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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 15, part. 3, Vamb-Vi.djvu/91

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au moyen de poulies. Aussitôt que le bronze eut touché le pavé, on le remplaça par le drapeau blanc. Alors, nous dit Launay dans une relation de lui, d’où nous tirons ces faits, « on entendit les cris de : Vive le roi ! Vive Louis XVIII » C’était le 8 avril, à six heures du soir ; l’opération avait duré quatre jours, et il n’en avait coûté à la nation que 4,815 fr. 46. Launay obtint d’emporter la statue dans son atelier, pour se couvrir d’une somme de 80,000 francs qui lui restait due comme fondeur de la colonne. Pendant les Cent-Jours, la police impériale la lui fit restituer. Ce bel ouvrage de Chaudet a été fondu lors de la seconde Restauration et a été employé à la statue équestre de Henri IV, par Lemot.

En 1832, les Chambres décidèrent que la statue de Napoléon serait replacée au faîte de la colonne Vendôme ; un concours fut ouvert à cet effet, et M. Seurre jeune l’emporta sur ses nombreux rivaux. Son modèle, coulé en bronze par le fondeur Crozatier, fut inauguré pompeusement le 28 juillet 1833, pendant les fêtes destinées à célébrer le troisième anniversaire de la révolution de 1830. « De toutes ces démonstrations adressées à des souvenirs de liberté, dit un journal du temps, celle qui a excité le plus de sympathie a été l’hommage rendu au héros qui prit pourtant à tâche d’en étouffer les nobles élans, mais, il est vrai, sous des prestiges de grandeur et de gloire. Le 28, Napoléon a repris sa place au haut de la colonne de la grande armée ; peu d’ambassadeurs assistaient, dit-on, à cette cérémonie. » L’armée et la garde nationale et une grande partie de la population prirent part à cette solennité. Louis-Philippe, à cheval au milieu de son état-major, enleva de ses propres mains le voile qui dérobait la statue aux regards de la foule et salua la statue du guerrier. Cette seconde statue avait sur celle de Chaudet l’avantage de ne point blesser le sens populaire, de ne pas couronner un monument chargé d’armes, de costumes et de figures modernes par un personnage d’aspect antique. Napoléon, en redingote et l’une de ses mains derrière le dos, s’y montrait coiffé du petit chapeau traditionnel, lequel, il est vrai, dessinait sur le ciel deux cornes d’un effet peu monumental ; les plis de la redingote, la fameuse redingote grise, tombaient lourdement et sans grâce.

En 1864, le Napoléon en redingote grise fut remplacé pur un Napoléon en empereur romain, conforme à la statue érigée sous la premier Empire. L’empereur en costume antique, jambes nues, le manteau sur l’épaule, le front ceint de lauriers, y personnifiait moins le chef d’armée que le césar suprême, le fondateur d’une dynastie. Cette statue était l’œuvre de M. Dumont. Beaucoup de personnes regrettèrent alors l’ancienne, plus connue et plus populaire, qui fut exilée au centre du rond-point de Courbevoie.

