passa ses dernières années à s’occuper d’agronomie.
SAINT-ROMUALD (Pierre de), historien français. V. Guillebaud.
SAINT-SAËNS (Charles-Camille), pianiste et compositeur, né à Paris le 9 octobre 1835.
Il avait à peine atteint sa troisième année
que déjà il commençait, sous la direction de
sa grand’tante, l’étude de la musique. Ses
dispositions étaient si grandes, ses progrès
furent si rapides, qu’à sept ans on lui donna
deux maîtres ; Stamati pour le piano, Maleden
pour la composition. En outre, il prit des
leçons d’Halévy et, à douze ans, il entra au
Conservatoire comme élève du cours d’orgue
de M. Benoist. Il en sortait à dix-sept ans
titulaire de l’orgue de Saint-Merry. Depuis
1833, il a succédé à M. Lefebvre-Wély comme
organiste de la Madeleine.
M. Saint-Saëns est une des organisations musicales les plus heureusement douées. Comme pianiste, il n’est inférieur qu’à Liszt et Rubinstein. Ses concerts sont pour lui de véritables triomphes. Comme organiste, il n’a pas de rivaux ; comme compositeur, il procède à la fois de Bach, de Beethoven et de Berlioz. « Le début de M. Saint-Saëns se fit avec éclat, écrit Fétis, par sa première symphonie (en mi bémol) qui fut exécutée par l’orchestre de la Société de Sainte-Cécile, avant qu’il eût accompli sa seizième année. » Un fragment de cette symphonie a été applaudi en 1864 aux concerts populaires de Pasdeloup, qui, bon appréciateur, avait jugé cette œuvre digne de figurer à côté de celles des plus grands maîtres. Trois autres symphonies du jeune et savant compositeur ont obtenu un égal succès. Les autres ouvrages de M. Saint-Saëns consistent, d’après Fétis, en une messe à quatre voix, orchestre et deux orgues ; une tarentelle pour flûte et clarinette avec orchestre ; six bagatelles pour piano ; environ quinze romances ou mélodies avec accompagnement de piano ; deux morceaux pour harmonium ; six duos pour piano et harmonium ; un oratorio de Noël pour voix seules et chœur ; des transcriptions d’après Bach ; une scène tirée des Horaces de Corneille, en partition de piano et chant ; un concerto pour piano et orchestre ; un autre pour violon et orchestre ; une ode en l’honneur de sainte Cécile, pour voix seule, chœur et orchestre ; enfin, un certain nombre de motets, de mélodies et d’études pour le piano. Cette énumération des œuvres de M. Saint-Saèns s’arrête en 1866. Depuis lors, des productions nombreuses sont venues s’ajouter aux premières. Nous citerons la cantate de Prométhée enchaîné, qui a obtenu le grand prix créé à l’occasion de l’Exposition universelle de 1867 ; le Timbre d’argent, opéra en quatre actes ; la Princesse jaune, opéra-comique en. un acte, représenté avec succès à l’Opéra-Comique en juin 1872 ; le Rouet d’Omphale, symphonie qui a obtenu tous les suffrages ; Phaéthon, symphonie également fort remarquable, jouée pour la première fois en décembre 1873, etc. M. Saint-Saëns excelle dans les descriptions poétiques, dans les imitations des bruits de la nature ; son style est brillant, ses idées sont bien développées et ses effets d’orchestration ont autant de puissance que de variété.
SAINT-SAMSON s. m. Arboric. Variété de poire.
SAINT-SAMSON (Jean de), visionnaire français, né à Sens en 1571, mort en 1636. Entraîné
dès l’enfance par des idées mystiques,
il donna tous ses biens aux pauvres et
se réduisit à un dénûment complet, que rendait
encore plus horrible la cécité dont il
était atteint. Il entra chez les carmes, et la
légende lui attribue plusieurs miracles dont
nous n’avons point à nous occuper. On lui doit
divers petits traités, parmi lesquels nous citerons : le Vrai esprit du Carmel, le Cabinet mystique, le Miroir et les flammes de l’amour divin, les Soliloques, l’Art de pâtir et de mourir saintement, Désirs mystiques. Les œuvres complètes de cet extatique ont été réunies en 4 volumes in-folio.
SAINT-SAPHORIN (Armand-François-Louis de Mestral de), diplomate danois, né
au pays de Vaud en 1738, mort en 1805. Il
fut successivement chargé d’affaires à la cour
de Dresde, envoyé extraordinaire à celle de
Varsovie, puis en Espagne (1774), à La Haye,
à Saint-Pétersbourg et à Vienne.
