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en désobéissant au commandement de Dieu ; et tous, ou presque tous, enseignaient qu’Adam et Eve avaient été punis de leur transgression par le bannissement du paradis et par la mort. Cependant, comme ta plupart des Pères ne croyaient pas qu’Adam eût été créé immortel, mais que, dans leur sentiment, immortalité aurait été la récompense de son obéissante, de même que la mort fut le châtiment de son péché, les opinions variaient sur la signification du mot mori. Ainsi, les lJères alexandrins pensaient que, lorsque l’Écriture dit que la mort est le châtiment du péché, elle veut parler de la mort morale et non de la mort physique. Plusieurs Pères grecs, Novatien, hénée, Mélhodius, Grégoire de Nazianze, Basile, Grégoire de Nysse, etc., loin de regarder la mort comme un châtiment infligé au pécheur par la vengeance céleste, la tenaient pour un bienfait, en tant qu’elle nous délivre du mal par la dissolution de notre corps. Ils s’éloignaient ainsi considérablement, on le voie, de la théorie qui prévalut en Occident, et qui fait da la mort physique la conséquence du péché ; ils s’en éloignaient bien plus encore en ce qui concerne la transmission du péché d’Adam et d’Eve,

Ainsi, les écrits des docteurs grecs des trois premiers siècles ne contiennent aucune trace de la théorie du péché originel. Origène seul fait exception, mais il est bon de remarquer que cette théorie se rattache, pour lui, à celle de la préexistence des âmes, et que ce qu’il appelle la souillure originelle de 1 âme est, à ses yeux, une souillure contractée dans une existence antérieure, et non pas un état de péché hérité des premiers parents. Bien plus, le rigide et dogmatique Athanase, le père de l’orthodoxie, enseigne formellement que le péché est une maladie morale qui se contracte et se propage, par la fréquentation des méchants. Ainsi, les premiers Pères n’avaient pas encore absorbé le christianisme dans le paulinianisme ; s’en tenant plutôt à l’ensemble de l’Évangile qu’aux écrits -particuliers de saint Paul, ils n’avaient point encore songé à faire, à l’instar de cet apôtre, du péché originel la base du dogme de la rédemption ; ils n’en étaient point encore venus à admettre que le péché est une seconde nature. Le péché, au contraire, était pour eux le fruit de la liberté morale de l’homme, déterminé au mal par les tentations de la chair et du diable, par t’influence d’une mauvaise éducation et de mauvais exemples, par les égarements d’une imagination déréglée. Ils reconnaissent, il est vrai, mais sans en rechercher la cause, comme le fuit remarquer M. Haag, qu’outre la mort, qu’il a introduite dans le monde, le péché d’Adam a affaibli la volonté de l’homme et a donné ainsi au démon plus de prise sur elle. Ils prétendent même, surtout depuis la fin du me siècle, que la sensualité surexcitée par la chute nous entraîne, non pas invinciblement, mais plus facilement, à transgresser la loi divine ; et pourtant, ceux-là même qui admettent une perturbation aussi considérable dans la nature humaine se gardent bien de l’attribuer à un péché héréditaire et do refuser à l’homme la liberté et le pouvoir de résister au mal ; bien au contraire, ils affirment que les descendants d’Adam sont doués comme lui sinon au même degré, de raison et de liberté) que leur devoir est de se rapprocher de plus en plus de Dieu, jusqu’au point de devenir semblables à lui à force de persévérance et de vertu. Pour eux, l’homme est libre de bien ou de mal faire ; l’image de Dieu a é té obscurcie en nous, mais n’a point été anéantie. Athanase dit bien, il est vrai, que cette image a été déti’uite par le péché ; mais il ne cesse d’affirmer énergiquement dans tous ses écrits la liberté de la volonté humaine.

Ce fut dans l’Église latine que le dogme du péché originel naquit et prit consistance. Le premier Père qui émit cette doctrine fut Tertullien, et encore l’émit-il d’une manière vague et confuse, avec de nombreuses contradictions. D’après lui, depuis la chute, une corruption héréditaire, un vice d’origine a infesté la nature humaine, et ce mal naturel se transmet, par la génération, des parents à leurs enfants. Cette doctrine était la conséquence de celle que professait le Père latin sur l’origine de l’âme, le traducianisme ou générationisme. Saint Cyprien et saint Hilaire adoptèrent les idées de Tertullien, mais le premier place le péché originel dans l’âme, et le second dans le corps. Cependant, aucun de ces trois théologiens n’admet que l’homme soit responsable de son péché originel et, bien moins encore, qu’il soit incapable du bien. Tertullien affirme môme la liberté, et déchue formellement que l’enfant, exempt de tout péché, n’a pas besoin de pardon. Saint Cyprien est moins affirmatif ; cependant, il estime que l’enfant qui vient de naître n’est coupable que d’un péché étranger, qui lui sera facilement pardonné, et saint-Hilaire affirme que la volonté peut réagir contre la chair et porter l’homme au bien. De tout ce qui précède il résulte avec la dernière évidence qu’à la fin du me siècle, même dans l’Église latine, le dogme du péché originel n’était pas encore fixé.

