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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 14, part. 3, Sois-Suj.djvu/196

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de sa doctrine admis dans toute leur rigueur ne lui permettaient de le faire. »

Spinoza, en définitive, commence par étudier la nature de Dieu ; il en déduit celle de l’homme, et, cette marche adoptée, il examine point par point quelles sont les lois de la nature humaine, puis, ces lois reconnues, quelle part il faut attribuer dans nos actes à la nécessité et à la liberté,

Dans un autre ouvrage, resté malheureusement inachevé, Tractatus politicus, Spinoza entreprend de construire le droit naturel sur les principes émis dans son Ethique ou Traité de morale.

Il avait beaucoup étudié les mathématiques et avait une grande idée de la forme géométrique ; aussi sa méthode consiste-t-elle à procéder par axiomes et par définitions, après quoi il énonce successivement différentes propositions qu’il démontre et à la suite desquelles viennent des scolies et des corollaires ; à mesure qu’on avance, chaque démonstration nouvelle impliquant les précédentes y renvoie, en sorte qu’à moins que l’on ait parfaitement présentes à l’esprit et les propositions énoncées auparavant et leur démonstration, il est impossible de continuer de comprendre ; c’est ce qui rend l’intelligence de ce grand ouvrage si difficile.

« Spinoza, dit Jouffroy, distingue trois sortes de choses qui existent. Les unes nous apparaissent comme existant et ne pouvant exister que dans une autre chose. Les qualités des corps et tout ce que nous appelons attributs, propriétés, phénomènes, effets, composent cette première classe de choses qui existent ; nous ne les percevons jamais isolément et jouissant d’une existence indépendante, mais associées et unies a une autre chose par laquelle elles existent et hors de laquelle nous ne concevrions pas qu’elles existassent.

Il n’en est pas ainsi de la seconde classe des choses qui existent. Les choses comprises dans cette classe ont l’air d’exister par elles-mêmes ; elles nous paraissent isolées de toute autre ; elles imitent, comme dit Spinoza, ce qui existe de sa propre existence. Tels sont par exemple tous les corps que nous voyons autour de nous ; tel est l’homme lui-inéme. Mais, quand on y réfléchit, on trouve que ces choses ont commencé d’exister, on trouve qu’elles finiront d’exister ; on trouve enfin que ce n’est point par elles que se conserve e< se continue leur existence. L’homme, par exemple, a le sentiment qu’il ne s’est pas donne, qu’il ne se conserve pas et qu’il ne dépend pas de lui de se continuer l’existence, et qu’ainsi elle n’est pas en lui essentiellement, mais seulement en passant. Bien donc que ces choses paraissent exister par elles-mêmes et d’une manière indépendante, il n’en est rien, et on trouve qu’au fond l’existence qui est en elles ne leur appartient pas. »

Les choses comprises dans ces deux premières classes sont les seules que notre observation atteigne. Mais notre raison va plus loin, et, considérant que l’existence de toutes les choses perçues par notre observation est empruntée, qu’elle ne se rencontre en elles que passagèrement et qu’aucune ne la possède essentiellement, elle en conclut qu’il faut que quelque chose existe qui possède par soi-même 1 existence. Delà 1 idée d’une troisième classe d’êtres dont l’essence est précisément l’existence, d’une classe d’êtres, en d’autres termes, dont l’essence propre est d’exister par eux-mêmes. C’est de cette troisième classe d’êtres que Spinoza s’occupe en premier lieu, et il prouve d’abord qu’il ne peut pas y avoir deux êtres de cette nature, car, dit-il, les êtres se distinguent par leurs attributs. Or, qu’expriment les attributs d’un être ? Ils expriment son essence. Donc, deux êtres qui auraient la même essence auraient nécessairement les mêmes attributs ; mais alors ils ne seraient pas distincts l’un de l’autre ; ils ne seraient donc pas deux, mais un. II ne peut donc y avoir deux êtres dont l’essence soit l’existence. L’être dont l’essence est l’existence est donc un, et comme le nom de substance ne convient qu’à celui qui subsiste par soi-même, il n’y a etne peut y avoir qu’une seule substance, et cette substance est Lieu.

