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PITTA s. f. (pitt-ta — mot gr. qui s’ignîf. voix). Ornith. Nom scientifique du genre brève.

PITTACAL s. m, (pitt-ta-kal — du gr, pitta, poix ; halos, beau). Ghim. Substance découverte dans les produits de la distillation de la houille.

— Encycl, Chim. Le pitlacal est une substance de composition inconnue qui fait partie du nombreux groupe de corps découverts par Reichenbach dans le cours de ses recherches sur le goudron de bois. On l’obtient en traitant les huiles les plus lourdes ou, ce qui revient au même, les moins volatiles, parla potasse, de manière a en saturer les acides libres, et puis par l’eau de baryte. Il se produit ainsi une coloration bleue. Ce corps bleu est en pitlacal probablement impur. À l’état solide, il possède un éclat cuivreux ou bronzé ; mais cette propriété est loin d’être caractéristique, car elie appartient à ia fois à tous les principes colorants dérivés de la houille, à l’indigo et au bleu de Crusse.

Le pittacal parait avoir des caractères basiques décidés ; en effet, les acides le dissolvent et les ulcalis le précipitent de ses dissolutions. Il est insoluble dans l’eau, l’alcool et l’éther, insipide, inodore et non volatil sans décomposition. Il en résulte qu’il n’existe aucun procédé qui puisse permettre de l’isoler des autres substances avec lesquelles il se trouve mélangé et d’en déterminer l’identité. Avec l’alumine, il forme une espèce de iaque, et l’on affirme qu’il teint en bleu les tissus mordancés avec l’étain ou l’alumine. Ses solutions acides sont rougeâtres ; mais lors» qu’elles sontétendues de beaucoup d’eau, elles prennent, dit-on, une teinte verdâtre.

Par la plupart de ses réactions, le pitlacal se rapproche des substances colorantes bleues qui se forment dans l’actiorifte l’oxyde d’argent ou des alcalis sur les iodures des bases ammoniacales dérivées de certaines aminés tertiaires, telles que l’iodure de picramaionium, par exemple. C’est pourquoi Gregory, dans la dernière édition de sa Chimie organique, prétend que la belle couleur bleue qui se torme quand on traite l’iodure d’éthyl-chinolyl-ammoiùum par l’oxyde ou le sulfate d’argent est peut-être identique au pitlacal. Mais il ne faut pas oublier que les couleurs se produisent aux dépens des bases dérivées de la cinchonine seulement et ne se produisent pas aux dépens des bases de la série de la leukoline. D’autre part, les corps bleus qui prennent naissance lorsqu’on fait agir la potasse ou l’ammoniaque sur une solution d’iodhydrate de pélamine résultent de réactions qui rappellent de très-près les phénomènes observés dans la production du pittacal (v. pélamine). Enfin, l’insolubilité dans l’alcool semble être un caractère distinctif qui s’oppose à ce que l’on puisse confondre le pittacal avec les dérivés colorés du goudron de houille et de la cinchonine.

En traitant les bases les plus lourdes du goudron de houille par la potasse pourWes déshydrater, comme nous l’avons dit à l’article picoline, le liquide, qui cependant, assure-ton, ne renferme pas de cuivre, prend une légère teinte bleue qui semble indiquer une substance plus ou moins voisine de celle qui donne origine cm pittacal.

L’intérêt qui s’attache au pittacal s’accroît plutôt qu’il ne diminue à la suite des recherches qui ont été pratiquées sur les matières colorantes dérivées du goudron de houille, parce que ce corps démontre que le goudron de bois peut, lui aussi, devenir la source de nouvelles couleurs. En même temps, la proportion relativement faible d’azote que le bois renferme limite la formation des alcaloïdes et démontre que les huiles basiques les plus lourdes et les moins connues doivent être les principales sources des nouveaux dérivés.

PITTACIom s. m. {pitt-ta-si-omm — mot lat. tiré du gr. pittakion, de pitta, poix), Antiq. rom. Espèce d’étiquette écrite sur du parchemin enduit de poix, que l’on attachait au col des bouteilles, pour indiquer l’âge et le cru du vin. il Petite tablette enduite de poix sur laquelle on prenait des notes.

