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nous avons emprunté d’ailleurs les détails principaux de cette notice, c’est Rossi.

P1KOLLOR ou PICOLLOS, le dieu de la mort chez les Prussiens de l’antiquité. Sa face était livide, et sa longue barbe grise inculte. Quand il apparaissait aux hommes, il fallait lui offrir un sacrifice ; quelquefois il exigeait même du sang humain ; heureusement, il se contentait d une incision au bras et de quelques gouttes de sang. On lui consacrait ia tète d un homme mort et l’on brûlait du suif en son honneur.

PIL s. ni. (pil). Ane. art milit. Espèce de masse d’armes.

PILA s. m. (pi-la). Moll. Genre de mollusques, formé aux dépens des nérites.

PILA ou PILAT (mont), montagne de France (Loire), dans la chaîne des Cévennes septentrionales. Elle se dresse sur la ligne de partage entre les clép. du Rhône et de la Loire, dans l’arrondissement et à 15 kilom. E. de Saint-Étienne, à 15 kilom. S. de Saint-Chamond. Le mont Pila est boisé sur les pentes inférieures et, plus haut, couvert de pâturages ; il présente deux sommets : le pic’des Trois-Dents (1,365 mètres), et le crêt de la Perdrix (l,434 mètres). De ses flancs descendent le Fu’rens, rivière qui baigne Saint-Étienne et se jette dans la Loire, et le Guier, affluent du Rhône.

PILACRE a. m. (pi-la-kre — du gr. pilas, chapeau ; akron, sommet). Bot. Genre de champignons, voisin des tuberculaires, et dont l’espèce type vit sur les arbres, dans le nord de ia Russie.

PILADE (Jean-François Bocoardo, dit), érudit italien, né à Brescia, mort vers 1505. 11 s’adonna a l’enseignement d’abord U Brescia, puis à Salo, sqr le lac de Garde. D’après Freytag, il était petit et contrefait. On lui doit, entre autres ouvrages : Carmen scfiolasticumde nominum déclinaiionibus (Brescia, 1498), poème ; Vocabultirium, en vers (Brescia, M98) ; Genealoyia deorum (Brescia, 1408), poème, etc. Il a laissé, en outre, une très-belle édition de Plaute (Brescia, 1506) et une traduction en vers de la Théogonie d’Hésiode.

PILAGE s. m. (pi-la-je — rad. piler). Techn..Action de piler.

— Féod. Corvée consistant à mettre en gerbes et en piles le foin du seigneur.

PILAIRE adj. (pi-Iè-re — du lat. pilus, poil). Anat. Qui appartient, qui a. rapport aux poils : Système pilaire.

PILANB s. m. (pi-la-ne— lat. pilanus ; de pilum, javelot). Antiq. rom. Soldat de la milice romaine armé d’un javelot.

PILAR1NO (Jacques), médecin grec, né dans l’Ile de Céphalonie en 1659, mort à Pado-ue en 1718. Il se fit d’abord recevoir docteur en droit à Padoue, puis étudia la médecine. Passionné pour les voyages, il se rendit dans l’Ile de Candie, où il devint médecin du capitan-pacha, passade là en Valachie, où il remplit les mêmes fonctions auprès du prince Ciuitacuzène (1684), se rendit en Russie, où Pierre le Grand lui donna le titre de premier médecin du czar (1688), accompagna dans ses expéditions le doge Morosini, puis visita successivement Constantinople, Smyrne, Alep, l’Égypte, remplit pendant cinq ans les fonctions de consul de Venise "à Smyrne et retourna en Italie, où il termina ses jours. On lui doit : Variolas excitandi pertransplantationemméthodus{Venise, ~15) ; la Medicina difesa (Venise, 1717) et une relation de ses voyages, restée manuscrite.

PILASTRE s. m. (pi-la-stre — ital, pU lastro ; du lat. pila, pilier). Archit. Pilier carré, auquel on donne les mêmes proportions et les mêmes ornements qu’aux colonnes, et qui ordinairement est engagé dans le mur ou bien placé derrière les colonnes : Pilastre dorique, ionique, corinthien.

Il Pilastre endenté, Celui qui a des cannelures remplies jusqu’à une certaine hauteur parties baguettes rondes. Il Pilastre bandé, Celui qui a des bandes sur son fût. Il Pilastre plié. Celui qui forme un angle rentrant. Il Pilastre ëbrasé, Celui qui est plié en angle extérieur.

