Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 15, part. 1, T-Tour.djvu/12

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Ma bonne mère, la povre femme ! … Il y a dans ces mots une tendresse et un amour filial qui marquent tout ce que le cœur de Villon avait conservé d’excellent, malgré les ignominies de sa vie. Ce qu’il lègue à sa mère, c’est une ballade à la Vierge, où il lui fait dire, avec une naïveté qui n’a jamais été surpassée ni même égalée :

Femme je suis, povrette et ancienne,
Ne riens ne scay, oncques lettre ne leuz ;
Au monstier voy, dont suis paroissienne,
Paradis poinct où sont harpes et luz,
Et ung enfer où damnés sont boulluz ;
L’ung me faict paour, l’autre joye et liesse.
La joye avoir fais-moi, haulte déesse,
A qui pécheurs doivent tous recourir,
Comblez de foi, sans faincte ni paresse,
En ceste foy je veuil vivre et mourir.

« Cette dernière stance, dit Th. Gautier, est délicieuse ; on dirait une de ces vieilles peintures sur fond d’or de Giotto ou Cimabué. Le linéament est simple et naïf, un peu sec comme toutes les choses primitives ; les tons sont éclatants, sans crudité, quoique les demi teintes manquent en quelques endroits ; c’est de la vraie poésie catholique, croyante et pénétrée, comme un plus grand poëte ne saurait la faire maintenant. »

Alors commence une longue suite de legs, la plupart satiriques, où Villon donne pleine carrière à son humeur bouffonne. Malheureusement tout le sel de leurs allusions contemporaines est à peu près perdu pour nous, qui pouvons seulement noter un malicieux mélange d’honnêtes gens, de vauriens et de religieux, auxquels il lance en passant plus d’un trait :

Item, aux frères mendiants,
Aux dévotes et aux béguines.
Tant de Paris que d’Orléans,
Tant turlupins que turlupines,
De grasses soupes jacobines
Et dans leur fais oblation :
Et puis après, soubs les courtines.
Parler de contemplation.

Aux Quinze-Vingts, c’est-à-dire aux aveugles, il lègue ses lunettes, mais avec un sous-entendu malicieux qui montre tout son esprit :

Item je donne aux Quinze-Vingts,
Qu’autant vauldroit nommer Trois-Cens ;
De Paris, non pas de Provins,
Car à eulx tenu, je me sens,
Ilz auront, et je m’y consens,
Sans les estuis, mes grans lunettes,
Pour mettre à part, aux Innocents,
Les gens de bien des déshonnestes.

Toutes ces donations sont entrecoupées de ballades, sortes de hors-d’œuvre composés sans doute à part et que le poëte a intercalés dans le texte avec beaucoup d’art, de manière à lui servir de commentaires. Ces morceaux sont de petits chefs-d’œuvre ; l’un est dédié aux envieux et témoigne d’une imagination singulière ; l’auteur y recherche toutes les mixtures vénéneuses dans lesquelles on pourrait faire frire les langues des envieux ; l’autre dépeint un gras chanoine se prélassant près d’un bon feu avec sa gouvernante dans un autre, qui a pour refrain :

Il n’est bon beo que de Paris,

le poëte s’amuse à comparer les caquets de toutes les femmes florentines, vénitiennes, lombardes, romaines, genevoises, piémontaises, etc., et il donne la palme à la Parisienne. La Ballade de Villon à la grosse Margot est trop leste pour que nous en parlions ; mais, un peu plus loin, celle qu’il intitule : Belle leçon de Villon aux enfants perdus :

Beaux enfans, vous perdez la plu
Belle rose de vo chapeau,

est excellente ; il y conseille à ses amis d’éviter la potence, autant que possible. Nous citerons en entier la Ballade de bonne doctrine à ceux de mauvaise vie :

