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1 quartier d’or, au lion de gueules ; au 8 losange d’azur et d’or, au chef du dernier émail, chargé de trois roses de gueules ; au S contre-ecartelé, aux premier et troisième de gueules, au chat’ au à trois tours d’argent, maçonné de sable ; au quatrième d’azur, à trois iiiicres d’or ; sur le tout d’or, au lion de gueules.

En termes de généalogie, quartier est le nom de l’écu qui, dans un arbre généalogique, sert de preuve de noblesse ; il est donc synonyme de degré. De là l’expression quartiers de noblesse, noble à seise quartiers, etc. Les degrés ou lignes sont les générations du fils au père, du père à l’aïeul, de l’aïeul au bisaïeul, du bisaïeul au trisaïeul, etc. Les quartiers sont donc les familles nobles ou les personnes dont celui qui fait preuve descend (v. dkgbés). II.fallait faire preuve de huit quartiers pour être reçu dans l’ordre de Malte. Il y avait plusieurs chapitres où l’on ne pouvait être reçu sans prouver seize quartiers. Parmi la gent noble, l’on est d’autant plus lier de son blason que l’on y compte plus de quartiers.

— Mar. Quartier de réduction. Cet instrument se compose d’un canon de forme carrée, sur lequel est tracé un parallélogramme rectangle, dont la surface est divisée par un grand nombre de petites lignes, ayant la direction nord-sud et la direction est-ouest. 11 y a de plus des arcs décrits du sommet de l’angle qui représente le centre d’un cercle, avec des rayons qui forment huit aires de vent (l’intervalle entre chacun d’eux est de 11°15’)- Un fil, partant du même centre, peut se promener sur les degrés intermédiaires entre chaque aire de vent. L’ensemble offre, ainsi tracés, une multitude de triangles rectangles, parmi lesquels on en distingue toujours un semblable à celui que l’on veut résoudre.

Quartier anglais. Cet instrument de marine, inventé par Davis, et qui a succédé à l’arbalète, a été lui-même remplacé par l’octant et autres instruments à réflexion.

11 -servait à mesurer la hauteur du soleil à la mer ; il se composait de deux arcs de cercle de rayon différent, le premier de 30°, le second de 6a», et ayant tous deux un même centre ; le plus grand arc était divisé de 10’ en 10’, avec des transversales qui rendaient les minutes sensibles. I.e plus petit arc triait divise seulement en degrés ; au centre commun s’élevait, perpendiculairement au plan de l’instrument, un marteau (pinnule) dans lequel on avait fait une fente pour laisser yoir l’horizon.

Le grand arc portait une pinnule mobile et le petit arc aussi, mais cette dernière pinnule avait en son milieu un verre lenticufaire d’un foyer égal à sa distance au centre. Pour se servir de l’instrument, on plaçait la pinnule du petit arc sur l’une des divisions de cet arc ; on tournait le dos au soleil ; on faisait tomber l’ombre de cette pinnule sur le marteau central, et l’image du soleil formée par le verre lenticulaire venait réverbérer en un point marqué de ce marteau central. Alors on appliquait l’œil à lu pinnule du grand arc et l’on faisait glisser cette pinnule jusqu’à ce qu’on aperçut l’horizon par la fente du marteau central. Un calcul rapide donnait alors la hauteur du soleil. Sous une autre acception, on appelle quart de nouante l’instrument et l’opération graphique avec lesquels on détermine les diamètres des mâts et vergues d’assemblage, d’après la connaissance de leur fort.

Quartier Latin. Ce quartier est le plus ancien de Parts, après la Cité. Cette désignation, quurtier Latin, est, il est vrai, purement idéale et ne se rapporte à aucune des divisions municipales du Paris moderne ; néanmoins, tout le monde l’entend ; on sait qu’elle s’applique à la presque totalité du "Ve et du Vie arrondissement ; c’est le vaste espace qui a pour limites : au nord, la Seine, le quai des Augustins, le quai Saint-Michel, le quai Saint-Bernard ; au midi, le boulevard Montparnasse ; à l’ouest, la rue Bonaparte ; à l’est, la Halle aux vins, et qui renferme l’École des beaux-arts, l’Institut, la Monnaie, le Collège de France, la Sorbomie, les Ecoles de droit et de médecine, l’École normale et l’École polytechnique, -l’École des mines, les Sourds-Muets, l’Observatoire, le musée des Thermes, le Luxembourg, le Jardin des plantes, Saini-Germain-des-Prés, Saint-Sulpice, le Panthéon, Saint-Séveriu, Saint-. Étienne-du-Mont, Saint-Julien-le-Pauvre, Saint-Nicolas-du-Chardonnet, l’Odéon, le théâtre de Cluny, l’institution Sainte-Barbe, les lycées Corneille, Descartes, Condorcet, la Maternité, la Pitié, les bibliothèques Sainte-Geneviève et Mazarine et... la Closerie des Lilas ou le bal Bulliar.