Il Pilastre cintré, Celui qui suit le contour convexe ou concave d’un mur circulaire, il Pilastre /langue, Pilastre qui a sur les côtés deux demi-pilastres peu saillants. Il Pilastre cornier, Celui, qui cantonne l’angle d’un bâtiment. Il Pilastre diminué, Celui qui, étant près d’une colonne, a son diamètre supérieur plus étroit que ie bas. Il Pilastre lié, Celui qui est joint à une colonne on à un autre pilastre par -la base ou par le chapiteau, il Pilastre ravalé, Celui dont le parement est incrusté d’une tranche de marbre. Il Pilastre double, Pilastre formé de deux fûts dont les chapiteaux et les bases se confondent.

— Mar. Ornement des poupes des vaisseaux en forme de colonnes.

— Techn. Nom donné à des montants à jour placés de distance en distance dans les travées d’une grille. Il Premier barreau du bas d’une rampe d’escalier.

— Encycl. On donne aux pilastres les mômes bases, les mêmes chapiteaux et les mêmes ornements que les colonnes et on leur fait supporter des entablements identiques. Les pilastres proprement dits ne sont autre chose que des chaînes de pierres verticales rendues

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apparentes et on ne doit les placer que là où la solidité réclame l’emploi de ces dernières. De nos jours, dans les maisons d’habiuuion on a abusé de l’emploi du pilastre, en voulant donner aux édifices plus d’importance qu’ils n’en ont véritablement ; comme il ne remplit plus le but que l’on s’était proposé en l’adoptant dans la construction, il en résulte que les bâtiments où il est appliqué ont un air froid et plat qui détruit l’effet général. La Sailliédes pilastres est réglée par celle des moulures des plinthes, des portes ou des arcades qui sont placées dans leurs intervalles, de telle sorte qu’ils peuvent recevoir sur leurs flancs les moulures des corniches d’imposte des arcades ou des plinthes qui, sans cette condition, se trouveraient désagréablement interrompues. Ordinairement cette saillie est comprise entre 1/4 et 1/6 de leur largeur. Dans les angles rentrants on plie les pilastres et d ; ms les angles saillants on les double. Les entre-colonnements des pilastres peuvent être plus grands que ceux des colonnes du même ordre. Quand ils décorent une façade garnie de fenêtres ou de portes, on peut les mettre à une distance, mesurée dans œuvre, égale à la moitié ou aux deux tiers de leur hauteur. Cette limite maxima peut être portée, pour les pilastres des attiques, à la hauteur de ceux-ci. On accouple deux pilastres en les espaçant d’une quantité égale au plus petit entre-colonnement.

Dans l’architecture du moyen âge, le pilastre est très-peu employé ; on ne le rencontre que dans les édifices voisins des monuments romains ; il est remplacé par la colonne engagée ; cependant il existe encore, dans certaines parties de la France, des traces de l’influence romaine et de ses traditions ; ainsi, dans la Bourgogne, le, Morvan et la Champagne, un grand nombre d’édifices du xae et même du xrhe siècle renferment des pilastres cannelés ; à Langres, de grands pilastres pseudo-corinthiens forment la tète des contre-forts de l’abside à l’extérieur ; à la cathédrale d’Autun, les piliers intérieurs sont cantonnés de pilastres cannelés ; à Vézelay, dans la nef, au - dessus des archivoltes des bas côtés, des pilastres ferment les formerets de la grande voûte. En général, le pilastre semble ne pas avoir dépassé l’époque du style roman, quoique, dans les édifices de cette époque construits dans l’Ile-de-France, on ne trouve jamais de pilastres.

PILASTRE DE LA BRARD1ÈRE (Urbain-René), homme politique français, né à Soudon, dans l’Anjou, en 1752, mort en 1830. Pendant un voyage qu’il fit à Paris en 1780, il se lia avec Raynal et divers autres gens de lettres de l’école philosophique, puis visita l’Allemagne, la Suisse, l’Italie. Elu, en 1789, membre des états généraux, il se prononça en faveur de toutes les réformes et do toutes les innovations, devint maire d’Angers en 1791 et alla siéger, l’année suivante, à la Convention nationale. Dans cette Assemblée, il fit partie dos modérés, vota, lors du procès de Louis XVI, pour la détention et le bannissement après la paix, appuya la politique des girondins, protesta contre les décrets qui frappèrent ces derniers le 31 mai, donna sa démission, fut décrété d’arrestation et parvint à se cacher en exerçant sous un faux nom la profession de menuisier. En 1795, il fut élu membre du conseil des Anciens, dont il devint secrétaire, et y siégea jusqu’au coup d’État du 18 brumaire. Nommé, peu après, membre du Corps législatif, il en fut éliminé en 1802, se retira dans ses propriétés, s’occupa d’agriculture et de la propagation de la vaccine, ne voulut accepter aucune fonction publique sous l’Empire et ia Restauration et reparut tout à coup sur la scène politique en 1820, comme membre de la Chambre des dé Puté3. Pilastre y vota constamment avec opposition, signa la protestation contre l’exclusion de Manuel (1823), ne fut pas réélu en 1824 et passa ses dernières années dans la rétraite. On a de lui : État des établissements relatifs à l’instruction publique compris dans l’étendue du canton d’Angers, inséré dans les Archives de l’Anjou.