Car, ou soyes porteur de bulles,
Pipeur ou hazardeur de dez,
Tailleur de faulx coings, tu te brusles
Comme ceux qui sont eschaudez ;
Traistres pervers, de foy vuidez,
Soyes larron, ravis ou pilles :
Où s’en va l’acquest, que cuidez ?
Tout aux tavernes et aux filles !
Ryme, raille, cymballe, luttes,
Comme fols, faintis, éhontez ;
Farce, broille, joue des flustes ;
Fais, es villes et es cités.
Fainctes, jeux et moralitez ;
Gaigne au brelan, au glic, aux quilles ;
Où s’en va tout ? Or, escoutez :
Tout aux tavernes et aux filles !
De telz ordures te recuiles,
Laboure, fauche champs et prez,
Serz et panse chevaulx et mulles
S’aucunement tu n’es lettrez ;
Assez auras, se prens en grez.
Mais se chanvre broyés ou tilles
Où tend ton labour qu’as ouvrez ?
Tout aux tavernes et aux filles !
Envoi.
Chausses ; pourpoincts esguilletez
Robes et toutes vos drapilles
Ains que cessez, vous porterez
Tout aux tavernes et aux filles.

Ce petit morceau est assez réussi. La pensée de la mort, qui est comme la note dominante de tout le poëme, revient à Villon en terminant. Le charnier des Innocents, où il veut que les Quinze-Vingts, armés de ses lunettes, démêlent les honnêtes gens des coquins, l’amène une fois de plus sur ce sujet et lui inspire quelques strophes vraiment belles :

Quand je considère ces testes
Entassées en ces charniers.
Tous furent matstres des requestes,
Ou tous de la Chambre-aux-Deniers,
Ou tous furent porte-paniers,
Autant puis l’ung que l’autre dire
Car d’évesques ou lanterniers
Je n’y congnois rien à redire,
Et icelles qui s’inclinaient
Unes contre autres, en leurs vies,
Desquelles les unes régnoient,
Des autres craintes et servies,
Li les voy toutes assouvies,
Ensemble en ung tas, pesle-mesle ;
Seigneuries leur sont ravies,
Clerc ne maistre ne s’y appelle !

Enfin le poëte, aprés avoir fait quelques dernières dispositions, recommande de sonner à sa mort le grand beffroy, à son enterrement légué aux sonneurs quatre miches de pain, pris soin même du luminaire et chargé ses exécuteurs testamentaires des autres menus détails, prend congé du lecteur en criant merciz à chacun, c’est-à-dire en demandant pardon à tous :

A chartreux, aussi célestins,
A mendians et aux dévotes,
A musars et cliquepatins.
Servantes et filles mignottes
Portant purcolz et justes cottes ;
A cuyderaulx, d’amour transis,
Chaussans sans meshaing fauves bottes,
Je crye à toutes gens merciz !
A fillettes montrant tetins
Pour avoir plus largement hostes ;
A ribleurs, meneurs débutin,
A basteleurs traînant marmottes,
A folz et folles, sotz et sottes
Qui s’en vont sifflant cinq et six,
A veufves et à mariottes.à mariottes
Je crye à toutes gens merciz !
Sinon aux traistres chiens mastins
Qui m’ont fait ronger dures crostes (croûtes)
Et boire eau maints soirs et matins
Qu’ores je ne crains pas trois crottes,
Je feisse pour eux petz et rottes ;
Je ne puis, car je suis assis.
Bien fort, pour éviter riottes,
Je crye à toutes gens merciz !
Sinon aux traistres chiens mastins
Qui m’ont fait ronger dures crostes (croûtes)
Et boire eau maints soirs et matins
Qu’ores je ne crains pas trois crottes,
Je feisse pour eux petz et rottes ;
Je ne puis, car je suis assis.
Bien fort, pour éviter riottes,
Je crye à toutes gens merciz !
Envoi.
Qu’on leur froisse les quinze costes
De gros maillets, fortz et massis.
De plombée et de telz pelottes.
Je crye à toutes gens merciz !

Tout cet ensemble est d’une originalité rare dont ces citations, si nombreuses que nous les ayons faites, peuvent à peine donner une idée.