Après avoir déterminé ce principe général, Spinoza établit que la substance est nécessaire et infinie. Elle est nécessaire parce que, autrement, on ne la concevrait pas existant par elle-même ; elle est infinie parce qu’elle possède toute 1 existence, ce qui est une déduction de la proposition qui précède,

Ainsi, voilà trois qualités en Dieu, ou, si l’on veut, dans la substance. Ces trois qualités sont l’unité, la nécessité et l’infinité. Maintenant, la substance est éternelle, car telle es nécessaire ; elle est indépendante puisqu’elle est unique ; enfin, elle est simple et indivisible. En effet, si elle était divisible, elle aurait des parties ; ces parties seraient de même nature ou de nature différente. Si elles étaient de même nature, il y aurait plusieurs êtres dont l’essence serait l’existence, ce qui est contraire à ce qui a été établi plus haut. Elles ne peuvent pas, pour la même raison, être de nature différente.

Les propriétés de Dieu étant reconnues, Spinoza recherche si ces propriétés de l’être unique peuvent s’appliquer exclusivement à l’étendue ou à la pensée. Il affirme que non, car, s’il coïncidait avec la pensée, l’étendue


n’existerait pas, et réciproquement, s’il coïncidait avec l’étendue, la pensée n’existerait pas davantage. Il en conclut que la pensée et l’étendue sont les deux attributs généraux de l’être.

« Spinoza, reprend Jouffroy, ne disconvient pas qu’il ne soit contre les idées communes d’attribuer l’étendue et la pensée à une même substance ; mais il ne tient aucun compte de ce préjugé. Qu’y a-t-il de plus opposé, dit-il, que la forme ronde et la forme carrée, et cependant elles sont des modes d’une même chose, l’étendue. L’idée de substance n’implique qu’une seule propriété ; l’existence est aussi nécessairement impliquée par l’étendue et la pensée, que l’étendue par la forme carrée. »

Nous avons une idée de ces deux attributs de l’être, parce que notre observation atteint des choses étendues et des choses pensantes. Mais il est impossible que ce soient là les deux seuls attributs de l’être, car étant infini, il doit en avoir une infinité. C’est donc aussi un caractère de l’être qui existe par lui — même d’avoir une infinité d’attributs, lesquels sont infinis chacun dans leur sens, et expriment tous à leur manière l’essence de cet être qui est l’existence.

Ainsi un être un, simple, éternel, infini avec une infinité d’attributs qui tous expriment sous une face particulière le caractère essentiel de cet être qui est l’existence, et parmi ces attributs, l’étendue et la pensée, les seuls dont nous ayons connaissance, telle est l’idée que Spinoza se fait de Dieu, et cette idée est la base de tout son système.

Dieu étant par conséquent l’être infini, il n’existe rien en dehors de lui, ou, si l’on veut, il est la cause unique de tout ce qui est. D’où il suit qu’il n’existe qu’un être, et que les êtres variés dont l’univers se compose sont des inodes particuliers de l’existence divine. Mais Dieu ou la substance infinie n’est pas seulement la nature naturante (natura naturans), la cause de tout ce qui est, il est aussi la cause de la conservation de tout ce qui est. Rien hors de Dieu, sinon ses attributs ; rien en dehors des attributs de Dieu, sinon des modes partiels qu’on peut tous rapporter à ces attributs et qui constituent la nature naturée (natura naturula),

Comment se développe Dieu dans le temps ? Par la voie de la nécessité. Il n’y a pas de volonté en Dieu dans le sens attribué vulgairement à ce mot, c’est-à-dire une faculté de choisir une fin librement et pouvant en choisir une autre. C’est, dit Spinoza, un nonsens qui témoigne d’une ignorance absolue des conditions de l’être.

