Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 12, part. 4, Ple-Pourpentier.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1530

POUD

tion plus intime du mélange des trois matières, devient dangereux, lorsqu’on emploie du charbon noir. »

M. Violette a aussi utilisé la vapeur pour produire la carbonisation. D’après le degré de carbonisation, on obtient du charbon roux ou du charbon noir. Le premier, à cause de la proportion d’hydrogène qu’il contient, fournit dans la fabrication des produits plus brisants. Le charbon roux est surtout employé à la confection des poudres de chasse.

100 parties de bois de bourdaine donnent en moyenne 36 de charbon roux et 28 à 30 de charbon noir. D’après M. "Violette, la température de 300" suffit dans le premier cas, et, dans le second, il est nécessaire de la porter de 350° à 400°. Ces détails indispensables donnés sur le charbon, il est inutile d’ajouter, croypns-nous, que, quant au soufre et au salpêtre, on doit les prendre aussi purs qu’on peut se les procurer.

Les premières compositions de poudres employées à la confection de matières incendiaires furent formées de parties égales de salpêtre, de soufre et de charbon ; mais on s’aperçut bientôt que le mélange acquérait beaucoup plus de vivacité pur l’augmentation de la quantité de salpêtre, qui tut successivement doublée, triplée, quadruplée et même décuplée. Cependant, presque dès les premiers temps, on s’arrêta à la proportion généralement suivie dans les temps modernes : 6 de salpêtre, l de soufre et l de charbon, t On s’aperçut bien, dit le général Piobert, que la poudre était meilleure lorsqu’on augmentait un peu la quantité de salpêtre et de charbon, ou qu’on diminuait la quantité

POUD

du soufre ; mais l’excès de cette dernière matière fut reconnu favorable à la bonne conservation de la poudre ; aussi les poudres fabriquées en trop grande quantité pour pouvoir être conservées avec soin, comme la poudre de la grosse artillerie, eurent en Allemagne, dans le xve siècle, jusqu’à 2 de soufre pour 4 de salpêtre et 1 de charbon, tandis que la, poudre que l’on ne conservait qu’en petite quantité, comme celle qui était destinée aux arquebuses et aux pistolets, contenait quatre fois moins de soufre. » (Traité d’artillerie théorique et pratique.) Au xvie et au xvno siècle, les proportions dé soufre varièrent moins. En France, on ne s’est jamais beaucoup éloigné des proportions : 6 de salpêtre, 1 de soufre et 1 de charbon, dont nous avons déjà, parlé, et que l’on admit, dès le xvie siècle, comme donnant la meilleure poudre pour les armes portatives. La poudre titre du roi contenait un peu plus de charbon et un peu moins de soufre : 6 à 7 de salpêtre, 1/2 de charbon et l de soufre. En 1794, on adopta les proportions : 76 de salpêtre, 9 de soufre et 15 de charbon ; quelques années après, les proportions : 76 de salpêtre, 10 de soufre et 14 de charbon. Enfin, en 1803, on revint à l’ancien dosage 75 de salpêtre, 12 1/2 de charbon et 12 1/2 de soufre, que l’on a conservé depuis, quoique bien des tentatives aient été faites chez’nous pour le modifier, surtout pour diminuer la quantité de soufre, comme on l’a fait chez les principales puissances de l’Europe.

Le tableau suivant donne les noms et les dosages des poudres d’un grand nombre d’Etats.

ESPÈCES DE POUDRES.

Autrichiennes.

Poudre de cible...

, Poudre à fusil

I Poudre ordinaire à mousquet et à canon

1 Poudre de mine

Anglaises,

Russes.

Prussiennes.

Poudre de guerre... I Poudre de Dartford.. I Poudre de Cambridge

Poudre de Hunslow. 1 Poudre a mousquet..

Poudre de chasse...

Poudre a canon....

Poudre à fusil

Poudre de chasse...

Poudre de guerre. 1

Ancien dosage. Nouveau dosage

Poudre suédoise... Poudre bavaroise... Poudre hanovrienne.

Saxonnes.

Poudre à canon. Poudre à fusil..

i Poudre à canon.. Poudre à fusil... Poudre de chasse.

Poudre hollandaise. /.. •

Poudre espagnole

Poudre polonaise

Wurtembergeoise....