À la fin de la Commune, six jours seulement avant l’entrée des troupes dans Paris, la colonne Vendôme fut renversée par ordre du gouvernement révolutionnaire. Il y avait longtemps qu’un membre de la Commune, G. Courbet, en réclamait le « déboulonnage. » On peut lire à ce sujet un curieux article qu’il fit insérer, au moment du premier siège de Paris, dans le Bulletin de la municipalité. Il y proposait aux Prussiens d’abattre la colonne Vendôme, puis de fondre ensemble tout ce qu’il y avait de canons Krupp et de canons français pour en édifier un nouveau monument de bronze, surmonté du bonnet phrygien et dédié à la république universelle. Dés les premières séances de la Commune, G. Courbet reprit le projet qu’il avait proposé et obtint un décret portant que la colonne serait démolie. On ne se pressa pas toutefois, et ce ne fut que dans le courant du mois de mai que les travaux préparatoires furent effectués ; on descella quelques-unes des plaques circulaires au-dessus du soubassement. On attaqua la pierre à laquelle le bronze servait de revêtement, et le 16 mai seulement un système de cordages tendus par des cabestans fut établi de manière à renverser l’immense fût de pierre et de bronze d’un seul bloc, sur un lit de fumier préalablement disposé pour le recevoir. L’opération eut lieu ce même jour dans l’après-midi. « À trois heures et demie, dit M. Claretie, le clairon sonne ; quelques membres de la Commune prennent place au balcon du ministère de la justice. La musique du 100e bataillon exécute la Marseillaise, à laquelle succède le Chant du départ, exécuté par la musique du 172e bataillon. On fait éloigner tout le monde ; chacun se range autour de la place. À cinq heures un quart, les cabestans fonctionnent, la tension des câbles s’opère lentement. Il est cinq heures et demie : l’attention est immense, chacun est haletant. Un cri étranglé par la peur d’un accident dont il est impossible de mesurer l’étendue part de toutes les bouches ; la colonne s’ébranle ; un silence d’épouvante se fait dans la foule anxieuse ; puis, après avoir oscillé un moment sur sa base, cette masse de bronze et de granit tombe sur le lit qui lui a été préparé ; un bruit sourd se mêle au craquement des fascines, des nuages de poussière s’élèvent dans les airs. À l’instant, une immense clameur se dégage de la foule : Vive la République ! Vive la Commune ! Les fascines et le fumier ont été chassés de chaque côté à plus de 10 mètres. La colonne est toute disloquée, la statue a un bras cassé et la tête séparée du tronc. En deux minutes, le drapeau rouge est arboré sur le piédestal resté debout. » Quatre discours furent alors prononcés par le général Bergeret, par Henri Fortuné et deux autres membres de la Commune, les citoyens Miot et Ranvier.

L’Assemblée de Versailles, de son côté, répondit à cet acte par un décret qui ordonnait le rétablissement de la colonne Vendôme, décret qui a reçu son exécution en 1875. Le fût de pierre a été réédifié, et les plaques de bronze, moulées de nouveau sur les formes qui avaient été conservées depuis le premier Empire, ont été rétablies exactement. Le décret portait que la colonne Vendôme serait surmontée de la statue de la France ; on a renoncé à ce projet et replacé tout simplement, par suite d’un autre décret, le Napoléon de M. Dumont.

La colonne Vendôme a inspiré les poëtes et les chansonniers. Une des chansons les plus connues est celle d’Émile Debraux ; deux vers surtout sont restés populaires :

Salut, monument gigantesque
De la valeur et des beaux-arts ;
D’une teinte chevaleresque,
Toi seul colores nos remparts ;
De quelle gloire t’environne
Le tableau de tant de hauts faits !
Ah ! qu’on est fier d’être Français,
Quand on regarde la colonne !


Avec eux la gloire s’exile,
Osa-t-on dire des proscrits.
Et chacun vers le Champ d’asile
Tournait des regards attendris.
Malgré les rigueurs de Bellone,
La gloire ne peut s’exiler,
Tant qu’en France on verra briller
Les noms gravés sur la colonne.


L’Europe, qui dans ma patrie
Un jour pâlit à ton aspect,
Et brisa ta tête flétrie.
Pour toi conserve du respect ;
Car des vainqueurs de Babylone,
Des héros morts chez l’étranger
Les ombres, pour la protéger,
Planaient autour de la colonne.

Ainsi chantait Émile Debraux, un barde populaire, en 1818, pendant que l’Angleterre songeait, elle aussi, à perpétuer par le bronze ce qu’elle appelait sa victoire de Waterloo. Tout le monde connaît l’Ode à la colonne que Victor Hugo écrivait en 1827. C’est là qu’il faut chercher à comprendre le sentiment qui animait les Français de la Restauration, en regardant la colonne, comme dit la chanson :

O monument vengeur ! trophée indélébile !
Bronze qui, tournoyant sur ta base immobile,
Sembles porter au ciel ta gloire et ton néant ;
Et, de tout ce qu’a fait une main colossale,
Seul es resté debout, ruine triomphale
           De l’édifice du géant !

La pièce est longue, et nous ne pouvons à cause de cela l’insérer ici dans son entier. Le poète y trouve de mâles et patriotiques accents, que l’époque et sa jeunesse forcent de ton çà et là. Aujourd’hui que la lumière s’est faite sur beaucoup de choses et que les cheveux blancs sont venus au chantre des Orientâtes, il est des vers qu’il n’écrirait plus sans doute.

