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PASQ

de son époque, les lettres de Pasquîer demeureront, à bien des titres, l’une des lectures les plus attachantes et les plus utiles du ■ xvie siècle.

La première édition des Lettres d’Étienne Pasquier fut publiée à Paria en 1586 ; mais la meilleure est l’édition publiée par André du Chesne en 1619 et qui a été reproduite dans l’édition des Œuvres (1723, ï vol. in-fol.}.

PASQU1EH (Adrien), écrivain français, né à Rouen en 1743, mort en 1819. Sa famille était très-pauvre et chargée d’enfants ; il fut élevé à l’Hospice-Général, où il reçut quelques notions rudimentaires, tout en apprenant le métier de cordonnier. • Se sentant déjà, lorsqu’il savait» peine lire et écrire, dit un de ses biographes, un penchant irrésistible pour l’étude, Adrien, devenu un excellent ouvrier dans sa profession et libre alors de ses actions, acheta des livres avec ses économies, puis, après avoir travaillé le jour, il passait une grande partie des nuits à lire et quelquefois à copier les ouvrages traitant des matières dont, plus tard, il devait lui-même plus particulièrement s’occuper, i

Il eut comme une sorte d’intuition de la Révolution française, et, bien longtemps avant qu’elle éclatât, il indiqua, dans trois Mémoires qui n’ont pas été imprimés, les réformes sociales qui lui semblaient opportunes et qui devaient conjurer une explosion formidable. Un de ces écrits fut adressé à ïurgot et les deux autres h M. de Maurepas. Voici leurs titres : Plan pour la réformation des mœurs, la suppression des impôts et le payement des dettes de l’État ; Plan pour l’augmentation des re- . venus de l’État, en procurant le bien des sujets ; Plan ecclésiastique pour rétablir l’ordre hiérarchique dans son état primitif.

« Hâtez-vous, disait Pasquier aux. ministres, il faut tout réformer, le temps presse ; je suis placé au centre du malaise, je le vois mieux que vous ; de grâce, écoutez-moi : commencez par rendre le peuple heureux, car, lorsque les classes inférieures sont heureuses, leur bonheur remonte infailliblement d’échelon en échelon, passe par toute la société et arrive profond et durable jusqu’au souve. rain. •

Inutile de dire, ajoute la Biographie normande, que jamais les ministres n’accusèrent réception à Pasquier d’aucun de ses plans de réforme ; mais celui-ci trouvait toujours des interprétations ingénieuses à leur silence ; il l’attribuait à des motifs de haute politique, et se trouvait fortifié dans sa croyance en voyant de temps en temps quelques-unes de ses théories mises en pratique par le gouververneinent. À l’époque de la Révolution, le

cordonnier, qui tenait alors un débit de tabac dans la rueMartainville à Rouen, fut nommé successivement électeur pour la formation de la Convention nationale, membre de la nouvelle fédération, commissaire au pain et enfin membre de la municipalité de Rouen (1794). Mais il n’accepta que la première de ces fonctions ; les intrigues dont il fut témoin lui firent immédiatement refuser les autres. L’infatigable travailleur s’enfonça de plus belle dans ses travaux de prédilection ; il reprit et paracheva plus important de ses ouvrages ; Biographie des personnagesHtlustres de la province de Normandie, laquelle ne forme pas moins de 9 volumineux cahiers in-4°. L’auteur de la Biographie normande (Th. Lebreton) déclare que le livre de Pasquier, resté manuscrit, lui a été du plus grand secours. « Ayant depuis longtemps cédé son débit de tabac, qui lui procurait à peine des moyens d’existence, Adrien Pasquier, auquel l’âge et les infirmités ne permettaient plus d’exercer la profession de cordonnier, vendit, pour vivre, jusqu’à ses livres et tomba bientôt dans le plus complet dènûment. Il reçut alors une généreuse hospitalité dans la maison d’un brave ouvrier nommé Véron, dont il avait trouvé le moyen d’être le bienfaiteur ; mais la misère étant aussi entrée ches ce dernier, Pasquier se vit forcé, au bout de dix-huit mois, d’aller demander un asile il l’Hospiee-Général, où il avait été élevé et où il devait mourir. •

