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YVER

A vota avec les membres les plus avancés du parti démocratique. Contraint de se réfugier en Belgique après le coup d’État du 2 décembre 1851, il revint en France au bout de deux années, retourna à Paris et entra à la rédaction de la Presse, où il fut particulièrement chargé, avec M, Adolphe Guéroult, de rédiger le Bulletin du jour. En 1858, il quitta ce journal pour faire partie du cabinet du prince Napoléon, qui venait d’être mis à la léte du ministère de l’Algérie et des colonies, et se rallia complètement alors au gouvernement issu du 2 décembre. Quelque temps après, M. de Persigny, ministre de l’intérieur, le nomma inspecteur général de l’imprimerie et de la librairie. Indépendamment de plusieurs brochures, on doit au docteur Yvan : la Chine et la presqu’île malaise (1850, in-8o), relation de son voyage avec M. de Lagrenée ; VInsurrection de Chine (1853), en collaboration avec M. de Callery ; Voyages et récits (Bruxelles, 1852, 2 vol. in-12) ;/te France en Chine (1855, in-18) ; Légendes et récits (1861, in-18), etc.

YVAN-BEBUDA, grand trésorier de l’ordre d’Aviz. V. Yanez dis La Barbuda.

YVART (Jean-Augustin-Victor), agronome français, surnommé l’Anhur Yoimg de la Fiance, né à Boulogne-sur-Mer en 1761, mort en 1831. Il fit un voyage en Angleterre pour y étudier les méthodes agricoles perfectionnées, les introduisit en France, obtint la chaire d’économie rurale d’Alfort, qu’il conserva jusqu’en 1824, reçut du gouvernement des missions relatives à l’agriculture, parcourut pour cet objet nos départements, l’Italie, la Hollande, fut un des fondateurs de la Société d’agriculture, succéda à Parmentier comme membre de l’Académie des sciences et se retira en 1824 à Saint-Port, près de Melun, dans un grand domaine où il ne cessa jusqu’à sa mort de travailler aux progrès de la science à laquelle il s’était voué. Yvart a laissé la réputation d’un des plus éminents agronomes que notre pays ait produits. Outre des articles et des travaux importants insérés dans les Mémoires de la Société d’agriculture du département de la Seine, dans le Nouveau dictionnaire d’histoire naturelle, dans le Nouveau cours complet d’agriculture, nous citerons de lui : Mémoire sur les végétaux gui fournissent les parties utiles à l’art du cordier et du tisserand (1788) ; Aperçu des efforts faits pour l’amélioration de l’agriculture dans le département de la Seine (1805, in-8o) ; Coup d’œil sur le sot, le climat et l’agriculture de la France comparée avec celle des contrées qui l’avoisinent, et particulièrement l’Angleterre (1807, in-8o) ; Considérations générales et particulières sur la jachère (Paris, 1822, in-8o) ; Excursions en Auvergne, suiuies de recherches sur l’état et l’importance des irrigations en France (Paris, 1819, iu-S°) ; Notice historique sur l’origine et les progrès des assolements raisonnes, suivie des Meilleurs moyens de perfectionner l’agriculture française (Paris, 1821, in-8o) ; Assolements et jachères en succession de jachère (1842, in-8o) ; Traité de la destruction des plantes nuisibles à l’agriculture, resté inédit et couronné en 1817 par la Société d’émulation de Limoges.

YVELINE (forêt d’), ancien nom de la forêt de Rambouillet, en basse latinité Silva Equalina, Aquilina, JEqualina, Evelina, Acquilina, du latin aqua, eau, qui a fourni à notre ancienne langue les vieilles formes eve, ive, etc., eau, qu’on retrouve dans un grand nombre de noms de lieux français.

YVER (Jacques), seigneur de Plaisance et de La Bigotière, littérateur français, né à Niort en 1520, mort dans la même ville en 1572. Il devint maire de Niort en 1556. Désireux de montrer que les Français n’étaient point, comme le prétendaient les Italiens, de serviles imitateurs de leurs ouvrages, il écrivit et dédia « aux belles et vertueuses demoiselles de France » le Printemps d’Yver, contenant plusieurs histoires discourues par cinq journées en une noble compagnie au château du Printemps. Yver mourut avant la publication de cet ouvrage (Paris, 1572), qui obtint un grand succès, eut de nombreuses éditions et a été inséré dans les vieux conteurs français. On y trouve des situations intéressantes, un style aisé, facile, naïf, souvent gracieux et plein de finesse. Ces contes, dans le genre de Boccace, sont entremêlés de pièces de vers qui ne valent pas la prose.