Chaque année depuis 1830, le 5 mai, anniversaire du jour où mourut le prisonnier de Sainte-Hélène (5 mai 1822) ; le 15 août, jour de la naissance et de la fête de l’empereur ; le 20 mars, jour de sa rentrée à Paris, les vieux grognards qui survivaient encore en petit nombre tiraient du fond des armoires leurs uniformes qu’ils boutonnaient à grand’peine, leurs sabres rouillés, leurs shakos déformés, leurs buffleteries noircies,

Nobles lambeaux, défroque épique,
Saints haillons, qu’étoile une croix,
Dans leur ridicule héroïque
Plus beaux que des manteaux de rois,

et ils venaient ces lanciers rouges, ces grenadiers bleus, ces voltigeurs de la garde, ces hussards amaigris, ces artilleurs obèses, que le gamin poursuivait en riant, ils venaient d’un pas chancelant, comme des fantômes d’un autre temps, déposer au pied de la colonne,

Comme à l’autel de leur seul Dieu,

des couronnes d’immortelles et de laurier. Le vieux soldat qui veillait sur le monument les rassemblait toutes ; il les suspendait symétriquement aux lances de la grille qui entoure le soubassement. Des ex-voto bizarres, de petits cadres peinturlurés, enrichis de devises ou d’inscriptions naïves, tapissaient le piédestal. L’effet produit par ces offrandes annuelles à la divinité du lieu n’était pas des plus agréables pour l’œil, mais les « vieux de la vieille » n’y regardent point de si près, et l’orgueil du gardien était comblé si la moisson de couronnes était abondante. Hélas ! les fidèles disparaissent de jour en jour, et la Mort s’apprête à signer la feuille de route des derniers Achilles d’une Iliade qui déjà appartient à l’histoire.

L’entrée de la colonne de la place Vendôme est libre ; le curieux, pourvu qu’il soit maigre et qu’il ait bon pied, bon œil, peut gravir l’escalier étroit et fort sombre et parvenir à la plate-forme supérieure qui régne autour de la statue ; il en sera quitte pour donner en redescendant une légère rétribution au gardien. Il arrive de loin en loin qu’un visiteur mal avisé se soustrait à cet impôt non forcé en enjambant la balustrade et en se précipitant dans l’espace. Le pauvre diable se tue sur le coup, et, en relevant son cadavre, on découvre assez généralement dans ses habits la preuve certaine qu’il en avait assez de la vie en opérant cette rude ascension de la colonne ; 180 marches à franchir, voilà pourtant qui devrait donner à songer. Il est vrai que, quand on les a montées, il doit être bien dur de les redescendre… ; toujours est-il que ce gigantesque monument s’est prêté à bien des tentatives de suicide dont on nous permettra de ne pas retracer les lugubres détails.


VENDÔMOIS, OISE s. et adj. (van-dô-moi, oi-ze). Géogr. Habitant de Vendôme ou du Vendômois ; qui appartient à cette ville, à cette contrée ou à leurs habitants : Les Vendômois. Les mœurs vendômoises.


VENDÔMOIS, petit pays de l’ancienne France, dans la Beauce. Il avait pour ch.-l. Vendôme et est aujourd’hui réparti entre les départements de Loir-et-Cher et de la Sarthe.


VENDOTENA, la Pandataria des anciens, île du royaume d’Italie, dans la mer Tyrrhénienne, à 10 kilom. N.-O. de l’Ile d’Ischia, à 50 kilom. O. de Pouzzole. Elle fait partie de la province de Naples et mesure 3 kilom. de longueur sur 2 kilom. de largeur et 13 kilom. de circonférence. Sol fertile et bien cultivé. Elle fut le lieu d’exil d’Agrippine, mère de Germanicus ; d’Octavie, femme de Néron, et d’autres illustres personnages. Au IXe siècle, elle fut abandonnée, à cause des incursions fréquentes des Sarrasins, et repeuplée en 1769 d’indigents tirés de Rome.


VENDRAMINO (André), doge de Venise, né en 1400, mort en 1478. Il fut élu doge en 1477, en remplacement de Pietro Mocenigo, dont le frère, Giovanni Mocenigo, devait lui succéder. La paix se maintint pendant son règne de treize mois, dont le seul événement remarquable fut une irruption des Turcs dans le Frioul.


