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ser des ouvrages en vers : Hichesses de la poésie. Feu de ta poésie. Enthousiasme de la poésik. L’imitation et l’harmonie ont produit la poésie. (Aristote.) La poésie est la musique de l’âme et surtout des âmes grandes et sensibles. (Volt.) La poésie est une peinture qui parle ou, si l’on veut, un langage gui peint. (Marmontel.) La poésie convient plus particulièrement à l’enfance des peuples et l’histoire à leur vieillesse. (Chateaub.) La poésie n’est que de l’éloquence qui parle en mesure. (De Bonald.) La poésie perd le plus essentiel de ses privilèges quand elle ne sait pas tirer du clavier de la multitude un accord unanime qui lui répond comme un écho. (Ch. Nodier.) La poésie est la fleur des lettres. (Ampère.) La poésie est l’éloquence du loisir et de la rêverie. (Lamart.) La poésie, c’est le chant intérieur. (Lamart.) La poésie est l’expression directe du sentiment par la parole. (E. Pelletai ! .) La poésie est la philosophie en fleur. (Mme C. Angebert.) La poésie est la lumière on- le relief de la parole ; c’est l’idée revêtue des ailes qui transfigurent et font voler ; c’est te souffle qui enfle les mots, les rend légers et les colore. (P. de St-Victor.) poésie est cette musique que tout homme porte en soi. (Sliiikspeare.) La POÉsm, c’est ta puissance qui nous affranchit un moment de l’éternelle limite. (Ed. Scherer.) La poésie est le sentiment des harmonies entre toutes les choses de la nature. (T. Tlioré.)

La poésie, art suprême et complet, Peinture qui se meut et musique qui pense.

Eh. Deschamps,

— Genre de poëme : Poésie lyrique. Poésie dramatique. Poésie épique. 1joésie héroïque. Poésie pastorale. Les belles poésies épiques, dramatiques, lyriques ne sont autre chose que tes songes d’un sage éveillé, (J. Joubert.) Dans le pays de Sophocle comme dans le pays de Corneille, chez les compatriotes de Shakspeare comme chez les compatriotes de Gœthe, la poésie dramatique n’a eu qu’un temps. (Taillandier.)

D’un air encar plus grand, la poésie épique, Dans le vaste re’cit d’une longue action. Se soutient par la fable et vit de Action.

Boileau.

Il Poésie rhythmique. Celle dans laquelle la mesure se compose d’un certain nombre de syllabes, sans tenir compte de la quantité. Il Poésie métrique, Celle dans laquelle on a égard, non-seulement au nombre de syllabes, tuais encore à la quantité.

— Caractère de ce qui est poétique : Ce sont là des vers, mais il n’y a pas de poésie. (Acad. J Mien n’est plus désagréable que cette dextérité dans le médiocre, que ces lignes rimées et césurées convenablement, qui ont l’apparence de vers sans contenir un atome de poésie. (Th. Gautier.)

— Manière particulière de faire les vers : Poésie naturelle, bizarre, rocailleuse. La poésie grecque et la poésie latine sont pleines de naturel et d’harmonie. (Acad.) La poésie anglaise est remplie de mots contractés. (Acad.) La poésie française est accusée par les étrangers de trop de timidité. (Acad.) La plus grande gloire de la poésie provençale est d’avoir eu pour fille ta poésie italienne. (Fonteuelle.) La poésie sera différente chez le peuple qui renferme les femmes et chez celui qui leur accorde la liberté. (Volt.) La poésie française est un feu qui pétille, l’italienne un feu qui brille et l’anglaise un feu qui noircit. {Clément XIV.) Les anciens, que tout matérialisait dans leurs institutions, étaient spiritualisés par leur poésie. (Joubert.) La poésie de Virgile ne se détache jamais de ta cause politique à laquelle elle s est engagée. (Ozanam.) Chose admirable, la poésie d’un peuple est l’élément de son progrès. (V. Hugo.

— PoSine, ouvrage en vers de peu d’étendue : Poésies de Malherbe, de Itacine. PoÉ • sies fugitives. liecueil de poésies. Les poésies populaires d’une race sont toute sa religion, toute su civilisation, toute son âme. (E. Souvestre.) Les poésies populaires elles-mêmes, qui sont si essentiellement anonymes, ont toujours un auteur. (Renan.)

