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eux qui pleurera sera déshérité, et au contraire celui qui y rira de meilleur cœur sera son principal héritier ou son légataire universel. Il défend de tendre en noir la maison où il mourra ainsi que l’église où il sera enterré, voulant, au contraire, qu’on les jonche de fleurs et de rameaux verts le jour de ses funérailles. Lorsqu’on portera son corps à l’église, il veut que la musique remplace le son des cloches. Tous les ménestriers de la ville seront invités à son enterrement ; cependant, il en fixe le nombre à cinquante, qui marcheront avec le clergé, les uns devant le corps, les autres derrière, et qui feront-retentir l’air du bruit des instruments, tels que luths, violes, flûtes, hautbois, trompettes, tambourins, etc., et ils chanteront Alléluia comme le jour de Pâques. Chacun d eux recevra pour salaire un petit écu. Son corps, enfermé dans une bière recouverte d’un drap de diverses couleurs joviales et éclatantes, sera porté par douze filles à marier vêtues de vert et qui chanteront des airs gais et récréatifs. Le testateur leur assigne une certaine somme d’argent pour dot. Les jeunes garçons et les jeunes filles qui accompagneront le convoi porteront, au lieu de flambeaux, des rameaux ou des palmes et auront des couronnes de fleurs sur la tête, faisant chorus avec les douze porteuses. Tout le clergé, accompagné de cent flambeaux, marchera devant le convoi, avec tous les religieux, excepté ceux dont le costume est en noir, la volonté expresse du testateur étant ou qu’ils ne paraissent point à l’enterrement, ou qu’ils changent de costume, pour ne point troubler la fête et la réjouissance publique par leur capuchon noir, dont la couleur est une marque de tristesse. L’exécuteur testamentaire sera chargé de faire exécuter toutes ces dispositions dans leur plus grand détail, sous peine de nullité, etc.

Les funérailles de Cortusio furent célébrées comme il l’avait prescrit, et il fut enterré à l’église de Sainte-Sophie, à Padoue, avec un appareil qui ressemblait à une noce beaucoup plus qu’à un convoi funèbre. Mais le testament ne tarda pas à être attaqué à raison de la bizarrerie de telles dispositions ; on voulait faire passer le testateur pour fou. La cour déclara cet acte valable. Les motifs de ce jugement sont eux-mêmes assez singuliers ; ils consistent dans le syllogisme que voici : « Ce testament est l’ouvrage d’un docteur très-célèbre ; or, un docteur très-célèbre ne saurait être en démence ni faire une action folle ; donc, le testament de L. Cortusio est valable. » Le Père Garasse, après avoir cité ce trait curieux et avoir accablé l’auteur des épithètes les plus injurieuses, ajoute : « Depuis ce maudit homme, il s’est vu en Italie des athéistes qui, par leur dernière volonté, mourant sans hoirs et estant chargés de richesses, ont légué : 1o 100 sols à l’hôpital, une fois payés ; 2o 1,000 francs à chaque prostituée de Rome qui se dirait telle ; 3o une rente annuelle aux basteleurs ; 4o une pension de 200 escus à deux ou trois chiens qui leur auraient donné du plaisir pendant leur vie, avec charge expresse à leurs exécuteurs testamentaires de garder ponctuellement toutes les conditions et circonstances de leur dernière volonté. »



Le peintre Bakhuysen, mort à Amsterdam en 1709, fit, dans ses derniers jours, acheter le meilleur vin qu’on put trouver, le fit mettre en bouteilles et le scella de son cachet. Ensuite, il mit dans une bourse autant de pièces d’or qu’il avait vécu d’années, c’est-à-dire soixante-dix-huit ; puis il fit son testament, par lequel il invita ses amis à son enterrement, et il les pria de dépenser avec joie l’argent qu’il leur laissait et de boire son vin d’aussi bon cœur qu’il le leur avait destiné.



Un autre peintre hollandais, Martin Heimskerk,laissa par testament une somme destinée à marier tous les ans une fille du village d’où il était, à condition que, le jour des noces, le marié et la mariée viendraient danser avec les conviés sur sa fosse. Cela s’est exécuté, dit-on, ponctuellement tant que la fondation a existé.



