foulées Sont plus régulièrement espacées. Ce déplacement a lieu, en outre, avec une vitesse à peu près égale k celle du trot ; aussi le haut pas doit être très-fatigant pour l’animal, et si les bidets d’allure y résistent longtemps, on ne doit l’attribuer qu’k la grande force musculaire que possèdent ces chevaux. Quelques-uns même ne peuvent supporter cette allure lorsqu’on les pousse vivement, et ils prennent le trot qui, à vitesse égale, est bien moins fatigant. » On peut faire contracter le pas relevé à de jeunes chevaux, en — leur attachant les membres en diagonale au moyen de cordes et en les forçant à marcher ainsi entravésj seulement le pas relevé acquis ne vaut jamais cette même allure naturelle.

—Cheyaler..Pajd’armej. Les chevaliers qui défendaient le pas pendaient leurs armes a des arbres, à des poteaux, àdescolonnes, etc., élevés pour cet usage, et quiconque était disposé à forcer le passage touchait une de ces armoiries avec son épée, ce qui était un cartel que l’autre était obligé d’accepter ; le vaincu donnait au vainqueur le prix dont ils étaient convenus avant le combat.

On appelait aussi pas d’armes le combat ou défi qu un tenant, ou seul ou accompagné de plusieurs chevaliers, offrait dans les tournois contre tout venant ; ainsi, en 15H, François, duc de Valois, avec neuf chevaliers de sa compagnie, entreprit un pareil combat, appelé le pas de l’arc triomphal, dans la rue Saint-Antoine, à Paris, pour les fêtes du mariage do Louis XII ; et le tournoi où Henri II fut blessé à mort, en 1559, était aussi un pas d’armes, puisqu’il est dit dans les lettres de cartel « que le pas est ouvert par Sa Majesté Très-Chrétienne... pour estre tenu contre tous venants dûment qualifiés • (v. tournoi). Mais ce n’était que par extension que l’on qualifiait ainsi certains tournois, et dans les véritables pas d’armes il s’agit toujours de la défense d’un point fixé à l’avance. « Un des principaux prétextes, dit Wulson de La Colombière duns le Vray théâtre d’honneur, que prenoient les anciens chevaliers pour dresser ces pas estoit cette louable envie qu’ils avoient de fuir i’oysiveté durant la paix, laquelle ils dêtestoient sur toutes choses, et pour se rendre toujours plus robustes et aguerris par ces exercices militaires, ennemis de la mollesse, des délices, des vices et de l’infamie, qui suivoient ordinairement la vie oysive et casanière. » Ces pas étaient fréquents en Europe. Aussitôt que la paix était rétablie, un grand nombre de chevaliers se réunissaient pour aller en divers lieux exercer leur valeur et leur adresse. Ils choisissaient de préférence les chemins les plus fréquentés pour le théâtre de leurs exploits. Entre Calais et Saint-laquevert, il y avait une lice dressée exprès k cet effet, où la noblesse de France allait souvent faire montre de sa prouesse contre la noblesse anglaise. Le maréchal de Boueieaut, le seigneur de Saintré, Régnault de Roye, Saint-Prye y combattirent plusieurs fois. Daus les provinces de Languedoc et de Guyenne, les pas s’établissaient aux frontières d’Espagne. ; et au château de Pau, en Béarn, il y avait une barrière ou champ fermé que l’on appelle encore aujourd’hui Champ bataillé, où l’on avait l’habitude de combattre. À Paris, des pas d’armes avaient lieu au faubourg Saint-Jacques, en un lieu qu’k cause de cela on nomma plus tard Maupus. Ce qu’on appelle encore maintenant le quartier Culture-Sainte-Catherine était autrefois nommé Clôture, parce qu’il se trouvait là un champ clos et fermé de barrières où se tenaient des combats de ce genre. Olivier de La Marche a fait mention de cette coutume des chevaliers et en a décrit avec une scrupuleuse exactitude les cérémonies et les conditions. Parlant d’un pas d’armes que treize gentilshommes de la maison de Bourgogne tinrent en une place nommée l’Arire de Charlemagne, avec une grande solennité, le seigneur de Charny étant leur chef, il dit : « Il (Charny) fit clore k manière d’un palis VArbre de Charlemagne, qui sied à une lieue de Dijon, tirant à Nuits, en une place appelée le Charme de Marcenay, et contre ledit arbre avait un drap de hautelisse des pleines armes dudit seigneur (qui sont escartelées de Bauffremont et de Vergy et au milieu un petit esous son de Charny), et à l’entuur dudit tapis furent attachez les deux esctis, semez de larmes ; c’est à sçavoir au dextre costé l’escu violet, semé

