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y avait, notamment à Milet et à Lesbos, des collèges où on les préparait par de fortes études au rôle qu’elles devaient remplir dans la société. Elles apprenaient surtout la gymuastique, qui développe la beauté des formes, et la musique, qui inspire des sentiments délicats, des pensées voluptueuses.

L’état de la femme dans la société grecque est parfaitement défini par le grand orateur athénien. « Nous avons, dit Démosthène dans son plaidoyer contre Nerea, des amies (hétaïres) pour la volupté de l’âme ; des filles (pallakas) pour la satisfaction des sens ; des femmes légitimes pour nous donner des enfants de notre sang et garder nos maisons. • Ainsi, l’amie ou hétaire avait droit de cité, était acceptée sans contestation. Entre elle et la pallaque il existait encore une classe intermédiaire ; c’était celle des joueusesde flûte, qui participait de l’une et de l’autre.

L’histoire a fait deux catégories d’hétaires : l’aime que rien ne distingue parmi ses pareilles, et la grande courtisane qui a rempli un rôle historique et a pu influer sur les destinées de son siècle. Laïs, Phryné, Glycère, Aspasie, etc., appartenaient à cette seconde catégorie et souvent inspiraient à leurs amants, au milieu des caresses, des plans qui devaient sauver la république. V. courtisane, hétaïre, pallaque.

La prostitution n’a pas, chez les Romains, avant l’empire, c’est-à-dire avant les Lesbie, les Cynthie, ce clinquant, ce vernis qui l’avait si facilement fait accepter chez les Grecs. L’hétaire est à peu près inconnue ; on ne rencontre que les pallaques. La conquête de l’Asie amena à Hoine le goût des prostituées. Le mal gagna avec une rapidité qui effraya les vieux citoyens, amis des mœurs de la Rome du temps de Lucrèce. L’an 711 de la république, nous voyons le culte d’Isis attirer à lui jusqu’aux matrones, gardiennes des moeurs au même titre que la femme légitime de la Grèce.

L’édile Marcius (180 av. J.-C), qui était entré dans une maison de prostituées pour y rétablir l’ordre, en fut chassé à coups de pierres, et les édiles furent obligés de réglementer ce qu’ils ne pouvaient abolir. Chaque prostituée fut munie, pour exercer son infâme métier, d’une autorisation, licentia stupri, qui entraîna une sorte de mort civile. Désormais, pour la femme qui, par son inconduite, rompait avec la société, il n’y avait plus de liberté de tester, plus de tutelle, de témoignage en justice, de serments, enfin, chose capitale surtout à Rome, plus de lien de famille. Ainsi, l’ère de la grandeur romaine marque aussi le commencement de la décadence, et, comme le dit Juvénal :

• i Ssevior armis

Luxuria ineuhuit, victumgue ulciscitur orbem.

Les lupanars abondèrent bientôt dans la ville de Rome et dans toutes les autres cités romaines. Ceux que l’on a retrouvés à Pompéi nous donnent une idée exacte des dispositions affectées à ce genre d’établissement. La distribution ordinaire des maisons n’y est pas conservée ; dès l’entrée, on se trouve dans un corridor donnant sur plusieurs chambres ; au-dessus de chacune des portes est une peinture obscène, bien digne de trouver place dans le musée pornographique de Naples. Chacune de ces cellules était la demeure d’une femme, misérable esclave achetée par le leno et exploitée parlui, jusqu’au jour où, devenue incapable de rendre aucun service, elle était revendue, selon le précepte donné par l’économe Caton. On voyait le nom de chaque courtisane sur la porte de sa chambre ; aussi Juvénal, parlant de Messaline qui empruntait celle de la fameuse Lycisca, dit agréablement :

Titulum menlita Lyàses.

L’écriteau portait, non-seulement le nom de la courtisane, mais encore le prix qu’on lut donnait. Dans l’histoire d’Apollonius de Tyr, on voit une de ces pancartes, qui est assez curieuse :

Quieumque Tarsiam defloravérit

Meàiam libram dabit,

Poalea populo patebit

Ad singvlos sclidos.