VENDRE v. a. ou tr. (van-dre — lat. vendere, pour venum dare, littéralement donner l’achat ; de dare, donner, qui se l’attache à la grande racine sanscrite , même sens, et de venus, achat, en usa, ge seulement à l’accusatif venum et au datif veno, venui, V. vénal). Donner, céder moyennant un prix convenu : Vendre un cheval, une maison, un héritage. J’ai remarqué qu’il n’y a que l’Europe seule où l’on vende l’hospitalité. (J.-J. Rouas.) Le commerce est l’art d’acheter trois francs ce qui en vaut six, et de vendre six francs ce qui en vaut trois. (Fourier.)

Deux compagnons, pressés d’argent,
À leur voisin fourreur vendirent
La peau d’un ours encor vivent,
Mais qu’ils tueraient bientôt, du moins à ce qu’ils dirent.
                La Fontaine.

|| Faire le commerce de : Vendre des étoffes des meubles, des comestibles. ||Céder ou sacrifier à prix d’argent, en parlant des choses qui ne sont pas vénales par leur nature : Vendre sa conscience. Vendre son âme au diable. Un peuple n’a pas le droit d’attenter à ses libertés ou de les vendre à un despote. (Chateaub.) Tout journal est une boutique où l’on vend au public des paroles de la couleur dont il les veut. (Balz.) Un avocat est un bavard qui vend ses paroles, qui ment pour de l’argent. (Mme E. de Gir.)

De nos jours, le droit du seigneur
        Pèse sur nous plus despotique ;
        Nos filles vendent leur honneur
        Au dernier courtaud de boutique.
                  P. Dupont.

— Faire payer, ne procurer qu’à des conditions dures ou onéreuses : La terre est dure, obstinée, ne se rend pas d’un coup ; elle vend au travail ce qu’on croit qu’elle donne. (Michelet.)

Le bonheur est un bien que nous vend la nature ;
Il n’est point ici-bas de moissons sans culture.
                     Voltaire.

— Fig. Trahir pour de l’argent : Vendre un secret. Vendre ses complices. Vendre sa patrie. Il vendrait son meilleur ami. Judas vendit son maître.

— Absol. : Se décider à vendre. Qu’un marchand se mette à vendre suc le principe fraternitaire, je ne lui donne pas un mois pour voir ses enfants réduits à la mendicité. (F. Bastiat.)

Vendre la peau de l’ours avant de l’avoir jeté par terre, Chercher à tirer parti d’une chose qu’on n’a pas encore en sa possession.

J’y vendrai ma chemise, Je sacrifierai tout pour réussir :

… Laissez faire, ils ne sont pas au bout ;
J’y vendrai ma chemise, et je veux rien ou tout.
                        Racine.

|| Il vendrait jusqu’à sa chemise. Se dit d’un prodigue, d’un dissipateur.

Vendre bien cher, vendre chèrement sa vie, Défendre vaillamment sa vie, et faire périr beaucoup d’ennemis avant de succomber. || On dit populairement Vendre chèrement sa peau.

Être à quelqu’un à vendre et à dépendre, Être à son entière disposition, ne résister à aucune de ses volontés. Dépendre a ici le vieux sens de dépenser. || Vieille loc.

Vendre des guignes, Loucher. Se dit en jouant sur les mots guigne et guigner.

Vendre la mèche, Trahir un secret.

Vendre des coquilles à ceux qui reviennent de Saint-Michel, Offrir aux gens ce dont ils sont richement pourvus, comme si on voulait vendre des coquilles à ceux qui reviennent de Saint-Michel, localité de la Normandie, où les voyageurs font d’ordinaire ample provision de coquilles. || À qui vendez-vous vos coquilles ? à ceux qui reviennent de Saint-Michel ? ou simplement À qui vendez-vous vos coquilles ? À qui pensez-vous avoir affaire ? Pensez-vous que je serai dupe de votre finesse ? || Cet homme vend bien ses coquilles, Il fait valoir sa marchandise, son travail.

— Pratiq. Vendre quelqu’un, Vendre ses meubles, par suite de saisie : Alors on l’a saisi, on l’a vendu ; la vente de ses meubles n’a pu couvrir la dette. (A. Lireux.)

