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d’Arras. Cet enfant, destiné à une célébrités ! orageuse et qui débutait dans la vie par la tristesse, était un écolier doux, timide, appliqué, et dont la passion favorite était d’élever des oiseaux. L’abbé de Saint-Waast lui fit donner une des bourses dont il disposait au collège Louis-le-Grand, à Paris (1770). Pendant les longues années de ses études, il se montra ce qu’on appelle un élève modèle, et son nom retentissait chaque année dans les concours universitaires. Orphelin, boursier, tenu pour ainsi dire de réussir pour contenter ses protecteurs, il fit de bonne heure l’apprentissage du labeur soutenu, de l’effort patient, de la persévérance obstinée dans le travail.

Au sortir du collège (où il avait eu pour condisciples Camille Desmoulins et Fréron), il fit son droit, toujours sous le patronage et aux frais de Louis-le-Grand (c’était sa prérogative de boursier), qui lui accorda en outre, à la fin de ses études, une gratification de 600 livres pour « ses talents éminents, sa bonne conduite pendant douze années et ses succès. » Il travailla ensuite quelque temps dans une étude de procureur (où il eut Brissot pour maître clerc) et alla enfin exercer à Arras la profession d’avocat.

Nourri des philosophes, surtout de Mably, et plus encore de Rousseau, qu’il avait visité à Ermenonville, dans une de ses courses d’étudiant, et dont il resta toujours le disciple, il semblait plus fait pour les généralités et les abstractions que pour les subtilités de la chicane. Cependant il réussit dans sa profession et conquit rapidement une place honorable au barreau d’Arras. Ses devoirs professionnels, dans cette vie monotone de la province, lui laissaient encore le loisir de s’occuper de littérature. Il se fit admettre dans une société à la fois poétique et pastorale, qui se réunissait sous des berceaux de roses, qui avait pris la rose pour emblème, et qu’on nommait pour cela les Rosati. 11 s’y rencontra avec Carnot, alors en garnison à Arras, et rima comme lui de petits vers galants et bachiques, dans le goût du temps. Il concourut aussi pour l’éloge de Gresset, proposé par l’Académie d’Amiens (1785), puis pour un sujet plus grave, la réversibilité du crime, la flétrissure des parents du criminel ; envoya des vers aux Jeux floraux de Toulouse, etc. Tout cela est faiblement écrit et d’une sentimentalité fade. On en a souvent reproduit des fragments ; ces citations n’auraient que peu d’intérêt pour le lecteur, et sous nous bornerons au madrigal suivant, adressé à une dame d’Arras ;

      Crois-moi, jeune et belle Ophélie,
Quoi qu’en dise le monde et malgré ton miroir.
Contente d’être belle et de n’en rien savoir,
      Garde toujours ta modestie.
      Sur le pouvoir de tes appas
      Demeure toujours alarmée ;
      Tu n’en seras que mieux aimée
      Si tu crains de ne l’être pas.

Cependant, à côté de ces fadaises qui étaient la monnaie courante de la littérature d’alors, on doit signaler, dans quelques-uns des plaidoyers et mémoires académiques de Robespierre, des idées élevées, philosophiques, inspirées de Montesquieu, de Rousseau et de tous les penseurs du siècle.

Il avait été reçu de l’Académie d’Arras, dont il fut nommé directeur en 1789, et aux travaux de laquelle il prenait une part fort active. Il était donc à cette époque un des hommes les plus connus et les plus considérés de sa province. Lors de la convocation des états généraux, il publia une Adresse à la nation artésienne relative à la nécessité de réformer les états d’Artois. Cette publication, suivie de quelques autres, augmenta sa notoriété et le désigna aux suffrages de ses concitoyens. Nommé l’un des commissaires pour la rédaction des cahiers, il fut ensuite élu député du tiers aux états généraux.

Il avait alors trente et un ans.