Poudre américaine... Poudre italienne (Milan)

Poudre à canon. Poudre à fusil..

Chine | Poudre a canon

Grand-duché de Hesse.

Haarbourg | Poudre à canon...

Poudre à canon... Poudre ù mousquet.

Hesse électorale..... | Poudre à canon...

Portugal | Poudre à. canon...

La principalo propriété de la poudre, celle sur laquelle on u basé son emploi comme moyen de projection, consiste en ce que, au contact d’un corps enflammé, elle s’enllamme elle-même, brûle rapidement et donne naissance à une grande quantité de gaz doués, en raison de lu haute température à laquelle ils sont portés, d’une force d’expansion considérable. Arrêtons-nous un instant pour examiner ce qui se passe dans la combustion. D’après la théorie, le charbon se combine avec l’oxygène du salpêtre et forme avec lui de l’acide carbonique ou de l’oxyde de carbone, suivant les proportions du charbon. L’élément radical de la base du salpêtre, le potassium, se combine avec le soufre, forme du sulfure de potassium, dont partie s’échappe en fumée, et partie reste comme produit fixe. L’azote devenu libre, l’oxyde de carbone et l’acide carbonique sont les gaz efficaces. Tout ce que nous’venons de dire est purement théorique. Les choses se passent tout autrement. La preuve en est que dans leu résidus on trouve toujours, outre le sulfure de potassium, du charbon non brûlé, des su !-

100 PARTIES DE POUDRE CONTIENNENT :

fates, deS sulfites, des carbonates, de la potasse nitrique, du carbonate d’ammoniaque et, outre les gaz azote, acide carbonique et oxyde de carbone, de l’acide sulfhydrique, de l’hydrogène, de l’oxygène et quelques traces d’oxyde d’azote. L’hydrogène et" l’acide sulfhydrique sont fournis en partie par l’hydrogène du charbon de bois, en partie par l’eau, dont la poudre la plus sèche n’est pas exempte. M.’Chevreul, ayant fait brûler, sous une cloche pleine de mercure, de la poudre de guerre pulvérisée, tassée dans un petit tube de cuivre, a trouvé pour 100 parties de gaz le volume suivant :

Acide carbonique 45,41

Azote.... 37,53

Gaz nitreux. ’. 8,10

Hydrogène sulfuré 0,59

Hydrogène carburé.’ 3,50

Oxyde de carbone. 4,87

Total 100,00

M. Bunsen, dans les expériences qu’il a faites à Heidelberg (1857), a trouvé que la quantité de gaz fournie par la poudre est bien plus

POUD

faible que celle qui est annoncée par la théorie. Une poudre contenant

Salpêtre. 78,99 Soufre.. 9, S4

I 7,69 de carbone Charbon. 11,17 î 0,41 d’hydrogène

(3,07 d’oxygène

donna par sa combustion dans des capacités fermées :

Résidu solide.... 68,06 pour 100 . Produits gazeux.. 31,38 pour 100

ce qui fait pour 100 livres de poudre 342,3 pieds cubes de gaz. L’analyse a donné pour les produits solides :

Sulfate de potasse 62,10

Carbonate dépotasse.... 18,58*

Sulfite de potasse 4,80

Sulfure de potassium 3.13

Sulfocyanure de potassium. 0,45

Nitrate de potasse 5,47

Charbon 1,07

Soufre 0,20

Carbonate d’ammoniaque.. 4,20

Total...... 100,00

Et pour les produits giizeux :

Acide carbonique 52,67

Azote 41,12

Oxyde de carbone 3,88

Hydrogène 1,21

Acide sulfhydrique 0,60

Oxygène 0,52

Oxyde d’azote traces

Total 100,00

À la température ordinaire, les trois éléments de la poudre n’agissent pas l’un sur l’autre et la poudre ne s’enflamme pas. Lorsqu’au contraire on chauffe rapidement la plus petite partie d’une masse de poudre de 250<> a 320», il y a immédiatement décomposition de toute la masse, flamme et production de gaz.

