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thèses peuvent se présenter : L’emploi a été fait : l’époux aura en propre l’immeuble acquis à son profit. L’emploi est considéré comme ayant été effectué lorsque l’acquisition a été faite suivant les règles posées par les articles 1434 et 1435 (sic, cassât., 26 mai 1835, Sirey, 35, i, S83). L’emploi n’a pas été effectué : l’époux au profit duquel il avait été stipulé est autorisé à prélever, lors de la dissolution, la somme réalisée par lui.

RÉALISÉ, ÉE (rê-a-li-zé) part, passé du v. Réaliser. Qui est rendu réel : Projets réalisés. Expériences réalisées. Promesses réalisées. Le christianisme n’est que l’amour réalisé sous sa forme la plus pure. (Vinet.) L’idéalisme, réalisé anthropomorphiquement par des Juifs, produisit le christianisme. (P. Leroux.) La psychologie n’est plus qu’un cliquetis de mots sonores et d’abstractions réalisées. (Renan.) Tout progrès réalisé dam l’art de la guerre amène un progrès analogue dans celui de la chasse. (Toussenel.)

RÉALISER v. a. ou tr. (ré-a-li-zé — du lat. realis, réel). Rendre réel, effectif : Réaliser des promesses. Il avait formé beaucoup de projets qu’iln’k pas réalisés. (Acad.) Dieu seul a la puissance de réaliser ses pensées. (Ballanche.) C’est le peuple qui produira les hommes destinés à réaliser l’œuvre sociale de notre époque. (Lamenn.) Le poète n’est-il pas l’homme qui réalise ses espérances avant le temps ? (Balz.) Puis est venu le souper, qui a réalisé pour eux la féerie des châteaux enchantés. (Mél. Waldor.) La femme n’abandonne point une pensée qu’elle ne i’AiT réalisée. (L’abbé Bautain.) Réalises ses désirs est une partie de la science du bonheur. (Droz.) On prend quelquefois plus de plaisir à former un projet qu’à le réaliser. (S.-Dubay.) Si les hommes ne réalisent pas le bien, c’est qu’ils ne le croient pas possible. (P. Leroux.) Tout acte qui se fait dans le but de réaliser lu vérité morale est bon ; tout acte qui n’a point ce but est indifférent. (Mesnard.) Entreprise pour faire triompher la liberté et l’égalité, la Révolution n’a pu RÉALiSERencore que la seconde partie de son programme. (Taxile Delord.) Un roman dans un lit, on n’en saurait que Taire, On réalise la tous ceux qu’on a rêvés.

A. de Musset.

— Rendre avec une vérité qui approche de la réalité : On a réalisé sur le marbre toutes les formes, tous les contours de toutes les parties du corps humain. (Buil’on.)

— Phi !. Considérer des abstractions comme des êtres réels : La philosophie péripatéticienne a réalisé tous les êtres généraux et métaphysiques. (Dider.)

— Fin. Convertir en espèces, en biens-fonds ce qu’on possède en effets de commerce, en entreprises, etc. : Il vient de réaliser sa fortune, pour se retirer tout à fait des affaires. La première condition pour être disciple de Jésus était de réaliser sa fortune et d’en donner le prix aux pauvres. (Renan.) il Absol. ; Tout le monde se vit pauvre, excepté ceux gui avaient réalisé ; c’était un terme nouveau, introduit dans la langue par le système de Law. (Volt.) Il se pourrait que, le jour où la Banque aurait besoin de réaliser, les circonstances fussent moins favorables qu’aujour- ' d’hui. (Chappuis.)

— Jurispr. Réaliser des offres, Les faire à deniers découverts.

Se réaliser v. pr. Devenir réel, s’effectuer : Tout ce qui avait paru à l’homme frivole ou chimérique se montre et SB réalise. (Mass.) En fait de passion, ce qui peut sembler faux partout ailleurs se réalise en province. (Balz.) Le moindre progrès ne se peut réaliser sans jeter la panique parmi tes peuples. (Proudhon.) Aucune ambition ne SE réalise pleinement, ici-bas du moins. (V. Hugo.) C’est par les sentiments que les idées se réalisent. (V. Cousin.) Les conséquences d’un principe ne sont irrésistibles qu’en logique ; dans la vie elles ne se réalisent pas sans un concours spécial de la volonté. (Vinet.) Pour l’homme, se connaître c’est se réaliser. (Ch. Dollfus.)