Dans les débats pour la réunion des ordres, il prit plusieurs fois la parole ; une fois, notamment, de la manière la plus heureuse. L’archevêque d’Aix, pour détourner l’attention de la grande question du vote en commun, était venu inviter insidieusement le tiers à s’occuper de la misère du peuple des campagnes. Robespierre répondit que, si le clergé songeait sincèrement à soulager les maux du peuple, il n’avait qu’à se réunir aux députés des communes pour se concerter sur les mesures à prendre. « Allez dire à vos collègues, ajouta-t-il, qu’ils ne retardent pas plus longtemps nos délibérations par des délais affectés. Ministres de la religion, qu’ils imitent leur maître et renoncent à un étalage de luxe blessant pour l’indigence. Renvoyez vos laquais orgueilleux, vendez vos équipages superbes, vos meubles somptueux et convertissez ce superflu en aliments pour les pauvres. »

La justesse et l’à-propos de cette réplique lui méritèrent l’approbation et l’attention de l’Assemblée. Cependant, dans cette première période il ne joua qu’un rôle effacé, il avouait même qu’il n’abordait la tribune qu’en tremblant. En outre, sa timidité, sa roideur, sa physionomie peu expressive ne prévenaient pas en sa faveur, n’attiraient pas l’attention. Les journaux, la plupart du temps, ne rapportaient pas ses paroles ou estropiaient son nom : on l’appelait Robert-Pierre, Raberspierre, etc. Même les secrétaires de l’Assemblée lui infligeaient cette erreur humiliante.

Après la prise de la Bastille, il fut du nombre des députés qui réclamèrent l’organisation immédiate de la garde nationale, prit souvent la parole pendant la discussion de la Déclaration des droits, en faveur de la liberté individuelle, de la liberté de la presse, de la liberté religieuse ; soutint énergiquement contre la commission que c’était à la nation à établir l’impôt, non à le consentir ; se prononça contre le veto royal, parla ou vota enfin dans toutes les questions comme ses collègues de l’extrême gauche et se montra même souvent plus radical que la plupart d’entre eux.

Seul ou appuyé, il suivait sa voie, toujours dans la même direction. Au lieu de la marche tortueuse de Mirabeau, il représentait la ligne droite, inflexible ; beaucoup le tenaient pour un utopiste, et il l’était en effet sur plusieurs questions ; en croyant suivre inflexiblement la ligne des principes, il lui arrivait facilement de s’égarer dans les systèmes, dans les vagues généralités philosophiques ou morales. Cela tenait à son éducation, et plus encore à la nature de son esprit, trop enclin au dogmatisme, tranchons le mot, au pédantisme sentencieux. On a trop répété que l’Assemblée riait de lui, de ses discours et de ses théories. Ce qui est vrai, c’est que sa parole excitait souvent les murmures de la droite et qu’il n’était pas toujours soutenu suffisamment par la gauche. Il arriva même, en effet, qu’il provoqua l’hilarité. Une fois, entre autres, qu’il s’obstinait à parler inutilement sur une question tranchée et d’ailleurs sans importance, l’Assemblée, obsédée, refusa de l’écouter ; il eut beau s’obstiner, il ne put prononcer que quelques mots de protestation. Maury, l’insolent spadassin de parole, saisit l’occasion pour provoquer la bonne humeur de l’Assemblée en demandant l’impression du « discours de M. de Robespierre. »

Sans doute, en présence de tant d’orateurs éminents, il paraissait pâle ; on ne voyait guère en lui qu’un avocat de province, capable et laborieux, mais de peu de souffle et de solidité. Les Actes des apôtres, journal royaliste, l’appelaient la Chandelle d’Arras et se moquaient de lui avec autant d’esprit que de mauvaise foi. Mais beaucoup de ceux qui le combattaient étaient frappés de sa passion sincère et de sa rigidité. On sentait là quelqu’un. Mirabeau, dans tout l’éclat de sa puissance, était loin de le dédaigner ; il disait de lui : « Il ira loin, car il croit tout ce qu’il dit. » Il eût pu ajouter qu’il croyait en lui-même, en ses idées, en son génie. Cette imperturbable confiance, cette religion qu’il avait pour sa personne, pour ses théories, nous dirions presque pour son infaillibilité, contribuait à lui donner la dignité du caractère et de la conduite, mais aussi à surexciter son orgueil naturel.

Quoi qu’il en soit, son rôle dans la Constituante ne fut pas sans éclat. Parfaitement monarchiste alors, il n’en concourut pas moins à l’énervation de la monarchie, à la destruction de l’ancien régime et de la barbarie, au triomphe de la cause révolutionnaire et de la civilisation.