PILAT s. m. (pi-la — rad. piler). Mets composé de mil mondé préparé au lait, et dont on fait une grande consommation dans ie sud-ouest de la France.

— Agric. Nom d’une variété d’orge cultivée en basse Bretagne.

PILATE (mont), montagne de Suisse, ramification des Alpes bernoises, située entre les cantons de Lucerne et d’Uutenvald, à l’O. du lac de Wuldstetten et en face du Rigi. Son nom actuel dérive du mot latin pilealus (couvert d’un chapeau), parce que le sommet de la montagne est presque toujours caché par les nuages ; on l’appelait autrefois Frak mont (mons fractus, montagne brisée), parce qu’elle se termine par plusieurs pointes séparées. Le Pilate s’étend du N.-E. au S.-O., sur une ligne de 54 kilom. de longueur ; vers le N., il s’appuie contre les montagnes du lac de Brientz ; mais partout ailleurs il offre une masse isolée. Sa plus haute sommité est le Tomlishoru (2,505 m.) ; viennent ensuite l’Es-Sel (2,176 m.) et le Windderfeld (2,110 m.).

PILATE (Ponce-), Po»Un» Piia<«s, administrateur romain, procurateur de Judée sous Tibère, mort à Vienne (Dauphiné), selon une vieille tradition, l’an 39 de notre ère. Il était entré en charge l’an 27 comme successeur

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de Valerius Gratus. à Pilate, dit M. Dupin, était un ces fonctionnaires que l’on appelait procuratores Cxsaris. À ce litre, il était placé sous l’autorité supérieure du gouverneur de Syrie, véritable prisses de cette province, dont la Judée n’était qu’une dépendance. Au gouverneur (prisses) appartenait éminemment par son titre le droit de connaître des accusations capitales ; le procurator n’avait, au contraire, pour fonction principale, que le recouvrement des impôts et le jugement des causes fiscales. Mais le droit de connaître des accusations capitales appartenait aussi quelquefois à certains procuratores Cxsaris envoyés dans de petites provinces au lieu et place des gouverneurs, comme cela résulte clairement des lois romaines. Tel était Pilate à Jérusalem. » On le voit, en effet, agir comme gouverneur, sans contrôle et avec un pouvoir illimité. Un peu avant que fût portée devant son tribunal la cause de Jésus, il réprima cruellement une sédition religieuse qui avait éclaté en Galilée ; « Pilate mêla le sang des Gulilèens, dit Luc, avec celui de leurs sacrifices. » (Luc, xm, 1.) Les évangélistes ni Joséphe ne mentionnent aucune autre affaire antérieure à celle qui a cloué, assez injustement ce semble, le nom de Ponce-Pilaie au pilori de l’histoire.

Lorsque le vieux parti juif, les orthodoxes de la synagogue eurent résolu la mort de Jésus et obtenu une sentence du sanhédrin, il leur restait encore, pour le mener au supplice, à surprendre le consentement du procurateur, investi d’un droit de veto dans les causes qui emportaient la peine de mort. Les Romains, qui laissaient aux peuples vaincus leurs lois, leur religion, leur administration même, au moins en partie, s’étaient réservé ce droit afin que, sous un prétexte religieux ou autre, on ne pût supprimer leurs propres partisans ; c’était d’autant plus nécessaire chez les Juifs que, avec la loi mosaïque et le peu de preuves qu’elle exigeait, l’homme le plus innocent pouvait être convaincu de blasphème et lapidé immédiatement. Lorsque Jésus fut amené devant lui, poussé par une foule fanatisée au milieu de laquelle se trouvaient les premiers prêtres de la synagogue, Pilate, qui se souciait peu de ces querelles religieuses, ne voulut d’abord rien entendre : « Emmenez cet homme, dit-il, et jugez-le suivant votre loi. » (Jean, xvm, 31.) Mais les Juifs lui dirent qu’il y avait sentence de mort et qu’il fallait son consentement, ce qui changeait les choses de face. Il fit entrer l’accusé dans le prétoire et l’interrogea. Les orthodoxes lui reprochaient de se dire le roi des Juifs et de vouloir renverser la loi. Saint Jean, dont le récit a plus de couleur que celui des autres évangélistes, a bien rendu la tournure ironique imprimée par Pilate à son interrogatoire : « Il appela Jésus et lui dit : o Tu es le roi des Juifs ? — Jésus répondit : Est-ce de toi-même que tu dis cela ou par lestu d’après les autres ? — Pilate répondit : Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et les prêtres t’ont traduit devant moi ; qu’est-ce que tu as fait ? — Jésus répondit : Mon royaume n’est pas de ce monde ; si mon royaume était de ce monde, tues ministres empêcheraient que je fusse livré aux Juifs.