« Ce testament-ci, plein d’impiété, dit le Père Garasse, est d’un vieux athéiste assez connu sur les lieux pour les débordements de sa vie. Cet homme, qui n’avoit trop vescu que de soixante ans, mourut l’an 1601, en février, sur les confins du bas Poitou, dans un prieuré qui lui appartenoit, et fit un testament aussi méchant qu’on sauroit faire au milieu de la Turquie ; car il ordonna : 1o que son corps ne seroit point ensevely en terre sainte, mais au milieu du marché et dans un lieu profane, afin que ses os se ressentissent des danses villageoises qui se font en cette place toutes les après-soupées de l’été ; 2o qu’étant mort en février, il ne vouloit pas qu’on fît ses obsèques en ce mois, qui est un mois mélancolique, mais qu’on attendît au premier jour de mai, qui est le mois de réjouissance ; 3o que tous les ans, au premier jour de mai, on cherchât quatorze jeunes enfants vierges, de l’âge de dix ans, les plus beaux que l’on pourroit trouver deux lieues à la ronde, sept garçons et sept filles, lesquels on vêtiroit le plus pompeusement que faire se pourroit, les filles les cheveux épars et les garçons un chapeau de fleurs en tête ; 4o qu’en cet équipage ils s’en ioient danser autour de son sépulcre, chantant chansons joyeuses et libres, et puis, s’étant entrelacés en lacs d’amour, planteroient leurs branches de laurier dans les trous pratiqués expressément sur la pierre de sa tombe ; 5o qu’après ces entrelacs et accolades, les garçons d’un côté et les filles de l’autre dévoient entonner un branle du Poitou, le plus gai qui se fût composé en toute l’année ; 6o qu’après cela, la messe se devoit dire en plein marché sur une table ou sur un autel portatif qui seroit dressé à cet effet joignant sa tombe. Ce testament, ajoute Garasse, ayant été présenté en pleine cour du parlement, fut trouvé si profane et si plein d’impiété, que les exécuteurs testamentaires ont été relevés de ces charges par arrêt, avec défense expresse de continuer ces momeries, comme étant contraires aux sentiments du christianisme. » Les mots « continuer ces momeries » annonceraient qu’elles ont eu lieu pendant quelque temps.



Le 6 mai 1733 fut enterré à Wittesea M. Jean Unterwood de Necsington, grand admirateur d’Horace. Lorsque la fosse fut comblée et couverte de gazon, les six amis qui avaient conduit le défunt en terre chantèrent la dernière strophe de l’ode à Mécène :

Absinl inani funere nenuæ,
Luetusque turpes et querimoniæ ;
     Compæce clamorem, ac sepulcri
        Mille sxtpervacuos honores.

Telles avaient été les dernjères intentions du défunt ; toutes furent suivies. On ne fit point sonner les cloches ; il n’y eut d’invités que six amis, nul parent ne suivit le convoi. La bière était peinte en vert et on y plaça le corps tout habillé. On lui mit sous la tête l’Horace de Sanadon ; aux pieds, le Mitton de Richard Bentley ; à la main droite, une petite Bible grecque, avec une inscription en lettres d’or terminée par les initiales J. U. ; dans la main gauche, une petite édition d’Horace, avec cette inscription ; Musis amicus J. U. ; enfin, on lui mit l’Horacede Bentley sur le coccyx. La cérémonie finie, on s’en retourna à l’ancien logis du défunt, où sa sœur avait fait préparer un souper élégant, et, quand on eut desservi, ils chantèrent la xxxie ode du 1er livre d’Horace, puis ils burent une rasade et s’en furent dans la soirée. M. Unterwood avait laissé tout son bien à sa sœur, sous la condition qu’elle fît faire ses obsèques comme il le désirait : Après avoir donné les détails du convoi, le testament finissait ainsi : « Ceci fait, je désire que mes amis boivent gaiement une rasade et qu’ils ne pensent plus à J. Unterwood. »



