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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 12, part. 1, P-Pate.djvu/382

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le vent, la pluie, la neige ; passer au milieu des soldats ou parmi des brigands ; dormir dans les bois, sur la terre nue ou sur une couche d’herbes et de feuilles sèches ; habiter des cavernes, des granges abandonnées, des cabanes de pâtre ; se glisser furtivement, dans les villages et, recueilli dans une maison pieuse, ne pouvoir pas même, pour rasséréner son âme désolée, caresser le soir, près du feu, les petits enfants de son hôte, de peur d’être trahi par leur babil innocent ; se cacher sous les toits, dans les puits ; jouer d’audace, sortir travesti, passer devant, les sentinelles en imitant les manies des insensés ou la pantomime des baladins ; la fatigue, le chaud, le froid, la faim, l’abandon, la solitude et, enfin, l’échafaud, voilà les plus ordinaires aventures d’un pasteur du désert. • Telle fut, en effet, la vie de Du Serre, de Claude Brousson, de G. Astier, d’Élie Marion et de bien d’autres martyrs obscurs. Claude Brousson, traîné à la torture, fut condamne à la roue et au gibet ; mais on lui épargna les tortures, on se contenta de l’étrangler. Ses sermons, sous le titre de Manne mystique du désert, furent réunis en 1695 ; c’est le résumé de ses quatre ans de prédication.

Les portraits des chefs de partisans Roland et Jean Cavalier, qui, l’épée à la main, disputent aux miquelets et aux dragons les défilés des Cévennes, ne sont pas moins curieux ni moins intéressants. Presque tous leurs faits d’armes sont héroïques. Les prophètes qui fanatisent les masses, la belle Isabeau à leur tête, et entraînent à la victoire des paysans désarmés, offrent à l’historien comme au physiologiste de curieux problèmes à résoudre, touchant le mysticisme et sa puissance occulte. M. Peyrat n’a fait qu’effleurer ces questions, qui forment un des chapitres les plus intéressants de VHistoire du merveilleux de Louis Figuier. En face de ces fanatiques, dévoués à leur foi jusqu’à la mort, le politique Bàville, qui regrette au fond du cœur de décimer ces populations laborieuses et qui n’en accomplit pas moins sa lugubre tâche ; Montreve), le vieux maréchal, qui s’occupe surtout de sa cuisine et de ses vins fins, au milieu des fusillades, qui, d’ailleurs, emmène avec lui, dans les gorges et les défilés des Cévennes, sa maîtresse, la jolie Sylvie de Soustelles ; et l’évêque de Valence, Cosnac, plus courtisan que prêtre, et Pellisson, avec sa caisse des conversions, où les protestants peuvent puiser 2 écus par tète en abjurant ; ces personnages si divers jouent évidemment dans ce livre des rôles sacrifiés. Il faut, il est vrai, se souvenir, mais non pour excuser toutes ces turpitudes et toutes ces violences, que l’esprit du protestantisme, comme le remarque M. Peyrat, est essentiellement fédératif, et que le soulèvement, s’il eût réussi, ne visait à rien moins qu’à constituer une république du Midi, c’est-à-dire à démembrer la France. La répression était donc, en apparence, autant politique que religieuse ; mais qui avait provoqué ces tentatives de démembrement si ce n’est l’auteur de l’acte inique ? Tout l’odieux de la répression doit, par conséquent, lui incomber en même temps que la responsabilité du péril qu’il avait fait courir au pays.

