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SPIR

— Encycl. Parmi toutes les solutions que l’esprit humain a proposées pour résoudre le problème éternel de l’origine et de l’essence des choses, la solution spiritualiste est, k coup sûr, une des pins anciennes et des plus remarquables. Mais, d’abord, que fnut-il entendre par ce mot spiritualisme ? On peut donner au problème métaphysique deux solutions opposées, fausses toutes deux parce qu’elles sont exclusives, mais réellement philosophiques, parce que chacune admet l’unité

du principe des choses : la première est la solution matérialiste, qui nie l’esprit comme distinct de la matière et affirme celle-ci seule ; la seconde, la solution idéaliste, qui nie la matière et affirme la pensée. Pour la première, il n’y a qu’un principe, et la pensée n’est en quelque sorte qu’un produit, qu’une sécrétion de la matière ; pour la seconde, il n’y a aussi qu’un seul principe, et la matière est, pour ainsi dire, l’extériorisation de !a pensée, la pensée rendue sensible. Ces deux solutions, je le répète, sont éminemment philosophiques, parce que chacune d’elles peut

donner et a donné naissance à. un système organisé dont toutes les parties gravitent régulièrement autour d’un centre commun. Le

spiritualisme proprement dit est une tentative de conciliation entre ces deux doctrines opposées. Comme le matérialisme, il admet l’existence substantielle de la matière ; comme l’idéalisme, il reconnaît l’existence substantielle de l’esprit ; pour lui, l’univers existe substantiellement dans une individualité propre ; mais au-dessus de cet univers plane le Dieu esprit qui l’a créé. I.e type du système spiritualiste est le système péripatétïcien, qui admet d’une part le inonde et, d’autre part, un Dieu distinct du inonde et le dirigeant par l’attraction irrésistible de la finalité. Ainsi, spiritualisme veut dire dualisme, si l’on va au fond des choses ; le titre dont il se pare est un titre usurpé ; il n’est pas la doctrine de l’esprit, il est à la fois la doctrine de la matière et de l’esprit.

Socrate commence la liste des philosophes spiritualistes. Il ramena la philosophie à l’étude de l’homme ; sa maxime favorite fut cette célèbre devise : o Connais-toi toi-même. » Le résultat de cette étude même de l’homme fut chez lui le spiritualisme. La psychologie en effet, à moins qu’elle ne soit la psychologie métaphysique de Fichte et de Maine de Biran, aboutit aisément au dualisme de la matière et de l’esprit. Que trouve-t-elle dans l’homme ? Deux sortes de phénomènes : les uns accomcompagnés de conscience, les autres inconscients. Elle attribue les premiers k une force qu’elle appelle lame, et les seconds au corps. "Voilà donc la matière distinguée, séparée de l’esprit, et c’est là le propre de la doctrine spiritualiste.

La théorie platonicienne est généralement connue sous le nom de théorie des idées. Il semble, au premier abord, que ce soit là une théorie essentiellement idéaliste plutôt que spiritualiste. Le doute est permis, et Platon donne lieu k deux interprétations différentes. Après la lecture du Parménide, on conclut à bon droit que Platon est idéaliste ; après avoir lu le Timée, on conclut, non sans raison, qu’il est spiritualiste.

Pour Aristote, le doute n’est pas permis ; c’est le spiritualisme le plus franc qui ait jamais existé ; il affirme nettement !»distinction substantielle, la dualité du monde et de Dieu, de la matière et de l’esprit. La métaphysique d’Aristote peut se résumer en quelques mots : d’une part, le monde existe ; d’autre part, Dieu est ; chacun d’eux a sa substance, sa personnalité distincte ; chacun d’eux peut exister séparément de l’autre ; pourtant, le monde est suspendu a. Dieu ; mais ce n’est pus là le rapport de la créature au créateur ; Dieu est le bien par excellence, la finalité sopréme ; il imprime le mouvement au monde, non par impulsion, mais par attraction ; il le dirige et l’anime par l’invincible attrait de la finalité ; il est cause motrice, parce qu’il est cause finale.