Si l’on chauffe lentement, de façon à élever petit à petit la température de la poudre, le soufre commence ù se volatiliser, Vers llio il devient mou et les grains de poudre se collent ensemble. Vers 150° le soufre s’enflamme souvent à l’air, occasionne l’inflammation du charbon et pur là l’explosion de la poudre. Si l’on prend la précaution de ne pas pousser réchauffement de la poudre jusqu’à l’inflammation du soufre, on peut successivement enlever entièrement ce dernier élément sans produire de détonation. Si l’on continue ù élevor la température jusqu’à 300», alors le salpêtre fond et se sépare ainsi du charbon, qui surnage.

Les moyens les plus simples et en même temps les plus sûrs pour enflammer la poudre sont les corps enflammés, charbons ardents, étincelles de briquet, étincelle électrique, flamme, etc. Les travaux d’Aubert, de Lingke et de Lampadius nous apprennent que la poudre s’enflamme aussi par un coup de fer sur fer, de fer sur laiton, de laiton sur laiton, cuivre sur cuivre, mais moins facilement, de bronze sur cuivre, de fer sur marbre, de quartz sur quartz, de plomb sur plomb, etc. Cette propriété de la poudre de pouvoir s’enflammer par coup, choc ou frottement est connue depuis longtemps, depuis la lin du xvne siècle. « Il n’est pas superflu de mentionner ici la nouvelle découverte de Whitworth, qui, ou le sait, lance des bombes dépourvues de fusées, qui font explosion au moment du choc par l’inflammation spontanée de la charge de poudre. Afin que 1 explosion n’arrive qu’après la pénétration de la bombe, il enroule autour de la charge de poudre explosible un nombre considérable de bandes de flanelle, etc. »

La poudre s’enflamme encore sous l’action de l’électricité. Lapoudre fit sauter : en 1521, la poudrière de Milan avec 250,000 livres de poudre ; en 1566, la poudrière de Frauenwerder, près de Bresiau ; en 1648, la poudrière de Savonc, où 200 maisons furent détruites ; en 1749, la poudrière de Bresiau, où 65 hommes furent tués et 391 blessés ; en 1749, la poudrière de Brescia, avec 160,000 livres de poudre ; 190 maisons furent détruites, 500-endommagées, 308 hommes furent tués et 500 blessés ; en 1783, le magasin à poudre de Malaga ; en 1785, le magasin à poudre de Tanger ; en 1807, la poudrière de Luxembourg ; en 1810, la poudrière de Livourne, etc., etc.

La détonation de la poudre au moyen de la flamme ou par l’élévation de température a lieu plus ou moins facilement suivant les circonstances ; ainsi la poudre un peu humide, dit le général Robert, demande plus de temps pour s’enflammer que la poudre sèche, et quelquefois même elle ne fait que fuser au lieu de détoner, à cause de la perte de calorique occasionnée par la vaporisation de l’eau. Les poudres anguleuses sont plus promptes à s’enflammer que les poudres rondes ; les poudres non lissées plus que celles qui sont tissées, parce que les angles saillants ou les aspérités de la surface s’échauffent plus rapidement que les parties unies ou arrondies, qui présentent, proportionnellement à la masse, moins de surface aux corps qui communiquent la chaleur. Par des raisons analogues, les poudres à grains poreux s’enflamment plus facilement que les poudres dont les grains sont très-compactes. Un chimiste anglais, M. Gale, vient de trouver un moyeu très-simple, affinne-t-on, de

POUD

rendre h. volonté la poudré explosible ou inexplosible. Des expériences ont été faites avec succès devant le duc de Cambridge. L’auteur mélange l partie du poudre avec 4 p.arties de verre pulvérisé extrêmement fin. On peut mettre le feu au mélange résultant sans qu’il se produise aucune explosion. Pour rendre à la poudre ses propriétés premières, il suffit de passer la matière au crible. La poussière de verre très-ténue passe à travers le tamis et la poudre reste dessus. Ce procédé pourra assurément rendre des services. » {Henri de Parville, Découvertes et inventions modernes.)

Ni l’œil ni la pensée ne sont assez rapides pour suivre toutes les phases du phénomène ; aussi l’hypothèse de i’instantauéitê de la combustion de la poudre a-t-elle été généralement admise pendant longtemps, et ce n’est pas sans difficulté qu’on est parvenu à démontrer l’inexactitude de cette assertion. Il a fallu qu’on remarquât que le coton-poudre s’enflamme à la surface de la poudre sans l’enflammer elle-même pour admettre que le composé qui nous occupe ne prend point feu instantanément.

