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charge, répétait souvent le maréchal Bugeaud, et à la baïonnette I »

Pour acquérir <>t pour développer s1s propriétés tactiques, l’infanterie reçoit une instruction spéciale, progressive. Le recrutement fournit des hommes légers, adroits, robustes. Les jeunes soldats, a leur arrivée au régiment, sont, mis à l’école du soldat ; ils apprennent à marcher au pas militaire, en cadence, à manier leurs armes, à s’escrimer à la baïonnette, a tirer a la cible, etc. Puis l’on passe à l’instruction des pelotons, au moyen de l’école de peloton ; ensuite à l’instruction des bataillons, au moyen de l’école de bataillon. On apprend à ces diverses unités k se mouvoir régulièrement, avec ensemble et rapidité ; on leur apprend en même temps à se servir de leurs armes. Enfin viennent les évolutions de ligne, c’est-à-dire les manœuvres de plusieurs bataillons réunis sous un même commandement et tonnant une brigade ou une division. À propos de l’ordonnance sur les évolutions de ligne, le général Renard voulait la remplacer par une école de brigade et une école de division. Suivant lui, l’ordonnance de 1831 était trop ancienne, et les principes qui lui servaient de base étaient plus en rapport avec la tactique de Frédéric qu’avec la tactique moderne. L’ordonnance du 17 avril 1862 y a apporté des modifications importantes, dans le but de mettre les manœuvres en rapport avec la nature des armes, la formation sur deux rangs et la rapidité d’exécution devenue nécessaire aujourd’hui. (Vial, Cours d’art et d’histoire militaires.)

Une question longtemps agitée est celle de la profondeur a donner à l’infanterie. Fautil la mettre sur 16, 12, fi rangs, ou sur moins de 6 rangs, 3 ou 2 ? Adoptera-t-on l’ordre mince ou l’ordre profond, comme on l’a tant discuté ? La formation des troupes dépend et de la nature des armes, et de la manière de combattre : les Grecs n’avaient et ne pouvaient avoir la même formation que les Romains. L’arme des Grecs étant la sarisse, et leur combat consistant dans le choc, ils ont adopté nécessairement l’ordre profond. Les armes offensives des Romains étaient le pilum, qu’ils lançaient au début du combat, et l’épée dont ils se servaient au milieu de la mêlée ; l’ordonnance de ce peuple devait donc être et était a files et à rangs ouverts ; comme les batailles qu’ils livraient n’étaient pas des batailles de choc, ils n’avaient pas besoin d’une profondeur égale à celle de la phalange grecque.

Lorsque les armes à feu e-irent remplacé les armes de jet, les ailes des armées furent formées d’abord par les arquebusiers, et ensuite par les mousquetaires ; le corps de bataille comprenait les piquiers, soldats agissant par le choc et ayant par conséquent une profondeur presque égale à celle de la phalange grecque. Plus tard, le fusil à baïonnette, tenant lieu et d’arme de jet et d’arme d’hast, on se demanda quel devait être l’ordre de bataille des troupes.

Les différents ordres profonds proposés par les partisans de ce genre d’ordres sont : la colonne de Polurd (30 iîleà sur 45 à 50 rangs) ; la plésion de Ménil-Durand (24 liles sur 32 rangs) ; la cohorte de Muizeroy (40 tilea sur 16 rangs). Sans examiner à fond ces diverses combinaisons, nous nous contenterons d’exposer et les avantages et les inconvénients de l’ordre profond et de l’ordre mince.

L’ordre mince, sur 3 ou sur i> rangs (ce dernier est l’ordre adopté en France), est le plus convenable pour avoir un grand développement de feux ; d’autre part, il donne le moins de prise possible au feu de l’ennemi ; il est impropre aux. combats de choc à cause de son peu de solidité, impropre k la marche à cause de sa grande étendue. L’ordre profond est le plus convenable h la marche et à toute espèce de mouvement ; il est le seul Qui puisse être employé dans 3e choc, mais il ne convient pas aux feux, et offre trop de prise aux projectiles de l’ennemi. Des deux ordres ont eu chacun leurs partisans, mais ni l’un ni l’autre ne peut ni ne doit être employé exclusivement. Une armée doit pouvoir passer facilement d’un ordre k l’autre, suivant les besoins et suivant les cas. Nous devons dire néanmoins que, dans presque toutes les puissances de l’Europe, l’infanterie se forme maintenant sur 2 rangs après s’être d’abord formée sur 3.

