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grâce à un négociant anglais, M. Shérif Booth, qui lui offrit de faire les frais de l’expédition. Aussitôt un bâtiment à vapeur fut commandé, tous les préparatifs nécessaires pour un tel voyage se firent activement, et bientôt, grâce au grand nombre d’hommes de bonne volonté qui se présentèrent, sir John Ross put s’embarquer avec un équipage choisi sur le navire la Victoire. Un autre bâtiment suivait, chargé de provisions de réserve, et la navigation commença sous d’heuveux auspices. Mais, après quelques jours, l’équipage du dernier bâtiment se révolta, et le capitaine Ross fut obligé de l’abandonner ; puis, peu après, la machine à vapeur de la Victoire se dérangea. Cependant, ceux qui s’étaient décidés à mener à fin l’expédition ne se découragèrent pas, et ils parvinrent jusqu’au milieu des glaces du pôle, plus loin encore que n’avait pénétré le capitaine Parry.Vers la fia de l’année 1829, le vaisseau fut disposé pour l’hivernage dans une baie où il se trouvait engagé au milieu des glaces. Toutes les précautions imaginables furent prises pour se garantir du froid, de l’ennui et des maladies qui pouvaient résulter de ce séjour. Le bâtiment était approvisionné en conséquence, et des travaux continuels, sans être excessifs, contribuèrent à entretenir la bonne santé de l’équipage, qui, dans l’espace de près de quatre années, ne perdit que trois hommes. Dans cette station où les glaces retinrent le vaisseau non-seulement tout l’hiver, mais encore l’été suivant, le capitaine. Ross eut plusieurs fois des rapports avec les Esquimaux, dont il a décrit les mœurs. Dans les nombreuses excusions que firent les voyageurs pendant la longue captivité de leur navire, ils se livrèrent à des chasses et à des pèches dignes d’exciter au plus haut point la curiosité et l’intérêt. Mais ce qui surtout mérite de fixer l’attention de tous les hommes éclairés, ce sont les recherches du commandant Ross pour déterminer la place du pôle nord et les observations importantes qu’il a faites sur l’aiguille aimantée, après être parvenu à trouver d’une manière assez exacte le point même du pôle qui, au grand désappointement de nos voyageurs, ne se trouve indiqué par aucun signe extérieur dans la nature, tandis que leur imagination se plaisait à le placer sur quelque fantastique montagne. Après avoir vainement attendu, pendant environ trente mois, que les glaces permissent au bâtiment de quitter la baie où il était retenu prisonnier, sir John Ross se décida enfin à abandonner tout à fait son vaisseau, au mois de mai 1832. Là commence une longue série de souffrances, de travaux, de privations de toute espèce pour ces courageux marins. Emportant avec eux, sur des traîneaux, toutes les provisions qu’ils peuvent prendre et des pirogues pour traverser les bras de mer, ils entreprennent de se faire jour à travers les obstacles de toute sorte amoncelés devant eux. Le récit de cette lutte des hommes contre les forces de la nature est si vrai, si noble, qu’on ne peut s’empêcher d’admirer ces êtres courageux. Ils errèrent ainsi plus d’un an, conservant à peine l’espérance de revoir la terre civilisée, et cependant sans que le désespoir s’emparât jamais d’eux. Ce fut seulement au mois d’août 1833 qu’ils aperçurent un bâtiment de pêche et parvinrent, non sans peine, à se faire reconnaître pour ce qu’ils étaient. Cette remarquable relation de voyage a été traduite par M. Defauconpret.

Voyage dans l’Amérique méridionale, par Alcide d’Orbigny (1835-1849, 9 vol. gr. in-4o, avec pl.).