P1TTACUS, l’un des sept sages de la Grèce, né à Mitylèus vers 630 av. J.-C., mort en 569. Il délivra sa patrie des tyrans qui l’opprimaient et de la guerre qu’elle soutenait contre les Athéniens, fut investi de la puissance souveraine par ses concitoyens, les gouverna, dit-on, sagement pendant dix ans (589-579), donna des lois à sa patrie et abdiqua volontairement. Comme ou lui demandait la raison de cette abdication, il répondit : à J’ai été effrayé de voir Périaudre de Corinthe devenir le tyran de ses concitoyens après en avoir été le père. Il est trop difficile d’être toujours vertueux. « On a conservé plusieurs des reparties et des maximes de Pittacus. Ces dernières sont en général fort courtes et contiennent des conseils devenus populaires, comme les suivants : Respecte toujours la vérité. Ecoute volontiers. Ne t’établis point juge entre deux de tes amis. Ne dis point de mal, même de ton ennemi. Rien de trop, etc. Les maximes de ce sage ont été publiées dans le recueil Septem sapientium dicta (Paris, 1551-1553, in-8o). Pittacus se fil également connaître comme poète. Diogène Laërce nous « tpprend qu’il avait composé des Elégies et un Discours sur les lois.

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PETTAH s. m. (pi-tà). Nom donné, dans l’Inde, aux lieux de résidencé des gourous ou prêtres d’un ordre inférieur.

— Encycl. Les pittahs sont comme les succursales d«s sinhassanas ou sièges pontificaux où résident les gourous d’un ordre supérieur. Ces pittahs se rencontrent dans toutes les parties de l’Inde, depuis l’Himalaya jusqu’au cap Comorin. Toutes les castes, toutes les sectes ont leurs pittahs particuliers. Ainsi, par exemple, les brahmes de la secte marta en ont de différents de ceux de la secte tatouvady, et ceux-ci en ont de différents de ceux des brahmes veichnavas. Les difl’érenrentes branches des sectes de Vichnou et de Siva ont leurs pontifes et leurs gourous particuliers. Les gourous ne demeurent pas à

poste fixe dans leurs pittahs, qui sont leurs domiciles légaux, officiels plutôt qu’effectifs. En effet, les gourous sont presque toujours en voyage, allant de village en village sur tous les points de leur district, afin de recueillir les hommages palpables et sonnants de leurs dévots fidèles et de s’assurer ainsi de larges moyens d’existence.

PITTE «. m. (pitt-te). Bot. Nom vulgaire de l’agave du Mexique : On multiplie te pitte par les rejetons qu’il pousse du collet de ses racines, (iiosc.)

P1TTEIU (Jean-Marc), graveur italien, né à Venise en 1703, mort dans la même ville en l’S7. Il eut pour maîtres Jean Baroni et A. Faldoni et se fit une manière particulière, consistant k couvrir sa planche de tailles légères dirigées perpendiculairement ou diagonalement, puis à renfler plus ou moins ces tailles à petits coups de burin, semblables à des points allongés, selon qu’elles devaient être plus ou moins ressenties pour décider le contour ou le clair-obscur des objets qu’il avait à retracer. Les estampes de cet artiste ont un aspect singulier, mais sont néanmoins remarquables par la virité et par l’effet produit. On lui doit vingt-trois sujets historiques, d’après Pierre Longhi, et vingt-sept portraits et têtes, pour la plupart d’après Piazzetta,

P1TTHÉE, roi de Trézène, fils de Pélops et d’Hippodamie. Il se fit remarquer par sa sagesse et par son éloquence, ’ donna sa tille Ethra en mariage à Egée, roi d’Athènes, fit élever sous ses yeux son pefit-fils Thésée, puis dirigea de même l’éducation de son petit-fils Hippolyte. On montrait à Trézène son tombeau et le lieu où il rendait la justice. Pausanias rapporte que Pitthée avait composé un ouvrage sur l’éloquence.

PITTHEM, petite ville de Belgique, province de la Flandre occidentale, arrond. et à ÎO kiloro, S. dp Bruges ; 5,000 hab.

PlTTl (Buonaccorso), historien italien, né à Florence dans la seconde moitié duxiv» siècle. Il mena une vie des plus aventureuses, courut le monde, essaya île faire fortune en ayant recours à toutes sortes de moyens, nu jeu, à l’agiotage, aux spéculations mercantiles, à l’intrigue, vécut tour à tour dans l’opulence et dans la misère, tantôt dans une ville, tantôt dans une autre. Il se rendit, vers 1380, en France, puis en Brabant, où il perdit de grosses sommes au jeu, revint par la suite à Florence, fit un autre voyage en France en 139-1, s’attacha au service du duc d’Orléans, gagna de l’argent dans le commerce des vins, joua beaucoup pour son compte et pour celui du duc d’Orléans et retourna en 1396 dans sa ville natale, où, à partir de cette époque, il mit fin à son existence aventureuse. On lui doit : Croniça di Buonaccorso Pitli (Florence, 1720, in—*<>), mémoires dans lesquels il raconte sa vie et qui offrent un vif intérêt.