« Rien ne justifie le troisième rang, dit le maréchal Marmont. Le feu de trois rangs est praticable à l’exercice, mais non pas à la guerre. » Voici l’avis de Napoléon : « Le feu du troisième rang est reconnu très-imparfait et même nuisible a celui des deux premiers. L’infanterie ne doit se ranger que sur deux rangs, parce que le fusil ne peut tirer que sur Cet ordre. »

La formation sur deux rangs est aujourd’hui la formation normale et réglementaire de l’armée française. Quand on a besoin d’une grande profondeur, soit pour donner de la confiance aux troupes, sott pour porter rapidement une grande masse sur un point, on a recours à l’ordre en colonne, comme nous Vallons voir. L’infanterie, mise sur deux rang- :, peut adopter quatre formations régulières : îo la formation déployée ; 2° la formation en colonne ; 3» la formation mixte ; 40 la formation en carrés.

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Formation iéployée. Une troupe a une formation déployée lorsque ses divers éléments sont placés les uns k côté des autres, sur le même alignement. Le bataillon a ses huit pelotons les uns à côté des autres ; le régiment a ses trois bataillons sur la même ligne, mais séparés par un intervalle de 30 pas ; la brigade a ses deux régiments en bataille, distants l’un de l’autre de 45 pas, et la division ses deux brigades déployées k une distance de 60 pas.

Cette formation est la position primitive do l’infanterie ; elle sert de base à toutes les manœuvres ; elle favorise les feux, mais elle est contraire k la marche et facilement enfoncée par la cavalerie.

La formation déployée a été modifiée et a donné naissance à l’ordre en échelons et à l’ordre en échiquier. Si l’on suppose 1 division de 8 bataillons, ils seront disposés, dans l’ordre en échelons, comme l’indique la figure ci-dessous :

Chacun de ces bataillons est déployé k la place qu’il occupe.

La même division, adoptant l’ordre en échiquier, sera disposée comme il suit :

Formation en colonne. La formation en colonne est celle dans laquelle les subdivisions d’une même unité sont placées les unes derrière les autres.

Ou distingue, si l’on considère les colonnes suivant leur front, les colonnes par division, par peloton, par section ou par quatre, employées suivant la largeur dont on dispose. Ces expressions n’ont pas besoin d’explication. La colonne par division est ordinairement la colonne des manœuvres, et la colonne par peloton ou par section la colonne de route.

Si l’on tient compte de la profondeur des colonnes, on a : la colonne k distance entière (distance entre les subdivisions égale à la longueur des subdivisions), la colonne ii demi-distance, la colonne en masse. La première s’emploie en marche, ou quand on redoute les batteries de l’ennemi ; elle est longue à déployer ; la seconde est la colonne dont on se sert généralement dans les attaques ; on «e doit faire usage de la troisième que lorsqu’on est k l’abri des projectiles de l’ennemi, qui feraient bien vite d’énormes ravages dans des masses aussi serrées et aussi compactes.

Relativement k leur force, les colonnes sont : des colonnes de compagnie (Prusse, Autriche, Russie, Suède) ; des colonnes de bataillon, bonnes surtout sur le champ de bataille, parce qu’elles sont, très-mobiles comme les précédentes et qu’elles peuvent résister Seules ; des colonnes do régiment, de brigade et même de division, parfois employées, comme nous l’avons fait à Albufera et k Waterloo. Les colonnes de division ont été prescrites chez nous’par l’ordonnance du 17 avril 1862.

Dans les mouvements stratégiques, on se sert aussi de colonnes forméus de plusieurs divisions et même de plusieurs corps d’armée. Enfin, suivant leur but, les colonnes sont dites colonnes de route, colonnes de manœuvre ou colonnes d’attaque.

Formation mixte. Les formations mixtes sont celles dans lesquelles on emploie réunies la formation déployée et la formation en colonne.

Exemples de formations mixtes d’un régiment de trois bataillons

nt de trois Dataiilons :

Formation adoptée par les Français au

passage du Tagtiamento. i..- : ii~.. o" v.~... ; n«« ier bataillon

passage 3« bataillon. 2° bataillon

Formation adoptée par les Russes à la

bataille d’Eylau.

2° bataillon.

3< bataillon.

1er bataillon

On peut encore nommer formation mixte une ligne de bataillons en colonne, comme ci-dessous :

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tion en colonne et ceux de la formation déployée.