En 1826, le Muséum d’histoire naturelle de Paris chargea d’Orbigny d’une mission scientifique dans l’Amérique méridionale ; le voyageur avait vingt-quatre ans. Il traversa le Brésil et l’Uruguay, et pendant quatorze mois il explora le Parana et ses affluents. Ensuite il parcourut les pampas, dans tous les sens pour le compte de la coufédération Argentine, qui lui avait demandé un rapport sur la culture à introduire dans ces steppes herbeux ; la partie septentrionale de cette région était une terre à peine connue. Une fois entré dans la Patagonie, au froid climat, il fut obligé pour sa propre sûreté de prendre parti dans les luttes que se livraient les tribus ; il séjourna huit mois dans cette partie du continent. De Montevideo, il passa au Chili, d’où il se rendit en Bolivie ; il fit une exploration complète de ce dernier pays. Son long voyage, qui avait duré sept ans, se termina par le Pérou ; le Mexique, la Guyane et quelques parties du Sud-Amérique étaient restés en dehors de son itinéraire. D’Orbigny avait étendu ses observations sur une ligue de 775 lieues du nord au sud et sur une autre ligne de 900 lieues de l’ouest à l’est. Il était de retour en France en 1833. La Société de géographie de Paris lui décerna le grand prix ; l’Académie des sciences fit quatre rapports sur les travaux du voyageur naturaliste (zoologie, botanique, géographie, géologie), et, sur les conclusions favorables des rapporteurs, le gouvernement édita l’ouvrage d’Alcide d’Orbigny (1834-1847, 9 vol. in-4o, avec 500 planches coloriées). Cet ouvrage renferme un nombre considérable de cartes et de coupes géologiques ; on y reconnaît un savoir profond et varié ; le cadre en est presque encyclopédique. Il s’ouvre par une étude originale des races humaines du Sud-Amérique, des races non mélangées. Ce vaste travail se compose des parties suivan-

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tes : I. Homme américain, considéré sous les rapports physiologiques et moraux. Il forme trois races principales : 1° race ando-péruvienne des montagnes de la partie occidentale, divisée en trois rameaux : Péruviens, Araucaniens et Antisiens, et distribuée en neuf nations distinctes ; 2° race pampéenne des plaines du centre de l’Amérique depuis la Patagonie jusqu’à Moxos, divisée en trois rameaux : Pampéens, Chiquitéens et Moxéens, et distribuée en vingt-sept nations ; 3° race brasilio-guaranienne : Garibes ou Caraïbes, Guaranis, etc., habitant toute la partie orientale depuis les Antilles jusqu’à la Plata. On y ajoute les Aztèques (Mexicains) et les Huyscas, les Muzos du plateau de Bogota, ainsi que les Tuguerres de la province de Gauca. — II. Mammifères. — III. Oiseaux. — IV. Reptiles. — V. Poissons. — VI. Crustacés. — VII. Insectes. — VIII. Mollusques. — IX. Foraminifères. — X. Bryozoaires et zoophytes. — XI. Paléontologie : l’auteur y émet des vues nouvelles ; par exemple, le renouvellement successif des espèces à chaque époque géologique, par l’extinction des races existantes au moment de chaque nouvelle genèse. — XII. Géologie : cette partie est riche en faits intéressants. — XIII. Géographie. — XIV. Partie historique, relation du voyage. — XV. Botanique.

Voyages en Afrique de Clapperton, Oudney, Denham et Laurier (de 1822 à 1834).