Voici un extrait du testament d’un homme marié, mort à Londres au mois de juin 1791 : Vu que j’ai eu le malheur d’avoir pour femme Elisabeth M..., qui, depuis notre mariage, m’a tourmenté de toutes les manières ; que, non contente de se moquer de mes avis, elle a fait tout ce qu’il lui était possible de faire pour me rendre la vie à charge ; que le ciel ne semble l’avoir envoyée dans ce monde que pour m’en faire sortir plus tôt ; que la force de Samson, le génie d’Homère, la prudence d’Auguste, l’adresse de Pyrrhus, la patience de Job, la subtilité d’Annibal, la vigilance d’Hermogène ne suffiraient pas pour dompter la perversité de son caractère ; que rien dans le monde ne pourrait la faire changer, puisque nous avons vécu séparés pendant huit ans sans que j’y aie gagné autre chose que la perte de mon fils, qu’elle a corrompu et qui m’a totalement abandonné d’après ses conseils ; pesant mûrement et attentivement toutes ces considérations, j’ai légué et je lègue à ladite Elisabeth M..., ma femme, 1 shilling. »



Un autre mari anglais légua par testament à sa femme une somme de 500 guinées ; mais elle n’en jouira, ajoutait la clause, qu’après qu’elle sera morte, et cela, continuait le testateur, afin qu’elle ait de quoi se faire enterrer convenablement.



Le comte de La Mirandoie, mort à Lucques en 1625, donna toute sa fortune à une carpe qu’il nourrissait depuis vingt ans dans une piscine antique.



Une grande dame anglaise laissa le singulier testament que voici : « Convaincue que mon chien a été le plus fidèle de mes amis, je déclare le choisir pour seul exécuteur de mon testament et de mes dernières volonté, et lui laisser l’entière disposition de toute ma fortune. J’ai de grands sujets de plainte contre les hommes ; le physique ne vaut pas mieux chez eux que le moral. Mes amoureux sont volages et trompeurs ; mes prétendus amis faux et perfides. De toutes les créatures qui m’entourent, je n’en ai trouvé qu’une qui possède de bonnes qualités, c’est Fidèle. Je dispose de tous mes biens en sa faveur, et j’entends que des legs soient faits à tous ceux auxquels il lui plaira d’accorder ses caresses ou qu’il distinguera en remuant la queue. »



Sur la fin du dernier siècle, vers 1781, un paysan des environs de Toulouse laissa un testament ainsi conçu : « Je déclare que j’institue mon cheval à poil roux mon héritier, et je veux qu’il appartienne à N..., mon neveu. » Ce testament fut attaqué ; mais il fut confirmé. » Un très-grave jurisconsulte, Claude Serres, professeur de droit français à Montpellier, nous apprend le motif de cette décision : « Le testament fut déclaré valable et la succession du testateur adjugée au neveu qu’il avait désigné propriétaire du cheval, parce qu’on regarda que la simplicité du villageois devait assurer l’exécution de sa dernière volonté, et qu’ayant désigné son neveu celui-ci devait être son héritier. »



Le lieutenant général Fournier-Salovèse, mort en 1827, a laissé par testament une somme de 20,000 francs à la cavalerie française ; l’emploi de cette somme fut réglé par lui de la manière suivante : l’intérêt des 20,000 francs placés sur l’État serait réparti chaque année sur les trois plus anciens cavaliers présents sous les drapeaux. C’est donc 333 francs de rente pour chacun d’eux, tant qu’ils ne quitteront’pas l’armée.



Un avocat de Colmar, mort en 1826, légua 74,000 francs à l’hôpital des fous. « J’ai gagné, dit le testateur, cette somme avec ceux qui passent leur vie à plaider ; ce n’est donc qu’une restitution. »



Un riche Napolitain mourut en léguant toute sa fortune aux jésuites, qu’il laissa maîtres de donner à son fils unique la somme qu’ils voudraient. Comme ils ne voulaient presque rien accorder à l’héritier légitime, celui-ci les assigna devant le vice-roi, qui se fit lire d’abord le testament et demanda ensuite aux jésuites ce qu’ils voulaient donner au jeune homme. Ils finirent par promettre 10,000 livres, mais avec bien de la peine, demandant l’exécution rigoureuse du testament. « Cela est juste, mes Pères, répondit le vice-roi, mais vous l’entendez mal. Ne voyez-vous pas qu’il est dit que le fils aura ce que vous voudrez ? Or, la succession est de 300,000 livres ; vous en accordez 10,000 à l’héritier, c’est donc 290,000 livres que vous voulez pour vous. Eh bien, suivant la clause du testament, cette somme appartient au fils ; je vous ordonne de la lui rendre ; les 10,000 livres restantes seront pour vous. » Il fallut en passer par là.