Panieur du désert (le), par Eugène Pelletan (1855, in-12). Ce livre est l’histoire du grand-père de l’auteur, Jean Jarousseau, pasteur du désert à Saint-Georges de Didonne, dans la Charente-Inférieure. Il continue celui de M. Peyrat, en montrant quelle était encore la situation des protestants un siècle après la révocation. Dans toutes ces pages, on sent courir encore un souffle de vénération et de piété filiale. Le portrait du pasteur, l’intérieur de sa maison sont dépeints avec amour. Obligés de se cacher au désert pour exercer leur religion en liberté, ou de se réfugier sur la haute mer, poursuivis par les soldats, en butte à la tempête, les malheureux réformes aimaient encore mieux tout endurer que de reuier leur foi. Leur énergie était soutenue par la constance à toute épreuve de leurs conducteurs. Jarousseau fut consacré pasteur dans une assemblée où périt Gibert et il fut lui-même blessé par la balle d’un soldat au milieu de sa prédication. Avec la candeur naïve d’un enfant, le pasteur de Saint-Georges de Didonne ne pouvait croire qu’un tel état de choses fût connu du roi ! Si le roi savait nos souffrances et nos misères, il ne manquerait pas, croyait-il, de les soulager, et, bien pénétré de cette conviction, il annonça un jour à son troupeau qu’il allait le quitter et réclamer à Paris une amélioration de leur sort. C’était pour lui une énorme dépense ; il fallut vendre le bien de ses enfantsj mais pouvait-il hésiter quand il s’afissait d’un aussi grave devoir ? Le voilà ouc en route, et c’est le récit de cette odyssée qui remplit les derniers chapitres du livre. On y voit comment il échappa à la maréchaussée, à laquelle il avait été désigné par l’intendant de sa province, grâce à l’habileté d’un fripon qui 1« dépouilla ; comment il fut présentera Malesherbes et comment Malesherbes l’introduisit auprès du roi. Celui-ci promit à l’humble apôtre la liberté de conscience qu’il était venu lui demander ; mais il s’écoula dix années avant qu’il tint sa promesse. « Le pasteur Jarousseau, dit E. Pelletan, vécut plein d’années jusque sous la Restauration, au milieu de ses enfants et de ses petits-enfants ; car, pourquoi ne lo dirais PAST

je pas ? je suis un de ceux-là, et c’est mon titre de noblesse. D’autres ont leurs aïeux et les nomment avec orgueil ; orgueil pour orgueil, nous avons nos aïeux aussi : les vôtres vous ont légué des parchemins, les nôtres nous ont légué des vertus. Nous ne changerions pas d’héritage ni de blason. J’ai vu dans mon enfance et je vois encore de souvenir le patriarche toujours vénéré de notre famille lorsque, assis sous son figuier, à l’entrée de la dune, au dernier rayon du soleil couchant* il nous prenait tout petits sur ses genoux, nous montrait Dieu dans la splendeur du ciel, nous posait ensuite sa main sur la tête et nous donnait sa bénédiction. »

En terminant, l’auteur, dans des chapitres où la réalité se mêle aux visions apocalyptiques, donne sa pensée sur la situation religieuse de l’époque : «Deux puissances, dit-il, régnent sur les âmes : la religion et la philosophie ; jusqu’à présent elles ont vécu en querelle. Aujourd’hui on p : irle de les réconcilier. La réconciliation est-elle possible et à quelle condition est-elle possible ? Voilà la question posée : le monde attend la réponse...» Le catholicisme n’est pas capable de supporter cette réconciliation. Il est condamné à l’immobilisme. Il faut donc une autre théolo-gie pour conclure la paix avec la philosophie. Laquelle ? Ce sera la Réforme. « Veut-elle reprendre les âmes comme elle les a déjà

Erises une première fois ? Eh bien I qu’elle rise lo cadre trop étroit de tel ou tel synode, qu’elle l’étende a la mesure du xixe siècle pour y faire entrer tous les progrès accomplis depuis trois cents ans, et alors elle pourra y faire entrer du même coup les multitudes, les nations formées et pétries de tous ces progrès. Elle a la chance admirable d’être la religion de la liberté dans un temps où l’Europe gravite tout entière vers la liberté, avec plus ou moins de lenteur sans doute, mais avec la fatalité de l’astre sur son orbite. La paix entre la Réforme et le monde moderne est à moitié conclue ; un pas de plus, elle est signée. »

Cet ouvrage est un des plus remarquables de M. Pelletan sous le rapport du style. Il a parfaitement pris le langage biblique des vieux protestants et il a jeté sur tout le récit son esprit si fin et si littéraire. Certaines pages sont de la plus haute éloquence : ainsi celles qui ouvrent le volume sur les morts inconnus. Tout y est grand, majestueux, solennel. L’élévation de l’idée rehausse encore la richesse de la langue ; on ne pouvait mieux louer ces héros modestes qui ont eu toutes les bonnes pensées, accompli toutes les bonnes œuvres et qui sont couchés maintenant sous les hautes herbes, sans qu’une épitaphe, sans qu’une pierre seulement rappelle leur mémoire. C’est pour protester contre cette injustice, contre cet oubli, que M. Pelletan a publié l’humble odyssée d’un pasteur du désert à la recherche dé la liberté de conscience.