Au 5 octobre, il prit deux fois la parole pour appuyer Maillard, l’orateur des femmes, parla avec énergie contre la loi martiale, contre le marc d’argent (v. ce mot), contre la distinction des citoyens actifs et passifs, réclama le suffrage universel, l’élection des juges par le peuple (pour remplacer les parlements), l’admission des juifs et des comédiens aux droits civils et civiques et commença, à la fin de 1789, à jeter aux Jacobins (v. ce mot) les fondements de cette influence qui devint plus tard exclusive et souveraine. Sa popularité grandissait, pendant que celle des premiers acteurs de la Révolution pâlissait visiblement. On voyait en lui un homme austère, uniquement attaché aux principes, et déjà Marat l’avait surnommé l’Incorruptible. À cette époque, il rompit avec les tribuns équivoques, les Lameth et autres : « Libre des hommes d’expédient, dit M. Michelet, il se fit l’homme des principes. Son rôle fut dès lors simple et fort. Il devint le grand obstacle de ceux qu’il avait quittés. Hommes d’affaires et de parti, à chaque transaction qu’ils essayaient entre les principes et les intérêts, entre le droit et les circonstances, ils rencontrèrent une borne que leur posait Robespierre, le droit abstrait, absolu. Contre leurs solutions bâtardes, anglo-françaises, soi-disant constitutionnelles, il présentait des théories, non-spécialement françaises, mais générales, universelles, d’après le Contrat social, l’idéal législatif de Rousseau et de Mably. Ils intriguaient, s’agitaient, et lui restait immuable. Ils se mêlaient à tout, pratiquaient, négociaient, se compromettaient de toute manière ; lui, il professait seulement. Ils semblaient des procureurs, lui un philosophe, un prêtre du droit… Témoin fidèle des principes et toujours protestant pour eux, il s’expliqua rarement sur l’application, ne s’aventura guère sur le terrain scabreux des voies et moyens. Il dit ce qu’on devait faire, rarement, très-rarement comment on pouvait le faire. C’est là pourtant que le politique engage le plus sa responsabilité, là que les événements viennent souvent le démentir et le convaincre d’erreur. »

Depuis l’installation de l’Assemblée à Paris, Robespierre vivait dans un petit logement rue de Saintonge, qu’il habita d’octobre 1789 jusqu’en juillet 1791. Sa vie était fort modeste ; il allait à pied, dépensait trente sous pour ses repas, et sur ses honoraires de député (18 livres par jour) il prélevait un tiers pour sa sœur Charlotte, qui habitait encore Arras, et une autre part pour une personne qui lui était chère. Il n’avait pas de besoins, vivant tout entier de passions intellectuelles, et sa plus grande dépense était pour sa toilette ; car ce révolutionnaire, ce philosophe et ce Spartiate était extrêmement soigné, élégant, même dans son costume. En pleine Terreur, il avait conservé l’usage de la poudre ; il monta poudré à la guillotine. Jamais il ne mit le bonnet rouge. Extérieurement, il était resté un homme de l’ancien régime, glacé, académique et d’une morgue un peu sèche. Il n’avait aucun des dehors de l’homme populaire et du tribun.

Dans le cours de l’année 1790, Robespierre prononça près de quatre-vingts discours à l’Assemblée, sans parler de ses prédications aux Jacobins, où il était extrêmement assidu, parlant, discutant laborieusement, toujours et sur toute question. C’est dans cette assiduité, cette persévérance, cette conscience au travail et cette persistance de volonté, non moins que dans sa probité politique et l’austérité de son caractère, qu’il faut rechercher les causes de l’autorité morale qu’il sut conquérir.