Cependant Dieu est libre. En effet, toutes les pensées, tous les actes, tous les développements possibles de Dieu émanent de sa seule nature et non de l’action d’une autre nature agissant-sur la sienne ; Dieu est donc libre en ce sens que tout ce qu’il fait n’est déterminé en lui que par les seules lois de sa nature et de sou essence. Ce fait caractérise Dieu et le distingue des autres êtres, par exemple de l’homme. Ce dernier n’est pas la cause des faits qui se passent en lui ; ces faits ont une cause extérieure, et cette cause est Dieu. L’action de Dieu est donc à la fois nécessaire et libre. La liberté divine est donc loin d’être le libre arbitre de la métaphysique vulgaire. Dieu n’est ni bon ni méchant, il est simplement. Ce qu’il fait est déterminé p£r sa nature. Il suit de là que si tout est nécessaire en Dieu, tout l’est également dans la nature, qui est son œuvre. Les modes divers qui s’y produisent sont le résultat d’actes nécessaires. La contingence philosophique est un mot vide de sens et indique un état de choses dont nous ne comprenons pas la cause et par conséquent la nécessité, à II suit encore des mêmes principes, d t Jouffroy, que le monde est éternel et que 1 idée de la création est une chimère ; car ce qui n’aurait pas existé dans un certain temps n’a pu commencer d’exister, et rien ne peut être hors de l’être un et infini. ■

Cependant, Dieu est distinct de l’univers, d’après Spinoza, et les êtres individuels ne sont que des modes particuliers de ses attributs. Dieu est distinct de ses attributs ; ces attributs eux-mêmes sont distincts de Dieu. Les modes sont aux attributs ce que les attributs sont à Dieu. « Il suit du rapport que nous venons de signaler entre Dieu et ses attributs, que chacun de ceux-ci n’étant qu’une manifestation de la nature de Dieu qui est une, Dieu peut bien être conçu tantôt sous l’un de ces attributs et tantôt sous l’autre, mais qu’il reste simple et toujours le même sous la diversité de ces attributs qui ne sont que les différentes expressions d’une seule nature et les différents développements d’une seule cause. S’il en est ainsi, il doit y avoir harmonie et correspondance entre la série des modes successifs d’un de ces attributs et la série des modes successifs de tous les autres. »

Spinoza émet l’opinion que les modes —de ! a pensée sont les idées. Les idées ont un objet en Dieu comme eu nous. L’objet de la pensée de Dieu, c’est lui-même ; cette idée est donc une et infinie ; mais en ce qui concerne ses attributs, elle est multiple et infinie comme ses attributs eux-mêmes. La pensée de Dieu représente ses attributs et se représente elle-même. Kn un mot, Dieu pense son essence et pense aussi sa pensée.

De même que Spinoza reconnaît en Dieu


deux attributs, l’étendue et la pensée ; il reconnaît dans l’homme deux attributs : le corps, qui répond à l’étendue en Dieu, et l’esprit, qui répond à la pensée en Dieu.

Mais il parle surtout des corps et des esprits, abstraction faite de l’homme. Comme exemple d’un corps, il prend de la cire. (Jet objet est étendu, mais ce n’est pas ce qui le caractérise, sinon tout corps étendu serait de la cire. L’étendue n’est donc que le fond d’un corps. Mais l’étendue est déterminée d’une certaine façon dans la cire, d’où il suit qu’un corps n’est qu’un mode de l’étendue, attribut de Dieu. Un corps est donc un certain mode d’un attribut de Dieu.

Les esprits sont dans le même cas ; la pensée est leur qualité commune. Mais un esprit donné n’est pas la pensée tout entière ; il n’en est qu’un mode particulier. Spinoza résume sa théorie : « Le fond de tous les corps possibles, c’est l’étendue, attribut de Dieu ; le fond de tous les esprits, c’est la pensée, autre attribut de Dieu. Un corps, un esprit quelconque ne sont donc qu’une portion, un moment déterminé de ce double développement de Dieu comme être intelUgent et comme être étendu ; tout corps, en d’autres termes, est une portion de l’étendue divine ou de la série infinie de mouvements qui s’y succèdent ; tout esprit, une portion de la pensée divine ou de la série infinie d’idées qu’elle développe. L’étendue et la pensée sont comme deux fleuves parallèles dont chaque corps et chaque esprit sont quelques flots ; et comme dans un fleuve chaque flot est déterminé par celui qui le pousse, celui-ci par un autre, et ainsi de suite jusqu’à la source, de même la série de mouvements ou d’idées qui constitue chaque corps et chaque esprit est déterminée par des mouvements ou des idées antérieures qui le sont eux-mêmes pard’autres, etainside suite jusqu’à Dieu, qui est la seule cause de tout ce qui arrive, comme il est la seule substance de tout ce qui est. »

L’âme n’est donc, dans la théorie de Spinoza, qu’une succession de pensées, et, à un moment donné, elle se compose de la somme ries idées présentes à la conscience. De même le corps est une succession de modes de l’étendue. Mais le corps et l’âme ne t’ont qu’une seule chose, et le corps est l’objet de l’âme.