Quartier toujours décrit et toujours à décrire, parce qu’il est toujours nouveau I quartier toujours vivant, toujours remuant, toujours jeune, H ferait à lui seul Paris capitale, car c’est de là que la pensée en fusion s’échappe de par le monde, c’est là qu’ont vécu Pascal et Descartes, c’est là que vivent et se pressent les maîtres actuels des sciences, des lettres et des arts. Quartier plein de labeurs profonds, où se parle le patois de toutes les provinces, la langue de toutes les nations ; qui centralisépour ainsi dire l’effort juvénile de la France entière et où l’étranger, altéré de savoir, vient puiser

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sans relâche ; quartier plein de travail, mais ans*i plein de dissipation, de paresse et de misère ; quartier où la bohème de Henri Murger, bien après la bohème de Villon, plante incessamment sa tente, ouverte par mille déchirures à toutes les bises de l’hiver ^quartier où les cheveux sont trop longs, les habits trop courts, où les chapeaux sont larges et les coeurs aussi ; où les têtes sont ardentes et tes appétits incommensurables, où l’on déteste cordialement les sergents de ville et où l’on aime la liberté, où l’on rit fort quand les trônes chancellent et plus fort encore quand ils tombent ; où Musette, Lisette, Frisette et autres demoiselles faciles, qui riment à anisette et à grisette, sont chantées comme des reines en vers de douze pieds et n’ont ni corsets ni préjugés ; où, comme le dit Auguste Luchet, • tout ce que la ville tue de chevaux, de chiens et de chats trouve des cuisiniers qui le font cuire et des estomacs qui le digèrent, où le dîner coûte seize sous, le lit dix ■ sous, la bière et le tabac plus que le dîner, plus que le lit ; quartier de hardi langage et d’innocentes actions, où l’on se montre pour faire le mal, où l’on se cache pour faire le bien, où rien de ce qu’il y a dedans ne ressemble, ne se mêle à ce qu’il y a dehors ; quartier qui, d’abord, vous paraît bien correct et bien triste, à vous, honnêtes jeunes gens, encore tout luisants de la grasse existence dans laquelle vous confisait votre bonne mère de Besançon et d’Angers, et que Vous pleurerez peut-éire, et que vous aimerez, que vous regretterez toujours quand vous n’y serez plusl» Car c’est là une étrange agflomération, une bizarre république à la vie