Une femme, faisant son testament, dicta la clause suivante : « Je donne à mes neveux mon collier de diamants ; plus, à chacun d’eux, mille livres. » Le notaire, qui écrivait sous la dictée, mit : « à chacun deux mille livres. » 11 y eut à ce sujet un procès qui dura trente-deux ans.


— Hist. sainte. Ancien Testament. Nouveau Testament. V. Bible, Critique Biblique, Évangile, etc.


Testament politique d’Auguste. Antiq. rom. On appelle ainsi une grande inscription dans laquelle Auguste a résumé lui-même l’histoire de sa vie. Cette inscription, fort répandue pendant le Ie siècle de l’empire, a été retrouvée par fragments parmi les ruines d’Apollonie, puis tout entière sur les murs d’un ancien temple de la ville d’Ancyre (aujourd’hui Angora). Un Anglais, M. Hamilton, en découvrit d’abord quelques passages ; puis des Français, parmi lesquels un élève de l’école d’Athènes, M. Georges Perrot, complétèrent le texte en copiant douze colonnes entièrement inconnues. Ce ne fut point chose facile que cette découverte, qui a fait du bruit dans le monde savant. L’inscription était gravée sur des plaques de marbre fixées sur les murs à l’extérieur du temple ; or, le temple était devenu une église, puis une mosquée, puis une école, puis il était tombé en ruine, et les habitants d’Angora avaient bâti contre les murs leurs cabanes de brique et de boue ; il fallut obtenir à grand prix l’entrée de ces masures malpropres, s’établir dans d’infects greniers, travailler à la lumière, passer des semaines entières à gratter le marbre pour en tirer un mot, quelquefois faire abattre une muraille pour lire une lettre, travailler enfin longtemps avec courage et persévérance. V. l’Exploration archéologique de la Galicie, par MM. Perrot, Guillaume et Delbel (Paris, 1863).

Le monument ainsi restauré mérite bien ce travail opiniâtre : ce sont, à proprement parler, les mémoires d’Auguste (Res gestæ divi Augusti), écrits dans ce style lapidaire dont les Romains ont eu et ont gardé le secret. Dans cette œuvre, on voit, au ton dominateur de l’écrivain, qu’il a longtemps gouverné le monde en maître absolu. Bien que l’inscription que nous étudions ait pour titre : Tableau des actions d’Auguste, ce n’est pas véritablement toute sa vie qu’Auguste a voulu raconter. Il y a de grandes lacunes, très-volontaires ; il ne tenait pas à tout dire. Lorsque, à soixante-seize ans, le vieux despote jetait les yeux sur le passé pour en tracer ce résumé rapide, il y avait bien des souvenirs qui devaient le gêner. Il n’est pas douteux, par exemple, qu’il n’éprouvât une grande répugnance à rappeler les premières années de sa vie politique ; cependant il fallait bien qu’il en dît quelque chose et il était plus prudent encore de chercher à les dénaturer que de les taire. Voici en quels termes obscurs et par trop brefs il raconte ses débuts dans la vie politique. « A l’âge de dix-neuf ans, j’ai levé une armée par ma seule initiative et à mes frais. Avec elle, j’ai rendu la liberté à la république dominée par une faction qui l’opprimait. En récompense, le sénat, par des décrets honorables, m’admit dans ses rangs, parmi les consulaires, me conféra le droit de commander les troupes et me chargea, avec les consuls C. Pansa et A. Hirtius de veiller au salut de l’Etat en qualité de propréteur. Les consuls étant tous deux morts, le sénat me mit à leur place et me nomma triumvir pour constituer la république. J’ai exilé ceux qui avaient tué mon père, punissant leur crime par des jugements réguliers. Ensuite, comme ils faisaient la guerre à la république, je les ai vaincus dans deux batailles. » Dans ces quelques lignes, qui sont le début du testament, il y a déjà de bien singulières réticences. Ne dirait-on pas, à l’entendre, qu’il a obtenu toutes les dignités qu’il énumère en servant la même cause, et qu’il ne s’est rien passé entre les premiers honneurs qu’il a reçus et le triumvirat ? Ces décrets honorables du sénat qui sont rappelés ici avec impudence, nous les connaissons grâce aux Philippiques. Dans ces décrets, le sénat félicite le jeune César « d’avoir défendu la liberté du peuple romain » et d’avoir combattu Antoine. Or, c’est après s’être entendu avec Antoine pour asservir le peuple romain dans la lugubre entrevue de Bologne, qu’Auguste reçut, ou plutôt qu’il prit le titre de triumvir. Sur toutes ces choses, le testament imite de Conrart le silence prudent. Ce qui suivit cette entrevue était plus difficile encore à raconter. C’est ici surtout qu’Auguste voulait qu’on oubliât. « J’ai exilé ceux qui avaient tué mon père, punissant leur crime par des jugements réguliers. Ensuite, comme ils faisaient la guerre à la république, je les ai vaincus. » On remarquera qu’il n’est pas question des proscriptions. Qu’en pouvait-il dire, en effet ? Et y avait-il des artifices de langage assez habiles pour en diminuer l’horreur ? A tout prendre, il était plus honnête de n’en pas parler ; mais comme, suivant la belle expression de Tacite, il est plus facile de se taire que d’oublier, nous pouvons être assurés qu’Auguste, qui n’en dit rien sur le testament dont nous parlons, y a plus d’une fois pensé durant sa vie.