Plot (palais), un des plus beaux palais de Florence. V. Florence.

PittiziTE s. f. (pitt-ti-ssi-te). Miner. Minerai de fer.

— Encycl. La pittizite, appelée aussi fer sulfaté acreux, fer oxydérésinite, est une substance brune en masse, jaune quand elle est réduite en poussière, insoluble dans l’eau, attaquable par les acides. C’est un sulfate de peroxyde de fer hydraté. Par la calcinaiion, elle donne de l’eau et un résidu rouge. Sa solution précipite en bleu par le cyanoferruro de potassium. On ne l’a pas encore cristallisée ; on la trouve tantôt en petites masses mamelonnées, tantôt à l’état pulvérulent et constituant des dépôts dans les galeries des mines, tantôt enfin sous forme de pellicules à la surface de divers minéraux. Elle provient, d’après Beudant, de la décomposition des sulfures ou bien de la néoplasedans l’intérieur des mines. On la trouve aussi dans les solfatares, où elle se forme par l’action des acides sur des matières ferrugineuses.

PITTOCABPE s. m. (pitt-to-kar-pe — du

•• pitta, poix ; karpos, fruit). Bot. Genre de

champignons microscopiques, qui se présentent sous forme de poussière fuligineuse, qu’on appell* aussi .iEthalions ou ethalions et FtILIGO.

PITTON (Jean-Scolastique), historien français, né h Aix en 1821, mort dans la même ville en 1689.11 se fit recevoir docteur en médecine, mais négligea bientôt l’exercice de sa profession pour s’occuper d’histoire. Veuf pour la deuxième fois, il résolut de se faire prêtre et demanda des dispenses à Rome ; mais quand il les reçut, il venait de se marier pour la troisième fois. On a de lui  : Mis-

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toire de la ville d’Aix, capitale de la Provence, depuis sa fondation, etc. (Aix, 1666, in-fol.), ouvrage insuffisant et mal écrit ; Annales de la sainte Église d’Aix (Lyon, 1668, in-4"), suivies de cinq Dissertations, dans lesquelles Jean Pitton s’efforce de prouver que saint Maximin et sainte Madeleine sont morts en Provence ; Traité des eaux chaudes d’Aix, de leurs vertus et de la raison de s’en servir (Aix, 1678, in-s°) ; De conscribenda historia rerum naturatium Provinas (Aix, 1679, in-8»), plan d’un ouvrage qu’il n’écrivit pas ; Sentiments sur les historiens de Provence (Aix, 16S3, in-12). livre qui a été corrigé par Templery, auditeur des comptes.

PITTON-DESPREZ (Martial), littérateur français, né à (Joutances (Normandie) en 1799, mort dans la même ville en issi.’li fut curé de Saint-Germain-de-Varreville (1824), puis de la paroisse de Saint-Nicolas à Coutances. L’abbé Pitton fonda dans cette dernière ville un pensionnat, qu’il dirigea tout en s’occupant d’art, d’antiquités, de numismatique et de l’histoire du département da la Manche. Outre des articles dans la Feuille coutançaise, il a publié ’ : Êtrennes coutançaises ou Annuaire ecclésiastique, civil, archéologique et littéraire du diocèse de Coutances (1832, 1833, 1834 et 1839, 4 vol.). Dans le dernier volume sa trouve une étude assez intéressante, intitulée : Statistique ancienne et moderne du diocèse de Coutances.

PITTON DE TOURNEFORT (Joseph), célèbre botaniste français. V. Tournefort.

P1TTONB s. f. (pitt-to-ne — de Pitton de Tournefort). Genre de plantes, de la famille des borraginées.

PITTON1 (Jean-Baptis te), canoniste italien, né à Venise en 1606, mort dans cette ville en 17-18. Il entra dans lesordres et passa une partie de sa vie à Home. On a ds lui : Vita di Benedetto XIII (Venise, 1730, in-4o) ; De commemoraiione omnium /idelium defunctorum (Venise, 1739, in-8o} ; De octaois festorum (Venise, 1740, 2 vol. in-S«) ; enfin un Recueil des constitutions pontificales et des décisions des différentes congrégations romaines (Viterbe, 1745 et suiv., 14 vol. in-8o).