— Fig. Caractère de ce qui touche ou élève l’âme, de ce qui inspire ou fait rêver : La poésie de la nature. Un tableau plein de poésie. Les passions des vieilles filles sont des poésies condamnées à rester en portefeuille. (Balz.) Le patriotisme, c’est de ta poésie, ’ et te temps de la poésie est passé. (Mm« E. de Gir.) L’architecture est une poésiij, la poésie du monde des corps, des formes inanimées ; la sculpture, la peinture sont une poésie, la poésie du monde organique, des formes vivantes et des couleurs ; la musique est aussi une poésie, la poésie des sons. (Lamenn.) Les jeux publics, le luxe et les arts étaient fu poésie du peuple romain dens l’antiquité. (Mme [Jt Colet.) La tombe a une poésie funèbre et attrayante. (A. Houssaye.) l’ont est poésie dans la femme, mais surtout celle vie rhythmique, harmonisée en périodes régulières et comme scandée par la na(ure.. (Michelet.) Le bonheur est une poésie. (H. Taine.) La jeune fille est la poésik du foyer. (Mme Romieu.) La femme est la poÉsiii, l’homme ta prose..{’l’oussanel.)

Dors et vole a ta fantaisie,

Heureux frère ; devant mes pas,

Moi, j’ai vu fuir la poésié, L’oiseau que j’attends ne vient pas.

II. Moreau.

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— Encycl. I. Définition et caractères dk la poésie. Considérée dans sa cause, la poésie a pour origine l’imagination, notre faculté mère, notre faculté libre, la seule par laquelle l’homme soit un être actif, car toutes les autres, même la raison et la volonté, sont des facultés passives.

La poésie, eu général, est donc la fille aînée de l’imagination. Comme faculté poétique, l’imagination a, du reste, des degrés divers. « L’imagination sensible, dit Jean-Paul Richter, est à l’imagination (phantasia) ce qu’est la prose à la poésie. Elle n’est qu’un degré supérieur de la mémoire, dont elle reproduit plus vivement les images. Les animaux l’ont aussi, puisqu’ils révent et sont susceptibles de frayeur. Mais la véritable imagination, la faculté poétique est quelque chose de plus élevé ; elle est l’âme du monde de l’âme, l’esprit élémentaire des autres facultés ; aussi, dans une grande imagination, on peut distinguer des facultés particulières qui en sont comme les ramifications ; tels sont 1 esprit de saillie, la finesse, la sagacité, etc. Mais aucune de ces facultés ne peut s’élever jusqu’à l’imagination. Des parties isolées l’imagination fait un tout, au lieu que les autres facultés, appuyées sur l’expérience, ne détachent que des feuillets du livre de la nature. Avec les parties du monde, l’imagination fait de nouveaux mondes. Elle totalise tout, même le tout infini de l’univers. L’optimisme poétique lui appartient : par là. aussi la beauté des formes qui habitent le rconde idéal, la liberté, avec laquelle, dans son éther, les êtres se meuvent comme des soleils. Elle rapproche de nous, en quelque sorte, et fait briller à nos yeux l’infini, l’absolu que conçoit la raison. Déjà, dans la vie, l’imagination exerce sa faculté d’embellir ; elle répand son éclat sur les jours ternes et pluvieux d’un passé qui s’éloigne de nous ; elle les entoure des couleurs brillantes de l’arc-en-ciel que la main ne peut atteindre. Elle est la déesse de l’amour ; elle est la déesse de la jeunesse. Chaque endroit delà vie dont nous nous souvenons brille dans l’éloignement comme une terre dans le ciel. C’est que l’imagination en rassemblé les parties pour former un tout plus pur et plus serein. À l’inverse d’Orphée, nous trouvons notre Eurydice en tournant nos regards en arrière et nous la perdons en regardant devant nous. »