autement libre et franche d’allures, où l’on crie bien haut ce qui ailleurs se dit tout bas et se chuchote à l’oreille ; où l’on met le nom sur les choses et sur les hommes, où l’on appelle un chat un chat et Rollet un fripon. Sous la Restauration, sous la monarchie de juillet, c’est un amusant et perpétuel foyer de turbulence et de désirs d’insurrection, regarde avec effroi par le pouvoir et par les familles. On y conspirait, on y protestait, on y sifflait, les hommes vendus ; pas une idée chimérique, pas une folio entreprise, pas une doctrine qui n’eût là ses disciples tuut prêts, ses intruments tout préparés. C’est un précieux et dangereux gymnase où, chaque année, quoi qu’il sache ou qu’il craigne, le pays envoie et enverra toujours sa plus belle jeunesse et ses meilleures espérances, pour qu’elles se développent ou qu’elles se perdent au contact de ce foyer ardent qui dévore les faibbs et fortifie les forts. « Et comment, s’écrie M. Auguste Luchet, le quartier où l’on met ainsi macérer et bouillir toutes ces jeunes docilités, toutes ces vigueurs à peine venues au monde, ne serait-il point profondément révolutionnaire ? L’étudiant y vit au milieu du peupb-1... Sa première amitié lui vient du peuple et son premier amour aussi, la grisette, pauvre et douce bohémienne qui naît à seize ans et meurt à vingt-six, suave amour de passage aussi facile k quitter qu’à prendre. Pas de rentiers autour de l’étudiant ; ces pacifiques ruines (l’auteur écrivait en 1846) seraient trop ébranlées par le vacarme qu’il fait ; pas de négociants, non plus, pas de capitalistes, pas de banquiers ; epays Lutin, comme l’appelle son énergique tradition, est peuple et n’est que peuple d’un bout à l’autre ; peuple de savants, peuple d’artisans, peuple d artistes, travailleur diligent et intrépide, n’ayant à perdre ni un sou ni une heure, en lutte éternelle avec le propriétaire, la garde nationale et l’impôt, avec la maladie, fille de la misère, avec la faim, mère de la tentation I Voilà les hôtes de l’étudiant, combattants inutilement sublimes que nulle récompense ne soutient et qui ne se reposent que dans la mort ; v^oilà Paris pour lui ; c’est chez eux, c’est en eux qu’il apprend la France et l’État et ceux qui gouvernent l’État. Pensez-vous que cette manière de s’instruire des choses publiques soit bien faite pour concilier à leurs distributeurs son estime et son admiration ? Pensez-vous, quand il a vu le père se coucher épuisé sous le fardeau d’une vie insoutenable, et la mère pleurer, et sa fille, bouche inutile, se donner à lui tristement, avant de passer l’eau pour aller se vendre, qu’il puisse, en retournant près des siens, emporter une idée bien haute du mécanisme qui produit de si belles choses I Je vous dis qu’il sort de là plein de mépris ou plein de haine, égoïste ou conspirateur ; il ny a pas de milieu... » Depuis que ces lignes ont été écrites, bien des modifications et des transformations ont été apportées k cette partie de la ville qui, par sa création romaine, était prédestinée aux études classiques. Cependant nul quartier n’a mieux gardé sa physionomie propre ; car il y a en lui une vitalité murale, une pensée, quelque chose comme une âme contre laquelle les marteaux et les pioches ne peuvent rien. * Ainsi, dit M. Théodore de Banville, de grands boulevards, tout à fait pareils à ceux du centre de Paris, des boulevards avec leurs larges chaussées, leurs jeunes arbres, leurs maisons de pierre sculptée, leurs grands comptoirs de commerce, leurs magasins au luxe voyant ont été créés et, pour ainsi dire, ont été apportes ià comme par magie ; le bruit, la foule, le tumulte d’une vie affairée y feraient croire qu’on est au cœur de la ville ; mais, k deux pas, c’est l’étude, le calme, le silence. Le Paris nouveau, qui a coulé là comme un fleuve, n’a pu

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changer en rien le Paris ancien qui touche ses rives. À côté du boulevard Saint-Michel, si agité et si vivant, la cour de la Sorbonne a toujours entre sus pavés, comme au xvti" siècle, les minces brins d’herbe d’un vert vif qui lui donnent un nspect si doux et si poétique. En face de l’hôiel Cluny, si pompeusement restauré, des masures où l’on vend des laques, des faïences, des estampes, de vieux meubles, nous donnent l’idée d’une ville de province endormie où le terrain et l’espace sont comptés pour rien’ ; aussi, et c’est là surtout la singulière anomalie qu’il faut noter, on lie trouverait presque plus de traces du quartier Latin de Balzac et de Gavarni ; mais celui de Félibien, de Dubellay, de Sauvai existe encore. On chercherait en vain dans la rue qui fut la rue Copeau un jeune Rastignac menaçant Paris et l’appelant en duel ; tuais la race des écoliers des I.emaistre ■ et des Lenormant survit malgré tout. Il faut reléguer parmi les fantômes évanouis le charmant jeune homme des Eludes de mœurs qui disait ; t Je te laisse ma pipe et ma femme ; ■ aie bien soin de ma pipe ! » Mais l’écho du pays Latin n’a pas oublié tout à fait l’écolier du xive siècle qui, si joyeusement, chantait le Département des livres !

