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guement sous le nom de Galatie, c’est-à-dire la Pamphilie, la Pisidie, la Lycaonie et une partie de la Phrygie. Les deux missionnaires séjournèrent à Perge, à Antioche-Césarée, où ils occasionnèrent contre eux des soulèvements, ainsi qu’à. Lystres et à Iconium, où Paul, d’après un roman qui prit naissance seulement au IIIe siècle, aurait eu pour disciple fervent la belle Thécla. À Lystres, il convertit toute une famille païenne dont le fils, Timothée, à qui sont adressées deux Épîtres certainement apocryphes, lui resta attaché pendant une longue partie de sa carrière. Arrivé à la Galatie proprement dite, Paul s’arrêta et résolut de retourner à Jérusalem ; c’est cependant sous le nom d’Église de Galatie qu’il parle des contrées qu’il avait évangélisées, comme en témoignent ses Épîtres aux Galates ; cette contrée fut toujours son foyer de prédilection. Il refit en sens inverse le chemin qu’il avait déjà parcouru, et il était de retour à Antioche vers l’an 51.

Disons en passant qu’on se ferait une idée fausse de ces voyages si on les comparait à ceux des missionnaires actuels, soutenus par de puissantes associations qui couvrent leurs dépenses. Ceux de saint Paul et de ses compagnons ressemblaient bien davantage aux tours de France ou d’Europe d’ouvriers en quête d’instruction. Ils vivaient de leur travail ; Paul tissait des tapis, s’arrêtant là où il trouvait de l’ouvrage, et ce qui facilitait ses séjours, en même temps que son prosélytisme religieux, c’est l’énorme diffusion du peuple juif qui était alors ce qu’il est encore aujourd’hui en Orient, répandu dans les bas quartiers de toutes les villes, livré aux trafics les plus infimes et accaparant tous les petits commerces. Paul voyageait à pied, vivant de peu, souvent rebuté et maltraité ; de pareilles excursions n’étaient pas sans danger, et parmi ceux auxquels il parlait d’abandonner la loi de Moïse pour celle du Christ, il ne rencontrait pas que des amis. Malgré la tolérance de la police romaine, qui s’inquiétait peu des querelles des sectes juives, il fut plusieurs fois incarcéré. On peut à peu près l’en croire quand il dit de lui-même : « Les fatigues, les prisons, les coups, la mort, j’ai goûté tout cela avec surabondance. Cinq fois les Juifs m’ont appliqué leurs trente-neuf coups de corde ; trois fois j’ai été bâtonné, une fois j’ai été lapidé ; trois fois j’ai fait naufrage. Voyages sans nombre, dangers au passage des fleuves, dangers des voleurs, dangers venant de la race d’Israël ; dangers venant des gentils, dangers dans les villes, dangers dans le désert, dangers sur la mer, dangers des faux frères, j’ai tout connu, fatigues, labeurs, veilles répétées, faim, soif, jeûnes prolongés, froid, nudité, voilà ma vie. » (IIe Épître aux Corinthiens.) Paul écrivait cela en 56, et il avait encore à mener dix ans environ d’une pareille existence.

Auparavant, un fait grave s’était produit, et la scission entre Paul et l’Église de Jérusalem avait été encore une fois imminente. Ceux qui s’intitulaient les apôtres et les disciples de Jésus-Christ, ceux qui étaient en tout cas ses véritables exécuteurs testamentaires, songeaient si peu à faire de la foi nouvelle une religion universelle, qu’ils continuaient à maintenir toutes les pratiques restrictives de la loi mosaïque : la circoncision, la défense des mariages entre Juifs et gentils, la défense de manger de certaines viandes, etc. ; Paul était pour eux un objet de scandale en ce que, convertissant ça et là quelques gentils, il ne se croyait pas obligé de les faire préalablement juifs. Un disciple qu’il avait amené avec lui à Antioche, Titus, n’était pas même circoncis. Paul se rendit à Jérusalem pour que la question fût résolue ; il y eut quelques conciliabules où l’on ne put s’entendre sur cet important sujet ; Paul en conféra avec Pierre, Jacques et Jean, et, pour en finir, on décida que Titus serait circoncis, pour le bon exemple, mais que Paul pourrait ne pas contraindre à cette opération les autres gentils qu’il convertirait. À ce propos, il dit à Pierre : « Nous pouvons nous entendre ; à toi l’Évangile de la circoncision ; à moi l’Évangile du prépuce. » (IIe Épître aux Galates.) C’est ce que l’Église appelle fièrement le premier concile de Jérusalem !