Dans la philosophie moderne, le premier philosophe que nous rencontrons, Descartes, se présente d’abord comme un spiritualiste. Pour Descartes, il existe deux substances essentiellement distinctes : la matière et l’esprit. L’essence de ta matière est l’étendue, l’essence de l’esprit est la pensée. Or, comme jamais, dans l’hypothèse cartésienne, l’esprit ne peut devenir étendu, et que jamais toutes les combinaisons imaginables de l’étendue ne réussiront à produire une pensée, il suit que jamais l’esprit ne se confondra avec la matière et que tous deux resteront k jamais substantiellement distincts et séparés. Toutefois, n’exagérons rien ; il y a deux hommes, deux philosophes dans Descartes, le philosophe du Discours sur la méthode et le philosophe des Méditations. Le Discours sur la méthode affirme nettement la distinction substantielle de l’esprit et de la matière ; les Méditations aussi. Pourtant, dans les Méditations, qui sont l’Évangile du cartésianisme, Descartes fait un pas vers l’idéalisme, pas dont il n’a peut-être pas conscience, mais qui conduira Malebranche, son disciple, à l’idéalisme absolu. Dana les Méditations, eu elîet, « il ne reconnaît d’autre évidence immédiate que celle du sens intime et révoque en doute autorité des sens extérieurs. Cette opinion conduit directement au teeptiebruc sur la réalité du monda extérieur. Descartes en demeure d’accord et convient que, si nous n’a SPIR

vions d’autre preuve de la réalité de ce que nous voyons et touchons que le témoignage des sens, nous n’aurions pas pour y croire des raisons suffisantes. Mais quelle autre preuve trouver de la réalité du monde extérieur, quand on a supprimé la preuve naturelle ? Il est évident que cet aveu équivaut au scepticisme même. Aussi, vainement Descartes trouve-t-il dans les données de la conscience des preuves de l’existence de Dieu, et, dans la véracité de Dieu, des raisons de croire que les sens qu’il nous a donnés ne nous trompent pas ; ce mauvais raisonnement que personne ne fait ne saurait remplacer 1 autorité détruite du témoignage des sens ; c’est un sophisme péniblement inventé pour échapper aux conséquences inévitables du principe. Malebranche le sentit et, plus hardi que son maître, fit porter au cartésianisme ses fruits véritables. D’après ce philosophe, les arbres, les maisons, les montagnes sont des phénomènes que nous voyons en Dieu, ce qui revient à dire que le monde extérieur est une cause qui produit en nous des images que nous prenons pour des réalités ; conséquence à laquelle, sous une forme ou sous une autre, arrivent toutes les écoles idéalistes. » (Jouffroy, Mélanges philosophiques.)

Leibniz est, comme Descartss, idéaliste par un certain côté et spiritualiste par un autre ; il est idéaliste dans sa Métaphysique, dans sa Monad’ologie, et spiritualiste dans sa ;2’/teodicée.

Le spiritualisme compte peu d’adeptes parmi les philosophes du xvme siècle. L’école qui domine à cette époque est l’école improprement appelée école sensualiste. Toutefois, il semble qu’on peut rattacher au spiritualisme, tel que nous l’entendons, Locke, le père de cette philosophie dont Condillac est en France le plus illustre représentant. Que fautil, en effet, pour être spiritualiste ? Admettre à la fois, en métaphysique, la matière et l’esprit ; en logique, la certitude du sens intime et celle des sens extérieurs. Or, Locke semble précisément tenir la babines égale entre les sens et la conscience. « Il accorde deux sources à la connaissance humaine : le sentiment de ce qui se passe en nous, qu’il appelle réflexion, et la perception de ce qui existe au dehors, qu’il nomme sensation. Il accepte avec la même confiance les idées qui nous arrivent par ces deux voies. » (JoufFroy, Mélanges philosophiques.)

Mais, nous dira-t-on, si vous faites de Locke un spiritualiste, vous devez donner le même nom à tous ses disciples, à Condillac en particulier. Non, assurément, car Condillac n’est pas un véritable disciple de Locke ; Locke admettait deux sources de nos idées : les sens extérieurs et la réflexion, que nous appelons aujourd’hui la conscience. Condillac supprime cette, conscience et prétend démontrer, en ’ imaginant une statue à laquelle i) ouvre successivement tous les sens extérieurs, que.

non-seulement toutes nos idées, mais encore toutes nos facultés intellectuelles et affectives viennent de la sensation, qu’elles ne sont que des sensations transformées. C’est donner k l’âme une origine purement matérielle. L’abbé Condillac a. beau, par un scrupule de conscience, par une pudeur de chrétien, protester de sa croyance à l’existence spirituelle, k l’immortalité de l’âme et k l’existence de Dieu, malgré lui sa philosophie est matérialiste, ou sensualiste, comme l’on dit le plus souvent ; toutes ces protestations sont autant d’inconséquences. Les vrais spirituaiistes français du xvme siècle sont tous ceux qui, avec Voltaire, ne comprenaient pas de montre sans horloger ; ce sont les déistes qui, comme le vicaire savoyard, croyaient à l’existence d’un Dieu organisateur du monde.