Suint Ambrolse enseigna de la manière la plus claire le péché originel ; mais il ne croit pas plus que les Pères précédents que ce vice d’origine mette l’homme dans l’impossibilité absolue de faire le bien. Bien plus, l’auteur de ce dogme, celui qui l’a introduit, flous pourrions dire imposé dans l’Église

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chrétienne, -saint Augustin lui-même, n’est arrivé que tard, et en quelque sorte pour les besoins de sa polémique, à cette opinion. Avant ses querelles avec Pelage, l’évêque d’Hippone avait, en effet, énergiquement défendu le libre arbitre contre les manichéens, et, d’accord sur ce point avec les autres Pères, il avait réduit les conséquences du péché d’Adam pour l’espèce humaine à un affaiblissement des facultés intellectuelles et morales. Ses opinions, il est vrai, se modifièrent dans la suite, mais ce ne fut que pendant sa controverse contre Pelage et Céleste qu’il développa complètement son effroyable doctrine. Nous n’avons pas à raconter ici la lutte da Pelage et d’Augustin. Il faut cependant en résumer les points qui touchent au péché originel : Pelage et son ami Céleste, sentant combien les idées qui se répandaient depuis quelque temps en Occident, touchant la corruption héréditaire et inévitable de l’homme, étaient de nature à décourager les efforts faits vers le bien et à plonger les âmes dans l’inertie, se mirent à enseigner que le péché d’Adam n’a nui qu’à lui-même et que la mort n’est point le châtiment de sa désobéissance puisqu’il avait été créé mortel. Pelage dit bien, au synode de Diospolis, que la mort est entrée dans le monde par le péché d’Adam, mais il entendait sans doute parler de la mort spirituelle, car les pélagiens soutenaient tous qu’Adam serait mort alors même qu’il n’aurait pas violé les commandements de Dieu ; tous croyaient, en outre, que l’enfant naît aussi innocent qu’Adam avant sa chute. Le péché a sa racine, selon eux, non pas dans une nature corrompue, mais dans la liberté de la volonté ; il ne peut, par conséquent, être héréditaire. Adam n’a nui à sa postérité qu’en ce qu’il lui a donné un mauvais exemple ; le péché est devenu pour les hommes une habitude, et c’est là que la pratique de la vertu trouve son principal obstacle.

Saint Augustin s’indigna contre cette thèseet la traita de « nouveauté dangereuse, inconnue à l’antiquité. • 11 lui opposa la théorie dont nous avons trouvé des linéaments dans Tertullien et saint Ambroise, mais qu’il systématisa avec une logique impitoyable et avec un mépris absolu du sens intime de l’humanité. D’après saint Augustin, l’homme a été eréé libre d’opter entre le bien et le mal, mais il a opté pour le mal. Le péché du premier homme a corrompu moralement et physiquement l’espèce humaine tout entière, qui existait virtuellement en lui et qui a concouru à son péché ; de plus, il a été, pour toutes les créatures, la cause dus maux qui les accablent. Non-seulement il a introduit dans le monde la Souffrance et la mort, mais sa faute a effacé en l’homme l’image de Dieu ; elle a éteint en lui la lumière de la raison, elle a détruit son libre arbitre et ne lui a laissé que lu liberté d^agir Sous l’impulsion de la concupiscence, c’est-à-dire la liberté de pécher ; aussi les vertus les plus admirées des païens ne sont-elles que des vices brillants. L’homme n’a donc pas de libre arbitre ; s’il n’est éclairé par la grâce, il fera toujours le mal ; il est perdu, s’il n’est prédestiné. La dépravation morale du premier homme, fruit de son péché, se transmet pur la génération à toute la race humaine, la soumet au pouvoir du diable et attire la damnation éternelle même sur les enfants nouveau-nés, s’ils viennent à mourir sans baptême. Le siège de cette dépravation est l’âme, et non le corps ; la chair a été corrompue par l’âme pécheresse.