Ces chambres, véritables cellules pour leur exiguïté, semblables en cela, du reste, a celles des autres maisons de Poinpéi, n’ont rien qui les distingue ; dans un coin est un lit en pierre, que 1 on recouvrait do tapis et de matelas. Les murs sont couverts d’inscriptions intraduisibles. Cet usage de graver ses impressions sur les murs des lieux de débauche était, a ce qu’il parait, fort répandu, à en juger par les lupanars de Pompéj et par l’épigramme suivante de Catulle, qui se rapporte à notre sujet : ■ Infâme lupanar, situé au neuvième pilier après le temple des Jumeaux, et vous, ses dignes habitués, croyezvous seuls être doués des attributs de Priape, seuls avoir le privilège de lever un tribut sur toutes les belles et de réduire tous les autres au rôle d’eunuques ? Vous figurezvous, parce que vous êtes là cent ou deux, cents imbéciles réunis ensemble, que je n’oserai pas vous délier tous ? Or, sachez bienque je charbouiierui votre infamie sur tous les murs de ce repaire ; car c’est là que s’est réfugiée la maîtresse qui me fuit, cette jeune fille que j’aimais comme jamais femme ne sera aimée, pour qui j’ai eu tant d’assauts à

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soutenir. Et vous, honnêtes gens que vous êtes, vous partagez toutes ses faveurs, et, chose indigne, à qui les prodigue-t-elle ? à des hommes de rien, à des galants de carrefour. Toi, entre autres, fils chevelu de la Celtibérie, Ignatius, toi dont tout le mérite consiste dans une barbe épaisse et des dents qui doivent leur blancheur à l’urine dont tu les frotte... • Sur la porte et en guise d’enseigne était un priape gigantesque, avec cette inscription : Mie habitat félicitas.

La découverte du grand lupanar de Pompéi fut signalée par un incident assez curieux : le septième congrès des savants italiens se trouvait réuni à Naples en 1845 ; pour leur faire honneur, on exécuta des fouilles devant eux et ce fut justement le grand lupanar qui sortit de terre aux yeux de la docte assemblée. On nédit pas si ses membres furent scandalisés et s’ils en voulurent au hasard, qui leur avait fait une si singulière surprise.

Le nombre des maisons de prostitution était très-grand à Home ; elles se cachèrent d’abord dans les endroits écartés, autour des murailles de la ville, d’où le nom de summœnia qu’on leur avait donné ; sous les voûles de fours abandonnés, et le mot fornication est venu de fomix, voûte ; mais le dérèglement des mœurs augmentant, la prostitution osa bientôt lever la tête ; les lupanars allèrent s’établir jusqu’à la porte du palais des Césars, comme plus tard, à Avignon, ils se montrèrent à la porte du palais des papes. C’est dans une de ces maisons que Messaline allait se prostituer chaque soir, imitée en cela par plus d’une matrone romaine, qui sollicitait le nom de courtisane et se faisait inscrire sur le registre dos édiles, afin de pouvoir mener une vie licencieuse, sans craindre d’être châtiée par son père ou son mari. Ce débordement alla si loin, que Tibère, cet empereur aussi débauché, mais plus hypocrite que ses successeurs, fui contraint d’ftitervenir. Il interdit aux filles et femmes de chevaliers a prostitution légale, sous peine de déportation dans les lies. Enfin, il déclara que la jeune fille qui se serait prostituée ne pourrait s’engager dans les liens du mariage. Dioclétien, allant plus loin, interdit le mariage aux filles des lenones ou directrices des maisons de prostitution.

Les filles publiques (meretrices) avaient, à Rome, un costume se rapprochant de celui des hommes ; elles portaient une mitre, une toge ouverte sur le devant, d’où leur nom de togatx ; leurs vêtements étaient jaunes ( !a couleur jaune étant alors l’emblème de la honte et de la folie) ; enfin, leurs chaussures étaient rouges. Cette dernière couleur leur fut pourtant interdite lorsque Adrien la réserva pour les empereurs. Domitien leur défendit de sortir en litière. Elles ne pouvaient non plus se parer d’ornements ni de bijoux, et, quand elles allaient assister à des soupers. et à des orgies nocturnes, elles faisaient porter dans un coffret leurs parures, qu’elles ne mettaient qu’en arrivant au rendez-vous. Malgré toutes ces mesures restrictives, le nombre des filles perdues augmentait sans cesse. Des femmes achetées dans toutes les parties du monde favorisaient cette débauche monstrueuse ; la plupart des patrons trouvaient commode et profitable d’utiliser ainsi leurs esclaves femelles. Tout était devenu lupanar : les bains, les cabarets, les boutiques de barbier et jusqu’aux boulangeries. Eu vain Théodose le Jeune et Valeniinien essayèrent de remédier à cet état de choses, en prononçant l’abolition définitive de tous les mauvais lieux ; ils ne firent que favoriser la prostitution clandestine, dont les excès furent cent fois pires encore.