Il y a un degré de l’imagination poétique où elle est purement réceptive. Elle ne possède pas le don de créer ; elle constate. Ceux qui sont doués de cette sorte de force poétique disent simplement en voyant un objet : Cela est beau. Quand à ce simple pouvoir se joignent les qualités Imaginatives citées plus haut, comme l’esprit de saillie, l’imagination mathématique, historique, etc., on n’a encore qu’une imagination inférieure ; maison a du talent. Le talent n’est pas ce haut discernement à i’aide duquel le génie tire de lui-même tout un monde enfoui dans les replis de l’âme. Il reçoit beaucoup du dehors. En poésie, le talent, avec ses images, son feu, sa richesse, ses attraits littéraires, a une grande influence sur le peuple. La foule est sensible aux images, à la verve, mais elle n’a pas de, sentiments généraux. L’histoire des lettres est pleine de ces poésies qui «ont de la prose mise en vers, mais où éclatent des pensées et des sentiments qui ressemblent à des éclairs fugitifs : • Le talpnt, dit Jean-Paul Richter, s’étale comme une colfine à côté des froides Alpes du génie, jusqu’à ce- qu’il meure dans son voisinage... Les talents peuvent se détruire et se remplacer les uns les autres, mais non les génies : ceux-là sont des degrés, ceux-ci des espèces. Les images, les pensées spirituelles, fines, profondes, les effets de style, tous les agréments du génie peuvent être la proie de deux ou trois imitateurs. Mais l’ensemble et l’esprit général qui l’animent ne peuvent être dérobés. » En un mot, le talent peut s’approprier les idées, les images et les sentiments d’autrui. Mais la poésie n’est pas cela. Elle consiste dans un soufde qui est une émanation directe de l’âme. Ce souffle, on l’a ou on ne l’a pas. Comme il est un effet du tempérament, il ne saurait s’acquérir. Il y a pourtant des poètes qui ont le souffle et ne sont néanmoins poètes que pour eux-mêmes. La nature leur a refusé le don de communiquer au dehors la flamme qui les anime. On a appelé cela le génie poétique passif ou féminin. Il est la faculté de concevoir, non de créer. Il y a des hommes capables de concevoir ainsi bien mieux que le talent le plus élevé ; mais, chez eux, la faculté producirice est trop faible. Ils reçoivent, dans une âme ouverte et simple, le grand esprit de l’univers. Il* s’attachent à lui et lui restent fidèles, dédaignant le commun, comme fait la femme aveu son sens délicat. Mais veuient-ils exprimer leurs amours, ils se tourmentent en vain ; l’organe de la parole est défectueux, embarrassé. Si l’homme de talent est l’acteur mimique et le singe imitateur du génie, ces esprits souffrants, qui sont sur la limite du génie, ressemblent à l’homme des bois calme, sérieux dans sa stature droite, qui vient après l’homme et à qui la nature a refusé l’a parole.

La moitié de ces gens-là maudissent le jour de leur naissance. Lucides sur tout ce qui touche aux œuvres d’autrui, il leur est impossible de produire eux-mêmes. Dans notre civilisation positive, le génie poétique

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apparaît volontiers comme une malédiction de Dieu. Le vulgaire explique le fait en disant que le don de la poésie exclut la raison. Eh bien I « faire consister le génie, la chose la plus excellente qui soit sur la terre, dans un degré d’intensité remarquable des qualités inférieures de l’âme, ou bien encore concevoir le génie sans raison, c’est soi-même penser sans raison, c’est pécher contrôle Saint-Esprit. >

Il est certain qu’entre la destinée de Shakspeare et celle d’un favori de la reine Elisabeth un homme ordinaire n’hésiterait pas à choisir ; qu’entre Schiller et un général prussien le choix d’un homme positif serait Bientôt fait. On préfère ce que l’on connaît à ce que l’on ne connaît pas. Les épaulettes d’or et 100,000 livres de rente s’apprécient facilement. L’émotion qui résulte de la possession du génie de Shakspeare est à une trop grande distance de l’estomac pour que celui-ci puisse en juger.

« La poésie est, en partie, instinctive. L’instinct est le sens de l’avenir ; il est aveugle, mais seulement comme l’oreille est aveugle à la lumière et l’œil sourd pour le son. I ! signifie et renferme son objet, comme la cause contient ses effets, et, si nous avions résolu le problème de savoir comment les effets nécessairement donnés avec la cause la suivent