Nous rappelions tout à l’heure l’origine latine de ce quartier élevé tout autour du palais des Thermes. De là son nom. N’était-il pas, iltsions-nous, prédestiné aux études classiques ? Et, en effet, il fut le berceau de l’Université. Sous les premiers Capétiens, les maîtres les plus illustres y enseignaient déjà la grammaire, la rhétorique, la dialectique, l’astrologie, la géométrie, l’arithmétique, la musique ; c’était ce qu’on appelait alors le trieium et le quadrivium, et 1 on y ajoutait la théologie, le droit canon, le droit civil et la médecine. Guillaume Le Breton disait : tNous ne lisons pas que les écoles aient jamais été fréquentées à Athènes et en Égypte par un au>si grand" nombre de gens que ceux qui viennent habiter ladite ville pour s’y livrer à l’étude. Il en est ainsi, non-seulement à cause de l’extrême agrément du lieu et de la surabondance des b.eris de toutes sortes qui y aftiuent, mais aussi à cause des libertés et des prérogatives spéciales dont le roi et son père ont gratifié les écoles. • Pour arriver à la science, les jeunes néophytes bravaient souvent les plus cruelles privations. Jean de Hauteville consacre le premier chapitredu troisième livre de son poëma d’Archithrenius (le Pleureur) à dépeindre les misères des savants. Il nous les montre se levant au point du jour pour aller aux cours et obligés de se peigner avec les doigts. • Les disciples d’Aristote, dit-il, veillent sur des grabats à la lueur d’une lanterne ; la fortune, d’une main engourdie, ne leur acconte qu’uno nourriture insuffisante ; la faim habite leurs ventres vides, ternit l’éclat de leurs yeux et.fait pâlir leurs joues. L’abondance, qui va visiter les palais, Se détourne de leurs maisons, à peine garnies de vieux meubles. Dans leurs cuisines, il n’y a qu’un pot où nagent des pois, des oignons, .des fèves et des poireaux. Faire cuire leurs mets, c’est les assaisonner ; les délices de leurs tables ne consistent qu’en un peu de sel. »

Les écoliers de nos jours sont, un peu mieux traités par le sort ; leurs efforts sont moins stériles et la science qu’ils acquièrent a plus de solidilé. Au reste, à l’époque prés.-nie comme au moyen âge, la montagne Suinte-Geneviève est restée le quartier général des éludes. C’est toujours là que se trouvent les héros des bals échevelès, coureurs d’école buissoimière au temps des Lias, siffleurs de tragédies néo-classiques à l’Odéon, disposés néanmoins à écouter respectueusement les cours des piofesseurs illustres, à pâlir sous la lampe, à Lûclter sur les livres et se préparant par des études fortes et acharnées à devenir des hommes utiles. Ces insouciants, ces fous dépensent en somme le meilleur de leur jeunesse à étudier la vie physique et la vie morale de l’homme et à en peser silencieusement les problèmes les plus redoutables. Sous ta main de fer de la science, ils gardent, comme le dit M. Théodore de Banville, et sentent brûler en eux un vif amour de 1 art et de la liberté. Que l’heure sonne de secouer une tyrannie, ils s’élancent parmi les balles, sanglants, joyeux, les mains noires de poudre, et leurs voix, habituées à fredonner les chansons d’amour et les refrains à boire, entonnent avec un sublime appétit de la mort et du sacrifice les strophes d’airain de la Marseillaise. ■ Telle était, dit l’écrivain que nous citons en faisant allusion à une époque déjà lointaine, telle était alo. s cette jeunesse, ardente, farouche, singulière, si sérieuse au fond, dont le quartier Latin était la patrie et la propriété, et qui affectait d’y montrer des mœurs assez singulières pour que les paisibles bourgeois, ses voisins, s’estimassent assez heureux de ta laisser vivre tranquillement à sa guise. • En se reportant à cette époque, M. de Banville esquisse ainsi la physionomie matérielle Ou quartier Latin : « Deux longues rues, noires, étroites, tortueuses, interminables, la rue de la Harpe et la rue Saint-Jacques, à l’est, mettaient en communication l’Ile de la Cité, qui fut le berceau de Paris, avec la montagne Sainte-Geneviève, qui fut le berceau do l’Université ; a l’ouest, l’Ile de la Cité se reliait et se relie encore au quartier du Luxembourg par la rue Dauphine. Le large et magnifique bou QUAR

levard qui fait suite aux boulevards de Strasbourg et de Sébastopol et qui, sur son parcours, prend tour à tour les noms de boulevard du l’alaiset de boulevard Saint-Michel, a presque supprime la rue de la Harpe et a complètement altéré le tronçon qui en subsiste. Quant à la rue Saint-Jacques, les récents travaux qui l’ont élargie, la plantation du jardin qui entoure l’hôtel de Cluny, l’érection du théâtre des Folies-Saint-Gennain (théâtre de Cluny), l’ouverture du boulevard Saint-Germain et de la rua des Ecoles en ont tout à fait modifié l’aspect. Je ne veux restituer à la eue de la Harpe ni l’hôtel du comte de Forez, ni le cimetière des Juifs, vendu en 1311 aux religieuses de Poissy, m les collèges de Séez, de Narbonne et de Bayeux, ni la porte Gibard, ouverte dans l’enceinte de Philippe-Auguste, ni le collège de Justice ; je ne reconstruirai dans la rue Saint Jacques ni la chapelle Saint-Yves, particulièrement affectée aux avocats et aux