La doctrine du péché originel, telle que l’avait formulée saint Augustin, fut sanctionnée d’abord par divers synodes d’Afrique et, en 431, par le concile œcuménique n’Eptièse ; mais l’Église d’Orient ne vit pas de bon œil s’introduire dans le christianisme cette nouveauté qui était, comme nous l’avons vu, ’ d’origine tout occidentale. Aussi, les docteurs grecs les-plus célèbres, a l’exemple de Basile, d’Athanase, des deux Grégoire et surtout de Jean Chrysostome, continuèrent-ils à enseigner que l’homme naît, il est vrai, dans le péché, mais que sa volonté est libre et qu’il a la force nécessaire pour faire lo bien, avec l’aide de Dieu. En Occident même, nous voyons l’évêque de Rome, Zozime, recevoir Pelage à sa communion en 417, malgré les clameurs de tout son ciergé, etnese prononcerensuite contre lui que par crainte ou par courtisanerie, lorsque Pelage a été proscrit de la cour. Nous trouvons encore au vme siècle Jean Damascène qui, dans son livre sur la Foi orthodoxe, bien loin de consacrer un chapitre au péché originel, y fait à peine allusion et proclame au contraire huutement la libre arbitre. Cependant, depuis cette époque, l’Eglise grecque» fini par adopter à peu près la théorie augustinienne. Ce n’a pas été toutefois sons de grandes difficultés et da violentes querelles que le dogme du péché originel a fini par prévaloir, même en Occident. Il choque trop violemment la conscience humaine pour être accepté sans protestation. Dès le principe, les Gaules le répudièrent. Quelques moines de Marseille, Cassien à leur tête, essayèrent, faute de mieux, de concilier Augustin et Pelage eu dépouillant les théories de l’un et de l’autre de ce qu’elles avaient de trop absolu. Cassien enseignait que le mal physique est né de la chute, mais qu’Adam n’a perdu aucun de ses privilèges intellectuels et moraux, que son péché les a seulement affaiblis. Si les descendants du premier homme n’ont hérité ni de sa sagesse, ni da sa

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parfaite connaissance de la nature, ce n’est pas son péché qui en est la cause, puisque les tils de Seth possédaient encore l’une et l’autre et ne les ont perdues que par leurs alliances avec tes filles des descendants de Caïn. Quant aux avantages moraux, ils ont été affaiblis, non anéantis ; la liberté de la volonté humaine existe toujours et l’homme peut, par ses propres forces, commencer à faire le bien ; seulement, pour persévérer, il a besoin de la grâce de Dieu. Cette théorie fut appelée le semipélagianisme. Elle se répandit promptement dans les Gaules, grâce à la tolérance des catholiques orthodoxes de ce pays. Au vie siècle, presque tous les théologiens gaulois la professèrent, et ce no fut qu au xi» siècle que l’auteur du Traité thèologique, connu sous le nom de Hildebrand do Tours, donna au péché originel une place spéciale dans son ouvrage, Abailard, au siècle suivant, contesta la transmission du péché d’Adam ; il niait donc le péché originel. « L’homme, dit-il, a perdu lo don surnaturel, mais n’a pas souffert d’autre dommage ; il est resté purement dans son état naturel, i’m pans ntituralitms. La concupiscence n’est pas un péché, mais un mauvais germe qui peut être étouffé avec l’assistance de la grâce. » La plupart des scolastiques étaient de la même opinion ; saint Anselme, évoque de Cantorbery, définit le péché « nuditas jusliti& debits, » un défaut de Injustice due, substituant à la formule positive de saint Augustin une définition négative plus humaine.