YVEHDUNou YVERDON, en latin Eurodununt, Eburodunum, en allemand Yferten, ville de Suisse, canton de Vaud, a 27 kilom. N.-O. de Lausanne, avec un petit port à l’embouchure de l’Orbe dans le lac de Neuchâtel ; 5,5d0 hab. Bibliothèque publique ; école de sourds-muets ; musée d’antiques ; collège. Aux environs, bains très-fréquentés d’eaux sulfureuses. Commerce actif en vins et au- ; très productions agricoles. Cette petite ville est régulièrement bâtie dans une situation admirable : au N.-O., on voit Granson, au milieu d’un superbe vignoble, dominé par des forêts qui s’élèvent jusqu’aux sommités du Jura ; au S.-O. s’étendent les romantiques vallées de l’Orbe et de Valorbe ; à l’E. règne le bassin du lac de. Neuchâtei, dont l’œil ne peut découvrir l’extrémité orientale. La ville renferme une belle place sur laquelle est le château des Zœhringen ; vaste édifice flanqué de quatre tours, ou Pestalozzi établit

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son célèbre institut en 1805. On y voit aussi une belle église et un hôtel de ville remarquable. Cette ville fort ancienne était déji une place forte sous la domination des Romains ; une pierre milliaire bien conservée que l’on y voit porte le nom de l’empereur Septiine-Sévère. À l’époque de l’invasion des barbares, Yverdun passa aux rois de Bourgogne, puis aux ducs de Zsehringen, auxquels Pierre de Savoie l’enleva en 1259. Les Suisses l’occupèrent de 1473 à 1477 ; mais elle ne leur appartint définitivement qu’en 1536. A cette date, c’était une ville plus importante, que les guerres, la peste et les incendies firent déchoir.

YVERNOIS (François »’), homme politique suisse. V. lviîRNOis.

YVERT (Eugène), littérateur français, né à Murly-le-Roi (Seine-et-Oise) en 1794. Attaché aux idées légitimistes et catholiques, il devint membre de la Société des bonnes lettres, dont il fut secrétaire de 1820 à 1830, prit en 1831 la rédaction en chef de la Gazette de Picardie, et, depuis cette époque, il n’a cessé de rédiger ce journal, qui a pris, en 1848, le titre de l’Ami de l’ordre. M. Yvert est membre de l’Académie de la Somme, dont il a été chancelier et directeur. Ce journaliste s’est également fait connaître comme poëte. Nous citerons de lui : Épître au fauteuil de Molière, les inconvénients du spectacle (1829) ; Épître royaliste à un officier de l’expédition d’Alger (1830) ; Esquisses parlementaires, comptes rendus en vers des séances de la Chambre (1832) ; Ma gazette, imitatiun de la IX0 satire de Boileau (1844) ; Mœurs politiques (1845, in-8«) ; Fantaisies poétiques (1857, in-S°) ; Un revenant (1852, in-8o), comédie en deux actes et en vers ; Mélanges poétiques (1860, in-8o), etc.

YVES (SAINT-), ville d’Angleterre. V. Ivks.

YVES (saint), en latin lwo, prélat français, né en Beauvaisis vers 1040, mort à Chartres en 1116. Après avoir étudié à l’abbaye du Bec, sousLanfranc, il entra dans les ordres, devint chanoine de Nesle, en Picardie, puis fut ap Eelé en 1078 à prendre la direction de l’abaye de Saint-Quentin de Beauvais, qui venait d’être fondée. Il y établit une exacte et sévère discipline, y ouvrit une école, dans laquelle il enseigna les sciences humaines et sacrées avec un grand éclat et fut à la fois regardé comme un des premiers instituteurs des chanoines réguliers et comme un des plus éminents docteurs de l’Église de France. Yves gouvernait cette abbaye depuis treize ans lorsque, l’évêque de Chartres ayant été déposé, il fut élu par le clergé et par les fidèles pour lui succéder (1091). Sou élévation donna lieu à quelques troubles. Accusé d’avoir offensé le roi et violé les libertés gallicanes pour s’être fait sacrer évêque par le pape, au lieu de l’avoir été par son métropolitain, l’archevêque de Sens, il fut déposé par un concile d’Etampes, mais bientôt rétabli par le pape Urbain II. Peu après, il désapprouva hautement la répudiation de la