L’empire romain s’en allait en pourriture et la prostitution n’était point étrangère à cet afi’aissement, à cette mort. Alors on voit les barbares accourir des profondeurs du Nord pour remplacer par un monde nouveau celui qui allait disparaître. Ils avaient des mœurs pures ; leurs lois sont muettes sur la prostitution. Que gagnèrent les envahisseurs au contact des vaincus ? Ils s’abandonnèrent aux jouissances jusqu’alors inconnues pour eux qu’offraient les pays conquis, et les restrictions faites par la loi disparurent avec les empereurs.

L’Egiise même, qui, dans l’espoir du repentir, cherchait à s’attacher les barbares, en vint à tout supporter. Les conciles d’Elvire et d’Aix pardonnèrent aux femmes repentantes et les marièrent. Mais les exhortations religieuses faisaient peu d’effet chez des peuples où l’exemple de la débauche partait d’en haut. Childéric, un des rois francs, enlevait les filles et les femmes de ses sujets. Chassé par eux, il séduisit la femme de son hôte, le roi de Thuringe. Clovis, issu de cette union adultère, eut, malgré sa conversion, un grand nombre de maîtresses. On connaît la vie mêlée de crimes et de débauches de presque tous ses descendants. Chaque roi mérovingien avait plusieurs épouses qualifiées reines, et les evèques, qui étaient souvent engagés dans les liens du mariage, entretenaient parfois plusieurs femmes à la façon des Orientaux.

La race mérovingienne, épuisée par la débauche, s’éteignit, et celle des Carlovingiens qui la remplaça essaya de réagir contre le passé. Gharlcmagne, au milieu do ses tentatives de restauration impériale, reprit les traditions de Valentinien et de Théodose,

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en fait de législation, bien entendu, car on connaît ses mœurs relâchées et son indulgence pour la conduite de ses filles. Peu de temps après son couronnement, il interdit d’une façon absolue la prostitution, par «m capitulaire qui est le premier monument de notre législation sur cette matière. Toute prostituée prise en flagrant délit devait être fouettée en place publique (coram populo). Celui qui l’avait logée ou recueillie dans sa maison devait la porter sur ses épaules jusqu’au lieu où elle recevaitson châtiment. Tous les officiers qui commandaient dans les résidences impériales, et spécialement un certain Ernaldus, étaient chargés de l’exécution de la loi nouvelle ; ces prohibitions, au moment de la dislocation de l’empire des Carlovingiens, disparurent tout à fait, quoique aucun document précis ne nous apprenne de quelle façon.

L’établissement de la féodalité sur le3 ruines de l’empire d’Occident amena une recrudescence dans le vice et dans la débauche. Il y eut alors pour la prostitution une sorte de renaissance. C’est à cette époque que nous voyons se former à la cour des rois et des grands vassaux des réunions permanentes de filles de joie. Un fonctionnaire d’une nouvelle espèce, nommé roi des ribauds, est chargé de nourrir, de surveiller, de châtier cette horde toujours prête comme une meute pour les plaisirs du souverain. Le duc de Normandie avait un sérail de cette nature ; celui des comtes de Toulouse, contenant un grand nombre de femmes de couleur et de nationalités différentes, était célèbre à juste titre dans les contrées voluptueuses du Midi.

La cour de France adopta volontiers cet usage et se garda bien de le laisser tomber en désuétude ; nous en trouverons tout à l’heure les preuves dans la comptabilité d’un prince connu par ses galanteries.

L’époque qui précède les réformes de saint Louis est la plus obscure entre toutes, celle qui contient le moins de renseignements sur le sujet qui nous occupe, fin grand nombre d’historiens modernes affirment que, dans ce temps, les filles publiques étaient organisées à Paris en corporation, qu’elles avaient leurs statuts, leur juridiction, qu’elles assistaient à une messe solennelle et faisaient une procession le jour de la fête de sainte Marie-Mfigdeleine. Suivant Sauvai et le jurisconsulte Merlin, l’authenticité de ces faits n’aurait pour garantie que des traditions conservées longtemps parmi ces malheureuses.