Paul, en fait, avait cédé ; retourné en Galatie (52) et pensant s’attacher Timothée comme disciple, il le circoncit de ses propres mains pour éviter de nouvelles complications et revit toutes les petites communautés qu’il avait fondées. Il s’était adjoint un nouveau compagnon, Silas. Tous les trois longèrent les côtes de l’Asie Mineure, traversèrent l’Hellespont et gagnèrent la Macédoine. M. Renan conjecture qu’un médecin grec, du nom de Lucas ou Lucanus, qu’ils convertirent en passant à Troas et qu’ils emmenèrent avec eux, n’est autre que saint Luc, l’auteur des Actes des apôtres et de l’Évangile connu sous son nom. Ce n’est qu’une conjecture à laquelle donnent du poids quelques parties du premier de ces récits. Dans ce long voyage, les missionnaires visitèrent Philippes, Amphipolis, Thessalonique, Berée, et de là Paul, seul, se rendit par mer à Athènes. Luc a conservé le discours qu’il y prononça dans la synagogue et qui souleva les risées des auditeurs, parce qu’il y parlait de la résurrection des morts ; il y eut moins de succès qu’en Macédoine, où dans chaque ville il avait laissé quelques fidèles, noyau de petites Églises qui donnèrent au foyer central les plus lointaines ramifications. D’Athènes, il s’établit à Corinthe, où il reprit son état de tisserand ou de tapissier et où son fidèle Timothée le rejoignit. Il y séjourna dix-huit mois et y écrivit ses premières épîtres, les deux Épîtres à l’Église de Thessalonique. Ces écrits et les suivants ont une importance capitale dans l’histoire des origines du christianisme ; nous les avons appréciés à part, comme œuvres littéraires (v. épîtres) et comme doctrine (v., plus bas, paulinisme). De Corinthe, Paul se rendit à Éphèse et de là à Jérusalem, où il fit la pâque selon le rite juif (54), puis à Antioche. Bien loin d’être reçu en triomphe, il parait avoir été considéré par l’Église de Jérusalem comme un hérétique, toujours à cause de la fameuse affaire de la circoncision, et les chrétiens d’Antioche comme ceux de Jérusalem refusèrent de s’asseoir à la même table que ses disciples circoncis. Une contre-mission fut même organisée et confiée à Jacques pour s’attacher désormais aux pas de l’apôtre et contredire ses doctrines partout où il irait. Les émissaires de Jacques étant parvenus en Galatie et ayant réussi à opérer une scission entre les deux catégories de convertis, ceux qui étaient circoncis et ceux qui ne l’étaient pas, c’est pour en prévenir les effets que Paul écrivit sa première Épître aux Galates, où il prend le titre d’apôtre « non par la grâce des hommes ni par institution humaine, mais par la grâce de Jésus-Christ. » Il y raconte toutes ces dissensions intestines avec une verve remarquable. Bientôt las de ces querelles renaissantes, il se remit en marche (56), gagna Éphèse, d’où il écrivit sa première, puis sa deuxième Épître aux Corinthiens, que ses disciples lui peignaient comme se relâchant de la discipline qu’il leur avait inculquée, et passa en Macédoine comme dans le précédent voyage. Son principal séjour fut Thessalonique, où il avait le plus de fidèles ; de là il vint pour la seconde fois à Corinthe, et telle était l’exaspération soulevée contre lui par les querelles sans cesse renaissantes que ses doctrines attiraient entre les Juifs, qu’on fit le complot de le tuer (58) ; il dut changer son itinéraire pour revenir en Syrie. Pendant son court séjour à Corinthe, il avait écrit l’Épître aux Romains, une de ses œuvres capitales. Il repassa par la Macédoine, où il retrouva Lucas ou Luc qu’il y avait laissé, s’embarqua à Néapolis, toucha à Mytilène, Chios, Milet, Cos, Tyr, Ptolemaïs et rentra à Jérusalem. Il y fut accueilli par une sorte d’émeute soulevée, soit par les Juifs, soit par les chrétiens ; car le récit des Actes des apôtres est très-louche en cet endroit ; on allait l’assommer, quand l’autorité romaine intervint. Paul parvint à être conduit devant le tribun qui commandait le poste de Jérusalem ; celui-ci, ne sachant auquel entendre au milieu des vociférations, eut l’idée de faire d’abord fouetter l’homme qu’il voyait poursuivi de huées, et déjà le patient était attaché au poteau, lorsque Paul excipa de son titre de citoyen romain. Le tribun le fit relâcher, mais convoqua le sanhédrin juif pour connaître de l’affaire ; il assista aux débats et, comme il ne comprenait rien aux questions religieuses qui divisaient les juges et l’accusé, il prit le parti d’envoyer ce dernier au procureur de la Judée, Félix, à Césarée. Félix, après avoir entendu Paul et le grand prêtre Ananias, retint Paul en prison et l’y garda deux ans. L’arrivée d’un nouveau procurateur, Porcius Festus (60), améliora son sort. Festus lui proposa de le faire conduire à Jérusalem pour que son procès fût instruit à nouveau suivant les formes juives ; Paul, qui savait quel sort l’attendait, refusa et maintint son droit d’être jugé, en qualité de citoyen romain, par un tribunal romain. Le procurateur se rendit à ces raisons et décida qu’il serait conduit à Rome. Tel est le récit des Actes des apôtres ; il est accepté comme véridique dans ses points principaux par M. Renan, mais il n’en reste pas moins fort douteux que saint Paul fût citoyen romain et que, par conséquent, les choses aient pu se passer de la sorte.