PASTEURS ou HYKSOS, peuplades barbares qui envahirent l’Égypte vers 2080 av. J.-C, et dont les chefs, devenus souverains de l’Égypte, forment en partie la dix-septième dynastie. Nous complétons ici les notions sommaires que nous avous données au mot Hyk- sos. Cette invasion est un des faits les plus importants des annales égyptiennes. Josèphe nous a conservé le fragment de Manélhon relatif à cet événement mémorable : « Sous le règne de Timaos (dernier roi de la seixième dynastie, 2100 à 2080), Dieu fut irrité on ignore pourquoi, et des hommes de race ignoble, venant à l’improviste des régions orientales, envahirent l’Égypte, pénétrèrent dans la contrée et s’en emparèrent en peu de temps, presque sans combat. Ils opprimèrent les chefs du pays, brûlèrent les villes avec fureur et renversèrent les temples des dieux. Ils se conduisirent en ennemis cruels contre les habitants de l’Égypte, réduisirent en esclavage les femmes et les enfants, et, ce qui mit le comble aux malheurs du pays, ils choisirent un d’entre eux, Salathis, pour le faire roi. Salathis se rendit maître de Memphis, sépara par ik la haute Égypte de la btisse, leva des impôts, plaça des garnisons dans les lieux convenables et fortifia particulièrement la partie orientale du pays... Salathis mourut après avoir régné dix-neuf ans. • Cette invasion changea subitement les choses en Égypte ; cette guerre d’extermination, la destruction des monuments, des temples et de tous les grands travaux d’utilité publique arrêtèrent l’essor de la civilisation. Une barbarie farouche remplaça l’habitude des lais, et l’Égypte cependant résista à toutes ces calamités. On a les noms de cinq des rois Pasteurs qui succédèrent à Salathis : Eœon, qui régna 44 ans ; Apachnon, 36 ans ; Apophis, Gl ans ; Janias, 50 ans ; Assis, 49 ans. Ces cinq règnes forment, avec celui de Salathis, une période d’environ 260 ans ; quelques auteurs lui donnent à tort une extension de cinq siècles. Les pharaons avaient réussi à conserver leur autorité dans quelques parties de la Thébaïde, dans la Nubie et 1 Arabie ; ils ne cessèrent de lutter contre les envahisseurs étrangers et l’époque où ils redevinrent les maîtres de Memphis est indécise. Les derniers coups furent portés aux Hyksos par Ahmôs, l’Amosis des Grecs (1822 av. J.-C), et par son fils Touthmosis. Il résulta de cette domination que l’Égypte conserva contre l’Asie une éternelle haine. Les conquêtes de

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Rhamsès le Grand (Sésostris) et les continuelles expéditions des rois égyptiens contre les peuples d’Asie, la Syrie, la Palestine, etc., sont un témoignage.de cet implacable ressentiment, que les siècles ne purent apaiser. M. Moreau de Jonnès, dans un ouvrage récent, considère les Hyksos comme des tribus celtiques ; Josèphe, pour exalter les antiquités de sa nation, suivant son habitude, en fait des Juifs, ce qui n’a pas le moindre fondement. Il est vraisemblable qu’ils étaient de race scythique.

Pnslenr (DAMES DU Bon-). V. BON PASTliTJR.

PASTEUR (Jean-David), homme politique et naturaliste hollandais, né à Leyde en 1753, mort à La Htiye en 1804. Il s’adonna de bonne heure à l’étude des sciences naturelles, puis suivit la carrière du barreau. Chargé, en 1795, par le gouvernement provisoire de rapatrier les vaisseaux hollandais qui se trouvaient dans les ports de l’Angleterre, il remplit avec succès sa mission, fut nommé, à son retour, membre du comité do la marine, représentant à la première Convention nationale (1796), devint un des présidents de la seconde (1797), fut emprisonné, l’année suivante, par le parti de la réaction devenue triomphante, recouvra la liberté le 12 juin 1798, entra au Corps législatif et en fut jusqu’à sa mort un des secrétaires. On a de lui : Histoire naturelle des mammifères (3 vol. in-8o) ; les Musses dans la Hollande du Nord, drame, et un certain nombre de traductions d’ouvrages français et anglais.