À la fin du règne de Philippe-Auguste, le nombre des filles de joie était considérablement augmenté, et, au commencement du règne de Louis IX, leur dérèglement et leur audace étaient devenus proverbiaux. Le saint roi crut faire cesser tout désordre au moyen d’une prohibition absolue. Mais alors la pro~ stilution clandestine devint plus effrénée ; il fallut rappeler les ribaudes et se borner, pour toute rétorme, à une sévère réglementation ; la tolérance fut donc proclamée, mais l’entrée des maisons qu’on venait de rouvrir fut spécialement interdite « aux sénéchaux, baillis et tous autres officiants et servicials de quelque estât ou condition qu’ils soient. » « Sur le point de s’embarquer à Aigues-Mortes pour sa dernière croisade, Louis IX fut pris de scrupules relativement à ses rè flements, parce qu’il se souvint peut-être es désordres causés par les ribaudes qui suivaient les armées en marche vers le tombeau du Christ. Au siège d’Acre, en effet, trois cents d’entre elles étaient venues d’Occident et ce fait avait scandalisé les infidèles ; pendant son séjour en Égypte, il avait vu lui-même ses officiers entretenir des femmes « jusque à uug gect de pierre près et à l’entour de son pavillon. • Il fit sévère justice d’un chevalier trouvé dans un do ces mauvais lieux. • On laissa le choix au coupable, nous dit Joinville, ou que la ribaude avec laquelle il avait esté trouvé le mèneroit parmi l’ost, en sa chemise, avec une corde liée à..., laquelle corde la ribaude tiendroit d’un bout ; ou, s’il ne vouloit telle chose souffrir, qu’il perdroit son cheval, son armure et harnois, et qu’il seroit chassé et fourbany de l’ost du roi. » Le chevalier préféra perdre son armure plutôt que de se soumettre & une peine aussi humiliante. Les règlements furent donc révoqués ; mais quelques mois après ils furent rétablis. Louis IX, à son retour, les confirma, et tels pendant plusieurs siècles ils restèrent et servirent de charte, de code, pour trancher, toutes les questions relatives a h prostitution.

À partir du règne de saint Louis, nous quittons l’époque légendaire de la prostilu* tion dans les temps modernes et, grâce à l’abondance des documents, nous entrons en

pleine histoire. Il n’était pas facile à l’administration parisienne de maintenir désormais la tourbe des filles publiques. Elles invoquaient à tout propos les règlements de Louis IX, qui avait construit exprès pour elles un hôpital appelé la Maison des Filles-Dieu. Les plus grandes difficultés furent celles du cantonnement. Après de longues discussions, le prévôt de Paris parvint, en 1367, à tes enfermer dans les lieux ci-après : rues de Froidmentel, Gtatigny, Tiron, Clopin, Tire-Boudin, du Renard, du Heuleu, de la Vieille-Boucherie, de l’Abreuvoir, Màcon, Champ-FIeury et Transnonnain. Plusieurs de ces rues, en conservant dans leur nom quelques traces de leur étyinologie, ont néanmoins

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diminué quelque chose de la grossièreté de leur nom primitif. La rue Transnonnain était autrefois la rue Trousse-Nonnain ; la rue Tire-Boudin avait un nom plus scandaleux encore. Marie Stuart, reine d’Écosse et femme de François II, passant un jour dans cette rue, en demanda le nom, et, quoiqu’elle n’eût pas les oreilles infiniment chastes, elle ne put s’empêcher de rougir à la prononciation de la dernière syllabe, qui, en conséquence, fut changée. Cette rue a pris depuis le nom de rue Marie-Stuart. La rue du Heuleu (aujourd’hui Hurleur) avait été tellement infestée de prostituées, qu’elle avait pris son nom des avanies que faisait la populace à ceux qu’elle en voyait sortir.

Ceux qui veulent faire un voyage pornographique dans l’ancien Paris peuvent lire le vieux poète Guillot, qui, dans son Dit des rues, énumère toutes celles qui étaient affectées à la prostitution, avec une complaisance égalée chez les écrivains modernes par certains adeptes de l’école réaliste.