Quoi qu’il en soit, le voyage à Rome est plus certain. Paul arriva dans la grande capitale vers les premiers mois de l’an 61, et il y fut retenu en captivité deux ans, avant que son procès s’instruisit. Son cachot, qui n’était pas bien étroit sans doute, fut pour lui un nouveau centre de prosélytisme ; les Actes supposent qu’il y était accompagné d’au moins deux de ses disciples, Timothée et Aristarque, qu’il y reçut des émissaires de ses Églises de Philippes et d’Éphèse, et que son action de propagande fut telle, malgré sa captivité, qu’il recruta de nombreux adhérents, parmi les femmes surtout, et jusque dans la cour même de Néron. Les historiens ecclésiastiques affirment encore qu’il fut mis en rapport avec Sénèque et qu’il le convertit ; on a même été jusqu’à chercher dans les écrits du philosophe des similitudes avec les doctrines de l’apôtre. Paul put avoir quelques rapports avec Gallion, frère de Sénèque, et avec le préfet du palais, Burrhus ; mais le peu de curiosité que ces gens d’esprit avaient des superstitions juives ne permet pas de supposer qu’ils pussent s’intéresser au captif et y intéresser les autres. Pour eux comme pour Tacite, le christianisme et le judaïsme étaient des superstitions « contraires entre elles et cependant issues des mêmes sources, » auxquelles ils ne comprenaient rien. C’est de son cachot de Rome que Paul écrivit ses Épîtres aux Philippiens, aux Colossiens, à Philémon et aux Éphésiens ; elles sont d’une authenticité douteuse, sauf peut-être la première, en faveur de laquelle se réunissent plus de présomptions de certitude. L’Épître aux Colossiens et celle à Philémon, qui en est une annexe, supposent que Luc était auprès du captif ; toutes ces choses sont bien improbables. Il en est de même de la rencontre des deux apôtres Pierre et Paul à Rome ; Pierre, poussé par l’Église de Jérusalem, jalouse des succès de l’apôtre rival, se serait mis en route pour le rejoindre et participer à son œuvre. Sans doute ces voyages ne sont pas tout à fait impossibles ; ainsi l’historien Josèphe vint à Rome en 62, c’est-à-dire précisément pendant la captivité de saint Paul, pour obtenir la délivrance de prêtres juifs envoyés à l’empereur, pour un délit qu’il ne spécifie pas, par le procurateur de Judée, Félix. Mais l’Église romaine a donné comme vrais tant de faits faux et impossibles, elle a falsifié tant de textes pour arriver à faire jouer à Rome un rôle prépondérant dès le Ier siècle sur toutes les autres Églises, que, dans cet ordre d’idées, tous les récits ecclésiastiques sont suspects. D’ailleurs, après ce qui s’était passé à Jérusalem et à Antioche, si Pierre avait rejoint Paul à Rome, ç’aurait été plutôt pour aider à détruire son œuvre que pour la consolider.