Sur son gouvernement impérial, il s’étend avec plus de complaisance ; là, il peut faire étalage de sa clémence tardive. « J’ai porté mes armes sur mer et sur terre, soutenant des guerres contre les citoyens et les étrangers. Victorieux, j’ai pardonné aux citoyens qui avaient survécu au combat, et quant aux nations étrangères qu’on pouvait épargner sans danger, j’ai mieux aimé les conserver que de les détruire. » Il rappelle avec orgueil les souvenirs glorieux que chantait Horace, son poëte officiel : « J’ai repris, après des victoires remportées en Espagne et sur les Dalmates, les étendards qu’avaient perdus plusieurs généraux. J’ai forcé les Parthes à rendre les dépouilles et les drapeaux de trois armées romaines et à venir humblement demander notre amitié. J’ai fait placer ces drapeaux dans le sanctuaire de Mars Vengeur. » Mais il oublie de parler de ce désastre de Varus et des légions germaniques, qui avait si durement humilié sa vieillesse. Il insiste aussi longuement sur son administration intérieure, rappelant les distributions de terres qu’il a faites à ses légionnaires, et ce fait, honorable pour lui, qu’il remboursa aux habitants dépossédés le prix de leurs terres. Il énumère fort en détail les largesses qu’il a faites au peuple romain et les jeux qu’il lui a donnés. « J’ai compté au peuple romain 300 sesterces par tête (60 francs), d’après le testament de mon père, et 400 sesterces (80 francs) en mon nom, sur le butin fait à la guerre pendant mon cinquième consulat. Une autre fois, dans mon dixième consulat j’ai encore donné 400 sesterces de gratification à chaque citoyen, sur ma fortune privée. Pendant mon onzième consulat, j’ai fait douze distributions de blé à mes frais... Toutes ces distributions n’ont pas été faites à moins de personnes. Etant revêtu pour la dix-huitième fois de la puissance tribunitienne, j’ai donné à 320,000 habitants de Rome 60 deniers par tête (48 francs), » etc. Puis ce sont les jeux : « J’ai donné des spectacles de gladiateurs plusieurs fois en mon nom, et cinq fois au nom de mes enfants ou petits-enfants. Dans ces différentes fêtes, environ 10,000 hommes ont combattu. Deux fois en mon nom et trois fois au nom de mon petit-fils, j’ai fait combattre des athlètes venus de tous les pays... J’ai fait voir vingt-six fois en mon nom ou au nom de mes fils et petits-fils des chasses de bêtes d’Afrique, dans le cirque, au Forum ou dans les amphithéâtres, et on y a tué environ 3,500 de ces bêtes. J’ai donné au peuple le spectacle d’un combat naval, au-delà du Tibre, dans le lieu où se trouve aujourd’hui le bois des Césars. J’y ai fait creuser un canal de 1,800 pieds de longueur sur 1,200 de largeur. Là, trente navires armés d’éperons, des trirèmes, des birèmes et un grand nombre de vaisseaux moins importants combattirent ensemble. Ces vaisseaux contenaient, outre leurs rameurs, 3,000 hommes d’équipage. » Cette fastueuse