Chose curieuse à noter, c’est que beaucoup de rues occupées au moyen âge par les prostituées sont restées leur domaine exclusif ; nous citerons, entre autres, les rues de Glatigny et du Pélican. Il est probable que les maisons elles-mêmes n’ont point changé de destination et qu’elles ont servi depuis tant de siècles, ainsi qu’un égout, au passage de toutes les turpitudes sociales.

Le cantonnement de 1367 fut loin d’être définitif. Dès l’année suivante, l’évêque de Chatons, membre du conseil du roi, se plaignit amèrement du scandale occasionné par les filles de la rue Chapon, voisine de son manoir. II obtint de Charles V une ordonnance d’expulsion ; ses ennemies tinrent bon et continuèrent à offenser la pudeur épiscopale. Dans une autre affaire du même genre, en 1387, les paliaques parisiennes semblent s’être acquis les bonnes grâces et la protection du parlement. Enfin, Henri"VI lui-même, un des plus puissants princes de son temps et qui se disait roi de France et d’Angleterre, ne put les expulser de la rue Baillehoc. Cette fois elles fuient, dit-on, soutenues par les chanoines de Notre-Dame, propriétaires d’une

fiartie des maisons qu’elles occupaient. Moins leureuses en 1180, elles furent chassées de la rue des Canettes par arrêt du parlement, auprès duquel elles avaient, parait-il, perdu leur crédit. En 1518, à la prière de la reine Claude, François Ier ordonna de détruire le repaire des filles de joie situé dans la rue Glatigny. Aussitôt l’édit connu, les habitants du voisinage s’armèrent de pics et de pioches et en moins de vingt-quatre heures ils abattirent toutes les maisons qu’habitaient en cet endroit les femmes de mauvaise vie ; mais les masures démolies furent bientôt reconstruites et la prostitution vint de nouveau s’y installer. « De nos jours encore, dit M. Maxime Du Camp, les rues obscures, étroites et puantes de la Cité servaient de repaire à ce que l’orgie a de plus honteux. Au Glatigny avaient succédé la rue aux Fèves, la rue de la Licorne, ’a rue des Deux-Ermites, et il n’a pas fallu moins que la démolition complète de toute ta Cité pour la purifier. Des casernes et le nouvel Hôtel-Dieu ont remlacé ces ruelles obscènes, que nos anciens istoriens nommaient tes clapiers des femmes vivant en vilité. ■

Quand on étudie l’histoire de ce temps, ou est étonné du relâchement des mœurs dans la ville de Paris. « Dans la même maison, dit Jacques de Vitry (Historia occideutalis, caput vu), on trouve des écoles en haut, des lieux de débauche en bas ; au premier étage, les professeurs donnent leurs leçons ; au-dessous, les femmes de débauche exercent leur honteux métier, et tandis que d’un côté celles-ci se querellent entre elles ou avec leurs amants, de l’autre retentissent de savantes disputes et argumentations des écoliers. » Le commerce avec les filles publiques semblait chose tellement passée dans les mœurs, qu’il avait acquis une sorte de légitimité. Suivant Meners, cité par Hocfc (Moeurs du moyen âge, 1262), le débiteur dont la personne était retenue en gage par le créancier avait droit de recevoir la visite d’une prostituée. Vainement on les chassait durant la peste pour éviter la recrudescence du mal toujours amené par la débauche ; elles tenaient bon. Au dire de Sauvai, ■ dans la cour des Miracles, deux liards semblaient un salaire suffisant. » Grand nombre de bourgeois de Paris protégeaient des filles de joie ; d’autres vivaient sur leurs bénéfices, ainsi que le prédicateur Maillard leur en faisait le reproche ; Vultis vicere de proslitutionibus merelricum. Au commencement du xvie siècle, l’extension de la prostitution était telle qu’elle nécessita, non plus seulement l’intervention du roi, mais celle des états généraux du royaume.

Les différentes villes de France avaient suivi l’exemple de Paris. Les fabliaux sont pleins de récits relatifs aux filles de Provins ; leur célébrité s’étendait au loin et le disputait à celle des filles d’Angers, qui courtisaient les nombreux étudiants attirés par lès écoles de cette ville. À Narbonne, la municipalité possédait une rue spéciale destinée aux prostituées et qu’on nommait la Cariera Calida (rue Chaude). Cette rue échappait a la juridiction dus seigneurs. À Nevers, les femmes publiques devuieut rester entre deux fontaines, d’après un édit de Jean de Bout’ l