SAINT-SAPHORIN (François-Louis de), général et diplomate suisse. V. Pesmes.
Saint-Sauveur (CONGRÉGATION du), congrégation
de chanoines réguliers d’Italie, appelés
scopetini, qui furent institués en 1408 par
un religieux nommé Étienne, de l’ordre de
Saint-Augustin. Leur premier établissement
se fit dans l’église de Saint-Sauveur, près de
Sienne, et c’est de là qu’ils ont tiré leur nom.
Celui de scopetini vient de l’église de Saint-Donat de Scopète, qu’ils obtinrent à Florence sous le pontificat de Martin V.
Saint-Sauveur (ORDRES DU). V. SAUVEUR (ordres du).
SAINT-SAUVEUR, diplomate et littérateur français. V. Grasset de Saint-Sauveur.
SAINT-SÉBASTIEN (N. de), gentilhomme protestant des Cévennes, qui s’illustra par la
belle défense de Saint-Antonin en 1622. Les
protestants de Saint-Antonin, menacés par
les troupes royales, appelèrent les Montalbanais
à leur secours. Saint-Sébastien accourut
avec quelques centaines d’hommes.
Le 9 juin, la place fut investie par le duc de
Vendôme. Louis XIII arriva peu de temps
après, et le siège régulier commença. « Le
16, lisons-nous dans la France protestante, le régiment des gardes, animé par la présence
du roi, s’élança à l’assaut d’un ouvrage à
corne qui protégeait l’enceinte de la place,
mais il fut repoussé après un court engagement.
Le 17, nouvel assaut ; héroïque défense
des protestants ayant à leur tête Saint-Sébastien
et son sergent-major Pinel, qui furent
blessés tous les deux. Le 19, troisième
assaut, qui n’eut pas plus de succès que les
deux premiers. Le 20, assaut général, dans
lequel l’ouvrage à corne fut emporté, malgré
la vaillante résistance des huguenots, qui
perdirent 8 officiers, du nombre desquels fut
Pinel, 200 soldats et 15 femmes tuées sur la
brèche. » Une mine, renversant un pan de
mur de la ville, combla en partie le fossé.
Cependant, Saint-Sébastien ne voulait pas
se rendre ; mais les habitants de la ville,
épuisés, arborèrent le drapeau blanc et capitulèrent. En dépit des conditions de la capitulation, Vendôme, à peine entré à Saint-Antonin, fit dresser onze potences pour les
notables, parmi lesquels figuraient le procureur du roi et le ministre.
Saint-Sépulcre (église du). V. SÉPULCRE.
SAINT-SIÈGE s. m. Siège du chef de la religion catholique : Ce pape occupa le saint-siège pendant cinq ans. Le saint-siège fut deux mois vacant. || Gouvernement papal ; Les décisions du saint-siège. L’autorité du saint-siège.
SAINT-SILVESTRE (Juste-Louis du Faur,
marquis de), général français, né à Paris le
9 janvier 1627, mort à Valence, en Dauphiné,
le 6 février 1719. Il fut page des rois Louis XIII et Louis XIV, embrassa ensuite la carrière
des armes, prit part à l’expédition de Candie
en 1669 et combattit sous les ordres de Turenne
dans la campagne de 1672. Il devint,
cette même année, mestre de cavalerie d’un
régiment de son nom, puis brigadier de cavalerie
(1681), maréchal de camp sous Catinat
en 1690, se distingua au pont de Carignan,
à Briqueras, à la bataille de Staffarde,
et reçut, en récompense de ses services,
une pension de 4,000 livres (1691). Lieutenant
général en 1692 et envoyé en Catalogne,
il prit Roses en 1693, mais il ne réussit
pas à vivre en bonne intelligence avec le maréchal
de Noailles, et ce dernier se plaint dans
ses Mémoires « qu’il désespérait de tout, exposait infidèlement l’état des choses et qu’il
ne faisait point de cas des conseils du roi ni des ordres. » En juin 1695, on rappela Saint-Silvestre, qui se retira à Valence, où il mourut.
Sa famille conserve avec soin sa correspondance
avec Louis XIV, Turenne, Catinat et la plupart des grands hommes de cette époque.