L’Église catholique, qui a été constituée par les scolastiques sur les bases où nous la voyons aujourd’hui, enseigne que la concupiscence n’est pas un péché et qu’elle n’est appelée péché que parce qu’elle est née du péché et qu’elle porte à pécher. Par la faute d’Adam, l’homme privé, comme dit Abailard, « du pouvoir surnaturel, a été livré à lui-même ; son libre arbitre a été affaibli, la concupiscence a pris plus d’empire sur lui et l’humanité est tombée dans la damnation, à laquelle l’Église seule peut l’arracher. • Telle est la doctrine catholique. Grâce à Luther, à Mélanchthon et surtout nu farouche Calvin, la théologie réformée a enseigné et a inscrit dans ses professions de foi que la ressemblance divine a été complètement effacée en l’homme par la chute d Adam ; l’homme a perdu toute force religieuse, la concupiscence a envahi sa n&- ture et l’humanité ne peut échapper à la damnation que par la grâce. Seul, Zwingle essaya de combattre cette doctrino du péché originel, mais son opinion fut abandonnée ; elle ne fut reprise que plus tard, par les arméniens, les sociniens et, de nos jours, par l’élément dit libéral qui se trouve dans la plupart des Églises protestantes. Quant à la philosophie, il y a longtemps qu’elle s’est débarrassée des entraves du dogme de la chute, et qu’elle cherche librement l’origine du mal en dehors des faits religieux. Les poôtes, gens légers et sceptiques, ont plus d une fois tourné en plaisanterie la funeste aventure du premier couple.

Pour triompher de l’humaine nature,

Le vieux serpent, cauteleux et madré,

Tenta la femme, et la femme, parjure,

Fit parjurer l’homme inconsidéré.

Mais que nous à Moïse figure"

Par ce réoit ? Le suns en est palpable :

oe tout temps l’homme à la femme est livré ;

Et de tout temps la femme l’est au diable.

J.-B. Rousseau.

Lorsqu’Adam vit cette jeune beauté1 Faite pour lui d’une main immortelle, S’il l’aima fort, elle, de son côté (Dont bien nous prit), ne lui fut pas cruelle. Cher Charleval, alors en vérité

Je crois qu’il fut une femme fidèle ; Mais comme quoi ne l’aurait-slle été ? Elle n’avait qu’un seul homme avec elle.

Or, en cela, nous nous trompons tous deux ; Car bien qu’Adam fût jeune et vigoureux, 13ien fait d’esprit et de corps agréable, Elle aima mieux, pour s’en faire conter, Prêter l’oreille aux sornettes du diable. Que d’être femme et ne pas coqueter.

Sariusw.

— Iconogr. Les sept péchés capitaux. Des compositions allégoriques, relatives aux. sept péchés capitaux, ont été gravées pur G. Peiicz, Hans Burgkmair, H. Ilondius, 11, Bonnart et par beaucoup d’autres artistes, Burgkmair a figura les péchés par dus démons armés de sabres. Les diverses peintures du Jugement dernier offrent des représentations plus ou moins saisissantes des péchés capitaux. Dans celle qu’a exécutée Cornélius, la Gourmandise est figurée par un homme aux formes obèses, à la mine abrutie, à la bouche béante, qui s’est laissé choir sur ses genoux ; derrière lui, l’avare serre avec forcé un sac d’argent qu’il essaye de dérober au démon qui le poursuit ; la femme luxurieuse est étreinte par le diable ; le paresseux se laisse nonchalamment emporter et n’a plus que la force de cracher contre le ciel ; l’Orgueil, sous la figure d’un roi couronné, est aux prises avec deux dénions, dont l’un se rue sur lui avec fureur, tandis que l’autre le tient par le cou et l’entraîne dans l’abîme ; les envieux, accroupis, se voilent les yeux du pau de leurs manteaux ; la Colère est figurée par deux époux qui s’arrachent les cheveux. M. Adolphe Yvon s’est inspiré du Dante pour composer une remarquable série

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de dessins qui ont été lithographies par Jules Jacott. M. Pierre Cottin a gravé à la manière noire, d’après M. Brochart, VEnvie et la Gourmandise (Salon de 1870). Un tableau do M. Du veau, qui a paru à l’Exposition universelle de 1857, représente les Sept péchés capitaux par des femmes plus ou moins jolies, entourées d’attributs, et qui déploient leurs tentations vis-à-vis d’une jeune âme : l’Orfueil se rengorge a. côté d’un paon, son eralème ; la Paresse est indolemment accoudée sur des coussins ; l’Avarice fait sautiller des pièces d’or ; la Luxure soulève la gaze de son sein ; la Gourmandise offre des corbeilles pleines de fruits rares et exquis ; la Colère crispe ses sourcils ; l’Envie mord sa lèvre et se dissimule derrière les groupes de Péchés plus aimables.

M. Jadin a eu l’idée de représenter les Sept péchés capitaux par sept chiens d’espèces et d’allures différentes : ainsi, un chien rampant dont la tête est aplatie comme cette d’un $erpen’, figura l’Envie (Invidia) ; la Luxure (Libido) est incarnée en un mâtin qui tire la langue et voudrait bien passer une patte sur le dos de Superbia (l’Orgueil), lèvrette à trente quartiers, qui montre ses crocs aristocratiques à l’insolent prolétaire. Cette peinture a été lithographies par M, E. Lassalle.