Il ne faut pas chercher de spiritualistes parmi la brillante pléiade de philosophes allemands qui apparut a la fin du xvme siècle tt au commencement du siècle suivant. Kant n’a pas, à proprement parler, un corps de doctrine. Son œuvre est une œuvre de critique ; il a recherché quel était le mécanisme de l’esprit dans l’acquisition de la vérité et jusqu’où pouvait aller la certitude hu. maine. On peut cependant le considérer k bon droit comme un idéaliste, puisque ses théories aboutissent à l’identification du sujet et "le l’objet de la connaissance. Mais il est si loin d’être spiritualiste, que, dans sa Critique de la raison pure, il a miné k tout jamais les preuves dont se servent d’ordinaire les spiritualistes pour établir l’existence et les attributs de Dieu. Son disciple, Fichte, poussant jusqu’aux dernières conséquences les principes renfermés dans les trois Critiques de liant, identifia le moi absolu et le mai relatif, cherchant à prouver que Je moi se pose lui-même. Sehelling et Hegel, d’abord ses disciples et ses amis, plus tard ses adversaires, ne se rapprochèrent pas davantage du spiritualisme, tout en combattant l’idéalisme subjectif de Fichte. Aux doctrines de leur maître ils substituèrent chacun un idéalisme aussi transcemluntal. Sobelling dit eu propres termes que la matière est de l’esprit éteint, et pour Hegel l’être absolu et la pensée absolue ne font qu’un, l’être marchant, dans un process continu, de l’inconscience matérielle à la conscience de la pensée. IL nous fuut donc, pour retrouver le spiritualisme, rentrer en France et chercher parmi nos contemporains. Nous ferons cette recherche avec la plus grande réserve, la plus grande discrétion. Nous exposerons d’abord, sous forme hisio SPIR

rique, les théories particulières à chaque spiritualiste contemporain, puis nous tracerons h grands traits un tableau général de la doctrine.

« Un matin, en 1811, M. Royer-Collard, qu’on venait de nommer professeur de philosophie à la Sorbonne, se promenait sur les quais fort embarrassé. Il avait relu la veille la Bible du temps, Condillac. Quoil enseigner que nos facultés sont des sensations transformées, que l’étendue est peut-être une illusion, que nos idées générales sont de simples signes, qu’une science achevée n’est qu’une langue bien faite ? De toutes ces phrases s’exhalait une odeur de scepticisme qui répugnait au chrétien, au moraliste austère, à l’homme d’ordre et d’autorité. Pourtant, que faire ? Nouveau en philosophie, il n’avait pas de doctrine à lui, et, bon gré, mal gré, il devait en professer une. Tout k coup, il aperçut à l’étalage d’un bouquiniste, entre un Cuvier dépareillé et VAtmanach des cuisinières, un pauvre livre honteux, ignoré, antique habitant des quais, dont personne, sauf le vent, n’avait encore tourné les-feuilles : Recherches sur l’entendement humain, d’après les principes du sens commun, par le docteur Thomas Uerd. Il l’ouvre et voit une réfutation des condillaciens anglais : « Coitibien ce livre ? — Trente sous. » 11 venait d’acheter et il allait fonder la nouvelle philosophie française. • (H. Taine, les Philosophes français du xrx.e siècle.)

Pendant que Royer - Collard réfutait k la Sorbonne les théories sensualistes du xvme siècle et exposait avec éloquence les doctrines écossaises, un penseur solitaire, Maine de Biran, s’enfonçait dans les galeries souterraines de la pensée, et, faisant de l’homme moral le sujet et l’objet de ses méditations, il se regardait, en quelque sorte, passer lui-même. De cette féconde solitude il sortit une théorie neuve, profonde, que n’adopta pas tout d’abord le spiritualisme français, mais qui k cette heure, par un retour de fortune, a saisi et maîtrisé les esprits de presque tous nos philosophes officiels. Les œuvres de Maine de Biran furent peu lues, tant elles sont hérissées d’abstractions. Victor Cousin en publia plus tard quatre volumes, mais il dédaigna où il craignit peut-être de traduire dans son riche et clair langage cette pensée embrouillée, ce langage épineux de Maine de Biran ; il lui eût fallu, pour cela, abandonner les convictions de sa jeunesse, renoncer aux philosophes écossais, k l’éclectisme et tomber peut-être dans un panthéisme voisin de celui de Fichte.