Qu’est-ce alors que l’homme ? « Un certain mode de la pensée divine correspondant à un certain mode de l’étendue divine, par lequel il est déterminé et qui est son objet propre. Le mode d’étendue est le corps, le mode, de pensée est l’âme ou l’esprit, eî ces deux modes qui so correspondent parfaitement ne sont qu’un seul et même phénomène qui est 1 homme, r,

La métaphysique de Spinoza est la conséquence logique de cette ontologie aux proportions colossales, que les contemporains du philosophe d’Amsterdam ont qualifiée de monstrueuse, n’ayant pas d’autre moyen de la trouver inexacte.

La morale de Spinoza n’est que de la métaphysique. Les idées constituent notre esprit ; pur suite, plus on a d’idées, plus on a de réalité et d’existence ; plus on a de réalité et d’existence, plus on est moral. On a. déjà vu que, suivant Spinoza, Dieu n’est ni libre, ni bon, ni mauvais. Il nie pour l’homme comme pour Dieu le libre arbitre et l’existence du bien et du mal, absolument parlant.

Conformément à sa manière de considérer les choses au point de vue de l’infini, il confond le bien et le mal avec les idées de perfection et d’imperfection. Dana l’origine, dit-il, on entendait par perfection l’accomplissement d’une chose conformément au but de l’auteur, et par imperfection le défaut de complément de cette chose ; ainsi, quand il était question d’un ouvrage dont le but était entièrement inconnu, on ne pouvait en déterminer ni la perfection ni l’imperfection. Miiis le sens des mots changea par la suite. Chacun nommait parfait ce qui paraissait Correspondre à une idée générale qu’il s’était faite d’un certain objet ; il appelait le contraire imparfait lors même que la chose aurait été parfaitement en rapport avec 1 idée de l’auteur. C’est ainsi, par exemple, que les produits naturels auxquels l’art humain ne prend pas la moindre part sont appelés parfaits ou imparfaits, quoiqu’on ne puisse pas reconnaître le but de leur auteur. En effet, les hommes se forment, des produits de la nature aussi bien que de ceux de l’art, des idées générales qui servent ensuite de bases à leurs jugements.

En somme, la cause en vertu de laquelle Dieu agit est la même que la cause en vertu de laquelle il existe. L’homme est dans le même cas que Dieu. Il n’y a donc ni bien ni mal, pas plus au physique qu’au moral ; il n’y a ni perfection ni imperfection ; il y a de l’être et du mouvement. Perfection et imperfection sont des idées qui naissent en nous de la comparaison des individus ou des espèces. Au fond, la réalité et la perfection sont des choses identiques. Plus de réalité équivaut à plus de perfection, et réciproquement ; il s’agit de savoir analyser nos idées à cet égard.

En ce qui touche le bien et le mal proprement dits, nos idées n’indiquent rien de positif dans les choses. Nous les formons aussi par voie de comparaison. La même chose peut être en même temps bonne, indifférente et mauvaise. Il faut cependant conserver la notion du bien et du mal ; elle sert à former


des idées sur les qualités, les appétits et les répugnances de l’homme en général, idées qui servent à juger des individus afin de les forcer à se conformer aux tendances communes de l’espèce, les seules à consulter. Ainsi, Spinoza appelle bien ce qui nous rapproche de la fin du genre humain, dont nous nous sommes créé une image idéale ; le mal est ce qui met obstacle à cette tin. En dehors de l’humanité, le bien et le mal n’ont donc pas de sens, c’est-à-dire n’existent point.

Jouffroy résume ainsi la théorie morale de Spinoza : « Comme émanation de Dieu, l’âme humaine participe au désir fondamental et unique qui est en Dieu, et elle aspire aussi à persévérer dans ce qui la constitue ou la fait être. Or, ce qui constitue l’âme étant la connaissance et cette connaissance étant bornée, il s’ensuit que le désir fondamental propre à tout être qui désire persévérer dans ce qui le constitue ne peut avoir d’autre objet dans l’âme que la persévérance dans la connaissance ; et puisque la connaissance humaino est bornée, l’extension de la connaissance, telle est ou telle doit être nécessairement la tendance unique de l’âme humaine, tendance que Spinoza appelle désir.