Les mêmes écrivains, se fondant sur des écrits d’une date postérieure, l’Épître aux Hébreux et la Seconde épître à Timothée, qui sont apocryphes, et sur le vœu que Paul avait émis, dans l’Épître aux Romains, d’aller évangéliser l’Espagne, font partir l’apôtre pour cette contrée vers l’an 63. Comme il faut le faire sortir de prison et qu’un miracle ne coûte rien, ils l’en font sortir d’une manière miraculeuse : un ange ouvre les portes du cachot après avoir endormi les gardes. Ils racontent alors le voyage d’Espagne, sans grands détails, car ils ne peuvent s’appuyer sur rien, font revenir Paul à Rome en 68 ou 69, et disent que, suivant le témoignage de Luc et des Actes des apôtres, il y souffrit le martyre. Mais c’est là une légende. L’expression des Actes des apôtres, μαρτυρήσαι, désigne aussi bien un témoignage public et se rapporte probablement à une simple comparution de Paul devant Néron, ou plutôt devant le conseil impérial auquel ressortissait son affaire. La querelle de secte qui avait amené Paul à Rome n’intéressait en rien les Romains, et on ne voit pas pourquoi ils l’auraient condamné à mort. Paul sortit de Rome deux ans avant la catastrophe qui coûta la vie à un grand nombre de Juifs et de chrétiens, l’incendie de Rome (64) ; peut-être y rentra-t-il et fut-il enveloppé dans le massacre, peut-être aussi mourut-il obscurément dans un des voyages qu’il entreprit après sa captivité. Les écrivains catholiques affirment que, de retour à Rome après avoir évangélisé l’Espagne, il fut appréhendé au corps comme chrétien, confessa sa foi, refusa de sacrifier aux idoles et fut condamné au supplice de la croix. Il excipa alors de sa qualité de citoyen romain et eut la tête tranchée hors de la ville, sur la voie d’Ostie, à l’endroit même où s’élève aujourd’hui l’église Saint-Paul-hors-des-Murs. « Un sort jaloux, dit M. Renan, a voulu que, sur tant de points qui sollicitent vivement notre curiosité, nous ne puissions jamais sortir de la pénombre où vit la légende. Les questions relatives à la mort des apôtres Pierre et Paul ne prêtent qu’à des hypothèses vraisemblables. La mort de Paul, en particulier, est enveloppée d’un grand mystère. Certaines expressions de l’Apocalypse, composée à la fin de 68 ou au commencement de 69, inclineraient à penser que l’auteur de ce livre croyait Paul vivant quand il écrivait. Il n’est nullement impossible que la fin du grand apôtre ait été tout à fait ignorée. Dans la course que certains textes lui attribuent du côté de l’Occident, un naufrage, une maladie, un accident quelconque purent l’enlever. Comme il n’avait pas autour de lui à ce moment sa brillante couronne de disciples, les détails de sa mort seraient restés inconnus ; plus tard, la légende y aurait suppléé en tenant compte, d’une part, de la qualité de citoyen romain que les Actes lui donnent, de l’autre, du désir qu’avait la conscience chrétienne d’opérer un rapprochement entre lui et Pierre. Certes, une mort obscure pour le fougueux apôtre a quelque chose qui nous sourit. Nous aimerions à rêver Paul sceptique, naufragé, abandonné, trahi par les siens, seul, atteint du désenchantement de la vieillesse ; il nous plairait que les écailles lui fussent tombées une seconde fois des yeux, et notre incrédulité douce aurait sa petite revanche si le plus dogmatique des hommes était mort triste, désespéré, disons mieux, tranquille, sur quelque rivage ou quelque route d’Espagne en disant, lui aussi : Ergo erravi ! Mais ce serait trop donner à la conjecture. »

Consulter : Observations on the conversion and apostleship of St Paul, by G. Lyttelton (Londres, 1747, in-8o) ; la Religion chrétienne démontrée par la conversion et l’apostolat de saint Paul, trad. de l’anglais de George Lyttelton, par Guenée (Paris, 1754, in-12) ; la Vérité de l’histoire de saint Paul, telle qu’elle est rapportée dans l’Écriture, prouvée par la comparaison des Épîtres qui portent son nom, avec les Actes des apôtres et de ces Épîtres entre elles, par Will. Paley, trad. de l’anglais (Paris, 1821, in-8o) ; Examen critique de la vie et des ouvrages de saint Paul, par d’Holbach, avec une dissertation sur saint Pierre, par Boulanger (Londres, 1770, pet. in-8o) ; Chrétien de Baur, l’Église chrétienne des trois premiers siècles (1831, in-8o) ; les Prétendues épîtres pastorales de saint Paul (1835, in-8o) ; Amédée Fleury, Saint Paul et Sénèque (1853, 2 vol. in-8o) ; Renan, les Apôtres, saint Paul, l’Antechrist (1866-1873, 3 vol. in-8o).