cependant, nous comprendrions comment l’instinct appelle son objet, le détermine, le connaît et néanmoins en est puPnè... Maintenant, s’il existe dans l’âme humaine, l’esprit pur, comme dans l’esprit impur de l’animal, un sens de l’avenir ou un instinct, et si son objet est aussi éloigné que certain, l’universelle vérité dans le cœur de l’homme devait nécessairement dire les premiers mensonges de la nature. Cet instinct de l’esprit qui voit éternellement son objet le réclame sans égard au temps, parce qu’il habite un lieu supérieur à toute durée ; il exprime pourquoi l’homme ne peut exprimer et comprendre que les mots de terrestre, de mondain, de temporel, etc., car cet instinct n’en donne fe sens que par contraires. Si l’homme le plus ordinaire ne considère la vie et tout ce monde terrestre que comme un fragment, une partie, il n’y a qu’une intuition supérieure et la supposition d’un tout qui puisse faire admettre et mesurer ses divisions. » Cette théorie de la poésie, aussi pleine de profondeur qu’éclatante dans son expression, rend parfaitement compte de l’histoire da la poésie parmi les hommes. Les genres sont successifs et expriment des états différents de la conscience. Partout la, poésie commence par le genre lyrique, par l’hymne, puis par l’épopée, pure exposition de faits dans ce style simple, grandiose et sincère qui n’est qu’un écho à demi inconscient des événements. « Les rapports de la vie morale, dit Hegel (Poétique), l’organisation de la famille, celle de la société et de la nation tout entière, dans la guerre et dans la paix, doivent être déjà parvenus à un certain degré de développement et de perfection, mais non à la forme générale de principes, de devoirs et de lois, auxquels manquent la particularité, la vie, l’individualité, et qui maintien : nent leur autorité vis-à-vis de la volonté individuelle. Il faut, au contraire, que ces

principes paraissent émaner du sens moral, de l’équité naturelle, des mœurs et du caractère même des personnages, qu’aucune raison abstraite, sous une forme primitive et prosaïque, n’érige ses droits en face de ceux du cœur, ne domine la conscience individuelle et la passion et ne les soumette à ses lois. »

Aussi ne voit-on d’épopée naître qu’aux époques primitives de l’humanité ou au moment où, à la suite de la destructiou d’une race, une nouvelle race, jeune par les mœurs et par le sang, recommence une civilisation nouvelle. À ce point de vue, toute légende est un poëine épique, et la mythologie d’un peuple est l’histoire poétique et religieuse de sa pensée. Quand les passions se raffinent, que les conditions se distinguent, que divers genres de vie coexistent dans le même pays, les différents genres de poésie naissent pour exprimer cette multiplicité de côtés sociaux auxquels répondent des instincts différents, que les lettres ont la mission de satisfaire.

Ce qu’on appelle les genres en poésie est, du reste, une classification très-arbitraire. « Quand on examine de près, dit Gœthe, les rubriques reçues, on trouve que ces genres y sont définis, tantôt d’après des caractères extérieurs, tantôt d’après leur objet, moins d’après leur forme essentielle. On reconnaît vite que quelques-uns se rattachent ou se subordonnent à d’autres. Au point de vue du plaisir et de l’agrément, chaque méthode peut avoir son existence et son effet propre.»

Il n’existe, en réalité, que trois formes générales de la poésie : la forme épique, la forme lyrique et la forme dramatique. Ou les rencontre toutes les trois dans le plus petit poëme. « C’est ce que prouvent, dit encore Gœthe, qui est un maître dans la matière, les précieuses ballades de tous les peuples. Dans l’ancienne tragédie grecque, on les voit également toutes trois d’abord se combiner, puis se séparer successivement et dans un ordre marqué. Tant que le chœur joue le. principal rôle, la poésie lyrique se montre au premier rang. Quand il n’est plus que spectateur, les deux autres apparaissent, et, finalement, là où l’action se resserre, prend un caractère

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personnel, se rapproche de la vie commune, on trouve le chœur incommode et à charge. Dans la tragédie française, l’exposition est épique, le milieu dramatique, et 1 on peut appeler lyrique le dernier acte qui affecte un ton passionné et enthousiaste. »

"On pourrait croire qu’il y a un peu de fantaisie dans la théorie de Gœthe ; mais non. « Écoutez, dit-il, fa moderne improvisateur qui, sur la place publique, traite un sujet historique. D’abord, pour être clair, il raconte ; puis, pour exciter l’intérêt, il parle comme un personnage jouant un rôle. Enfin, il s’enflamme d’enthousiasme et entraîne les cœurs. Ainsi, on peut merveilleusement combiner ces éléments, et les espèces de poésie sont variées à l’infini. Par conséquent aussi, il est fort difficile de les ranger dans un ordre tel qu’on puisse les placer à côté ou à la Suite les unes des autres. »

La meilleure manière de les distinguer est surtout de montrer les chefs-d’œuvre ou un genro domine. Ces chefs-d’œuvre caractérisent chaque genre,