— Syn. Réuliaer, accomplir, effectuer, etc. V. ACCOMPLIR.

RÉALISME s. m. (ré-a-li-sme — du lat. realis, réel). Philos. Doctrine des réalistes, de ceux qui croyaient à l’existence réelle des universaux : Le réalisme est opposé à ta philosophie de Berkeley, qui affirme qu’en rien nous ne connaissons que nos impressions.

. — Littêr. et B.-arts. Système qui consiste a reproduire, à peindre la nature telle qu’elle est ou telle qu’on croit la voir, sans souci de l’idéal : On a fait passer le réalisme jusque dans la poésie. Les danseuses exécutent un pas éblouissant de délire et de réalisme. (T. de Banville.) Ce tableau est le suprême effort du réalisme anglais, bien différent d’un certain réalisme qui procède avec une brutalité extrême de moyens et copie grossièrement l’ignoble sans être pour cela plus sincère. (Th. ûàut.) A travers la poussière de l’abandon et la fumée du temps, on démêle des morceaux d’un réalisme surprenant, des cambrures truculentes et un faire d’une énergie extraordinaire. (Th. Gaut.) Une copie qui n’est qu’exacte calomnie son modèle ; c’est la grande erreur du réalisme, qui prétend être vrai parce qu’il dit tout. (Cuv.-Fleu’ry.) On pourrait diviser nos jeunes artistes en deux écoles, celle de la fantaisie et celle de la réalité ou du

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réalisme, car je crois ce dernier mot adopté, bien que peu français. (Mérimée.)

— Encycl. Philos. Nous avons dans l’esprit deux sortes d’idées : les idées individuelles et les idées générales ; les premières sont le résultat de Ta perception, les secondes de l’abstraction et de la généralisation. Quand je perçois cette feuille de papier sur laquelle }e trace des caractères, l’idée que je m’en fais est individuelle, car elle ne représente que cette feuille de papier en particulier ; lorsqu’au contraire je pense aux feuilles et au papier, j’ai des idées générales, applicables a toutes les feuilles et à tous les papiers.

La question n’est pas de savoir si de telles idées existent dans notre esprit, —nous ne saurions penser sans idées abstraites générales,mais si ces idées, qui rendent possible l’induction, la déduction, la synthèse, l’analyse et toutes les autres fonctions de l’intelligence, ontà l’extérieur un objet correspondant, doué d’une existence réelle." Ceux qui l’affirment sont appelés réalistes ; ceux qui le nient ont reçu dans l’histoire de la philosophie le nom de nominalistes ; pour ces derniers, les idées générales ne sont que des noms, de vains mots, des ftatus vocis.

Cet antagonisme du réalisme et du nominalisme a pris naissance avec la philosophie elle-même et durera probablement aussi longtemps que les spéculations métaphysiques préoccuperont l’esprit de l’homme ; c’est donc tout un côté de l’histoire générale de la philosophie que nous allons esquisser à grands traits, en insistant, toutefois, sur la période où la lutte a été la plus vive, nous voulons dire sur le moyen âge.

Le grand réaliste de l’antiquité est Platon ; le grand nominaliste est Aristote. On sait que toute la doctrine de Platon repose sur sa célèbre théorie des idées ; selon lui, les choses que nous voyons et que nous croyons être réelles ne sont que de petites copies, des fantômes inconsistants de choses qui ne tombent pas sous le sens, ’ mais que nous pouvons saisir par l’intuition de l’entendement, à moins, toutefois, que l’intelligence n’ait été dépravée par un usage immodéré de la sensibilité. Ces choses, seules réalités substantielles, qui sont aux objets sensibles ce que la lumière du soleil est aux ténèbres de la nuit, ce sont les idées. Mais il faut prendre ce mot dans un sens différent de la signification moderne. Idée, en grec, signifie à la fois l’image intellectuelle des choses et le type de ces mêmes choses. Pour Platon les deux sens se confondent ; l’idée générale correspond à une réalité distincte et substantielle, existant dans un monde intelligible où les sens ne peuvent pénétrer ; et ces idées, dont nous pouvons affirmer l’existence substantielle par suite du concept que nous nous en formons, sont les types suivant lesquels le Dieu du Timée façonne les objets sensibles. Cette théorie suppose donc, en résumé, que les idées générales, idées de genres ou d’espèces, existent dans le sein de Dieu, et que là elles forment la substance même des choses. Aristote, disciple, mais adversaire de Platon, oppose à son maître les résultats de l’expérience et de l’observation et soutient que, faire ainsi des idées les types substantiels et éternels de choses sensibles, c’est réaliser, sans motif, des entités logiques. Pour lui, les idées générales, les universaux, comme on dira plus tard, sont de purs résultats de l’abstraction et, comme tels, n’ont de réalité que dans l’esprit qui les conçoit.