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de larmes noires, pour les armes à pied, et au sénestre l’escu noir, semé de larmes d or, pour les armes à cheval, etc. Tellement que ceux qui vouloient combattre à pied touchoient le. petit escu qui estoit au costé droit, et ceux qui aimoient mieux combattre à cheval touchoient avec leur lance l’escu qui pendoit au costé gauche. Les escus des douze chevaliers, compagnons dudit seigneur de Charny, estoientaussi appendus proche dudit arbre, avec leurs armes, bluzons, cimiers, volets et mantelets et mesme avec leurs noms et leurs cottes d’armes ; tellement que ce pas estant ainsi dressé, il s’y fit plusieurs belles joustes et combats à pied par quantité de nobles chevaliers de toutes les nations qui y vindrent acquérir de l’honneur ; les publications de cette emprise ayant esté l’aictes par des hérauts d’armes par plusieurs provinces de l’Europe. » Le même auteur parle encore de deux autres pas d’armes qui furent gardés et défendus. Le premier fut soutenu par le seigneur de Haubourdin, bâtard de Saint-Pol, près de Saint-Omer, sur le grand chemin en allant à Calais. Ce pas fut nommé le Perron de la pèlerine parce que les ■ escus pendaient k un perron • au pied duquel était représenté une pèlerine ayant pour mission de garder ces écus. Le second pas fut celui que messire Jacques de La Laur tint en Bourgogne, l’an 1441, près de la ville de Chalon, et qui dura un an entier. Ce pas d’armes fut appelé . le Pas de ta fontaine déplours • pour testuoigner l’affliction qu’il avoit receu de ce que quelques amours qu’il avoit n’avoient pus réussi selon son désir. » Un des plus célèbres pas d’armes est celui qui se tint à Lyon lors du passage du roi Charles VIII en cette ville, et dans lequel Pierre du Terrail, seigneur de Buyard, se distingua, selon l’esprit du temps, d’une manière éclatante. Dans l’histoire de ce chevalier, écrite par le Loyal serviteur (ch. vi, vu et vin), on lit : » Le roy de France alla, visitant son royaume, et deux ou trois ans après se trouva audit Lion, où il arriva un gentilhomme de Bourgogne qu’on noinmoit messire Claude Vaudré, appert homme d’armes, et qui désirait à merveilles de les suivre. Si fit supplier le roy, que pour garder d’oysiveté tous jeunes gentilshommes, il luy voulust permettre de dresser un pas, tant k cheval comme à pied, à course de lance et à coups de hache, ce qui luy fut accordé ; car le bon roy, après le service de Dieu, dont il estoit assez soigneux, n’aimoit que joyeux passe-temps. Si dressa son affaire iceluy messire Claude Vaudré le mieux qu’il put’et fit pendre ses escus, où tous gentilshommes qui avoient désir d’eux montrer venoieut toucher et se faboient inscrire au roy d’armes qui en avoit la charge. Un jour passoit par-devant les escus le bon chevalier qui desjà. par le nom que le roy luy avoit donné, estoit de chascun appelé Picquel.

On attribue au roi René l’invention des pas d’armes. Voltaire a tenu compte de cette tradition en rappelant, dans son Essai sur les mœurs, quelques pas d’armes célèbres. • Outre les tournois, dit-il, on institua les pas d’armes, et le roi René fut encore législateur dans ces amusements. Le pas d’armes de la Gueule-du-Dragon, auprès de Chinon, fut très-célèbre, en 1446 ; quelque temps après, celui du château de la joyeuse-Garde eut plus de réputation encore. Il s’agissait dans ces combats de défendre l’entrée d’un château ou le passage d’un grand chemin ; René eût mieux fait de tenter d’entrer en Sicile ou en Lorraine. La devise de ce galant prince était une chaufferette pleine de charbon, avec ces mots : Porté d’ardent désir ; et cet ardent désir n’était pas pour les États qu’il avait perdus, c’était pour M1’» Guy de Laval, dont il était amoureux, et qu’il épousa après la mort d’Isabelle de Lorraine, »

Le roi René a pris soin lui-même de nous transmettre, en vers, le récit d’un de ces pai d’armes, le pas d’armes de ta Bergère. Il y a de la grâce dans ces vers, que dépare seulement un peu d’afféterie conforme à la poétique du temps :

... Ainsi que joyeuseté d’esprit

Les cueurs gentils sans ordonnance mainne,

Et jù pour tant bon vouloir ne périt.

Devers Ferri monseigneur de Lorraine

Tant pis que de plaisance souverainne.

Sans niai penser, sans soussi, sans esmny,

Fîmes crier au premier jour de may

Desrain passé joustes a tous venans,

Qui furent tant a plusieurs revenans,

Qu’il en sourdi aucunes enviettes

De deux gentils escuiers avenans

Qui puis firent des choses joHettes.

Ce jour de may, en beaux barnois de guerre.

Nous joustâmes assez doucettement ;

Et de noz fais qui en roudroit eriquerre,

lcy n’en fais mencion autrement ;

Mais au premier jour de juing vrayment,

Puis aprez Philippe de I^ononcourt

Et Philebert de l’Aiguë, brief et court.

Firent crier le Pas de la Itergiêrc,

Qui n’estoit pas chose moult estrangiere

A regarder, qui l’aroit avisée ;

Mais doui-e estoit, moult plaisant fit légière,

Quiconques l’eust en ce point devisée...

Ces deux firent les joustes publier ;

« On fait savoir a tous généraument.

Tant chevaliers comme escuiers gentils,

Qu’au premier jour de juing prochainement

De tant qu’ils sont en joustes ententis,

A Tharâscon, en un lieu moult faitis,