PASTEUR (Louis), chimiste français, né à Dole (Jura) en 1822. Il termina à Paris ses études, qu’il avait commencées en province, obtint une place de maître d’éludé au collège de Besançon (1840) et se fit admettre, trois ans plus tord, à l’École normale. Successivement agrégé des sciences physiques

en 1846, préparateur de chimie à l’École normale, docteur es sciences (1847), il devint professeur de physique au lycée de Dijon en 1848, professeur suppléant de chimie à la Faculté de Strasbourg en 1849 et professeur en titre en 1852. Après avoir été, de 1854 à 1857, doyen de la Faculté des sciences de Lille, il fut appelé à Paris et nommé directeur des études scientifiques à l’École normale (1857), professeur de géologie, de physique et de chimie à l’École des beaux-arts (1863), puis professeur de chimie à la Sorbonne. Si. Pasteur est membre de l’Académie des sciences et, depuis 1873, membre associé de l’Académie de médecine. Il a acquis une grande réputation dans le monde savant, principalement par ses travaux de chimie moléculaire, par ses études sur les ferments et la génération spontanée. Adversaire de l’hétérogénie, il combattit, à l’aide d’expériences et dans des discussions publiques àl’Académie, les théories dont M. Pouchet était le plus éminent champion. Nous avons longuement parlé ailleurs (v, génération spontanée) de ces débats qui eurent tant de retentissement et auxquels M. Pasteur prit une part considérable ; nous ne nous y arrêterons donc point ici. Parmi les travaux de cet éminent savant, nous citerons : ses études sur la polarisation rotatoire et la constitution moléculaire de l’acide paratartrique qui lui firent décerner par la Société royale de Londres la grande médaille Rumford en 1856 ; ses travaux sur la fermentation lactique, la fermentation de l’acide taririque, la fermentation alcoolique, qui lui ont valu, en 1859, un prix de physiologie expérimentale ; les travaux par lesquels il est parvenu à établir la théorie complète de l’acétification ; ses études d’une grande importance pratique sur les industries du vin, de la bière, sur ia maladie des vers à soie, etc. Ses travaux sur la chimie lui ont fait décerner, en 1861, le prix Jecker, et en avril 1S74, sur l’avis d’une commission chargée d’examiner ses travaux, le ministre de l’instruction publique a présenté à l’Assemblée nationale un projet de loi tendant à lui accorder, à titre de récompense nationale, une pension annuelle et viagère de 20,000 fr. M. Pasteur est depuis 1S68 commandeur de la Légion d’honneur. Lors du

bombardement de Paris par le roi de Prusse, M. Pasteur écrivit, le 18 janvier 1871, au doyen de la Faculté de Bonn une lettre dans laquelle il le priait de rayer son nom de la liste des docteurs honoraires de cette Faculté et de reprendre le diplôme qu’elle lui avait envoyé, « en signe de l’indignation qu’inspirent à un savant français la barbarie et l’hypocrisie de celui qui, pour satisfaire à un orgueil criminel, s’obstine dans le massacre de deux grands peuples. ■ Indépendamment de nombreux mémoires adressés à l’Académie des sciences, publiés dans les Annales de chimie et de physique, dans le liecueil’des savants étrangers, et analysés dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, on doit à M. Pasteur quelques ouvrages : Nouvel exemple de fermentation déterminée par des animalcules infusoires pouvant vivre sans oxygène libre (1363, in-4o) ; Études sur le vin, ses maladies, les causes qui les provoquent (1866, in-8o) ; Études sur le vinaigre, ses maladies, moyens de les prévenir (isos, iu-so) ; Eludes sur ta maladie des vers à soie (1870, 2 vol. in-S°) ; Quelques réflexions sur ta science en Fiance (1871, in-8o), etc.

PA3TIGHE s. m. (pa-sti-ehe — ital. pasticcio, proprement pâté, du latin pasta, pâte, le

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même que le grec paslé, plat de mets broyés ensemble, pasta, bouillie d orge, probablement le même que le sanscrit pishta, farine, de la racine pish, broyer, zend piç, lithuanien paisyli, latin pinso. V. pâte). Tableau dans lequel un peintre a imité fa manière d’un autre : Ce peintre n’a fait que des pastiches. Nos artistes sont incessamment courbés sur les (résors du cabinet des estampes pour faire du nouveau en faisant d’adroits pastiches. (Balz.)

— Par est. Imitation, ceuvre d’art ou de littérature imitée d’autres œuvres et dépourvue d’originalité : L’on éprouve des mirages singuliers en parcourant Munich, où tous les styles se confondent dans un pastiche général. (Th. Gaut.) Cette singerie qu’on appelle pas-’ tiche est de savoir s’assi7niler à un grand écrivain. (Marmontel.)

— Mus, Œuvre musicale formée de morceaux de différents maîtres, ou de différentes œuvres du même maître : Robert Bruce est une sorte de pasticuS presque entièrement composé de la Dame du lac, de Bianca et Faliero et autres opéras de la jeunesse de Ilossini. (Th. Gaut.)