procureurs, ni l’église collégiale et paroissiale de Saint-Benoît, ni celle deSaint-Julien-Martyr et de Saint-Jacques, ni le collège da Mannoutier, ni les Mathurins, ni les Jacobins, car l’histoire abrégée d’une des rues du vieux Paris fournirait la matière d’un volume ; mais je voudrais montrer, en quelques lignes, la physionomie des deux grandes rues du quartier Latin, telles que nous avons pu les voir avant la récente transformation de Paris. À peine entré dans la rue de la Vieille-Boucherie, qui était alors le commencement

de la rue de la Harpe, le promeneur bourgeois sentait qu’il n’était plus chez lui et qu’il venait de pénétrer dans un domaine particulièrement affecté à un peuple spécial, au milieu duquel on ne pouvait p nétrer que comme un étranger ou comme un hôte. Boutiques’k auvent, construites sur un mouèle gothique, maisons noires et enfumées, rien ne sentait la civilisation moderne, et il était facile de comprendre que l’active circulation de l’argent n’avait pas pénétré si loin. Rue de la Harpe, c’était bien autre chose encore ; les vieux hôtels, les sombres maisons aux balcons de fer forge laissaient le temps noircir tranquillement leurs nobles façades ; quant aux maisons, relativement modernes, veutrues, effondrées, appuyées les unes sur les autres comme des infirmes, percées de fenêtres irrégulières et parfois sans carreaux, égayées seulement par les enseignes de quelques boutiques bizarres, qui s’éluieul logées k la diable dans l’espace tel quel dont la masure avait pu se dessaisir, et par les plantes grimpantes, par les pots de fleurs, par les jardins parisiens suspendus aux vieilles croisées ou sur les gouttières, à partir de la rue de la l’archeminerie, qui n’a pas changé depuis le moyen âge, jusqu’à l’ancienne place Saint-Michel, elles racontaient naïvement et sincèrement la vie de leurs hôtes. D’ailleurs, il était bien inutile de consulter les pierres, et les personnages s’expl quaiont d’eux-mêmes. Jeunes, gais, débraillés sans rien perdre de la distinction native, coquettement vêtus de velours et de toutes sortes de costumes de fantaisie, coiffes de bérets basques ou de chameaux à la Rubans, Us s’en allaient par les rues, chantant, flânant, bayant aux corneilles, seuls ou par couples, ou par troupes, ou trois pur trois, volontiers vendant leurs livres chez le bouquiniste pour entrer au cabaret, coutume qui, comme on le sait, date du xve siècle 1 En ce temps-là même l’échange se faisait d’une manière encore plus franche, car, pour l’ordinaire, le marchand de livres était en même temps tavernier ; de sorte que, si l’écolier qui venait d’acheter un livre se sentait par hasard sollicité par la soif, il revendait au libraire, pour avoir un broc de vin, le livre qu’il venait d’acheter tout k l’heure, et que, si l’envie de travailler le prenait, il se voyait forcé de racneter à nouveau du tavernier le livre que celui-ci lui avait repris pour lui donner a boire. > Ou voit qu’auprès de ce passé, curieux à plus d’un titre, l’excentricité des jeunes gens d’aujourd’hui est bien peu de chose. Cet article serait incomplet si nous ne Citions, pour le terminer, quelques couplets de la chanson d’Antonio Wauipon, ■ le dernier des escholiers, a datééde 1840, intitulée : Mon vieux quartier Latin et qui est restée « au répertoire » de i.’éiudiant et de ('étudiante (v. ces deux mots). Elle se chante sur l’air : î"< ?n souviens-tu ?

Me faudra-t-il, enBn, plier bagage,

Et dire, hélas ! mes adieux à Paris ?...

Que faire ici ? J’ai les mœurs d’un autre âge ;

Du vieux quartier je suis le seul débris.

Fier rejeton d’unt tige brisée,

La ranimer !... je l’essairais en vain :

Des badouillards la race est épuisée ;

Non, il n’est plus, mon vieux quartier Latin.

Ils ont quitté ces greniers séculaires-Par nos aïeux et par nous habités,

Réduits obscurs où les noms de leurs pères Sur les vieui murs sont encore incrustés. Eux, ces lions !... loger dans des baraques ! 11 leur fallait le faubourg Saint-Germain ! Ils m’ont laissé seul au faubourg Saint-Jacques A regretter mon vieux quartier Latin.

Type charmant, grisette sémillante.

Au frais minois sous un pimpant bonnet,

Où donc es-tu, gentille étudiante,

fWine sans furd de nos bals suns apprêt ?...

Du feu du punch infidèle vestale,