Ces noms sont inséparables ; les travaux de ces explorateurs se complètent, leurs recherches se tiennent, leurs voyages ne forment qu’un même voyage ; tous ces pionniers de la géographie africaine ont successivement péri sur le théâtre de leurs fatigues, après avoir épuisé le cercle des misères humaines. En 1822, le major Denham rejoignit à Tripoli le capitaine Clapperton et le docteur Oudney, et prit le commandement de l’expédition. Le bey leur fournit une escorte pour atteindre Mouzzouk, dans le Fezzan, où ils arrivèrent le 8 avril A peu de distance de Kouka, capitale du Bornou, ils rencontrèrent un prince ou marchand arabe, Bou-Khaloum, avec lequel ils firent leur entrée à Kouka, où ils furent reçus par un détachement d’honneur. Là, ils se séparent. Denham prend vers le sud et à l’est et côtoie le lac Tchad, qui, d’après lui, ne reçoit pas de grandes rivières à sa droite. Ses deux compagnons suivent dans l’ouest une vallée fertile et peuplée. Oudney y meurt ; mais Clapperton traverse bon nombre de villes et atteint Sakatou, la capitale, où il est accueilli par le sultan Bello, prince intelligent dont il reçoit beaucoup d’informations et qui manifeste un vif désir d’établir des rapports avec l’Angleterre. Quelques détails donneront une idée exacte de l’importance de cette expédition. Le lac Tchad est une espèce de Caspienne aux eaux douces, réservoir des rivières du Bornou, l’Ycou et le Chary, supposées l’une et l’autre avoir des communications avec le Niger ; le lac, situé dans le Bornou, a presque la forme d’un cœur ; il a plus de 220 milles de long ; sur ses rives croissent des graminées et des roseaux ; les éléphants, les hippopotames, les buffles y prospèrent. Denham a remonté la grande rivière Chary. Sur la frontière septentrionale du Bornou, séparé du Soudan par un désert sablonneux qui fut autrefois un immense lac salé, l’aspect du pays diffère de celui du pays de Bilma, le grand marché de sel du Soudan ; cette région nourrit des troupes d’antilopes, des poules de Guinée, des tourterelles de Barbarie. Le sultan Bello, chef de l’empire des Fellatas, possédait plusieurs grandes villes, Kanoli, Kasynah, Sakatou ; ce sultan disait à Clapperton que l’objet le plus merveilleux qu’il eût vu, c’était lui-même. Le cheik ou sultan du Bornou, ancien maître d’école, était le souverain d’un royaume de 2 millions d’âmes. Denham l’accompagna dans deux expéditions militaires, et il traversa ainsi, en payant de sa personne, des contrées fertiles et des populations belles et intelligentes. Le Bornou a des villes florissantes ; une industrie développée, un commerce immense lui font cette prospérité. Le cheik a une garde noire, armée comme les anciens chevaliers francs et maures. Après s’être retrouvés à Kouka, Denham revenant du lac Tchad, et Clapperton arrivant du Soudan, les deux explorateurs reparurent à Trîpoli le 26 janvier 1825. L’année suivante, chacun d’eux publiait une relation du voyage ; celle de Denham, élégante et facile, a été traduite en français. Les deux voyageurs avaient exploré une étendue de 700 nulles, de l’est à l’ouest, dans le centre de l’Afrique. En 1827, ils retournèrent aux mêmes périls. Un nouvel auxiliaire, Laing, parti de Tripoli et traversant le désert dans l’ouest du Fezzan, entre dans Tombouctou, où il périt traîtreusement. Denham, s’avançant de Free-Town à Fernando-Pô, où il rencontre Richard Lander, meurt de maladie, le 9 juin 1828. Clapperton, accompagné du capitaine Pearce, d’un chirurgien de marine, d’un dessinateur et d’un domestique de confiance, R. Lander, avait pris les devants. Après avoir débarqué au comptoir de Badagry ou Badagh, dans l’anse de Bénin, il s’était dirigé au nord-est pour aller à Kanoh. Passant par Katangha, capitale du grand pays de Yarbah, et par Bousa, sur le Niger, théâtre de la mort de Mungo-Park, il était arrivé à Kanoh et enfin à Sakatou, ville importante, située au confluent de plusieurs pe-

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tites rivières qui se jettent dans le Niger. Sou but, en rentrant à Sakatou, était de solliciter du sultan la permission de visiter Tombouctou et le Bornou. Mais tous les gens de l’expédition, sauf Clapperton et Lander, étaient morts en route. Clapperton lui-même fut emporté par la dyssenterie le 11 avril 1827, après avoir deviné que le Niger avait son embouchure, non dans un lac de l’est, mais dans le golfe de Guinée. Richard Lander, le serviteur intelligent de Clapperton, revint à travers mille dangers et publia la relation de ce voyage, d’après les papiers de son maître, mort dans ses bras. Cette relation, comme la première, a été traduite en français (1826-1829). Dans son second voyage, Clapperton a découvert la route la plus courte et la plus facile qui conduit dans les contrées populeuses de l’intérieur ; il est le premier qui ait complété l’itinéraire à travers le continent africain, depuis Tripoli jusqu’à Bénin. Cette ligne est appuyée sur des observations astronomiques. Le grand problème était résolu ; mais il restait encore à suivre et à vérifier les détails. L’honneur de découvrir et de déterminer finalement le cours du Niger était réservé à Richard Lander. Aidé de son frère, il repart en janvier 1830, sous les auspices du gouvernement anglais. Débarqué sur la côte de Guinée le 22 février, il arrive à Badagry le 22 mars. Reçu assez mal par le roi Adouly, il quitte des hôtes dangereux, qui font des sacrifices humains aux démons. Prenant à peu près la même direction que Clapperton, il s’avance jusqu’à Yaouri et, s’embarquant alors sur le Niger, il trouve à droite et à gauche divers Etats et, sur les rives du fleuve, des villes considérables, non dépourvues d’éléments d’industrie ; il débouche enfin, le 18 novembre, dans la mer, près du cap Formose, par la rivière Nun, qui n’est autre chose que la branche centrale du Niger. Il rentrait à Portsmouth le 9 juin 1831. L’éditeur Murray lui paya le manuscrit de sa relation (3 vol.) 1, 000 guinées. Richard Lander entreprit bientôt une seconde expédition pour le compte de quelques négociants de Liverpool, qui armèrent un bateau à vapeur, muni de canots, de manière à pouvoir remonter les divers affluents du Niger. Lander explora, en 1832 et 1833, le cours du Tschadda, du Brass et des autres branches ou tributaires du grand fleuve. Le navire s’étant ensablé, l’équipage monta sur un canot, qui fut attaqué par les indigènes. Un coup de feu atteignit Lander à la hanche ; l’intrépide jeune homme (il avait trente et un ans) mourut des suites de cette blessure, à Fernando-Pô, le 16 février 1834. Les deux officiers survivants de l’expédition, MM. Laird et Oldfield, publièrent la relation de ce voyage (1837, 2 vol.).