Le charbon, comme on sait, a la propriété d’absorber l’humidité contenue dans l’air, surtout lorsqu’il est pulvérisé ; il en résulte que la poudre, quelle que soit du reste la pureté du salpêtre, ne peut être conservée parfaitement sèche, même dans les meilleurs magasins. Selon la quantité d’eau contenue dans lapoudre, le salpêtre se dissout, et, par suite de i’évaporation qui survient, il s’étend sur la surface du grain en une couche blanchâtre. Lorsque la poudre ne contient pas plus de 5 pour 100 d’humidité, le séchage lui rend une partie de ses premières propriétés. Lorsqu’elle contient 14 pour 100 d’humidité et au delà, les grains s’écrasent facilement et, après le séchage, elle n’est absolument propre à aucun usage. L’humidité exerce une grande influence sur la force de la poudre ; un exemple suffira pour démontrer cette influence : une gargousse de poudre humide, même de 24 livres, ne donne plus de détonation quand on l’enflamme ; du feu et une fumée épaisse s’échappent de l’âme de la’ bouche à feu et le boulet n’est lancé qu’il quelques pieds. La poudre bien travaillée doit posséder une couleur uniforme gris ardoisé et un faible lustre ; roulée dans la main ou sur le papier, elle ne doit laisser aucune tache. Elle doit avoir une densité déterminée, ne pas renfermer plus de 2 pour 100 d’humidité, brûler rapidement avec une fumée verticale et laisser à peine un résidu. Si la poudre est trop foncée, elle contient trop de charbon ; si elle est humide, elle salit et on peut l’écraser facilement.

La poudre fut d’abord employée à l’état de poussière, de pulvérin, pour toutes les armes a feu, comme on l’emploie encore dans les compositions d’artifices. Cet usage dura plusieurs siècles ; mais, dès que la construction des petites armes permit d’en augmenter les effets, on commença à grener la poudre pour ces armes ; et cela devint même indispensable lorsqu’on abandonna les boîtes à poudre et le chargement par la culasse, la crasse produite par le tir empêchant les matières ténues, introduites par la bouche, de couler jusqu’au fond de l’arae. « Dans le principe, dit le général Robert, elle fut grenée grossièrement en grains irréguliers ; en 1445, en Allemagne, les galettes qui se formaient dans la trituration étaient simplement écrasées en grumeaux ; plus tard, on mit beaucoup de soin dans cette manipulation, parce qu’on s’aperçut bientôt que cela était nécessairo pour obtenir des effets plus intenses et surtout plus réguliers dans les armes de petites et moyennes longueurs. » Néanmoins, la poudre fine comme la farine continua encore pendant longtemps à être employée pour les grosses bouches à feu, au fond desquelles on l’introduisait, soit dans des sacs, soit à l’aide d’espèces de cuillers, de lanternes, et cela quoique l’on eût reconnu, par expérience, que 3 parties do pulvérin ne donnaient pas plus de portée que 2 parties de poudre grenée, et sou veut qu’une seule. Lapoudre grenée ou, comme on disait, en grumeaux ne fut employée dans les canons que vers le milieu du xvie siècle ; le poussier ne fut même abandonné complètement jjue beaucoup plus tard ; on s’en servait encore en Italie en 1576 et en Angleterre vers 1625. Les Turcs ne grenaient pas encore leur poudre en 1656. Lorsque l’on commença à grener la poudre à canon, on eut soin de ne pas la mettre engrains aussi fins que celle des petites armes, afin de ne pas faire éclater les canons. Dans le principe, les grains furent gros comme des noisettes ; en France, les grains pour la grosse artillerie étaient comme des pois ; pour les pièces moyennes, ils étaient gros comme des lentilles ou des grains de chanvre. Plus tard, le grain à canon fut réduit à la grosseur du grain à mousquet et l’on n’eut plus qu’une espèce de poudre de guerre. En 1818, on est revenu à deux grosseurs de grains, l’une pour la poudre à canon, l’autre pour la poudre a mousquet.

Le grenage constituant une des opérations les plus importantes dans la fabrication de la poudre, nous allons entrer dans quelques développements a ce sujet.

Dans le grenage de la poudre anguleuse de guerre obtenue par les moulins a pilon, la