Outre les Jacobins, cette grande force révolutionnaire, il ne dédaigna pas de prendre (indirectement) pour point d’appui le clergé. Élevé lui-même par le clergé, disciple de Rousseau et spiritualiste sentimental, moraliste et censeur assez intolérant, il avait le tempérament prêtre, suivant l’expression très-juste d’un historien. Tout en déclamant d’une manière générale contre la « superstition », il rendit plus d’un service aux prêtres, et sous ce rapport il n’était pas fils du XVIIIe siècle. En mai 1790, il fit la proposition d’autoriser leur mariage et reçut, à ce sujet, de milliers d’ecclésiastiques des lettres de remerciement, des poèmes en toutes les langues, même en hébreu. Il les défendit (au nom de la liberté) contre les girondins, les dantonistes, les hébertistes, enfin contre tous les grands partis révolutionnaires. Il réclama des pensions pour les vieux prêtres (16 juin 1790), plaida pour certains ordres religieux que l’Assemblée avait rangés parmi les ordres mendiants (16 septembre), s’opposa aux mesures de sévérité proposées contre les prêtres qui prêchaient la guerre civile (19 mars 1791), parla et écrivit plus tard (décembre 1792) contre la suppression des traitements ecclésiastiques ; enfin, comme nous le verrons plus bas, en poussant à l’échafaud ceux qui avaient commencé la grande opération de l’élimination du catholicisme, il tut vraiment l’un des restaurateurs de la religion, l’un des précurseurs du concordat.

Sur les autres questions, d’ailleurs, il demeurait fidèle aux principes de la Révolution. Il réclama le jury en toutes matières, revint en toute occasion sur l’accession de tous les citoyens aux droits civiques, sans condition de cens ; se prononça contre le projet (soutenu par Mirabeau) d’attribuer au roi le droit de paix et de guerre, fut nommé l’un des secrétaires de l’Assemblée (juin 1790), combattit encore Mirabeau en diverses circonstances, défendit Camille Desmoulius contre Malouet, qui demandait des poursuites contre le hardi journaliste ; appuya vigoureusement la demande de suppression des parlements et fut nommé, par les électeurs de Versailles, président du tribunal du district. Cette nomination inattendue montre bien quelle était déjà sa notoriété. Il avait, paraît-il, l’intention d’aller occuper ce siège à la fin de la session ; mais les événements de la Révolution l’obligèrent à rester perpétuellement sur la scène et ne lui permirent pas de remplir ces paisibles fonctions.

Peu de temps auparavant, un homme, qui devait être son disciple le plus ardent, se donna à lui spontanément en lui écrivant une lettre restée célèbre : « Vous qui soutenez la patrie chancelante contre le torrent du despotisme et de l’intrigue, vous que je ne connais, comme Dieu, que par des merveilles, je m’adresse à vous….. Je ne vous connais pas, mais vous êtes un grand homme. Vous n’êtes pas seulement le député d’une province, vous êtes celui de l’humanité et de la République. » Ce correspondant enthousiaste était un jeune homme du nom de Saint-Just, qui va bientôt apparaître sur la scène de la Révolution.

Après la mort de Mirabeau, l’influence de Robespierre ne fit qu’augmenter et parvint même à contre-balancer dans l’Assemblée celle des Lameth, Barnave, Duport, etc. Il se fit écouter en parlant pour l’égalité en matière de successions et en s’élevant contre la précipitation mise par le comité de constitution à soumettre aux délibérations le projet d’organisation ministérielle. Quelques jours plus tard, le 7 avril 1791, il fit décréter qu’aucun membre de l’Assemblée ne pourrait être porté au ministère pendant les quatre années qui suivraient la session, ni recevoir aucun don, pension, place, traitement ou commission du pouvoir exécutif pendant le même délai. Le mois suivant, il soutint sa lutte mémorable contre Barnave et autres en faveur des hommes de couleur et des esclaves. Il s’éleva, dans ces longs débats, à une grande hauteur. Toutefois, il n’a pas dit en propres termes : Périssent les colonies plutôt qu’un principe ! mais simplement : « Périssent les colonies, s’il doit vous en coûter votre honneur, votre gloire, votre liberté ! Périssent les colonies, si les colons veulent par les menaces nous forcer à décréter ce qui convient le plus à leurs intérêts, etc.. »

De son côté, Duport dit, au cours de la même discussion : « Il vaudrait mieux sacrifier les colonies qu’un principe. ». (Moniteur du 15 mai.) La fameuse phrase s’est donc formée après coup de ces deux mouvements oratoires.

La cause des gens de couleur, plaidée avec tant d’âme par Robespierre, Rewbell et autres, triompha. L’Assemblée leur reconnut les droits de citoyen. La question de l’esclavage fut ajournée. Le lendemain il proposa et fit adopter la motion hardie, inattendue, que les membres de l’Assemblée constituante ne pourraient être réélus à la première législature.