Testament et ses critiques (l’Ancien), par M. Kuenen, professeur à l’université de Leyde (1860) ; traduit par M. A. Pierson, également docteur en théologie et en philosophie, et précédé d’une préface par M. Ernest Renan (1866). Dans la préface, M. Renan expose avec précision et simplicité l’origine et la marche de la science exégétique en France, et ce n’est pas la partie la moins curieuse du livre. De nos jours, nous allons demander à l’étranger des lumières sur les grandes questions d’origine, d’authenticité et d’interprétation des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. L’exégèse moderne passe pour avoir en Allemagne sa vraie patrie. C’est là qu’elle a pris, entre les mains des de Wette, Gésénius, Strauss, Baur et autres, les plus vastes développements scientifiques. Les Hollandais, qui ne se croient pas inférieurs aujourd’hui sous le rapport de l’interprétation critique des livres saints, ont quelque raison de réclamer l’honneur de l’avoir abordée avant les Allemands. Spinoza n’était-il pas un de leurs compatriotes, et n’est-ce pas à Amsterdam que fut publié le Traité thêologico-politique, où la lettre et le sens de la Bible sont traités avec une hardiesse inconnue jusque-là ? M. Renan fait remarquer que la France peut disputer, même à la Hollande, la priorité de ces savantes études. Au temps même de Spinoza, elles étaient nées chez nous, mais elles avaient été violemment rejetées dans l’ombre. Un très-modeste savant français qui n’avait probablement pas lu Spinoza et qui ne partage en rien sa philosophie, Richard Simon, met en. œuvre la.méthode que Spinoza n’a fait qu’entrevoir et écrit, en 1678, l’Histoire critique du Vieux Testament. « C’était, dit M. Renan, le Galilée d’une science nouvelle. Spinoza ne fut que le Bacon de l’exégèse. » M. Renan raconte la destinée du livre extraordinaire de Richard Simon. Il allait paraître, quand Arnaud fit parvenir à Bossuet un exemplaire de la préface et de la table des matières. Bossuet entrevit les dangers de ce nouvel esprit de recherches. M. Renan dit à ce propos, avec une sévérité à laquelle nous ne pouvons qu’applaudir : « La rage du rhéteur contre l’investigateur qui vient déranger ses belles phrases éclata comme un tonnerre. Esprit étroit, ennemi de l’instruction qui gênait ses partis pris, rempli de cette sotte prétention qu’a l’esprit français de suppléer à la science par le talent, indifférent aux recherches positives et aux progrès de la critique, Bossuet en était toujours resté, en fait d’érudition biblique, à ses cahiers de Sorbonne. Le savant incommode qui venait troubler son repos lui causa une vive impatience. » Bossuet courut chez le chancelier Le Tellier, et, quelques heures après, le lieutenant de police, M. de La Reynie, saisissait chez l’imprimeur tous les exemplaires de l’ouvrage. Il fut réimprimé à Rotterdam en 1685, où il eut plusieurs éditions. Ainsi l’exégèse, née spontanément en France, trouvait dans la libre Hollande l’hospitalité. Il n’est pas étonnant qu’elle nous revienne de ce pays avec l’Histoire critique de l’Ancien Testament de M. Kuenen, qui nous rend après deux siècles, et avec usure, il faut en convenir, ce que Richard Simon avait prêté à son pays.

L’ouvrage de M. Kuenen, profondément remanié par le traducteur, M. Pierson, comprend trois volumes et traite successivement : 1o des livres historiques, le Pentaleuque, Josué, les Juges, etc. ;2o des livres prophétiques, Esaie, Jérémie, etc. ; 3o des livres poétiques (gnomiques ou lyriques), Proverbes, Job, l’Ecclésiaste, etc. Sur chacun de ces livres, l’auteur se pose ces questions : « Si leur date est aussi ancienne que le prétend la tradition juive et chrétienne, si les noms des auteurs sont authentiques, si nous les possédons dans leur forme primitive, enfin s’ils ont subi des rainaniements plus ou moins considérables ? » Tels sont, en effet, les points sur lesquels doit porter la critique, à quelque livre qu’elle s’attache, pour en discuter la valeur historique. Les savants comme M. Kuenen, ou comme M. Renan, croient ou se donnent volontiers l’air de croire au caractère divin des livres qu’ils soumettent à leurs discussions. On serait presque tenté de leur appliquer les vers de Voltaire sur dom Calmet :

Des oracles sacrés que Dieu daigna nous rendre
Son travail assidu perça l’obscurité.
Il fit plus ; ils les crut avec simplicité.