Formation en carrés. Cette formation est essentiellement défensive ; elle est bonne surtout lorsque l’inlanterie est enveloppée par la cavalerie. « Le 29 septembre 1793, un carré d’infanterie française, chargé par plusieurs escadrons autrichiens, les laissa approcher k bout portant et commença alors un feu de deux rangs qui mit hors de combat les deux tiers des assaillants et obligea le reste k se retirer. Rocquancourt cite un bataillon de jeunes soldats k peine instruits qui, en 1815, repoussa la cavalerie anglaise. Les Autrichiens k Essling, les Français k Iéna et aux Pyramides, les Anglais k Waterloo ont prouvé combien il est difficile d’enfoncer une bonne infanterie. > (Marquis del Duero, Progrès dans la tactique.)

Les carrés se divisent en carrés vides, formés sur 2, 3, 4 ou 6 rangs, et en carrés pleins, formés par des colonnes en masse et présentant une grande solidité. Nos carrés vides en Égypte étaient sur 6 rangs ; nos anciens carrés étaient sur 3 rangs ; maintenant, nos carrés ne sont plus que sur 2 rangs. Les carrés n’ont pas généralement la forme d’un carré géométrique, mais plutôt celle d’un rectangle. On forme des carrés de bataillon ou de régiment, et quelquefois, mais rarement, des carrés de division. Nous avons formé des carrés de division en Égypte,

On forme aussi des carrés avec deux lignes déployées et reliant les ailes formées de troupes en colonne.

L’instruction du 17 avril 1862 prescrit de garder une réserve pour li" carré de bataillon, qui, autrefois, n’en possédait pas ; cette réserve, placée k l’intérieur du carré, est composée par l’avant-dernière division du bataillon. La réserve d’un carré par régiment est formée de la deuxième division de tête et de l’avant-dernière division de queue.

■ Quant k la formation du carré de bataillon ou de régiment, on forme d’abord la colonne par division, k distance de peloton ; on passe ensuite à la formation du carré, en faisant serrer la dernière subdivision et en faisant converser k droite etk gauche les pelotons de la deuxième division ou des divisions intérieures, qui forment les faces latérales. • (Vial.) On préfère de beaucoup généralement les petits carrés aux grands : les petits carrés se flanquent l’un l’autre, sont plus mobiles que les grands, et le renversement d’un carré n’entraîne pas la perte de toute la ligne. Il faut éviter d’employer des carrés isolés : c’est une disposition médiocre à cause de leurs angles morts, quoique l’on puisse avoir des feux obliques au moyen de pans coupés k chaque sommet du carré, système qu’employa Dcsaix dans la haute Égypte.

3« bataillon.

2° bataillon.

!<"■ bataillon.

La formation mixte conserve, dans une certaine mesure, les avantages de la forma Lcs carrés peuvent être perpendiculaires ou obliques à la ligne de bataille ; ils peuvent eue formés en ochelons ou en éch.quior, suivant que l’infanterie est primitivement en échelons ou en échiquier.

Carrés perpendiculaires.

a""D"D""n""D""D""

Carrés obliques.

0—0—0—0-0—0 Carrés en échelons.

D D

Carré t en échiquier.

a a

D D

Ces deux dernières dispositions sont d’autant meilleures que l’on peut placer de l’artillerie sur les diagonales de manière à couvrir les secteurs privés de feu, ou encore faire déboucher à travers les intervalles des carrés, au moment propice, de la cavalerie que l’on a sous la main en seconde ligne.

Formation en tirailleurs. Cette formation est une formation irrégulièr-e ; les éléments sont à des distances variables les uns des autres et affectent sur le terrain un dessin irrégulier. Nous renvoyons au mot tirailt-kur tous les détails de» mouvements de ces

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soldats faisant le coup de feu, se réunissant pour résister k une attaque, etc.