Les œuvres et compilations manuscrites, tant en prose qu’en vers, laissées par Pasquier, qui a aussi beaucoup écrit dans celte dernière forme, sans sortir de la médiocrité, pourraient fournir la matière de 40 volumes in-4". Les principales sont, avec les articles déjà cités : Anecdotes ecclésiastiques, etc. ; Recueil alphabétique des vrais philosophes, etc. ; Calendrier universel des hommes qui se sont distingués, etc. ; Calendrier universel des hommes célèbres de la Normandie ; Vie du maréchal de Matignon, gouverneur de la Normandie ; Vie de Thouret, député à VAssemblée nationale ; Testament politique de Pierre Le Pesant de Boisguilbert, avec ses commentaires ; la Descente en Angleterre par Guillaume le Conquérant, potsmej la Fille mariée malgré son père, comédie en trois actes, en vers ; Céladon ou le Libertin revenu de ses égarements, comédie en cinq actes, en vers ; le Mariage de la vieille Margot, comédie en un acte, en vers ; le Mariage manqué, comédie en cinq actes, en vers ; Louis-François Laveryne ou la Tribunal révolutionnaire, tragédie en cinq uctes, eu vers. Tous ces manuscrits se trouvent à la bibliothèque de Rouen.

PASQUIER (Étienne-Denis, baron, puis duc), homme politique, né à Paris le 22 avril 1767, mort le 5 juillet 1862. D’une famille parlementaire, il descendait d’Étienne Pasquier, le jurisconsulte et historien du XVIe siècle ; son grand-père, conseiller au parlement, fut le rapporteur du procès du malheureux Lally, qui attacha à son nom une triste notoriété ; son père, également conseiller au parlement, fut condamné à mort sous la Terreur et exécuté le 21 avril 1794, en même temps que vingt-deux autres présidents ou conseillers, parmi lesquels se trouvait le père du comte Molé. Le jeune Pasquier, qui, après de brillantes études au collège de Juilly, avait été nommé, à l’aide d’une dispense d’âge, maître des requêtes, se vit lui-même sous le coup d’un mandat d’arrêt du tribunal révolutionnaire. Il y échappa quelque temps, en vivant caché à Paris sous des déguisements singuliers ; témoin journalier des terribles événements de l’époque, traqué parfois dans les retraites où il s’abritait, il vit plus d’une fois de très-près la mort. Reconnu un jour dans les rues par des patriotes, il allait être accroché à une lanterne, sans autre forme de procès, lorsqu’il fut sauvé par l’intervention d’un tambour à qui il avait rendu quelque service. Ce fut cependant à cette époque et au milieu de ces transes qu’il se maria ; il épousait la veuve du comte de Rochefort, Mlle Anne de Serre de Saint-Roman, dont il était fort épris. La cérémonie religieuse eut lieu dans une cave. Arrêté peu de temps après et jeté à Saint-Lazare, d’où il vit partir la funèbre charrette qui emmenait André Chénier, il attendait son tour de monter à l’échafaud, lorsque les événements du 9 thermidor le rendirent à la liberté.

Sous le Directoire, Pasquier ne prit aucune part aux affaires et laissa de même s’écouler le Consulat et les premières années de l’Empire. Ce fut seulement en 1806, et alors que son esprit avait acquis toute sa maturité, puisqu’il avait près de quarante ans, qu’il fut présenté à l’empereur par Cambacérès comme candidat à une place de maître des requêtes ; il entra au conseil d’État le même jour que MM. Molé et Portalis et parcourut rapidement la carrière des honneurs. Napoléon le fit successivement conseiller d’État, puis procureur général du sceau des titres, lui donna le titre de baron, la croix d’officier de la Légion d’honneur, et enfin lui confia le poste de préfet de police à la place du comte Dubois, disgracié. Dans ces délicates fonctions, qu’il remplit avec intégrité, le baron Pasquier se montra sage administrateur ; la coexistence du ministère de la police générale, confié au duc de Rovigo, enlevait, du reste, au préfet de police presque toute la surveillance politique. Il faillit pourtant encourir la disgrâce du maître, comme le préfet de la Seine, Frochot, lors de la conspiration du général Malet. Surpris, comme tous les autres fonctionnaires, par la promptitude et l’audace des mesures prises contre eux, il se laissa docilement incarcérer à la Force, pendant que Frochot, non moins stupéfait, ordonnait de préparer des sièges dans la grande salle de 1 Hôtel de ville « pour la nouveau gouvernement. » La signature du baron Pasquier, coupable seulement de s’être laissé prendre par les conjurés (qui le trouvèrent caché dans un réduit fort incommode), figure au bas de la requête du conseil d’État demandant la destitution de Frochot. Napoléon, après l’avoir malmené, continua au baron sa faveur et lui laissa son poste de préfet de police.