Le plus brillant ses élèves de Victor Cousin, Théodore Jouffroy, finit par adopter entièrement la théorie de Maine de. Biran, d’après laquelle l’œil de la conscience peut saisir l’âme dans son ensemble et dans sa substance. Adolphe Garnier, versé, lui aussi, dans l’étude des philosophes écossais, et qui consacra son principal ouvrage aux Facultés de l’âme, adhéra à cette proposition que i’âme humaine a une connaissance immédiate d’ellemême. Emile Saisset, Adolphe Franck, Pau ! Janet, Caro et presque tous les spiritualistes qui occupent les chaires officielles de philosophie, ont adopté, dans ce qu’elle a d’essentiel, la doctrine proclamée par Maine de Biran. Telle est, en résumé, l’histoire du spiritualisme contemporain. Il nous reste maintenant, et c’est la la partie la plus délicate de notre tache, k exposer cette doctrine dans son ensemble.

La question la plus importante aux yeux de nos modernes spiritualistes est la question de l’origine des idées. Victor Cousin a consacré plusieurs volumes à l’examen et k la réfutation du système de Locke et de Condillac, et l’on peut dire que le spiritualisme contemporain est né d’une réaction contre la philosophie condillacienne, que professait encore en Sorbonne Laromiguière en 1812. Nous n’avons pas ici k raconter ni k juger cette polémique. Il nous suffit de savoir que Victor Cousin reconnaissait, dans certaines idées, dans certaines notions de l’esprit, des caractères que la sensation ne pouvait expliquer k elle seule. Toutefois, l’esprit de réaction et l’ardeur de la lutte ne précipitèrent pas l’adversaire de Condillac dans l’idéalisme absolu. Si la sensation ne peut rendre compte de certaines notions, de certains jugements, ce n’est pas à dire pour cela qu’elle ne soit la source d’aucune idée et qu’il faille révoquer le témoignage des sens extérieurs. Loin de 1k ; toutes les idées que nous avons des chosesparticulières et contingentes nous viennent

de la sensation, par l’intermédiaire des sens extérieurs. Le spiritualisme admet donc une origine empirique pour un certwin nombre de nos connaissances ; par là, il reconnaît l’existence substantielle de la matière, qui, si elle n’était qu’une manifestation, qu’une extériorisation de la pensée, ne pourrait nous fournir aucune connaissance. À côté de cette première source expérimentale, il faut en placer une seconde : la conscience ou le sens intime, qui nous révèle tous les phénomènes dont l’âme est le sujet. Mais, au-dessus de ces deux sources, et c’est là surtout que la philosophie spiritualiste se sépare de la philosophie sensualiste, il faut en placer une autre purement rationnelle, qui nous donne tout ce qui ne saurait venir ni de la sensation ni du sens intime, c’est la raison, « V. Cousin appelle raison la faculté ou pouvoir qu’a l’esprit de produire l : s aujincs ■ :. les iuirc^ dus uliijîs infi SPIR

nis. Les axiomes sont des propositions nécessaires, pur exemple : toute qualité suppose une substance, tout corps est situé dans J’espace, tout changement arrive dans le temps, etc. Les objets infinis sont, par exemple, l’espace, le temps, Dieu, etc. Ces axiomes sont bien réellement nécessaires ; non-seulement nous n’apercevons pas de cas ou ils soient faux, mais nous apercevons très-nettement qu’en aucun cas ils ne peu vent être faux. Ces objets sont bien réellement infinis ; non-seulement nous ne leur découvrons pas de limite, mais nous savons très-évidemment qu’ils ne peuvent pas en avoir. La théorie consiste k dire que ces axiomes et ces idées ne peuvent se tirer par aucune voie, addition, abstraction, combinaison, transformation, etc., des jugements et des idées que fournissent les sens et la conscience. Ainsi, mes sens me donnent l’idée d’un corps étendu ; la théorie prétend que par aucun moyen je ne pourrai tirer de cette idée la notion de l’étendue infinie qu’on appelle l’espace. Je me connais moi-même par la conscience, et je juge qu’entre autres qualités la faculté de sentir appartient à mon être et k ma substance ; la théorie prétond que de ce jugement particulier je ne pourrai jamais tirer le jugement universel ou axiome : « Toute qualité suppose une substance. ■ (H. Taine, les Philosophes français du xix.« siècle, p. 148.)