Mais leur raison prend bientôt sa revanche, en traitant comme des produits de formation humaine des livres dont ils se plaisent à confesser l’origine divine. M. Kuenen ne semble-t-il pas avoir emprunté à M. Renan lui-même cette phrase : « Œuvre de Dieu, en tant qu’elle porte l’empreinte de son esprit, la littérature sacrée n’est pas moins une œuvre humaine soumise aux lois, aux conditions générales qui président à la vie générale et religieuse d’un peuple. » En somme, le livre de M. Kuenen est rempli d’érudition et fort curieux.

Testament des douze patriarches. V. Patriarches (testaments des douze).

Testament de Jean Meslier. V. Meslier (Jean).

Testament de la pauvre femme (le), drame en cinq actes, en proae, par Victor Dueange ; représenté sur le théâtre de la Gaîté le 1er septembre 1832. Depuis dix ans, Charles Morin n’a plus de mère. Resté seul avec une sœur qu’il aime tendrement, il la soutient du travail de ses mains, car il est ouvrier armurier. Jusqu’alors rien n’est venu troubler la vie calme et paisible de Charles et de Paufine ; mais tout dernièrement la jeune fille a rencontré un jeune homme, le vicomte de Préval, qui, pour approcher plus facilement de la simple ouvrière, se fait passer pour un modeste employé. Pauline n’a pu résister aux séductions du gentilhomme, elle l’aime, et elle se dispose même à en faire l’aveu à son frère, quand l’arrivée d’un tiers dans leur petite chambrette interrompt brusquement la confidence. C’est le curé Deschamps, qui vient demander à Charles un entretien secret dans lequel il lui révèle que Pauline n’est pas sa sœur. En même temps, il lui apporte un testament, un billet, un acte de décès, un acte de naissance qui renferment la preuve de ce qu’il affirme. Charles, tout joyeux, songe déjà au bonheur de devenir le mari de Pauline, et il s’empresse de vouloir lui apprendre le secret de sa naissance ; Pauline est encore plus pressée d’achever sa confidence interrompue, et c’est à qui parlera le premier. Mais Pauline est femme ; c’est assez dire que dans une pareille lutte c’est à elle que reste l’avantage, et Charles.s’évanouit en apprenant qu’il a un rival. Au second acte, nous sommes chez la baronne Delaunay, dont la fille doit épouser le jour même... le vicomte de Préval. Au milieu des apprêts de la noce parait, rursus atque iterum, le curé Deschamps, qui raconte ce qui suit à lu baronne : « Il y a vingt ans, dit-il, j’ai entendu en confession une jeune fille qui, la veille de son mariage, vint s’accuser d’être mère. — C’est moi ! s écrie la baronne, » et au moment où elle va apprendre ce qu’est devenue sa fille, les invités arrivent, le vicomte s’approche de la jeune fiancée, et Pauline qui se trouve être la couturière des dames Detaunay s’approche aussi pour placer le bouquet de fleurs d’oranger sur le sein de la mariée... ; mais elle reconnaît son amoureux dans la personne du vicomte, et elle s’évanouit. Les autres actes préparent un dénoûment facile à prévoir : Pauline renonce au noble Préval et accepte la main de Charles. Ce drame a eu le plus éclatant succès, non pas à cause de son intrigue qui, on l’a vu, ne sort guère du cadre ordinaire, mais grâce aux idées nobles et généreuses dont il est rempli. Le Testament, surtout à l’époque des premières représentations, était une sorte de manifeste en faveur de l’égalité sociale et une satire contre les mœurs relâchées, dont l’aristocratie donnait le déplorable exemple.