PITTON1 (Jean-Baptiste), peintre italien, né à Venise en 1687, mort en 1767. Il délaissa la manière de l’école vénitienne et s’en forma une qui lui était particulière et qui se distingue par la correction du dessin, la bonne entente de la composition, la grâce du style, la vigueur du coloris. Cet artiste a exécuté un grand nombre de ta’bleaux d’histoire et d’autel qu’on voit dans les galeries et les églises des États de Venise. Parmi ses œuvres, dont les plus estimées sont celles dans lesquelles les figures sont moins grandes que nature, on cite : le Martyre de saint Barthélémy, au Santo de Padoue ; le Miracle des cinq pai7is, à Saint-Côme-della-Giudecca, une de ses meilleures

ceu vres ; le Martyre de saint Thomas, à Saint-Eustache de Venise. — Quelques écrivains ont confondu cet artiste avec Battista Pittoni, peintre et graveur de Vicence, qui vivait au X.V1e siècle et à qui l’on doit notamment quarante planches sur les antiquités de Rome pour l’ouvrage de Scamozzi (Venise, 1582, in-fol.).

FITTONIE s. f.-(pi-to-nî — de Pitton de Tournefort). Bot. Syn. de tournefortie.

PITTORESQUE adj. (pitt-to-rè-ske — ital. pittoresco, Aepittore, peintre, du latin pictor, même sens). Qui concerne la peinture, qui appartient à la peinture : Le génie pittoresque a des rapports avec le génie poétique. La composition pittoresque a ses règles particulières. (Acad.) Le dessin, le relief, la couleur forment la trinitépittoresque. (Th. Gaut.) il Se dit d’une peinture qui a une tournure piquante, frappante, point banale ni froide, n Se dit d’un objet qui, par sa disposition, est éminemment propre à fournir un sujet de tableau ou autre composition artistique : Leur manteau est drapé d’une manière pittoresque, comme celui des statues antiques. (Sismondi.) Les rives de cette rivière sont basses et peu pittoresques. (Chateaub.) De grands rochers nus, couleur de bistre, percent au milieu de la plus belle verdure et des accidents de feuillage tes plus pittoresques. (H. Beyle.) Une campagne occupée par des genêts et de la bruyère est plus pittoresque qu’un champ cultivé. (Renan.) La Saxe abonde en sites pittoresques ; (Mioh. Chevalier.) K Qui fournit, qui contient des renseignements utiles aux peintres : Guide pittoresque. Voyage pittoresque en Suisse, en Italie.

— Littér. Qui fait de i’effet, qui a du relief, du piquant : Expression pittoresque. Style pittoresque. M^o Du Deffant excellait dans le portrait et y fixait les ridicules, les sottises d’une façon pittoresque, ineffaçable. (Ste-Beuve.) C’est encore un plaisir d’entendre ces idiotismes pittoresques régner sur le vieux territoire du centre de la France. (G. Sand.)

— Librair. Se dit de certaines publications ornées de gravures dans le texte : Magasin pittoresque. Edition pittoresque, il En ce sens, le mot illustré a généralement remplacé le mot pittoresque.

— s. m. Ce qui est pittoresque : Son talent favori est de dessiner des ruines d’après nature, à la légère ; il saisit le pittoresque des sites les plus sauvages. (Bailly.) Le pittoresque n’est pas une boite à couleurs qui se vide et s’épuise en un jour ; c’est une son-ce ëter-

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nelle de lumière, un soleil intarissable. (Ste-, Beuve.) Le pittoresque a été créé exprèi pour lui ; le provincial est un am aleur passionné du PITTORESQUE. (E. Guinot.) Si vous coures après te pittoresque, ailes en Suisse. (Michel Chevalier.)

— Encycl. Le pittoresque étant l’élément propre à la peinture, c’est-à-dire ce qui peut être reproduit par des couleurs, il n’est pas étonnant qu’on ait désigné do même, en littérature, l’emploi de la couleur et du relief dans le style ; le même terme pouvait servir à exprimer ce qui peint a l’esprit coprroe ce qui peint aux yeux.