Voyage en Espagne, par Théophile Gautier (1843 et 1845).

Ce récit parut d’abord sous le titre de Tra los montes, titre à moitié castillan, qui eût dû être remplacé par celui-ci : Tras las sierras (Par delà les monts). Mais l’étiquette du livre n’en fait pas la valeur. Le voyage de Th. Gautier remonte à l’année 1840. Les choses ont peu changé en Espagne, malgré les chemins de fer et nonobstant les émeutes militaires ; ce que le voyageur français a vu, d’autres pourront le voir encore. Tous reconnaîtront la sincérité de son récit et l’exactitude de ses descriptions. Bien qu’il place sa personnalité au centre du panorama changeant qui se déroule dans sa narration, l’auteur n’écrit pas pour raconter des aventures plus ou moins imaginaires. Il n’imite pas non plus ces explorateurs de sentiers battus qui ne font grâce au lecteur ni d’un incident de table d’hôte ni d’une mésaventure à la douane. Th. Gautier fait une promenade pittoresque, il voyage en artiste. Il entre en Espagne par le pont de la Bidassoa, et il en revient en s’embarquant à Valence. C’est à peine si, dans cet itinéraire, il pense une fois à l’Espagne politique, révolutionnaire. Tous ses regards, tous ses souvenirs sont pour l’Espagne de Calderon ou de Murillo. Ses illusions romantiques ne survivent pas toutes à cette étude sur place ; mais l’observation directe et attentive lui révèle des beautés réelles, et lui ménage des surprises qui valent bien les chimères de la poésie. Le voyageur devine en curieux et admire en amant. Il décrit en peintre, et parfois il ciselle en sculpteur. Tout devient tableau, et tout se présente en bas-relief ; rien n’est omis : les perspectives de montagnes, les paysages à demi africains, les vieilles cités andalouses et castillanes, les majestueuses cathédrales, les palais magnifiques, les promenades embaumées, les couvents sinistres, les cirques grandioses. Mais l’homme n’est pas sacrifié au marbre ou à la pierre. La jeune femme espagnole entortillée dans sa mantille noire ; le mendiant espagnol, qui fume sa cigarette avec la sérénité du juste ; le prêtre espagnol, à la silhouette terrifiante ou grotesque ; le bandit espagnol, poignard au flanc, escopette sur l’épaule, et le toréador, la plus belle et la plus énergique de toutes ces figures, traversent les scènes du récit. Le voyageur peint les combats de taureaux avec une verve, ua enthousiasme, une crudité de ton tellement saisissante, que la répugnance instinctive du lecteur se tait devant les horreurs de ce spectacle émouvant. L’Espagne du Nord le laisse en quelque sorte dans une indifférence relative ; l’admiration éclate, les transports, les ravissements redoublent quand

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il salue l’Andalousie, au ciel éclatant, des hauteurs de la sierra sauvage qu’il vient de gravir en côtoyant des précipices gigantesques. Cette Espagne africaine, si luxuriante et si embaumée, aux horizons chatoyants, se déroule comme un décor de fête à ses yeux émerveillés.Vues de près, Grenade et ses antiquités moresques, l’Alhambra et le Generalife, lui font retrouver en détail les illusions qu’il avait apportées dans son bagage littéraire. Un laurier-rose du Generalife, s’épanouissant comme un feu d’artifice végétal, inspire.au voyageur une page d’une précision plastique et d’un pittoresque merveilleux. Le talent descriptif convient de tout point à de tels aspects et à un tel pays. Jadis, pour les écrivains du siècle de Louis XIV, il suffisait d’un adjectif banal, d’un terme de convention (une beauté incomparable, un palais magnifique, etc.), quand ils voulaient caractériser un objet. Leurs successeurs de la fin du XVIIIe siècle, lesquels découvrirent la nature, ne firent plus de ces peintures indécises et ternes qui ressemblent à tout et à rien. Th. Gautier a fait faire un grand pas à la description physionomique des lieux, des cités, des monuments, des paysages, des costumes ; il a renouvelé cet art, en combinant les procédés de l’analyse avec la méthode synthétique ; il s’est créé un vocabulaire exact, particulier, expressif. Son Voyage en Espagne est plus qu’un récit amusant ; il vaut un tableau d’après nature. Il donnerait une image plus vive de la réalité et une idée plus haute de l’auteur, si Th. Gautier y avait intercalé les pièces de vers où il a fixé ses plus intimes impressions de poëte épris de toutes les belles choses. On a, il est vrai, la ressource de les lire dans ses Poésies complètes, où elles sont recueillies sous la rubrique : España.