Testament de César (le), tragédie en cinq actes et en vers, avec un épilogue, par Jules Lacroix (Théâtre-Français, 10 novembre 1S49). Shakspeare et Voltaire avaient déjà traité ce sujet ; le poète anglais, contrairement à ses habitudes, l’avait considéré en annaliste beaucoup plus qu’en auteur tragique ; Voltaire, libre imitateur de Shakspeare ; s était emparé du Julius César comme d’un thème d’éloquence théâtrale ; il en avait fait une tragédie régulière, classique. Il pouvait emprunter davantage à ce génie qu’il admirait, tout en l’appelant barbare ; mais il sentait que le suivre de plus près, ce serait aller trop loin ; en effet, les critiques de son temps, même Laharpe, lui reprochèrent l’exposition du corps sanglant de César sur le théâtre, et la harangue d’Antoine comme un hors-d’œuvre. M. J. Lacroix a découpé sa tragédie dans les deux anciennes ; il a choisi sans scrupule entre les éléments divers que ses prédécesseurs avaient élaborés, adoptant la marche de l’un et employant les ressorts de l’autre. Il s’arrête, comme Voltaire, à la lecture du testament de César, en rejetant dans un épilogue la substance de la moitié de la pièce anglaise : la chute de Brutus, puis celle d’Antoine et l’avènement d’Octave à la souveraineté du monde. Aux personnages de Shakspeare il a ajouté une certaine Cithéris, courtisane inconnue des historiens, et Cleopâtre, quoique la reine d’Égypte fût tout à fait étrangère à l’événement. Il a imaginé un double escamotage de testament, successivement pratiqué par Cléopâtre d’Égypte et par le neveu du dictateur, au moyen d’une soustraction de clef et d’une scène de paravent, où César, assistant invisible à ce vol, se félicite, eu fin de compte, de la mauvaise action qui lui épargne le choix d’un héritier. Ces incidents, qui matérialisent la donnée du sujet, ne sont pas tout à fait neufs. Telle est, en gros, la contexture de cette troisièmo pièce sur la mort et le testament de Jules César, c’est-à-dire sur la transmission d’un pouvoir illégal et indéfini, mais immense, à un successeur imprévu, obligé de maintenir les formes républicaines, même après avoir vaincu la république. Cet héritage comprenait bien autre chose que le legs d’une dictature militaire ; il renfermait, ce que l’auteur a oublié, une double révolution politique et sociale : le droit de cité étendu à tous les hommes libres de l’empire, la représentation du patriciat du monde civilisé, la création d’une classe moyenne de citoyens par les affranchissements rendus plus faciles et d’une bourgeoisie vivant de son travail, l’élargissement de la patrie, un code uniforme, le droit municipal se transformant en droit des gens, l’oligarchie ou la démocratie quiritaires remplacées par des institutions générales qui auraient eu pour base l’égalité, sinon la liberté. Tel était le programme politique de César, si mal exécuté par ses successeurs. M. Jules Lacroix ne s’est occupé que du testament proprement dit ; il s’est par là condamné à ne voir que des anecdotes et des tours de passe-passe dans un événement si imposant, et de plus il s’est mis dans l’impossibilité de faire une œuvre vraiment dramatique. Au théâtre, l’intérêt doit se concentrer sur tel ou tel personnage ; diviser la sympathie du spectateur, c’est combattre son émotion. La partialité, indigne de l’historien, s’impose au poète. Il fallait donc sacrifier César ou tirutus. M. Jules Lacroix tient le spectateur indécis. Shakspeare, qui n’avait pas les lumières de la critique moderne, a merveilleusement pressenti la difficulté inhérente au sujet ; ne pouvant se prononcer en connaissance de cause, il a simplement, raconté les faits historiques. L’auteur du Testament de César s’est sagement abstenu de ces allusions aux choses contemporaines, dont le succès est si divers ; il a eu d’autant plus raison, que les analogies superficielles sont presque toujours trompeuses. Sa tragédie est écrite en un style pompeux et sur un ton sentimental déplacés à la scène, où l’accent vrai et la diction la plus sobre, comme la plus ferme, plaisent plus que tous les efforts déclamatoires. L’emphase et la sentimentalité gâtent donc son drame, d’ailleurs assez mal bâti, quoique certaines scènes soient dignes d’éloge.

Testament de Célar Girodot (le), comédie eu trois actes et eu prose, de MM. Belot et Villetard (théâtre de l’Odéon, 30 septembre 1859). Le sujet de cette pièce n’est pas nouveau, il s’en faut. Molière, Picard, Collin d’Harleville, Alexandre Duval, sans parler des auteurs vivants, ont représenté vingt fois la cupidité des héritiers et légataires trompée par les fantaisies d’un testateur. Les deux jeunes auteurs ont repris le même