SAINT-SIMON (Rouvroy de), ancienne famille
noble française, dont le chef, Matthieu
de Rouvroy, dit le Borgne, appartenant à une
famille du Beauvoisis, épousa vers 1332 la
dernière héritière de la seigneurie de Saint-Simon,
en Vermandois. De cette famille sont
sortis les seigneurs de Groussy, de Beuzeville,
de Courtomer, de Pleinmarest, d’Anoult,
de Durescu et de Sainte-Mère-Église. Au
mois de janvier 1635, les baronnies, vicomte,
seigneuries et terres de Benot, Châtres, Pontautan,
Saint-Simon, etc., furent érigées en
duché-pairie, sous le nom de Saint-Simon, en
faveur de Claude de Rouvroy, dont nous parlerons
plus loin. Les principaux membres de
cette famille sont les suivants :
SAINT-SIMON (Gilles de Rouvroy, sire de),
capitaine français, mort vers 1478. Fils de
Matthieu de Rouvroy qui périt à Azincourt,
il fut élevé à la cour de Charles VII, dont il
devint chambellan en 1424, se distingua en
plusieurs rencontres contre les Anglais, particulièrement
à la bataille de Verneuil, et assista
à l’entrée de Charles VII à Paris. Après
avoir pris part aux sièges de Meaux, de
Creil, de Pontoise, au combat de Formigny
(1450), etc., il reçut le commandement des
gendarmes et des archers et devint en 1465
un des seigneurs préposés spécialement à la
garde de Paris.
SAINT-SIMON (Claude DE ROUVROY, duc DE), général français, descendant du précédent, né
en 1607, mort à Paris en 1693. D’abord page
de Louis XIII, il gagna les bonnes grâces de
ce prince, qui le nomma successivement grand louvetier, premier gentilhomme de la chambre,
premier écuyer, gouverneur de Blaye (1630) et enfin lui donna le titre de duc en
érigeant plusieurs de ses terres en duché-pairie
(1635). Claude de Saint-Simon prit part
à diverses guerres et reçut le commandement
en chef des arrière-bans du royaume.
Le cardinal de Richelieu, avec qui il eut des
différends, le fit éloigner de la cour, où le duc
revint après la mort du tout-puissant ministre ;
mais il ne tarda pas à la quitter de nouveau,
se démit de sa charge de premier
écuyer et retourna dans son gouvernement
de Blaye, où il menait une grande existence.
Son fils, le célèbre auteur des Mémoires, dit
qu’il était modeste, désintéressé, obligeant et généreux. D’humeur très-chatouilleuse, il eut un duel avec de Vardes et de vives discussions avec le duc d’Harcourt et le duc de La Rochefoucauld.
SAINT-SIMON (Louis de Rouvroy, duc de),
célèbre historien, fils du précédent, né à
Paris le 16 janvier 1675, mort dans la même
ville le 2 mars 1755. Son père l’eut, dans sa
vieillesse, de sa seconde femme, Charlotte de
L’Aubespine, femme distinguée qui dirigea
habilement son éducation. Il apprit le latin,
l’allemand, cultiva son esprit par la lecture
et prit goût surtout à l’histoire. À dix-huit
ans, il était capitaine de cavalerie et il fit ses
premières armes au siège de Namur (1693) ;
la même année, son père étant mort, il fut
nommé à sa place gouverneur de Blaye. La
bravoure qu’il montra à la bataille de Nerwinde,
dans les brillantes charges de cavalerie
exécutées sous les ordres du duc de
Chartres, lui fit obtenir un régiment ; mais là
s’arrêta sa carrière militaire. Il n’était encore
que mestre de camp neuf ans plus tard,
en 1702, et diverses promotions ayant été
faites sans qu’il y fût compris, de dépit il
donna sa démission. En 1695, il avait épousé
la fille du maréchal de Lorges, Gabrielle de
Durfort, qui fut plus tard nommée dame d’honneur
de la duchesse de Berry. Avant de quitter le
service, il voulut avoir l’avis d’un véritable conseil d’État, composé de trois maréchaux
et de trois hommes de cour, qui convinrent
avec lui « qu’un duc et pair, comme
il estoit, et ayant femme et enfants, ne pouvoit
servir dans les armées comme un haut-le-pied et y voir tant de gens différents de ce
qu’il estoit tous avec des emplois et des régiments. » Louis XIV fut exaspéré de cette démission : « Eh bien, dit-il à Chamillard, ministre
de la guerre, voilà encore un homme
qui nous quitte ; » et il fit mander le jeune
duc, qui nous a conservé dans ses Mémoires
toutes les particularités de l’entretien qu’il
eut avec le roi. Mais son parti était pris et
il ne revint pas sur sa décision. Quoique disgracié,
il conserva son appartement à Versailles
et suivit la cour dans tous ses déplacements,
sans approcher le roi que dans de
rares occasions. Il raconte avec amertume
qu’il ne fut appelé qu’une fois ou deux à
honneur de tenir le bougeoir. Il mit ses loisirs
à profit pour étudier avec cette pénétration
qui lui était propre les mille incidents de
la vie de la cour, les physionomies et les caractères
de tous ces personnages qui nous apparaissent
si pleins de vie dans ses célèbres
Mémoires. Dès l’âge de vingt ans, à l’armée,
il avait pris l’habitude d’écrire chaque jour
ses impressions du moment, d’esquisser les
portraits de tous ceux avec qui il entrait en
relation ou dont il entendait parler, de se
rendre compte, la plume à la main, des moindres
faits et d’en noter toutes les circonstances.