La préoccupation marquée du pittoresque a été une des tendances du romantisme, en Allemagne et en France ; cette tendance était contraire à celle des périodes littéraires précé■ detites, portées davantage vers les ex pressions abstraites de la pensée, et le pittoresque passa pour un élément nouveau. Ce n’était cependant qu’un retour au pins ancien et au plus naturel des procédés poèsiques. Toute la poésie antique est pittoresque au suprême degré ; elle vit d’images autant que de pensées. Homère est à la fois le plus grand poète et le plus grand peintre qui ait existé. C’est bien mal à propos que l’on a parlé de sa simplicité nue, et ceux qui le croient simple, comme Laharpe, ne l’ont lu sans doute que dans les incolores traductions du xvne siècle. Homère dépeint et décrit tout ; à l’aide d’épithètes caractéristiques, de digressions, de comparaisons, il fait de ses récits autant de tableaux ; il ne peut parler d’une ville, d’une lie, d’un port, d’une forêt, d’un vaisseau sans les présenter de la façon la plus saisissante ; d’un héros, sans mettre sous les yeux sa taille, ses armes, son vêtement ; d’un objet quelconque, sans nous dire sa l’orme, sa couleur. Il reproduit le bruit d’airain des armures qui s’entre-choquent, le sifflement des javelots, le son du galop d’un cheval, le heurt des chariots et tout le tumulte des champs de bataille. Ses paysages, quoique peints à grands traits, ne sont pas moins achevés ; il a de prestigieuses épithètes pour tout peindre : les teintes rosées de l’aurore, les rougeurs du soleil qui s’éteint dans les flots, lo vert glauque des feuillages, les cimes couvertes de neige, les ondulations des moissons. À son exemple, non-seulement tous les poètes grecs, mais tous les poètes latins ont fait du pittoresque l’élément indispensable de la poésie. Virgile, Lucrèce, Catulle peignent à l’imagination tout ce qu’ils décrivent ; les grands écrivains de la Renaissance, Dante, l’Arioste, Boccace et, chez nous, ia Pléiade ont obéi aux mêmes tendances ; l’axiome d’Horace, ut pietwa poesis, se trouve vérifié dans chacune de leurs œuvres. Montaigne et Rabelais, de même que les chroniqueurs Froissart, Montluc, empruntent à l’élément pittoresque les plus savoureuses qualités de leur style, au point qu’il semble singulier qu’où ait pu, au xvne et au xvme siècle, s’écarter de traditions qui avaient pour elles l’exemple de l’antiquité. C’est cependant ce qui eut lieu. Los règles et les conventions reléguèrent la nature au second plan ; or c’est de la nature seule que le poète, comme le peintre, peut tirer les éléments du pittoresque ; on ne voulut plus l’apercevoir qu’il travers les poètes grecs et latins et, comme on ne peut copier, sous peine de faire un pastiche, des façons de sentir et de voir tout à fait individuelles, qu’on emprunte bien des sentiments vagues et généraux, mais non pas des peintures nettes et précises, la littérature de ces deux grands siècles, tout en vivant de l’imitation de l’antiquité, laissa de côté ce qui en faisait le principal charme» L’horreur du pittoresque fut poussée si loin que, même en traduisant l’antiquité, on la travestissait ; le vrai était réputé bas ou barbare. Cependant, ce furent surtout les grands poètes qui furent atteints de cette monomanie du style noble, qui les conduisit à appauvrir, à dessécher la langue, a préconiser ce style abstrait et glacé qui, ■ pour eux et leurs disciples, était l’extrême perfection. Les écrivains du second ordre ne s’écartèrent pas autant des traditions léguées par Montaigne, Rabelais, Ronsard et la Pléiade, et l’on voit subsister, cote à côte, les deux courants, celui de ta nature et celui de la convention. Sainte-Beuve l’a bien justement remarqué pour le siècle de Louis XIV. Les styles de cette époque se rattachent à deux procédés différents, à deux manières opposées. Malherbe et Balzac fondèrent le style savant, châtié, poli, travaillé, dans l’enfantement duquel on arrive de la pensée à

l’expression, lentement, par degrés, à force de tâtonnements et de ratures. C’est le style que Boileau a conseillé en toute occasion ; il veut qu’on remette vingt fois son ouvrage sur le métier, qu’on le polisse et le repolisse sans cesse. « Mais, ajoute Sainte-Beuve, à côté de ce genre d’écrire, toujours un peu uniforme et académique, il en est un autre, bien autrement libre, capricieux et mobile, sans méthode traditionnelle, et tout conforme à la diversité des talents et des génies, Montaigne et Régnier en avaient déjà donné d’admirables échantillons, et la reine Marguerite un charmant en ses familiers mémoires, œuvre de quelques aprês-disnées ; c’est le style large, lâché, abondant, qui suit davantage le courant des idées ; un style de première venue et prime-sautier.’pour parler comme Montaigne lui-même ; c est celui de La Fontaina