Voyage de découvertes, par le lieutenant Charles Wilkes (5 vol. in-4o, avec atlas, Philadelphie, 1845).

Ce voyage fut exécuté par ordre du gouvernement de Washington, pendant les années 1838, 1839, 1840, 1841 et 1842. Le gouvernement des Etats-Unisn avait pris jusnu’alors aucune part à ces grandes explorations maritimes qui profitent au commerce et à la science. L’expédition confiée au lieutenant Wilkes était en défaveur dans l’opinion publique ; plusieurs officiers avaient tour à tour refusé de s’en charger. Le lieutenant Wilkes réunissait les connaissances scientifiques et l’expérience du marin. Six navires, savoir : deux corvettes, un brick, un bâtiment de charge et deux petits bâtiments pilotes, furent attachés à l’expédition ; l’équipage, tant officiers que matelots, se composait de 627 hommes. Une commission civile, composée de deux dessinateurs, six naturalistes et un philologue, fut jointe à l’expédition. On munit la flottille de tous les instruments de précision nécessaires aux observations astronomiques et physiques : baromètres, hygromètres, thermomètres de toutes sortes, chronomètres, appareils magnétiques, pendule portatif. Le voyage avait pour objet : 1° d’explorer toutes les régions de l’océan Atlantique et du Pacitique qui se trouvent sur le parcours du commerce américain ; de recueillir tous les renseignements, toutes les données physiques, naturelles et politiques dont la connaissance pouvait servir à diriger ces entreprises avec plus d’avantages ; 3° de rechercher par voie scientifique de nouvelles terres pouvant fournir des points de relâche, ou des mers jusqu’alors ignorées offrant des champs d’exploitation encore vierges. Les instructions officielles traçaient un plan habile, où l’on reconnaît l’expérience pratique de l’Américain ; elles se résumaient en ceci : « Partant d’abord du port de Norfolk, situé vers 37° de latitude boréale, sur la côte orientale des Etats-Unis, descendre l’Atlantique du nord au sud jusqu’au cap Horn, en touchant aux principales stations des navires de commerce qui suivent cette route. Arrivée à cette extrémité australe du continent d’Amérique, l’expédition se partagera ; une partie restera à un mouillage sûr de la Terre de Feu et l’autre fera voile vers le sud, sur les traces de Cook et de Weddell, jusqu’aux latitudes australes les plus élevées qu’il sera possible d’atteindre. Au retour de cette croisière, l’expédition remontera la côte occidentale de l’Amérique jusqu’à Valparaiso, où toute la flotte devra rejoindre. De là, se diriger vers l’Australie, et se rendre au port de Sydney, en explorant toute l’étendue de la mer interposée. Sydney sera le point de départ d’une nouvelle croisière vers le sud, pour pénétrer dans les régions antarctiques, à l’ouest de la terre de Van-Diémen, jusqu’à la terre d’Enderby. Cette tentative terminée, remonter aux îles Sandwich ; puis, se porter sur la côte nord-ouest de l’Amérique jusqu’à la hauteur de la rivière Columbia, pour y explorer d’abord le littoral appartenant aux Etats-Unis, ensuite les côtes de la Californie, et principalement la baie de San-Francisco. Cette tâche remplie, se diriger vers la côte du Japon, en cherchant à reconnaître dans ces mers la route la plus courte et La plus sûre pour passer à la Chine et en revenir. Le retour aux Etats-Unis devra s’effectuer par les mers de l’Inde et le cap de Bonne-Espérance. » L’itinéraire suivi s’écarte peu de ce plan d’ensemble. Il suffira d’en faire connaître les points principaux, pour s’arrêter à un sujet de controverse que les résultats acquis par l’expédition ont fait naître entre les Etats-