reine Berthe et le mariage de Philippe Ier avec Bertrade (1092). Le roi le punit en le jetant dans une prison, où il resta pendant deux ans, et en faisant piller les terres de son église. Après la mort de Philippe Ier (nos), Yves engagea vivement Louis VI à se faire sacrer au plus vite à Orléans, afin de déjouer les projets ambitieux des fils de Bertrade, Pendant les dernières années de sa vie, ce prélat contribua à la fondation du monastère de Tiron et remplaça par des moines les chanoines de Saint-Martin. Protecteur éclairé des arts, il appela d’habiles professeurs qui augmentèrent la célébrité des écoles de Chartres et rit exécuter de grands travaux d’embellissement à la cathédrale. Quoique sincèrement attaché au siège apostolique, il n’oublia jamais ce qu’il devait au pouvoir temporel du roi, et il remplit alors dans l’Église de France par son zèle et par son savoir un rôle qui rappelle celui de Bossuet. L’Église, qui l’a placé au nombre de ses saints, célèbre sa fête le 28 mai. L’évêque de Chartres a beaucoup écrit. Nous citerons de lui : Pannormia, en 8 livres (Bâle, 1499, in-4o), collection de canons ; Decretum, en 17 livres (Louvuin, 1561, in-fol.), recueil de règles ecclésiastiques ; 288 lettres (Paris, 1585), très-intéressantes pour l’histoire politique et religieuse du temps ;.24 sermons (Cologne, 1508) ; le Micrologue (Paris, 1510, in-4o), observations sur les rites et offices ecclésiastiques, etc. Les Œuvres de saint Yves ont été réunies et publiées à Paris (1647, in-fol.).

Ce fut sous l’épiscopat de saint Yves que Jean Cormier, dit le Sourd, fit élever à ses frais le magnifique portail méridional- de la cathédrale de Chartres.

YVES DE PARIS, théologien, né à Paris en 1593, mort en 1678. II suivit d’abord la carrière d’avocat, puis se lit capucin et partagea le reste de sa vie entre de grandes austérités et la composition de plusieurs ouvrages. Nous citerons, parmi ses écrits : la Conduite des religieux ; Théologie naturelle ; les Pratiques de piété ; les Maximes et morales chrétiennes ; le Gentilhomme chrétien ; VAgent de Dieu dans le monde ; les Fausses opinions et vaines excuses du pécheur ; le Magistrat intègre, etc. On lui attribue un ouvrage d’astronomie publié sous le voile de l’anonyme et intitulé : Astrologis nova méthodus

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Francisci Allalei, Arabis chrisiiani (Rennes, 1654-1655, 3 part, in-fol.). Cette édition, qui fut brûlée à Renues par la main du bourreau, est très-recherchée.

YVES D’ÉVREOX, capucin et missionnaire français, né à Evreux vers 1570, mort vers 1630. Il se rendit en 1612 au Mnranhao, où, tout en prêchant la foi, il observa avec attention les mœurs des sauvages. De retour en France en 1614, il fit paraître, sous le titre de Suite des choses mémorables advenues au Maragnan es années 1613 et 1614 (Paris, 1615, in-8"), un livre intéressant et curieux, au style naïf, plein de charme et de candeur, lequel est aujourd’hui d’une extrême rareté et a été réimprimé à Paris en 1864. On lui doit, en outre : Supplément à l’escript que le capucin Yves, prédicateur à Saint-Eloy, a fait imprimer touchant les conférences entre lui et J.-M. Delangie, minisire à Quevilly (Rouen, 161S), ouvrage de controverse.

YVES-HÉLOR1 (saint), patron des gens de loi, né en 1253, au manoir de Kaer-Martin, en Bretagne, d’une famille noble, mort à Lohanec en 1303. Il étudia à Paris, à Orléans, puis à Rennes, où il devint officiai, emploi qu’il remplit aussi à Tréguier. Le dévouement avec lequel il plaidait les causes des veuves et des malheureux lui mérita le surnom honorable d’A«ocat des pauvres. L’évêque Alain de Bruc l’éleva au sacerdoce et le nomma recteur. Il se consacra dès lors au service des pauvres. Il fut canonisé en 1347. Les gens de loi l’ont pris pour patron « plutôt que pour modèle, » dit malicieusement un légiste breton, M. de Kerdanet. Le même ajoute qu’on ne connaît que lui dans l’ordre des avocats qui ait obtenu les honneurs de la canonisation.

YVETEADX- VAUQUEL1N (Nicolas des), poëte français. V. Vauquelin.