Platon et Aristote eurent des successeurs dans l’antiquité. Les alexandrins réalisèrent les idées générales, encore plus que ne l’avait fait Platon, malgré leurs prétentions à concilier le platonisme et le péripatétisme. Pour eux, l’être véritable, l’être par excellence, c’est l’unité, l’un ineffable, purement intelligible. Mais cette unité, dont ils font la substance et le fond commun de toutes choses, qu’est-ce en définitive, si ce n’est la réalisation d’une idée abstraite de l’intelligence ? Les stoïciens adoptèrent sur cette question la doctrine logique d’Aristote ; pour eux, les idées générûjes ne correspondent à aucune réalité extérieure à 1 esprit ; ce sont tout simplement des proiepses, ou, comme Épicure les avait déjà appelées, des anticipations, et ces anticipations nous viennent à l’esprit par la vue souvent répétée des mêmes choses. En d’autres termes, nous les formons par comparaison et par abstraction.

La question du réalisme des idées joue, comme nous venons de le voir, un rôle assez considérable dans la philosophie ancienne ; elle apparaît au premier plan dans l’histoire de la philosophie au moyen âge. La raison en est simple. Cette question est, à proprement parler, une question secondaire en philosophie, et elle ne prend d’importance que le jour où l’on quitte les hauts problèmes de la métaphysique pour les subtilités ardues de la dialectique. C’est précisément ce que fit le moyen âge. À cette époque, l’esprit humain, sans connaissances positives, veut saisir et s’assurer la plus haute des connaissances, celle de Dieu. Mais déjà, étaient données, quant au fond, par la révélation les hautes solutions de la science divine ; ce que l’on cherche, c’est le moyen d’y appliquer la forme de la connaissance rationnelle, la clarté et la certitude d’une science. Ce qu’on devait trouver était donc prescrit d’avance et toute déviation hors de ces limites était

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rendue impossible ; ainsi se rétrécit le cercle de l’activité intellectuelle et se développa, surtout dans les retraites séparées du monde, un esprit de subtilité et de chicane qui crut avoir trouvé de quoi satisfaire à tous les besoins de la pensée à l’aide de pures formules et d’une sorte de jeu appliqué au maniement des idées.

La question du réalisme et du nominalisme est si bien la question fondamentale de la spéculation du moyen âge, que plusieurs historiens de cette philosophie en ont déterminé les périodes en suivant la marche des opinions sur la réalité des idées. La première période, qui va du ixe siècle au XIe siècle, est caractérisée par un aveugle réalisme. Les principaux réalistes de cette époque sont Jean Scot, Bérenger, Lanfranc, saint Anselme, archevêque de Cantorbéry, et Hildebert de Tours. A proprement parler, la lutte n’était pas encore commencée ; elle commence avec la deuxième période, de Roscelin jusqu’à Alexandre de Haies, et s’anime bientôt. L’exercice de la dialectique et en particulier l’explication d’un passage obscur de l’introduction de Porphyre sur les Cinq voix, au sujet des diverses opinions des écoles platonicienne et péripatéticienne sur les idées de rapport, telles furent les causes principales qui provoquèrent le débat entre les réalistes et les nominaux. Comme on le voit, nous avons eu raison de placer en tête de cette rapide esquisse de l’histoire du réalisme les noms de Platon et d’Aristote ; ce furent leurs ouvrages qui donnèrent naissance à la grande lutte philosophique qui passionna tout le moyen âge. Dans cette querelle, les uns prirent parti pour Aristote, ce furent les nominalistes ; les autres pour Platon, ce furent les réalistes.