On a cherché bien des motifs à cette proposition. Le principal nous paraît être une réminiscence des légendes sur les législateurs antiques qui, leur œuvre accomplie, s’éloignaient, rentraient dans la foule des citoyens, se dérobaient à la reconnaissance publique, etc. Pour cet homme, si parfaitement classique, ce dut être la raison capitale. "

À la fin de ce mois de mai, il se joignit à Duport pour demander l’abolition de la peine de mort ; mais ses paroles, d’une éloquence émue, ne purent néanmoins convaincre l’Assemblée.

La fuite du roi, s’il faut en croire Mme Roland et certains mémoires, causa à Robespierre un trouble profond ; il craignait une « Saint-Barthélémy de patriotes, » et son esprit soupçonneux ne rêvait qu’embûcbes et complots. À ceux qui parlaient de République, il demandait avec un ricanement d’inquiétude, ce que c’était que la République. Mais peut-être ces rapports sont-ils exagérés. Ce qu’il y a de certain, c’est que le soir du 21 juin, aux Jacobins, il prononça un discours éloquent, mais qui attestait le trouble de son âme et qui était plein de fantômes, de dénonciations vagues, de visions lugubres ; au lieu de proposer dés mesures efficaces, d’agir en homme, et en homme d’État, comme Danton, il accuse, il dénonce, il s’enivre de méfiance et d’effroi ; puis il s’attendrit sur lui-même, il met sa personne en scène, il parle des « mille poignards » dont il est entouré, suivant une habitude qui devint chez lui une manie. « Nous mourrons tous avant-toi ! » s’écrie Camille Desmoulins. Cet élan de sensibilité naïve entraîne l’auditoire, qui s’emporte en manifestations touchantes et passionnées. Dans cette société des Jacobins, le député d’Arras commençait à passer à l’état de fétiche.

Pendant toute cette crise, Robespierre ne montra qu’incertitude et irrésolution ; il déclara même, le 13 juillet, aux Jacobins, qu’il n’était ni monarchiste ni républicain. Qu’était-il donc alors ?

Ami de la constitution ?

Mais la constitution était monarchique. La vérité est qu’il ne savait trop quel parti prendre et que toutes les solutions lui paraissaient alors également périlleuses. Il était dans cette donnée, que la monarchie peut donner la liberté tout aussi bien que la République, et quelquefois mieux. Bref, malgré ses théories, relativement assez avancées, il hésitait visiblement à se lancer sur la grande mer de la Révolution.

Dans toutes les crises, d’ailleurs, il montra la même réserve, les mêmes irrésolutions poignantes. Il était homme de parole et de doctrine, et non pas homme d’action.

Toutefois, à la tribune, il reprenait pied, se retrouvait lui-même, et il proposa à l’Assemblée de consulter la nation pour statuer sur le sort du roi.

« Lors du massacre du Champ-de-Mars, bien qu’il se fût opposé à la pétition pour la déchéance du roi, il put craindre pour sa sûreté. Du moins, le soir de cette journée funeste, les patriotes étant poursuivis de tous côtés, ses amis craignirent pour une vie si précieuse. Un honnête et enthousiaste jacobin, le maître menuisier Duplay, l’emmena chez lui, dans sa maison de la rue Saint-Honoré. Le lendemain, cette famille refusa de le laisser partir. Malgré sa réserve naturelle, il fut vaincu par les instances les plus affectueuses et il consentit (sous la réserva de payer pension) à élire domicile dans cette maison, sentant peut-être que sa popularité ne pouvait que gagner à cette intimité avec une famille d’artisans. C’était comme une réminiscence de l’Émile. Duplay d’ailleurs, était riche, propriétaire, et son intérieur était confortablement bourgeois. Pendant la petite terreur qui suivit le malheureux événement du Champ-de-Mars, Robespierre rédigea et fit voter par les Jacobins une adresse à l’Assemblée nationale, pièce assez habile, mais peut-être un peu trop louangeuse, et qui n’avait évidemment pour but que de préserver la grande société des persécutions.

Dans les derniers jours de la Constituante ; il lutta avec plus de courage que de succès pour faire révoquer le décret du marc d’argent et autres lois impopulaires.

On sait que ce fut sur sa proposition que l’Assemblée avait décrété qu’aucun de ses membres ne ferait partie de la législature suivante. Il rentra donc dans la vie privée,