YVETOT, ville de France (Seine-Inférieure), chef-lieu de canton et d’arrondissement, à 36 kilom. N.-O. de Rouen, au sommet d’un plateau aride ; pop. aggl., 7,904 hab. — pop. tôt., 8,282 hab. L’arrondissement comprend 10 cantons, 168 communes et 125,412 hab. Tribunaux de ire instance et de commerce ; justice de paix ; petit séminaire. Tissage de coton et de laine ; commerce de. grains et de bestiaux. Yvetot est une ville bien bâtie dans une plaine élevée et entièrement dépourvue d’eau, Les maisons sont basses, construites en bois et couvertes d’ardoises. Yvetot possède à peine quelques monuments remarquables tout au plus par des détails, mais la ville elle-même présente un charmant aspect : • Figurez-vous, dit M. Guilbert, une ville bâtie sur un plateau que sillonnent les rapides convois du chemin de fer de Rouen au Havre ; des environs qui font plaisir à voir, tant ils sont semés de sites agrestes et de charmants paysages ; au travers de tout cela, une rue agréablement bordée d’un double rang de maisons dont la façade est de bois et la toiture d’ardoises ; une rue toute entrecoupée d’enclos et de prés qui lui donnent un parfum des champs ; une rue si longue que, de ses premières à ses dernières maisons, il y a une étendue de deux kilomètres. ■ L’ancien château seigneurial d’Yvetot, bâti à la fin du xvie siècle, a été démoli en 1793. L’église paroissiale, très-grossier édifice en briques construit en 1771, possède une élégante chaire en bois sculpté, œuvre de M. Pottier de Rouen (1786). Un des basrelief’s représente saint Jean l’Evangéliste écrivant ; deux palmiers supportent le couronnement. On remarque aussi de belles armoiries provenant de l’ancienne abbaye de. Saint-Wandrille, La chapelle du séminaire est un édifice tout moderne (1839-1845), assez heureusement conçu dans le style du xme siècle. À l’extérieur, l’architecture est nue et sévère. Intérieurement, les clefs de voûte représentent soit des couronnes de feuillage, soit des corbeilles de fleurs. On conserve dans la sacristie un ostensoir gothique du xve siècle, qui passe pour un des plus beaux que nous possédions. L’hospice, dont la fondation est due à un particulier, M. Asselin (1841), est un bâtiment en briques sans aucun caractère. La chapelle, commencée vers 1845, a été construite dans le style de la fin du xiiie siècle. L’appareil est un silex gris, alterné de briques blanches. On remarque surtout les verrières ornant le fond de l’édifice, les ciels de voûte très-élégamment fouillées, le rang de trèfles décorant le sanctuaire et le couronnement des chapiteaux. Il faut encore citer le tribunal et la prison, occupant les restes ou remplacement d’un ancien couvent de bernardines fondé en 1660 pour l’éducation des jeunes personnes de famille noble d’Yvetot ; enfin la chapelle, style xvie siècle, construite en 1849 dans le couvent des Daines blanches ou de Picpus.

Histoire. L’étymologie d’Yvetot se compose du mottudesque tôt (emplacement d’une habitation) et à’Yvo, vraisemblablement nom propre de son premier seigneur ou souveverain. Les faiseurs d’hypothèses peuvent se donner carrière au sujet de cet Yvo resté profondément inconnu. Ce qui est certain, c’est qu’on ne trouve mention d’Yvetot, terre ou seigneurie, que vers le milieu du Xt« siècle, dans une charte de donation de Guillaume le Conquérant à l’abbaye de Saint-Wandrille. En 1066, on voit un sire d’Yvetot figurer dans l’expédition des Normands en

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Angleterre. Un autre sire d’Yvetot s’embarque en 1099 pour la terre sainte eu même temps que le duc Robert. Enfin, au xn« siècle, on trouve un Robert d’Yvetot et au xive siècle un Jean d’Yvetot représentant des familles nobles qui possédaient en Normandie des fiefs militaires. Quant à la fameuse royauté d’Yvetot, nous nous en occupons ci-après.