Celui qui donna le signal du combat fut Jean Roscelin ou Rousselin, chanoine de Compiègne vers 1089. I ! soutint, au sujet des idées de genres et d’espèces, qu’elles ne sont que des noms ou des mots (flatus vocis), au moyen desquels nous désignons les qualités communes que nous observons entre les divers objets individuels. Cette idée le conduisit à des propositions peu orthodoxes sur le dogme de la Trinité, propositions qu’il rétracta à Soissons en 1092. ■ Ce qui est certain, dit le savant historien de la philosophie, Tennemann, c’est que Roscelin est le premier que la plupart des écrivains qualifient de nominaliste, et que, depuis, l’école antérieurement établie, qui regardait les idées de genres et d’espèces comme des choses réelles et des types préétablis, universalia ante rem, disaient les scolastiques, eut à combattre, pendant toute la durée de cette époque, contre le nominalisme qui voyait, au contraire, universalia in re ou post rem, sans que la difficuté pût jamais être définitivement vaincue. »

Abailard, nom illustre et encore populaire, se déclara son partisan. Il eut à soutenir une lutte fameuse dans l’école de Paris, sur la manière dont les idées générales sont contenues dans les objets. Son adversaire, professeur habile de dialectique, fut Guillaume de Champeaux, mort évêque de Châlons en 1120. Nous n’avons pas à raconter ici comment Abailard, malgré les ressources prodigieuses de son génie, malgré toutes les séductions de son éloquence et la force de sa dialectique, succomba dans la lutte. La partie n’était pas égale ; nominalisme signifiait alors indépendance de spéculation, et réalisme voulait dire attachement aveugle au dogme de l’Église. Abailard, poussé par sa croyance au néant objectif des idées générales, entreprit le premier d’appliquer la dialectique aux matières de foi, pour reproduire et expliquer par des

Îirincipes rationnels les dogmes obscurs de a religion chrétienne ; il tenta aussi d’expliquer par la philosophie les principales idées de la morale théologique, par exemple celles du péché et de la vertu. La défaite d’Abailard ne fut pas la défaite du nominalisme. Quelques vaillants esprits, véritables aïeux de la pensée moderne, continuèrent sa tâche : les principaux furent : Guillaume de Conçues, Gilbert de La Pofrée, Hugues de Saint-Victor, Robert de Melun, Robert Palleyn et Pierre Lombard. Mais cette] glorieuse phalange, décidée à lutter avec indépendance contre l’autorité despotique de l’Église, fut vaincue par l’orthodoxie hiérarchique ; le parti contraire parvint à la comprimer par Jes persécutions, les interdictions et les anathéiues, et le réalisme domina exclusivement pendant toute la troisième période du moyen âge, depuis Alexandre de Haies jusqu’à Occani.

Il est assez bizarre que cette domination s’exerce sans conteste pendant cette troisième période, qui est aussi la période du règne sans conteste de la philosophie d’Aristote. Or, nous avons vu qu’Aristote était le père du nominalisme. Comment s’expliquer cette antinomie apparente 1 Elle est insoluble pour l’historien superficiel ; mais celui qui connaît la source de la philosophie scolastique la résout aisément. Les livres d’Aristote ne parvinrent pas directement en Europe ; ils y vinrent par l’intermédiaire des Arabes. Or, les Arabes ne se contentaient pas de traduire Aristote, ils le travestissaient ; pénétrés du mysticisme propre aux races sémitiques, imbus des spéculations théurgiques de l’école d’Alexandrie, ils essayèrent de concilier Aristote avec le néoplatonisme. Or, le néoplatonisme est au moins aussi réaliste que

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le platonisme pur ; Aristote travesti arrivait donc voilé de réalisme. De plus, le nom d’Aristote fut bientôt synonyme d’autorité ; or, nous avons vu que nominalisme était synonyme d’indépendance ; on comprend maintenant comment,

malgré la domination exclusive d’Aristote ; le réalisme tint bon pendant cette troisième période de la philosophie au moyen âge. ■ On croit pouvoir compter, parmi les réalistes de cette époque, dit M. Bouchitté, Gilbert de Lu Porrée, Jean de Salisbury, Thomas d’Aquin et Duns Scot, dont les disciples se rangèrent sous des bannières différentes, les scotistes se distinguant des thomistes par l’épithète de formels, unis d’ailleurs dans une haine commune contre les nominalistes. Ceuxci eurent donc longtemps le dessous ; ils ne se relevèrent qu’au milieu du xive siècle, où Guillaume d’Ocoam, avec une netteté d’esprit qui ne s’était -pas encore fait jour dans la dispute, leur assura la supériorité. Il fit remarquer, en effet, ’qu’il y avait en Dieu une idée correspondante & chaque chose créée ou susceptible de l’être ; quç les choses individuelles seules peuvent passer à l’état créé et que seules elles supposent l’existence d’une idée qui en est comme le type et le plan ; que de semblables idées ne peuvent exister par rapport aux genres et aux espèces. De cette manière, il transportait aux idées des êtres individuels le réalisme qu’il enlevait à celles de genres et d’espèces, et celles-ci retombaient, dès lors, dans la classe des idées abstraites, ■