Les preuves sur lesquelles on établit cette théorie sont exposées et disséminées dans différents ouvrages de V. Cousin ; nous allons les réunir en un tout systématique. C’est une vérité absolue qu’on ne peut tirer d’une chose que ce qu’elle contient. Par conséquent, les jugements portés par les sens et par la conscience ne pourront jamais nous donner que ce qu’ils renferment. Or, ils ne renferment qu’un simple rapport de contingence, et non pus de nécessité. « Additionnez tous les cas où par les sens et la conscience vous avez remarqué que le tout est plus grand que la partie, qu’une qualité suppose une substance, et autres vérités semblables : votre vie a commencé ; donc vous n’avez remarqué qu’un nombre limité de cas ; donc le total de votre addition ne comprendra qu’un nombre limité de cas. Mais l’axiome : oToute qualité suppose « une substance », s’upplique k la totalité des cas, non-seulement k tous ceux que vous avez remarqués, mais à tous ceux qui vous ont précédé, k tous ceux qui paraîtront aprè3 vous, à tous ceux que vous ne connaissez pas. Donc vous ne l’avez pas formé en additionnant vos expériences, c’est-à-dire les jugements portés par votre conscience et par vos sens. Donc vous ne l’avez pas tiré de ces jugements. De même, additionnez toutes les

étendues finies que vous avez observées : votre vie a commencé ; donc vous n’avez pu en observer qu’un nombre fini ; donc, en les joignant bout k bout, vous n’avez encore qu’une quantité finie. Mais l’espace est une quantité infinie. Vous n’avez donc pas formé son idée en additionnant toutes les étendues que vos sens ont observées. Donc vous n’avez pas- tiré sa notion des notions que vous acquérez par les sens. En résumé, on ne tire pas l’universel du particulier, l’infini du fini, le nécessaire du contingent, par cette raison très-simple qu’on ne tire pas d’une chose ce qu’elle ne contient pas, • (11. Taine, les Philosophes français du xix» siècle.)

On le voit par ce rapide mats fidèle exposé, le spiritualisme admet une double origine k nos connaissances, l’une expérimentale et l’autre rationnelle, tandis que le matérialisme ne reconnaît que la première, et l’idéalisme la seconde. En psychologie, le spiritualisme tient donc le milieu entre le matérialisme et l’idéalisme, puisqu’il admet simultanément ce qui est le propre de chacun de ces deux systèmes. Nous avions donc raison de dire, en commençant, que le spiritualisme est, à proprement parler, la doctrine de la matière et de l’esprit. Une telle doctrine est-elle philosophique ? est-elle vraie ? D’abord, elle nous semble peu philosophique. Un système de philosophie doit être comme un tout organisé, comme un être vivant, dont toutes les parties reçoivent le mouvement et la vie d’un centre commun. Supposez un corps humain ayant deux cœurs, l’un a droite et l’autre à gauche ; un tel corps, s’il peut vivre et fond tonner, ne pourra du moins vivre ni fonctionner dans les conditions normales de l’existence. Ce sorti une monstruosité. Le spiritualisme nous senib.ô ce corps. Quand on cherche son principe, on en trouve deux, et l’on ne sait lequel prendre pour le principe véritable.

Mais qu’est-ce que l’esprit dans lu doctrine spiritualiste ? C’est une substance iminulé» rtelle, simple, sans étendue, sans lieu ; car, si elle avait un lieu, si un être plus clairvoyant que nous pouvait dire : « L’âme est ici, je la. vois, elle nJest pas ik, » dès lors cette âms aurait une étendue, aussi petite qu’on voudra la supposer, elle ne serait plus immatérielle. Maintenant, est-il possible d’admettre la réalité d’un être qui n a pas de lieu, qui n’existe nulle part ? Être quelque part, occuper un lieu, si petit que ce soit, dans l’espace, n’est-ce pas là ce qu’il y a de plus essentiel dans l’idée même de l’existence ? Au fond, c’est 1k le point important, le seul sur lequel les spiritualistes et les matérialistes n’ont jamais pu s’entendre. Qu’il y ait dans l’homme un esprit, une â.me, quelque chose qui produit la pensée, les matérialistes sont tout prêts à lq rci-onimltre, et même ils admettront volon-,