En 1814, M. Pasquier offrit ses services aux Bourbons et se prépara à jouer ce rôle de modérateur qu’il a essayé toute sa vie, avec un grand succès personnel, si on ne compte que les honneurs qu’il en retira, mais sans réussir à se concilier l’estime d’aucun parti. Sous la première Restauration, il n’eut qu’un rôle effacé ; Louis XVIII le nomma directeur général des ponts et chaussées. Au retour de l’île d’Elbe, il ne se rallia point à Napoléon et resta volontairement à l’écart pendant les Cent-Jours. Ce fut le seul acte d’indépendance de toute sa vie ; mais cette fidélité aux Bourbons n’était peut-être que de la prévoyance. Louis XVIII l’en récompensa en lui confiant le portefeuille de garde des sceaux dans le premier ministère créé à son retour de Gand ; cette combinaison ministérielle fut de peu de durée. Élu député de la Seine, le baron Pasquier fut porté au siège de la présidence (1816) en même temps que le roi lui confiait la liquidation des créances des alliés. L’année suivante, il rentra au ministère et fit partie, dès cette époque, de presque toutes les combinaisons, ce qui lui valut le surnom d’inévitable. Cette période fut une des plus actives de sa vie et peu d’hommes politiques ont su montrer autant d’habileté et de souplesse. Comme membre de la Chambre introuvable en 1815 et comme garde des sceaux en 1818. pendant les troubles sanglants de Lyon, il s’associa par ses paroles, ses votes et ses actes à bien des mesures antilibérales et à une répression sans pitié ; cependant on ne peut méconnaître qu’il joua autant que possible un rôle de modérateur. Placé entre l’opposition des Manuel, des Foy, des C. Périer, des Benj. Constant, des La Fayette, des Royer-Collard et celle des ultras, comme les La Bourdonnaye, les Donnadieu, les Castelbajac, il se vit accusé de servilité et de défection par les deux partis, inconvénient du double rôle politique qu’il jouait. Il fut le rapporteur de la loi sur les écrits séditieux, vota l’établissement des cours prévôtales ; mais il défendit l’inamovibilité des juges contre M. de Bonald et combattit les catégories d’exception demandées par M. de La Bourdonnaye contre les amnistiés ; plus tard pair de France, il combattit la loi de tendance, l’invasion des jésuites dans l’enseignement et la loi sur le sacrilège.

Après avoir fait partie du cabinet Richelieu et du cabinet Decazes, dont les idées, si monarchistes qu’elles fussent, pouvaient passer pour modérées vis-à-vis des violences de la droite, le baron Pasquier se jeta, lors de l’attentat de Louvel, dans le parti de la répression. Garde des sceaux à cette époque, il provoqua les mesures les plus restrictives de la liberté de la presse et de la liberté individuelle, en faisant investir le gouvernement d’un pouvoir illimité par la loi dite de confiance. Ce fut à cette occasion (mars 1820) que, répondant à ceux qui lui reprochaient de demander l’arbitraire pur et simple, il lança la fameuse phrase : « Oui, je demande l’arbitraire, mais pour deux motifs : le premier parce que lorsqu’on sort de la légalité ce ne peut être que pour un but important, pour un grand objet à remplir, et l’arbitraire alors est justifié par la nécessité des circonstances ; le deuxième, parce que nul inconvénient n’est plus grand que celui de l’arbitraire déguisé, introduit dans un gouvernement libre ; c’est alors véritablement la corruption de toutes les constitutions ; au contraire, l’arbitraire nettement exprimé peut être un remède salutaire dans de grands périls. » De pareils sophismes sont propres à justifier tous les attentats, mais on ne peut disconvenir qu’il y avait une certaine franchise à les exprimer si clairement. Il soutint par les mêmes motifs les lois d’exception proposées contre la presse, rendant tous les journaux responsables d’un attentat dans lequel, l’histoire l’a prouvé, ils n’étaient absolument pour rien. M. Pasquier céda, le 14 décembre 1821, son portefeuille à M. de Montmorency et entra à la Chambre des pairs.