Mais les idées qui constituent l’âme humaine sont bornées, et elles le sont par les causes extérieures qui tendent à en restreindre le nombre et à les rendre inadéquates et confuses ; en d’autres termes, le désir fondamental de notre nature rencontre au dehors des causes favorables ou contraires, mais dont l’action totale et définitive aboutit à déterminer et à limiter notre connaissance. Ces actions, rencontrant en nous le désir fondamental qui s’y trouve, nous réjouissent ou nous attristent, et excitent en nous des amours et des espérances, des aversions et des craintes. De là des mouvements secondaires que Spinoza distingue par le nom da passions du désir primitif et fondamental qui existait antérieurement en nous. Cette diflérence de dénomination est fondée sur cette observation profonde, que les mouvements secondaires proviennent de l’action des causes extérieures sur nous, et que par conséquent nous sommes passifs dans ces mouvements, tandis que la tendance à persévérer dans ce qui nous constitue sort du fond même de notre nature et s’y développerait encore quand bien même aucune cause extérieure ne nous affecterait ; et c’est là une différence qu’expriment bien les termes de désir et de passion appliqués par Spinoza à ces deux espèces de mouvements. »

Les passions sont hostiles à notre connaissance. Or, la connaissance étant le désir de persévérer dans ce qui nous constitue, désirer accroître notre connaissance, c’est désirer nous perfectionner, c’est-à-dire faire lo bien. Il s’agit d’obtenir plus de réalité ou si l’on veut d’existence. Par contre, le mal consiste à se laisser aller à l’influence des causes extérieures qui engendrent et fortifient les passions, passions qui détournent l’homme de sa fin naturelle.

Il nous reste à exposer ici la fameuse théorie des idées inadéquates de Spinoza, la partie la plus obscure de XEthique.

D’après Spinoza, nous avons une idée adéquate lorsque cette idée est en Dieu, en tant qu’il constitue l’essence de l’âme humaine, et non pas en tant qu’il a l’idée d’autre chose. Une idée est, au contraire, inadéquate ou partielle lorsque cette idée est en Dieu, non plus seulement en tant qu’il constitue l’âme humaine, mais en tant qu’il a aussi l’idée d’autre chose. Avant d’aller plus loin, tâchons d’éclaircir et d’expliquer ces définitions.

Toutes les idées sont adéquates en Dieu, puisque sa puissance de penser est égale à sa puissance d’agir. Mais l’âme humaine n’est qu’une partie de l’entendement infini de Dieu. D’où il suit tout d’abord qu’une inimité de choses sont entièrement hors de la portée do notre esprit ; autrement dit que sur une infinité de points nous sommes condamnés à une ignorance totale, absolue. Mais il est d’autres choses que l’âme peut connaître, soit complètement, soit en partie, c’est-à-dire dont elle peut avoir des idées soit adéquates, soit inadéquates. Dans quel cas l’idée u’une certaine chose sera-t-elle adéquate en nous ? Quand elle égalera l’idée que Dieu a de cette même chose. Dans quel cas serat-elle au contraire inadéquate ? Quand elle ne sera qu’une partie, qu’un fragment de la connaissance divine.

Mais quand est-ce qu’une idée de notre esprit peut égaler une idée de la pensée divine ? N’est-ce pas quand Dieu a cette idée précisément et seulement en tant qu’il constitue la nature de notre esprit ? Alors, en effet, l’idée divine est le produit de cette partie de l’entendement divin qui est nôtre, qui constitue notre esprit. Elle ne dépasse donc point les limites de notre esprit ; l’idée de Dieu alors, c’est notre idée, et rien de plus que notre idée. Au contraire, quand Dieu a une idée à la fois en tant qu’il constitue notre àmo à nous et en tant qu’il constitue d’autres êtres, c’est-k-dire quand une idée de Dieu n’est plus le produit de cette partie seulement de l’entendement infini qui est la nôtre, mais aussi d’autres parties de cet entendement infini, comment pourrions-nous alors embrasser dans sa totalité une idée qui nous dépasse ? Une portion seulement de cette idée est en nous, et notre connaissance est inadéquate.