Dans sa Philosophia nominalium vindicata, se fondant sur ce principe logique : ■ Il ne faut pas multiplier les êtres au delà de la nécessité de la logique, > il prétendit que les idées générales ne sauraient avoir aucune réalité objective hors de l’esprit qui les conçoit, parce que ni le jugement ni la science n’ont un be^-in absolu de cette hypothèse et qu’elle conduit à des conséquences extravagantes. Selon lui, les idées générales n’ont d’existence objective que dans l’âme ; elles sont un produit de l’abstraction, et ce sont ou des images qu’elle se crée à elle-même, ou des qualités subjectives propres à l’âme et qui sont de.nature à devenir les signes des objets extérieurs. •

Cependant le réalisme ne se tint pas pour battu. Il tint tête au nominalisme, avec des partisans moins puissants que ne l’avaient été saint Thomas et Duns Scot. Les principaux furent Walter Burleigh, Thomas de Strasbourg et Marsile d’inghen. De son côté, le nominalisme compta des partisans tels que Jean Buridan, Pierre d’Ailly, Robert Hoicot et Grégoire de Rimini. «Les dernières conséquences de ce contlit si animé, remarque

judicieusement Tennemann, furent de faire baisser le crédit de la scolastique, d’inspirer l’indifférence pour la philosophie et en particulier pour la logique, ce dont le célèbre Gerson se plaignait déjà de son temps ; enfin, de déterminer un penchaut pour le mysticisme, par un mouvement de dépit et de dégoût contre les vaines disputes de mots. »

La querelle était apaisée ; elle ne devait plus renaître avec la même animosité, le même esprit de parti ; toutefois, elle n’est pas encore complètement terminée et ne le sera jamais, tant qu’il y aura en philosophie deux doctrines irréconciliables, l’une affirmant l’existence objective de réalités suprasensiblés, l’autre la niant. • Si l’ardeur de la discussion élevée depuis le xjb siècle entre les nominalistes et leurs adversaires, dit M. Bouchitté, s’éteignit, il est vrai, cependant, que, parmi les systèmes qui furent mis au jour depuis le siècle de la Renaissance, les uns inclinèrent au nominalisme, les autres au réalisme ; mais ces tendances n’étaient pas bien prononcées ni le plus souvent clairement aperçues par les auteurs mêmes de ces systèmes ; elles ne se découvrent qu’à l’œil scrutateur de l’analyse philosophique. Il faut, en effet, bien se garder de confondre le nominalisme avec Te sensualisme, qui se montra vers ce temps dans quelques écrits, particulièrement dans ceux de Hobbes. Le sensualisme est, sans doute, naturellement disposé à s’unir au nominalisme ; mais le nominalisme n’est pas le corrélatif nécessaire du sensualisme. »

Il nous semble que le réalisme a reparu au xixe siècle dans cette philosophie bariolée qu’on appelle l’éclectisme. Hâtons-nous de reconnaître, pour garder toute l’impartialité de l’histoire, qu’il est mitigé d’une forte dose de noininulisme. Pour ce qui est des idées de genres et d’espèces, Cousin admet qu’elles ne correspondent pas à des réalités objectives, distinctes de l’esprit, quoiqu’il soit fort embarrassé, du reste, de justifier autrement la valeur particulière qu’il leur accorde. Mais il est, suivant lui, dans l’esprit un certain nombre d’idées générales, lesquelles sont l’image fidèle d’une réalité objective ; telles sont les idées de cause, d’iutini, de substance, de perfection et d’absolu. On connaît cette théorie poétique de la raison impersonnelle, en vertu de laquelle on attribue l’infinité aux idées de cause, de substance, d’espace et de temps et on transporte à Dieu ces attributs. Cette théorie nous parait être la plus réaliste qui fut jamais. Qu est-ce, en effet, que les idées db cause et de substance dont on fait des réalités en’dehors de notre esprit ? Ce na sont rien autre chose que des idées générales obtenues par abstraction. Nous voyons deux phénomènes se suivre toujours Ionique