La théorie que nous venons de développer porte si évidemment l’estampille de l’esthétique allemande, qu’on en reconnaît l’origine de prime abord, sans être obligé de se reporter aux noms de Gœthe, de Hegel et de Richter. Beaucoup de lecteurs auront sans doute trouvé quelques-unes de ces considérations si profondes et si hautes en même temps, qu’ils n’y auront vu que ténèbres et nuages. C’est là le propre du philosophisme allemand, qui ne se pique pas de clarté, on ne le sait que trop. Si la spéculation philosophique était bannie du reste de la terre, on la retrouverait dans le cœur et sur les lèvres des enfants de la blonde Germanie. Cependant, comme ces recherches ont incontestablement ouvert des horizons nouveaux et qu’elles plaisent à certains esprits qui s’imaginent aller au fond des choses, nous n’avons pas cru devoir les passer sous silence, et nous avons commencé par faire la part de ceux qui ramènent tous les phénomènes moraux à une froide analyse psychologique. Mais, de cette manière, nous n’avons fait qu’effleurer le côté littéraire et historiquéde la question, et, pour ceux qui cherchent surtout leurs jouissances intellectuelles dans ces sortes de développements, nous allons reprendre cette étude en sous-œuvre, au risque de quelques répétitions, car la. poésie est, avant tout, du ressort de l’histoire et de la littérature, et la philosophie devrait bien faire fonctionner ailleurs le double appareil de son objectif et de son subjectif.

Et d’abord, qu’est-ce que la poésie, en prenant ce mot dans sa plus haute acceptiou ? ! ! n’est peut-être pas un mot du dictionnaire plus difficileà définir que celui-là, plus vague, plus insaisissable dans ses divers caractères. Dans une de ses meilleures leçons, Laromiguière constate, sinon l’impossibilité absolue, au moins la difficulté d’une définition exacte, précise, d’une justesse irréprochable. Les uns, commentant l’étymologie, veulent que la poésie soit une création ; mais il n’y a que Dieu qui ait le don de créer, et encore beaucoup de philosophes le lui contestent. Or, nous ne pensons pas que ce soit au profit des poètes. D’ailleurs, le sculpteur, le peintre et le musicien pourraient, tout aussi bien que le poëte, s’intituler créateurs et usurper à leur tour les droits de la nature. La vérité est que ni les uns ni les autres ne créent rien, dans le sens absolu du mot, pas même leurs idées qui leur sont fournies par la méditation et par les objets extérieurs. Tous ne font qu’imiter la nature, le peintre avec des couleurs, des ombres et de ta lumière ; le musicien par le savant arrangement de notes harmonieuses ; le sculpteur en faisant jaillir d’une matière brute un être qui semble ne plus attendre que le feu de Prométhée ; le poète, enfin, au moyen du langage écrit ou parlé. D’autres, procédant parvoie de comparaison, ont avancé que la poésie est à la prose ce que le chant est à la parole, ou bien encore, ’ à un point de vue différent, qu’elle est l’idéal transporté dans le monde réel. Tout cela n’apprend pas grand’chose. Que la poésie habite le monde de l’idéal, nous le croyons dans une certaine mesure ; mais que l’idéal lui soit exclusivement réservé, c’est tout autre chose, car il est certain, par exemple, que la raison pure, tu raison spéculative, habite aussi le monde de l’idéal.

Quelques auteurs, poètes sans doute à la manière de Malebranche :

Il fait en ce beau jour le plus beau temps du monda Pour aller à cheval sur la terre et sur ronde,

veulent que la poésie soit considérée comme la jeunesse de l’esprit. Les enfants, disent-ils, ont naturellement une âme poétique ; le genro humain a commencé par la poésie ; les races poétiques sont les races jeunes de l’uuma■ uité. Au contraire, on remarque que, chez les individus comme ehez les peuples, le sens poétique et le goût de la poésie diminuent à mesure qu’on avance en âge, et qu’il vient un moment où l’on est tout à fait insensible à cette fée de nos premiers ans.

Comprenez-vous la malice ? Sentez-vous la pointe de J’épigrarame 1 Sans s’effrayer du genus irrilabile vatum, ces impertinents auteurs voudraient tout simplement remettre la poésie au maillot. Quant à nous, nous croyons que la poésie est le sentiment vif du beau, du sublime et même du ridicule, ou