La révolution de 1830 le trouva dans cette position. Il servit Louis-Philippe de la même manière qu’il avait servi l’Empire, la Restauration, Louis XVIII et Charles X. Louis-Philippe le nomma président de la Chambre des pairs (3 août 1830), haute position qu’il occupa pendant toute la durée du règne. En 1837, on ressuscita pour lui la dignité de chancelier de France et, en 1844, il fut créé duc. Pendant ces dix-huit années, il prit une très-grande part à la direction des affaires. Comme président de la Chambre des pairs, on n’eut le plus souvent qu’à louer son habileté, sa souplesse, son expérience, sa fécondité do ressources, sa lucidité dans la direction des discussions ; comme président de la cour des pairs, il siégea dans les procès les plus fameux, ceux des ministres de Charles X, des insurgés d’avril, d’Alibaud, de Fieschi, de Quénisset, de Barbes, du prince Louis-Napoléon, du National, et montra souvent une partialité, une intolérance singulières. Dans l’affaire Quénisset, il soutint la théorie de la complicité morale, thèse odieuse, dont le triomphe serait le renversement de la loi ; dans l’affaire du National, il interdit la parole à Carrel pour avoir appelé assassinat, devant la cour des pairs, la condamnation du maréchal Ney, et s’attira du général Exelmans la plus violente apostrophe. À entendre Pasquier déclarer que toute la cour des pairs était solidaire de cette condamnation, on aurait pu croire qu’il avait pris part à ce procès célèbre ; mais il n’était à cette époque ni pair ni ministre, et c’était, en 1834, pousser un peu loin la générosité pour les pairs de 1815 que de vouloir partager ainsi leur responsabilité.

Cette longue carrière politique fut brisée par la révolution de février 1848 ; le duc Pasquier prit alors irrévocablement sa retraite. En 1842, l’Académie française lui avait offert le fauteuil de l’abbé Frayssinous, de préférence au comte Alfred de Vigny, qui fut repoussé. Pasquier n’avait d’autres titres que la collection de ses discours ; il les publia la même année : Discours prononcés dans les Chambres législatives de 1814 à 1836 (4 vol. in-8°). Le seul morceau littéraire est un Éloge de Cuvier prononcé à la Chambre des pairs. Il occupa ses loisirs, de 1848 à 1862, en rédigeant de volumineux Mémoires, qui doivent, dit-on, avoir 15 volumes et qui présenteront assurément un grand intérêt de curiosité. La famille ne s’est pas encore décidée à les faire paraître. De son mariage avec la veuve du comte de Rochefort, le duc Pasquier n’a pas eu d’enfants, mais il a adopté son petit-neveu, le marquis d’Audiffret, qui aujourd’hui porte son nom.

Il reste à caractériser le rôle politique joué par ce haut personnage sous tous les régimes qui se sont succédé. Lui-même s’est pour ainsi dire défini, mais assez favorablement, en montrant que Cuvier, dans sa carrière politique, n’a jamais fait que « prêter son appui » aux divers gouvernements sous lesquels il a vécu. M. Guizot a dit de lui : « La France juge sévèrement M. Pasquier ; elle l’a toujours vu dans le sein ou à la porte du pouvoir, toujours entrant, sortant, rentrant, ministre presque inévitable sous telles ou telles formes, dans telles ou telles combinaisons. On a dit que M. Pasquier n’a point d’opinion ; on se trompe, il en a une ; c’est qu’il faut se méfier de toutes les opinions, passer entre elles, glaner quelque chose sur chacune, prendre ici de quoi répondre là, là de quoi répondre ici, et se composer chaque jour une sagesse qui suffise à la nécessité du moment. La nature même de ses opinions lui permet de changer de place sans trop se démentir, car elle consiste précisément à ne se fixer nulle part avec rigueur. » (Guizot, Des moyens de gouvernement.) Les contemporains ont été unanimes à louer, dans le duc Pasquier, les qualités de l’homme du monde, ses grâces personnelles, sa conversation aimable, son urbanité ; c’était avant tout un homme d’esprit. À la tribune, il était plus disert qu’éloquent, mais il avait une élocution aisée, uns grande mémoire, la connaissance des faits et des passions, ne se déconcertait jamais et savait trouver la réplique avec un grand à-propos. Ce sont de grandes qualités chez un homme d’État ; mais il lui a manqué la meilleure de toutes, l’indépendance des idées et du caractère.

PASQUILLB s. f. (pa-ski-lle ; Il mil. — da l’ital. pasquilto, brocard). Plaisanterie grossière, insultante : Ce n’était que pasquili.es et brocards ; le peuple le poursuivait de ses chansons dans la rue. (Quinet.)