— Allus. hist. Saint Paul sur le chemin de Damas, Allusion à l’événement extraordinaire qui opéra subitement la conversion de saint Paul au christianisme (v. Paul [saint]). Dans le style élevé, le chemin de Damas, témoin de la transformation qui se fit dans l’âme du plus ardent persécuteur des chrétiens, est une image frappante que l’on emploie pour caractériser une illumination soudaine qui transforme entièrement nos idées, nos sentiments, nos opinions. C’est une des métaphores les plus poétiques de notre langue.

« Plus tard, M. de Lamennais tomba de cheval, non pas sur le chemin de Damas, mais sur la route de Rome ; il devint le saint Paul d’une autre religion ; comme l’Apôtre, il avait gardé les manteaux des bourreaux pendant qu’ils lapidaient les justes. »
               Lamartine.

« Ils suivaient cependant ces traces célèbres que J.-J. Rousseau avait suivies naguère lorsqu’il s’en allait dans le parc de Vincennes pour embrasser Diderot, son ami… Ce chemin est, à vrai dire, le chemin de Damas, où les yeux de saint Paul se sont ouverts. Là se sont ouverts les yeux de J.-J. Rousseau, ébloui le premier de la confusion ardente de ces vérités, de ces erreurs, de
ces mensonges qui l’étourdirent jusqu’à l’ivresse. »
              J. Janin.

« La Gazette de France affirme que c’est bien sincèrement qu’elle et son parti sont convertis à la liberté.
« Comme saint Paul renversé de son cheval sur le chemin de Damas, le parti royaliste

Tombe persécuteur et se relève apôtre.
« Dieu soit loué ! Cependant la Gazette devrait comprendre que le passé de son parti lui interdit de donner à qui que ce soit des

leçons de liberté. »
             Peyrat.


Paul (VISION DE SAINT), poëme inédit du XIIIe siècle, par Adam de Ros, trouvère normand, publié par Ozanam dans son livre intitulé : Dante et la philosophie catholique au XIIIe siècle. C’est la troisième pièce d’un recueil manuscrit de légendes rimées, qui existe à la Bibliothèque nationale, sous le titre de Vie de saint Lauréat. L’écriture est d’une plume habile du XIIIe siècle, mais le texte est souvent corrompu. C’est un document important pour servir à l’histoire de la langue française, quoique la versification en soit froide et languissante.

Voici l’analyse qu’en a faite Ozanam : « Une tradition dont l’origine ne se retrouve pas dans les écritures apocryphes, rédigée en latin avant le milieu du XIe siècle, par un Français des provinces méridionales, fournit au moine anglo-normand, Adam de Ros, le sujet de ce poëme : L’archange saint Michel conduit l’Apôtre des nations dans ce lieu, l’enfer, dont il doit prêcher les terreurs. Devant le seuil, un arbre enflammé se dresse, gibet aux mille bras où sont suspendues les âmes des avares. Plus loin brûle une fournaise couronnée de sombres tourbillons. Un large fleuve roulant des démons dans ses flots s’enfonce sous les arches du pont fatal, que les justes réconciliés franchissent, mais qui fuit sous les pas des pécheurs. Plongés à des profondeurs inégales, selon la gravité de leurs crimes, apparaissent les envieux, les adultères, les dissipateurs, les sectaires armés pour la ruine de l’Église. D’autres tourments attendent les usuriers, les exacteurs et tous ceux qui n’eurent souci de Dieu, ni pitié des pauvres. Les vierges infidèles, vêtues de noirs vêtements, sont livrées aux embrassements hideux des dragons et des couleuvres. Les juges iniques errent entre des feux toujours allumés et une muraille glaciale. Des chaînes douloureuses chargent les mains des mauvais prêtres. Enfin, le puits scellé des sept sceaux renferme dans une infecte sépulture ceux qui nièrent les mystères de la foi. À ces tristes spectacles vient se mêler l’apparition d’une âme élue que les anges portent dans la gloire. La cour céleste retentit de joyeux cantiques : les damnés y répondent par leurs gémissements. Saint Paul et son guide s’émeuvent et entonnent une prière que répètent tous les saints. La justice éternelle se laisse fléchir : elle accorde aux réprouvés l’interruption régulière de leurs souffrances. Chaque semaine, au jour du Seigneur, la trêve de Dieu s’étend sur ses ennemis. »

Cette légende est évidemment le fond de la descente aux enfers qu’on trouve dans le poème de Dante.


Paul (panégyrique de saint), par Bossuet,