Les guerres de religion furent pour Yvetot une source de désastres. En 1592, les ligueurs, sous les ordres du duc de Parme, culbutés dans une première rencontre par les troupes de Henri IV, avaient établi leur quartier général dans la ville et aux environs. Le-roi de Navarre ne tarda pas à lancer contre eux 600 cavaliers dont l’attaque impétueuse mit le désarroi parmi les catholiques ; Mais Henri IV ne perd pas une minute, se rapproche d’Yvetot, dernier retranchement de ses ennemis, et fond sur la place suivi de 1,000 fantassins et de 400 mousquetaires ou piquiers. Sans la présence d’esprit et le sang-froid du duc de Parme, qui accourut au secours des siens, Yvetot était forcé. Le Béarnais opéra sa retraite, mais tes ligueurs avaient perdu près de 800 hommes. Le duc de Parme jugea à propos de ne pas risquer une nouvelle partie et fit à son tour cette fameuse retraite (nuit du 20 au 21 mai) qui demeure une des plus habiles dont l’histoire ait gardé le souvenir. Henri IV resta maître d’Yvetot. Sauf l’incendie de 1658, qui consuma une grande partie des maisons de la ville, aucun autre fait saillant ne signala Yvetot pendant le xvue et le xviiib siècle. La Révolution s’y accomplit sans aucun excès. Napoléon, voyageant en Normandie, visita deux fois Yvetot : la première fois, seul (6 novembre 1803) ; la seconde avec Marie-Louise, qu’il présenta aux hiibitants (10 mai 1810). La prospérité industrielle d’Yvetot date du premier Empire. Les nombreuses filatures qui s’y établirent à cette époque ont été l’origine des belles lubriques de toiles de coton, de calicots, de toiles flammées, de basins, de siamoises et de coutils qui font encore aujourd’hui la principale richesse des Yvetotais.

Yveto» (le roi d’). Ce souverain, aussi lilliputien que populaire, est surtout connu par la chanson de Béranger :

11 était un roi d’Yvetot,

Peu connu dans l’histoire ;

Se levant tard, se couchant lot, Dormant fuit bien sans gloire,

Et couronné par Jeannelon

D’un simple bonnet de colon,

Dit-on.

Ohl oh ! oh ! ohl ah ! ah ! ah ! ah Quel bon petit roi c’était lit !

La, la.

Ce charmant badinage du grand chansonnier, qui parut en 1813, cachait une leçnii ; la France était revenue de Moscou, on sait comment, et elle commençait à se fatiguer d’une gloire qui lui coûtait tant de larmes et de sang ; c’est alors que Béranger exhuma le souvenir de ce bon petit roi.d’Yvetot,

Qui n’agrandit point ses États,

Fut un voisin commode.

Et, modèle des potentats,

Prit le plaisir pour code.

L’allusion était transparente ; on vit dans les.couplets du poëte une sorte de mazarinade, et toute la France chanta le Roi d’Yvetot, qui passa dès lors dans notre littérature comme le type du roi bon entant. Mais beaucoup de gens crurent et croient peut-être encore que le roi d’Yvetot était un personnage imaginaire, inventé par le poetf. C’est une erreur ; il y a eu des rois d’Yvetot ; nos aïeux n’ont jamais mis le fait en doute :

Au noble pays de Caux

Y a quatre abbayes royaux,

Six prieurei conventuaux,

Et six barons de grand arroy,

Quatre comtes, trois ducs, un roy.

(Ancienne chronique normande.)

Lorsque Henri IV se préparait, près d’Yvetot, à livrer au duc de Mayenne la bataille d’Arqués, il se retourna vers ses amis et, avec sa bonne humeur traditionnelle : « Si je perds le royaume de France, leur dit-il, je suis du moins en possession du royaume d’Yvetot. » On cite encore un autre mot du même roi. Au mois de mai 1610, lors du couronnement de la reine Marie de Médicis à l’abbaye de Saint-Denis, il s’aperçut que le grand maître des cérémonies ne réservait pas de place à Martin du Bellay, seigneur d’Yvetot, et lui donna en ces termes l’ordre de le faire ; « Je veux que Ton garde une place honorable à mon petit roi d’Yvetot, selon la qualité et le rang qu’il doit tenir. » Ainsi donc, il y a eu certainement des rois d’Yvetot ; ce qu’il est plus difficile de déterminer, c’est l’époque de l’érection en royaume de la seigneurie d’Yvetot. Ce problème, qui a exercé la sagacité et soulevé les discussions d’un grand nombre d’érudits, n’a pu recevoir de solution satisfaisante. Un seul historien a prétendu en avoir trouvé l’explication ; c’est Robert Gaguin, général des religieux mathurins, qui vivait au xv6 siècle et écrivit un Cornpendium supra Francorum gesta (U97, in-4o). Voici, en résumé, le récit sur lequel il base l’origine du royaume dYvetot.

Vauthier ou Gauthier, seigneur d’Yvetot