— Pilate dit alors : Enfin, es-tu roi des Juifs ?

— Jésus répondit : C’est toi qui dis que je suis roi. Je suis né et je suis venu au monde pour rendre témoignage à la vérité ; tout homme de vérité entend ma voix. — Pilate lui dit : Qu’est-ce que la vérité ? et^sortant du prétoire, il dit aux Juifs : Je ne vois aucune culpabilité chez cet homme. » Il ressort bien de ce récit que le sceptique Pilate n’apercevait rien dans cette affaire qui valût la mort d’un homme. Qu’il voulût sauver Jésus de la fureur populaire, cela n’est pas douteux ; il s’avisa d’un expédient. Le mot de Galiléen ayant été prononcé, il demanda si Jésus était de la Galilée (Luc, xxm, 6) ; on lui répondit affirmativement et comme Hérode Antipas, ie roi nominal de cette région,

■ se.trouvait par hasard à Jérusalem, il lui fit remettre l’accusé, espérant qu’il assoupirait l’affaire ; mais Hérode refusa de prendre une décision et renvoya Jésus au procurateur, Pilate alors dit aux princes des prêtres, aux magistrats et au peuple assemblé : • Vous avez traduit cet homme devant moi comme détournant le peuple ; je l’ai interrogé devant vous et je n’ai rien trouvé à repremlre en lui relativement a vos accusations ; Hérode non plus, car je vous ai renvoyés à lui et on ne l’a convaincu d’aucun crime capital. Je vais donc le relâcher apuès l’avoir réprimandé. » (Luc, xxui, 12 et suiv.) Puis il eut encore recours à un autre moyen ; il était d’usage qu’aux fêtes de Pâques on graciât un condamné. Pilate demanda aux Juifs s’ils voulaient qu’il leur rendît Jésus ; mais les Juifs réclamèrent un certain Barabbas, criminel condamné à mort pour sédition et pour homicide ; quant à Jésus, ils s’écrièrent : « Qu’il soit crucifié ! qu’il soit crucifié ! • l.e tumulte et les vociférations allaient croissant ; la voix du procurateur ne pouvait plus être entendue. Pilate, pour faire comprendre que l’on faisait violence à sa volonté, qu’il entendait ne pas être responsable des fureurs du peuple, se lit apporter de l’eau et, par un geste expressif, qui devait être compris de tout le monde, il se lava les mains. Matthieu est le seul des évangélistes qui ait noté cet épisode caractéristique du jugement, mais le fait paraît probable. En tout cas, c’est par ce geste de se la PILA

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ver les mains que ia tradition a symbolisé l’acte de Pilate qui, après avoir usé de tous les moyens, après avoir même fait flageller Jésus par les soldats, espérant que le peuple se contenterait de lui voir infliger ce châtiment, se décida à rendre la sentence. Ici, Jean mentionne un fuit passé sous silence par les autres évangélistes et qui donne la raison du consentement de Pilate. Il est probable qu’on n’aurait rien obtenu de lui en laissant le débat sur le terrain religieux ; les piètres ie transportèrent sur le terrain politique ; ils firent passer Jésus pour un factieux. < Si tu le relâches, s’écriêrent-ils, ne crains-tu pas de te montrer ennemi de César ? Quiconque veut se faire roi est hostile h César.» Pilate n’était pas sans avoir entendu parler de ce messie triomphant qui devait délivrer les Juifs de la servitude ; cette insinuation devait suffire à lever ses doutes. Il se rendit à son tribunal, au lieu appelé Gabbatha (Jean, xix, 13), et là encore il se moqua des Juifs et de leurs folles espérances : « Voici votre roi, • leur dit-il en montrant Jésus.affublé d’une casaque rouge et tenant, comme sceptre, un roseau à la main. Et comme Us criaient : • Livrez-lB, livrez-le ; qu’on le crucifie 1 — Puis-ja crucifier votre roi ? » demanda ironiquement le procurateur. En le livrant aux prêtres pour qu’il fût conduit* au supplice, il tint à faire rédiger lui-même l’écriteau qui portait, en trois langues : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. « Les prêtres lui firent observer qu’il fallait mettre se disant roi des Juifs, • mais Pilate tint bon ; « Ce qui est écrit est écrit, > dit-il. Il voulait humilier les Juifs, même en leur cédant.