— Théâtre. Vendre son piano, Dans l’argot des coulisses, Tirer des larmes des yeux des spectateurs, par allusion à une scène de Pauvre Jacques, où Bouffé arrachait des pleurs à toute la salle en faisant ses adieux à son piano.

Se vendre v. pr. Être vendu : Aujourd’hui les beaux hôtels se vendent, sont abattus et font place à des rues. (Balz.) Les terrains de la Cannebière se vendent à raison de mille francs le mètre carré. (E. About.) || Avoir de la vente, du débit : Cette marchandise, cette denrée se vend bien. || Être un objet de commerce, être vénal : Tout se vend, même l’honneur et la liberté.

— Fig. Se livrer, offrir son concours ou sacrifier son honneur pour de l’argent : se vendre à un parti. Une femme qui reçoit des présents se donne ou, pour mieux dire, se vend. (Mlle de Scudéry.) L’honneur qui se vend, si peu qu’on en donne, est toujours payé plus cher qu’il ne vaut. (Duclos.) Telle trouve à se vendre qui n’eût pas trouvé à se donner. (H. Beyle.)

— Se trahir involontairement : Le coupable s’est vendu.

— Syn. Vendre, aliéner. V. ALIÉNER.

— Allus. littér. Vendre la peau de l’ours, Allusion à la fable de La Fontaine, l’Ours et les deux compagnons. V. peau.


VENDREDI s. m. (van-dre-di — du latin Veneris dies, le jour de Vénus. L’italien en a fait venerdi ; le provençal retourne les termes et dit divendres ; l’espagnol supprime dies et dit tout court viernes pour vienres). Sixième jour de la semaine : Une ancienne superstition fait regarder le vendredi comme un jour néfaste.

Vendredi saint, Vendredi de la semaine sainte, jour anniversaire de la mort de Jésus. || Être laid comme le péché du vendredi saint, Être extrêmement laid. Vieille loc.

— Prov. Tel qui rit le vendredi pleure ou pleurera le dimanche, Bien souvent la tristesse suit de très-près la joie :

Ma foi, sur l’avenir bien fou qui se fira,
Tel qui rit vendredi dimanche pleurera.
              Racine.

— Encycl. Malgré tous les progrès dont notre siècle peut à juste titre se glorifier, les croyances superstitieuses sont loin d’être éteintes ; il y a dans les bas-fonds du cœur humain un goût singulier pour tout ce qui est mystérieux, un besoin inexplicable de trembler devant l’inconnu, qui résistent à la lumière de la raison et du bon sens chez les âmes faibles, surtout chez les femmes, chez les paysans peu lettrés, quelquefois même chez des hommes dont l’instruction est assez avancée.

Si nous portons nos regards sur les peuples de l’antiquité, nous voyons que partout il y a eu des jours néfastes, c’est-à-dire des jours où l’on s’interdisait tous les actes importants de la vie, parce que l’influence malfaisante de certains événements remontant à une époque plus ou moins éloignée ne pouvait amener que des résultats fâcheux ou même funestes. Chez les Romains et chez les Grecs, il y avait des jours néfastes reconnus par la loi et pendant lesquels toutes les affaires publiques étaient suspendues, tous les tribunaux fermés. La loi moderne est moins aveugle ; elle ne suspend le cours de la justice, du travail et du commerce que pour assurer le repos du dimanche ou pour célébrer quelques événements heureux ; elle reconnaît donc le besoin qu’a l’homme de se reposer ou de se réjouir de temps en temps ; elle ne reconnaît plus l’utilité d’entretenir chez le peuple des craintes chimériques et des souvenirs décourageants. Mais s’il n’y a plus de jours néfastes aux yeux de la loi, il y en a encore de par la tradition, et c’est surtout dans la religion que la tradition puise les idées de malheur qu’elle y rattache. Le vendredi, chez tous les peuples chrétiens, chez les catholiques surtout, inspire une véritable frayeur, non-seulement à de vieilles bonnes femmes dont l’esprit est affaibli par l’âge, mais à une foule de gens qui, dans le cours ordinaire de leur vie, se montrent pleins de bons sens et même d’habileté. Et ne croyez pas que ceci soit vrai seulement pour les campagnes ; Paris lui-même n’est pas exempt de ce tribut que paye encore la faiblesse humaine à l’ignorance et à la superstition. Voici un fait dont la complète exactitude nous est garantie et qui prouve à quel point la super-