PASQUIN s. m. (pa-skain — allus. au Pasquin de Rome). Plat bouffon, méchant diseur de bons mots : Faire le pasquin. Ce n’est qu’un pasquin.

— Epigramme malicieuse, bon mot scandaleux, dans le genre de ceux qui étaient affichés sur le socle de Pasquin 1 Le pape Sixte fit faire un ban que quiconque saurait l’auteur de ce pasquin.... (Brantôme.) il Libelle diffamatoire : Ce Théophile, si vaillant à sauver les autres, avait bien de ta peine à se sauver lui-même ; mais je doute fort qu’il se soit hasardé à mettre flamberge au vent pour intimider le duc de Luynes, qui le menaçait de coups de bâton, le soupçonnant d’être l’auteur de certains pasquins dirigés contre lui. (V. Fournel.)

— Bouffon de comédie : Le Pasquin de la troupe. Un râle de Pasquin.

PASQDIS, nom donné par le peuple de Rome au torse informe d’une statue mutilée, trouvé sous te pavé de la rue del Governo-Vecchio, près de la place Navone, et dressée aujourd’hui sur une petite place qui, de son nom, s’est appelée piazza Pasquiuo. Ce vieux marbre, fragment d’une statué d’Hercule ou d’Alexandre, suivant les uns, d’un groupe d’Ajax emportant le corps de Pairocle suivant d’autres, a joué un certain rôle dans l’histoire anecdotique de la Rome papale. Depuis la fin du xve siècle jusqu’à nos jours, il n’a cessé de dialoguer avec une autre statue, Marforio, qui lui faisait pendant, les satiriques et les malins de Rome s’amusant à coller sur le socle de Marforio des questions qui provoquaient une réponse préparée d’avance et que Pasquin ne manquait jamais de faire. Ces épigrammes couraient ensuite débouche en bouche par la ville.

Le premier auteur qui fasse mention de Pasquin est un érudit du xvie siècle, Castelvetro, dans ses Bagione d’alcune cose (1560, in-8°), à propos d’une canione d’Annibal Caro : « 11 ne sera pas hors do propos que j’écrive ici une brève histoire de maître Pasquin, qu’Antonio Tibaldeo, de Ferrare, qui fut de son temps un homme d’un grand savoir et d’une grande autorité, avait coutume de raconter dans sa vieillesse. Quand j’étais jeune, disait-il, vivait à Rome un tailleur assez habile dans son métier, qu’on appelait maestro Pasquiuo, lequel avait sa boutique dans la quartier de Parione. Il habillait, bon nombre de courtisans, niais il était d’humeur radieuse, et, tout en travaillant, lui et ses garçons parlaient librement des affaires de la ville et de la cour, non sans médire souvent du pape, des cardinaux et autres prélats, de même que des grands seigneurs. Ceux-ci n’en tenaient aucun compte ; loin de là, il arriva que, dès qu’un bon mot circulait contre quel 3u’un d’importance, on le mettait, de peurêtre inquiété, sur le compte de maître Pasquin. Or, il arriva que, après sa mort, comme on pavait la petite place sur laquelle il avait demeuré, une statue antique de marbre mutilée et brisée, représentant un gladiateur, qui était à demi enterrée sur la voie publique et dont la dos servait à poser le pied pour 110 pas se crotter les jours de boue, fut enlevée et adossée par moi-même à la boutique do maître Pasquin ; ce qui fait que le peuple lui donna ce nom, et, depuis ce temps, les courtisans avisés et les poiites prudents de Rome, conformément à l’usage déjà ancien, attribuèrent à cette statue les épigrammes et les bons mots dont les auteurs n’auraient pu se nommer sans danger. »

Lorsque Luther commençait à so faire craindre à Rome, depuis longtemps déjà Pasquin poursuivait de ses mordantes satires papes, cardinaux et prélats de l’Église romaine. L’histoire de Pasquin présente un grand intérêt politique en ce qu’elle nous donne des indications précieuses sur les idées et les sentiments qui régnaient parmi les Romains, et sur l’opinion qu’ils avaient de leurs gouvernants. La liberté de la parole, qui était interdite aux sujets du pape, Pasquin en usait largement, en dépit de la prohibition. Quelles que fussent les précautions prises par la police, quelle que fût la sévérité des peines infligées aux délinquants, on trouvait toujours moyen, quand l’occasion s’en présentait, d’afïicber sur la statuo des feuilles iie papier contenant des épigrammes ou des

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