Péclic. capitaux (LES SEPT), série de Sept romans, à litres distincts, par Eugène Sua (1846, 18 vol. in-8o). Chacune de ces œuvres a un grand intérêt ; dans tour ensemble, elles présentent la mise en action des théories passionnelles de Fourier ; l’auteur cherche h établir que, bien dirigées, les passions humaines incarnées dans ces sept types fondamentaux, et considérées comme dçs vices,

peuvent produire les meilleurs résultats. Pour ce faire, il a pris isolément chacun de ces types.

"L’Orgueil, la Colère, la Luxure, la Paresse, l’Envie, l’Avarice et la Gourmandise sont les véritables héros des drames que l’auteur nous raconte sous leur nom. Nous n’entreprendrons pas l’analyse des seize volumes qui composent cette épopée des vices ; un exemple nous suffira pour indiquer le plan de l’écrivain. L’Orgueil, le premier en titre des Sept péchés capitaux, nous le fournira. Il est personnifié dans Hermiuie, une jeune maîtresse de piano, enfant naturelle de la comtesse de Beaumesnii ; elle connaît le secret de sa naissance et feint de l’ignorer, même eu présence de sa mère, par orgueil pour elle et pour ne pas l’obliger à rougir. Il l’est aussi dans Olivier Raimond, un jnune militairequi ne veut rien devoir qu’à lui-même. Il l’est enfin dans Ernestine, la tille légitime do Mme de Beaumesnil, qui, orpheline à seize ans et la pins riche héritière de France, ne veut accorder sa main qu’à l’homme qui l’aura aimée pour elle-mèhie. Nous ne parlerons pas des personnages secondaires, tels que la duchesse de Semieierre, qui personnifie l’orgueil de race jusqu’à préférer, pour son fils Gérald, la mort à une mésalliance. Nous connaissons les acteurs principaux ; voici le drame. La main, ou plutôt l’héritage d’Ernestine, devient le point de mire de nombreux prétendants, parmi lesquels trois se distinguent : Gérald de Senneterre, qui ne se met sur les rangs que par condescendance pour sa mère ; il voit Herminie, en devient amoureux et renonce aux millions pour le bonheur ; M. de Mornand, un ambitieux qui vise à la fois la fortune et le ministère ; enfin M. de Macreuse, un bon jeune homme de sacristie, tout confit en dévotion, qui, pour captiver l’héritière, se trouve mal es) pleurant sa mère parfaitement vivante ; Ernestine, dans son ingénuité, reçoit d’abord tous ces hommages comme un tribut légitime, et elle tomberait dans les filets des chasseurs à la dot si sa mère n’avait chargé do veiller sur elle un véritable ami, le duc de Mailleford, qui joue tout le long du roman le rôle de la Providence, pour ne pas dire celui du Deus ex machina des anciens. Il l’avertit des conspirations tramées contre ses millions, démasque les batteries de Mornand et du jeune. Macreuse, s’érige en grand justicier et exécute spirituellement ces prétendants évincés. Pour assurer le bonheur d’Ernestine, il ne lui reste plus qu’à ainere la résistance d’Olivier qui, l’ayant aimée déguisée en grisette, est près de la repousser parce qu’elle se présente escortée de ses millions. Olivier se résigne enfin ù être à.la, fois heureux et riche, tandis que Macreuse va expier au bagne une tentative de viol contre Ernestine, tentative qu’a déjouée encore M. de Muilleford. Ce a était pas là l’exploit le plus difficile de ce brave duc. Gérald, de son côté, a joué le même jeu qu’Ernestine ; il aima Herminta et s’est fait aiiner d’elle sous le costume d’un clerc de notaire. Lorsqu’elle apprend qu’il est duc de Senneterre, la jeune tille refuse d’entrer dans une noble famille comme une aventurière et déclare qu’elle ne conseiltira au mariage que si la duchesse vient l’en prier. Le duc de Mailleford se charge de la décider. Baisons, supplications, peinture émouvante du désespoir de son fils, qui sa tuera, rien ne peut ébranler la sotte vanité de faîtière douairière. M. de Mailleford fait alors jouer les grands moyens. Il possède un titre de prince qu’il s’engage à transmettra par adoption à Herminie le jour de la signature du contrat. Les scrupules de la grande dame tombent ; elle se rend chez Herminie ;