Depuis que le fusil est devenu arme de jet et arme d’escrime, l’infanterie emploie trois méthodes pour aborder l’ennemi : la marche en bataille, celle en colonne et celle en tirailleurs. La marche en bataille sur deux ou trois rangs de profondeur présente aux troupes l’avantage de faire usage de leur feu si les circonstances l’exigent, d’aborder l’ennemi sur toute l’étendue de son front et d’avoir peu k souffrir des boulets de l’artillerie. On place des tirailleurs sur le front, la ligne marche l’arme au bras, et, quand elle est près d’aborder l’ennemi, les tirailleurs se retirent par les intervalles des bataillons ; on fait alors croiser !a baïonnette si l’ennemi ne fuit pas. Cette premièie méthode, on le voit, exige des troupes solides et bien exercées ; elle ne se prête pas k tous les terrains ; le feu cause dans une ligne des vides qui ne se réparent qu’aux dépens de !a rapidité ; les chefs, filacés derrière les troupes ou enchâssés dans es rangs, ont moins d’action morale sur le soldat. La seconde méthode d’aborder l’ennemi consiste k former des colonnes, soit serrées, soit avec distances entières ou demidistances, et composées d’un ou de plusieurs bataillons ; des tirailleurs couvrent aussi le front et les flancs de la colonne ; les plus braves étant en tête, l’impulsion est bien donnée, les soldats ont leurs officiers devant eux et suivent leur exemple ; on aborde ainsi l’ennemi et on enfonce la ligne s’il ose attendre. Cette méthode est celle qui fut adoptée en Italie (1859). L’ordre en colonne, en effet, est propre k tous les terrains ; la marche est rapide ; les divisions qui sont eu tète se sentent soutenues ; enfin, la défaite d’une colonne n’entraîne pas celle de ses voisines. La troisième méthode est mise en usage lorsque l’on doit attaquer des positions inabordables en bataille ou en colonne, mais qui peuvent être enlevées par des hommes isolés ; on y emploie alors des tirailleurs en grandes bandes, des bataillons et même des régiments entiers. Ce fut à l’époque des guerres de la République que l’infanterie surtout, s’écartant souvent aux armées de son règlement des mancauvres, trop fidèlement imité peut-être de celui des Prussiens, adopta cette manière de combattre, plus en harmonie avec le caractère national et dont les succès attestèrent l’excellence. (Combats à la baïonnette ; théorie adoptée en 1859 par Varmée d’Italie, chez Leneveu, rue des Grands-Augustins, 18.)

— IL Cavalerie. La cavalerie agit parla rapidité qu’elle emprunte au cheval et par sa force d’impulsion. Sa rapidité la fait choisir pour les avant-gardes, la défense des convois, la poursuite de l’ennemi, etc. Elle ne fait presque jamais usage des armes k feu ; elle agit surtout par des charges dans lesquelles elle utilise sa force d’impulsion et.son choc.

Les formations de la cavalerie peuvent être régulières ou irrégulières. Les formations régulières sont la formation eu bataille et la formation en colonne.

Les formations irrégulières sont les formations en éclaireurs, en tirailleurs et en fourrageurs.

Formation en bataille. Dans ecttu formation, comme pour l’infanterie, les divers éléments sont placés les uns a côté des autres sur le même alignement. On devra adopter cette formation, fc, oit quand on aura devant soi un as.^ez grand espace pour charger en ligne, soit lorsqu’on voudra être inoins expo :-e aux projectiles de l’ennemi, soit enfin lorsqu’on sera obligé de couvrir une grande étendue de terrain. Les escadrons d’une li. : ne de bataille tout h 12 pas les uns des autres. La marche est difficile dans lu formation en bataille ; les flancs sont faibles et expo.-és. Ou peut les soutenir avec des escadrons en colonne, et l’on a alors une formation mixte, analogue aux formations mixtes de l’infanterie. On connaît aussi pour la cavalerie la formation en échelons, modification du la formation déployée. Chacun des échelons peut se composer d’un escadron, de deux escadrons ou d’un régiment, La formation en échiquier est peu usitée ; elle a uté employée dans les guerres de l’Empire pour protéger les retraites.

Formation en colonne. Les divers éléments de la troupe sont placés les uns derrière les autres. On distingue la colonne par quatre, lu colonne par peloton et la colonne par escadron, la colonne à distance entière, la colonne k distance de masse (escadrons k distuneede 12inèues), lescolonnes décharge, dans lesquelles lessubdivisions sont éloignées les unes des autres d’une distance égale au double du front- les colonnes de route, les colonnes de manœuvre et les colonnes d’attaque. Nous n’expliquerons pas tous ces termes, dont nous avons, déjà parlé k propos de

j l’infanterie. Ajoutons cependant que la formation en colonne, très-favorable pour la marche, a l’inconvénient d’offrir trop de prise aux coups de l’artillerie.

— IIL ArTillkrib. L’artillerie n’agit que par ses feux. (Jette arme admet trois formalions : la formation en bataille, la formation en batterie et lu formation en colonne.

Formation en bataille. Dans cette formation, les chevaux ont la tète du côté du l’ennemi ; l’intervalle entre deux pièces est de 10 mètres pour l’artillerie montée et de 12 nié-