Sans doute Pilate, fatigué d’obsessions tumultueuses, craignant une sédition peut-être, a fini par livrer à ses juges religieux un homme que, dans sa conscience, il ne reconnaissait coupable d’aucun crime. Pour cet acte de faiblesse, l’Église a attaché a son nom un signe d’infamie ; elle répète sans cesse dans son Credo : à Le Juste a été crucifié sous Ponce-Pilate (Pussus est sub Poniio Pilato). • Reste à.savoir si Pilule pouvait agir autrement qu’il n’u fuit. Depuis cette époque, combien de sentences de mort, dictées par l’intolérance religieuse, ont violenté le brus du pouvoir civil ! Ce ne fut ni-Tibère ni Pilate qui condamna Jésus : ce fut le vieux parti juif, ce fut la loi mosaïque.

Il n est plus fait mention de Pilate dans les récits évangéliques que pour rappeler qu’il permit à un ami de Jésus, Joseph d’Arimathie, de détacher son corps de la croix et de l’ensevelir ; c’était une dérogation a la coutume romaine qui voulait que le corps du supplicié restât exposé sur le gibet jusqu’à ce que les oiseaux de proie l’eussent uévoré, Pilate gouverna encore ta Judée pendant quatre uns ; c’était, selon Joséphe, un administrateur dur et.cupide. L’année qui suivit la mort de Jésus, il eut à réprimer une sédition assez violente ; pour fuire construire un aqueduc, il avait mis la main sur le trésor du temple et on l’accusa à la fois d’abus de pouvoir et de malversation. Un peu plus tard, les habitants de Samarie, cruellement pressurés, portèrent plainte au gouverneur de Syrie, le supérieur hiérarchique de Pilate, et leurs réclamations furent sans doute admises, car le gouverneur, Vitellius, envoya à Jérusalem Marcellus, un de ses amis, et Pilate dut aller se justifier à Kome devant Tibère. Avant qu’il fût arrivé en Italie (37), Tibère était mort ; ainsi tombe la fable d’après laquelle Tibère, suivant des récits légendaires, lui aurait reproché sa faiblesse dans le procès du Christ, l’aurait disgrucié et envoyé mourir en exil. Ce ne put être qu’à Catigula que Pilate rendit ses comptes et l’on ignore absolument ce qu’il en advint. D’autres légendes, également de source catholique, présentent Pilate accablé de remords, traînant une existence misérable, marqué au front d’un signe de réprobation qui fuit que tous reconnaissent en lui le bourreau du Christ et le fuient comme un pestiféré. Ce sont des contes de bonne femme ; c’est a peine si, cinquante ans après la mort de Tibère, on savait au juste à Rome ce que c’était que le Christ et les chrétiens. Même la tradition qui fait mourir à Vienne, en Dauphiné, l’ancien procurateur de Judée ne s appuie absolumentsur rien ; elle n’a peut-être d’autre origine que le voisinage du mont Pilate (nions Pileatus), qui n’a uueun rapport aveu Ponce Pilate. Enfin, d’autres pieux romanciers ont raconté que Pilate se tua h Rome, de désespoir, que son corps fut jeté dans le Tibre, qu’il le fit déborder et qu’alors, pour se débarrasser de ce fléau, on alla porter ce corps bien loin, bien loin jusque dans la Gaule. M. L. Veuillot a relaté cette légende avec une onction admirable dans ses Pèlerinages de Suisse ; le morceau vaut la peine d’être cité.

« Dans les flancs sombres du Pilate, il est un lac marécageux qu’un rocher domine et qui ne reflétera jamais le ciel. Qui que vous soyez, berger ou voyageur, que le jour vous éclaire ou que vous ayez confié a la lune trompeuse le soin de guider vos pas, craignez ce lieu. Il y a là des choses dont la pensée fait trembler celui même qui ne craint pas la mort. Cependant, peut-être votre destinée exige-t-elle que vous traversiez ces parages funestes : alors recommandez-vous à l’ange gardien, baissez les yeux et surtout no