On le redoutait pour la sagacité de ses
aperçus comme pour la causticité de sa parole,
et, quoiqu’on fût bien loin de soupçonner
l’existence de l’ouvrage qu’il commençait
à édifier, loin de tous les regards et dans le
silence du cabinet, on s’écartait de lui tout
comme si l’on eût connu l’importance et la
malignité des révélations qu’il devait faire
sur l’entourage du grand roi. Sauf Philippe
d’Orléans, le futur régent, et les ducs de
Beauvilliers et de Chevreuse dans l’intimité
desquels il vécut constamment, il s’était aliéné
tout le monde par sa morgue hautaine, ses
médisances, ses prétentions à avoir le pas
même sur les premiers personnages et les
querelles d’étiquette qu’il ne cessait de susciter.
C’est tout ce qu’il nous apprend de son
rôle à la cour, et tant que vécut Louis XIV il
n’en eut en effet pas d’autre. Pour lui, après
le roi, il n’y a que les ducs et pairs ; tout au
plus consent-il à voir placer avant lui les
princes du sang ; il lui semble faire une grande
concession. Quant aux princes légitimés, ces
bâtards dont il était obligé de subir la suprématie,
il exhale contre eux toute sa bile et
les accable de ses mépris. Il prépare à l’avance
le grand triomphe qu’il aidera le régent
à remporter sur eux le jour où, Louis XIV
mort, on cassera son testament, on réduira
ces bâtards à ne plus rien être dans l’État.
Le reste de la noblesse n’est à l’abri de ses
coups que si elle se tient à son rang et ne
prétend pas usurper sur les ducs et pairs ;
mais gare à quiconque a cette audace ! Avec
sa science généalogique, sa connaissance de
toutes les grandes familles de France, des
mariages, des mésalliances, des bâtardises,
tout ce qu’il a recueilli de secrets d’alcôve et
autres avec une incroyable patience et retenu
avec une prodigieuse mémoire, il a vite pulvérisé
ces prétentions : cette famille qui fait
tant de poussière a du sang de laquais dans
les veines de ses membres ; cette duchesse a
pour grand-père un courtaud de boutique ;
ceux-ci doivent leur fortune au vol, ceux-là à la prostitution. Voilà comme il les arrange ;
nul écrivain démocratique n’a porté comme
lui le fer rouge dans les ulcères de la noblesse.
Les roturiers qui occupent des emplois
ou des charges à la cour soulèvent son
indignation, et il ne pardonne pas à Louis XIV
d’admettre dans ses conseils, de placer à la
tête de ses armées des gens qui n’ont pas le
moindre ancêtre. La femme d’un ministre,
fille d’un marchand de drap, monte dans les
carrosses à côté d’une princesse ; c’est une
horreur. Qu’est-ce que Villars ? Ses victoires
sont problématiques ; ce qui est certain, c’est
qu’il descend d’un petit greffier de Condrieux.
Rien ne trouvait grâce devant cet âpre critique, qui, en fait de blason et de généalogies,
en aurait remontré au Père Anselme. Aussi
la plupart des courtisans reléguaient-ils
Saint-Simon dans une espèce de quarantaine.
Il s’en moquait, laissant volontiers le présent
lui échapper, à condition qu’il aurait l’avenir,
et il tenait l’avenir soit par le duc de Bourgogne,
dont le duc de Beauvilliers, son ami,
était le précepteur, soit par le duc d’Orléans,
dont il calcula les chances d’arriver à la régence,
quand la mort eut emporté le duc de
Bourgogne. Son influence occulte commença
même à se faire sentir à la fin du règne de
Louis XIV. Cet homme d’un coup d’œil si
perçant était deviné de quelques-uns et consulté
dans les occurrences difficiles ; il combattit
sourdement l’influence de Mme de Maintenon
par celle du Père Le Tellier, confesseur
du roi, avec qui il entretenait une correspondance
en règle sur les affaires de l’État ; il
soutint Chamillard et recula sa chute, parce
qu’il était hostile à Mme de Maintenon ; il
sépara le duc d’Orléans de sa maîtresse,
Mme d’Argenton, négocia le mariage de sa
fille avec le duc de Berry et inspira sa conduite
durant les négociations dont il fut
chargé en Espagne et en Italie. Dès 1704, il
avait proposé pour le règlement de la succession
d’Espagne un plan qui fut rejeté
presque sans examen et qui cependant, après
les revers, servit de base au traité d’Utrecht.