— Encycl, Peint. En peinture, en musique, en littérature, le pastiche, qu’il ne faut pas cependant confondre avec ia copie servile et le plagiat, est une œuvre qui manque d’ori „ginalité. « En peinture, dit M. Deléeluze, le mot pastiche s’applique à un uibleau où le peintre a mêlé sa manière à celle d’un autre dont il a emprunté le goût, les formes et le coloris : Teniers et Bourdon se sont rendus fameux par les pastiches qu’ils ont faits d’après les maîtres. Le pastiche en peinture est de deux genres : l’un se rapproche de la copie exacte et ne prend le nom de pastiche que parce que le peintre, par une disposition particulière de son talent, peut contrefaire la manière du maître jusqu’à tromper les connaisseurs : c’est en cela qu’a excellé David

Teniers comme faiseur de pastiches ; l’autre genre de pastiche, au lieu de produire des copies exactes ou espèces de trompe-l’ail, a pour objet, sur une composition nouvelle, de rappeler la manière de tel ou tel grand maître dont les ouvrages sonr devenus classiques. »

Parmi les exemples curieux et célèbres de cette sorte de pastiche, il en est un qui mérite d’être rappelé. Il s’agit de Courbet : il était alors jeune et dans toute la vigueur d’un talent qui s’affirmait dans une première manière ; néanmoins, grâce à ses coups de boutoir et à ses audaces, sa réputation était très-contes tée, et dans tout le bruit qui se faisait autour de lui, son talent avait moins de place que sa personne et que son caractère. Soit affaire de tempérament, d’instinct, soit patgoût artistique ou par suite d’études antérieures, Courbet peignait alors avec des tons extrêmement vigoureux, un peu sombres, recherchant les éclairages francs, à effet, et un dessin net, simple et corsé, toutes choses qui donnaient à sa peinture une singulière analogie avec celle des maîtres espagnols. Un de ses amis, se trouvant un jour chez un amateur connu du monde artistique, entendit ce dernier faire une critique aussi verte qu’injuste du peintre d’Ornans. Il ne répondit rien à cette sortie, mais il vint emprunter à Courbet l’un des tableaux qui ornaient les murs de son atelier ; c’était son portrait, très-peu ressemblant d’ailleurs, une étude plutôt qu’autre chose ; ce tableau représentait un jeune homme dont la tète, seule terminée, était en pleine lumière ; il était vêtu d’une blouse gris bleu foncé, les manches un peu retroussées laissant voir le poignet blane de la chemise, serrée à la taille par une ceinture de cuir jaune à boucle ; une chemise sans col se montrait au-dessus de la blouse et enfermait le cou ; l’une des mains, merveilleuse de modelé et de couleur, nerveuse et fine, était appuyée sur un vieux carton vert ; tout cela enlevé sur un fond brun gris sombre, sur lequel les accessoires et le bas de la blouse se détachaient ù peine. On ne savait trop au juste, eu effet, à quelle époque pouvait appartenir ce personnage dont le costume simpliste était de tous les temps. L’ami emporta la toile et vint trouver l’amateur, sous prétexte de lui demander son avis sur le tableau qu’il croyait, disait-il, à première inspection, appartenir à l’école de Velazquez, mais sans oser dire que ce lut une œuvre du peintre espagnol. L’amateur regarda, examina, s’extasia sur le dessin, le coloris, l’énergie, la puissance de la facture, exalta les vieux maîtres, en passant condamnation sur les modernes, et finalement conclut en attribuant la paternité de la toile à Velazquez. À quelques jours de là, l’ami revit notre amateur : « J’ai appris quel était l’auteur du tableau quo je vous ai montré, lui dit-il ; ce n’est pas un vieux maître, c’est un artiste moderne, ce n’est pas Velazquez, c’est Courbet, t On devine quelle mine fit l’amateur. Courbet, pour qui le jury d’exposition se montrait aussi sévère que la critique, songea à envoyer uix Salon cette toile qui venait de lui attirer des éloges aussi complets. Le jury refusa le tableau, prétextant que l’auteur était mort depuis longtemps. « Ce farceur de Courbet, dit-il, veut nous mystifier et nous prendre en flagrant délit d’ignorance. Il a écrit sou nom sur une vieille telle, mais cela ne suffit pas ; nous reconnaissons le maître et sa manière : c’est un Velazquez. • Et Courbet protesta vainement, le jury n’en voulut point déraor-