Il poussait plus loin ses vues et ne rêvait
pas moins qu’une réforme complète dans le
gouvernement et l’administration. Enfermé
dans son cabinet, il rédigeait secrètement de
volumineux projets de constitution, dont les
manuscrits sont déposés aux archives du ministère
des affaires étrangères. Son idéal était
une sorte de monarchie aristocratique, appuyée
exclusivement sur la noblesse ; la roture
était impitoyablement bannie des moindres
rouages du mécanisme, la noblesse puissamment
hiérarchisée devant suffire à occuper
tous les emplois, depuis les simples gentilshommes,
qui auraient constitué la base de
la pyramide, jusqu’aux ducs et pairs, qui en
auraient été le radieux sommet. Louis XIV
mort et Philippe proclamé régent par le parlement,
il ne tint qu’à Saint-Simon d’exercer
le pouvoir. C’est lui qui avait tout disposé
pour ce coup d’État, et son premier déboire
fut de le voir exécuter autrement qu’il ne
voulait : dans son plan, c’étaient les états
généraux, par conséquent la noblesse et le
clergé, qui devaient casser le testament du
grand roi et prendre en main la direction des
affaires ; Philippe tint bon pour le parlement
et rendit ainsi son importance politique à ce
corps de robins que Saint-Simon exécrait. Il
n’en resta pas moins membre du conseil de
régence et garda la haute main sur les affaires,
tout en refusant d’être ministre. Il avait
pour ce refus de bonnes raisons. Son rêve
était d’annihiler les secrétaires d’État en
plaçant chaque ministère et chaque grande
administration sous la dépendance d’un conseil,
composé naturellement de gens tirés des
meilleures familles de France. L’institution
de ces conseils, à laquelle le régent se prêta
volontiers, lui donna satisfaction, mais lui
apporta en même temps une désillusion complète.
Tous ces affamés se jetèrent sur le
pouvoir comme sur une proie et n’acceptèrent
de fonctions que pour mettre commodément
l’État au pillage. Saint-Simon était relativement,
honnête, et il donne à tous son
désintéressement en exemple en alléguant
qu’à part deux ou trois régiments pour ses
fils et cousins, quelques abbayes pour ses
sœurs, une pension pour sa femme, une augmentation de 12,000 livres pour lui-même, il n’a rien demandé, absolument rien au régent.
Quelles étaient donc les exigences des autres,
de ceux dont il signale la rapacité ? Pour
remédier au désordre des finances et mettre
un peu d’argent dans les caisses, qui étaient
tout à fait vides, il indiqua même au régent
un expédient radical ; c’était de mander un à un, sans bruit, au Palais-Royal tous les gros
traitants engraissés de la misère publique et
de « les étrangler entre deux portes, » c’est-à-dire
de les rançonner à la turque, de leur
faire rendre gorge. Philippe d’Orléans n’osa
pas ; il avait besoin de tout ce monde pour
subsister, et Saint-Simon rejeta sur sa pusillanimité
la mauvaise marche des affaires de
finance. En même temps, au lieu de reconnaître
combien son système de conseils était
défectueux, il préférait accuser Noailles et
Dubois d’entraver par leurs machinations la
marche de ces rouages inventés par lui.
Un peu déconsidéré dans l’esprit du régent par le mauvais succès de ses combinaisons, il assista en simple spectateur aux luttes des princes du sang et des princes légitimés, aux progrès et à la chute du système de Law, aux intrigues de la duchesse du Maine, qu’il fut le premier à pénétrer et à dénoncer, et il eut enfin la joie, lorsque la conspiration de Cellamare fut découverte, d’assister à l’humiliation des bâtards, de voir prononcer leur déchéance et ruiner en même temps l’influence du parlement, dans le lit de justice du 26 août 1718. Mais la dissolution des conseils, l’institution qui lui était si chère, suivit de près la chute du parlement, et Saint-Simon, gui était rentré dans l’arène politique pour jouir d’un triomphe si ardemment souhaité, s’en retira aigri et mécontent. Il refusa les fonctions de gouverneur du jeune Louis XV, puis celles de garde des sceaux, que lui offrit successivement le régent, et n’accepta qu’une