Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 16, part. 2, C-F.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mune ; il fallait subvenir à une foule de dépenses plus ou moins avouables. Ce même jour, 27 avril, le délégué aux finances, Jourde, prenait une mesure conçue en ces termes :

« Le délégué au ministère des finances,

« Vu les lois et règlements réglant les rapports entre l’État et les compagnies des chemins de fer ;

« Considérant qu'il importe de déterminer dans quelle proportion les impôts de toute nature dus par lesdites compagnies peuvent être perçus par la Commune de Paris ;

« Qu’il est nécessaire de fixer provisoirement le quantum de la somme à réclamer sur l’arriéré des impôts dus pour la période antérieure au 18 mars ; mais que, par suite de la guerre avec l’Allemagne, certaines compagnies ont subi des pertes considérables dont il est juste de leur tenir compte ;

« Considérant qu’il y a lieu d’établir les bases sur lesquelles sera perçu l’impôt du dixième, et qu’il est équitable de fixer au vingtième de la redevance totale des autres impôts spéciaux aux chemins de fer la part applicable à la Commune de Paris depuis lo 18 mars 1871 ;

« Arrête :

« Article 1er. Les compagnies du Nord et de l’Est, de l’Ouest, d’Orléans et de Lyon verseront au Trésor, dans un délai de quarante-huit heures après la publication du présent arrêté, la somme de 2 millions, imputable à l’arriéré de leurs impôts.

« Cette somme sera répartie de la manière suivante entre les compagnies sus-nommées :

« La compagnie du Nord... 303,000 fr.
  « La compagnie de l’Ouest. 275,000 fr.
  « La compagnie de l’Est... 354,000 fr.
  « La compagnie de Lyon... 692,000 fr.
  « La compagnie d’Orléans.. 376,000 fr.
                « Total 2,000,000 fr. »

La compagnie du Nord refusa seule d’accepter cet ordre de recouvrement.

C’est encore dans cette même séance du 27 avril que fut arrêtée l’exécution du fameux décret relatif à la colonne Vendôme. Laissons ici la parole au Journal officiel :

Le citoyen Courbet demande que l’on exécute le décret de la Commune sur la démolition de la colonne Vendôme. On pourrait peut-être laisser subsister le soubassement de ce monument, dont les bas-reliefs ont trait à l’histoire de la République ; on remplacerait la colonne impériale par un génie représentant la révolution du 18 mars.

« Le citoyen J.-B. Clément insiste pour que la colonne soit entièrement brisée et détruite.

« Le citoyen Andrieu dit que la commission exécutive s’occupe de l’exécution du décret.

« La colonne Vendôme sera démolie dans quelques jours.

« Le citoyen Gambon demande que l’on adjoigne le citoyen Courbet aux citoyens chargés de ces travaux.

« Le citoyen Grousset répond que la commission exécutive a confié ces travaux à deux ingénieurs du plus grand mérite et qu’ils en prennent toute la responsabilité. »

Pauvre Courbet ! grand artiste et « grand enfant, » comme l’a appelé son défenseur devant le conseil de guerre, c’est lui qui devait payer les frais de cet arrêté dont il n’avait pas pris l’initiative, comme on l’a trop souvent répété, mais dont il a eu le tort de réclamer l’exécution. Nous nous rappelons avoir vu cette fameuse colonne couchée tout de son long sur un lit de fumier, et le quatrain vengeur qu’on trouva un jour collé sur le piédestal nous revint à la mémoire :

      Tyran juché sur cette échasse,
      Si le sang que tu fis verser
      Pouvait tenir dans cette place,
      Tu le boirais sans te baisser.

À la date du 28 avril, le délégué à la guerre, Cluseret, donnait de nouveau carrière à sa manie de réglementation. Le Journal officiel de ce jour contenait, en effet, cette pièce :

« Les forces destinées à la défense de la Commune de Paris seront ainsi réparties :

« La défense extérieure sera confiée aux bataillons de guerre.

« Le service intérieur sera fait par la garde nationale sédentaire.

« Les forces chargées de la défense extérieure seront divisées en deux grands commandements.

« Le 1er, s’étendant de Saint-Ouen au Point-du-Jour, sera confié au général Dombrowski.

« Le 2e, allant du Point-du-Jour à Bercy, sera confié au général Wroblewski.

« Chacun de ces commandements sera subdivisé en trois.

« La 1re subdivision du 1er commandement comprendra Saint-Ouen et Clichy, jusqu’à la route d’Asnières ;

« La 2e subdivision, Levallois-Perret et Neuilly, jusqu’à la porte Dauphine ;

« La 3e subdivision comprendra la Muette et s’étendra jusqu’au Point-du-Jour.

« La 1re subdivision du 2e commandement comprendra les forts d’Issy et de Vanves ;

« La 2e subdivision comprendra les forts de Montrouge et de Bicétre ;

« La 3e subdivision comprendra le fort d’Ivry et l’espace compris entre Villejuif et la Seine.

« Le quartier général du 1er commandement sera au château de la Muette, et celui du 2e à Gentilly.

« Toutes les communications relatives au service seront adressées au délégué à la guerre par l’entremise des généraux commandant en chef. Les communications faites directement ne seront pas prises en considération.

« Les commandants en chef établiront immédiatement à leurs quartiers généraux un conseil de guerre en permanence et un service de prévôté, »

Vaine parade, destinée à faire perdre de vue les progrès continus de l’armée régulière. Déjà les bataillons fédérés étaient acculés aux remparts ; les forts de Vanves et d’Issy, où pleuvaient constamment les obus, allaient devenir intenables. Chaque jour, les troupes de la Commune perdaient un peu de terrain, qu’elles ne reprenaient jamais. Mais l’état des choses n’en était pas moins soigneusement dissimulé à la population parisienne, car déjà les membres de la Commune sentaient s’évanouir leur prestige, même parmi leurs plus chauds partisans.

Les auteurs de tentatives de conciliation ne s’étaient pas encore découragés. Le 29 avril eut lieu la manifestation des francs-maçons, dont le Journal officiel rend compte en ces termes :

« Ce matin, à neuf heures, les francs-maçons se sont réunis dans la cour grillée des Tuileries.

« Tous les maçons présents à Paris s’étaient rendus à l’appel de leurs loges. Les dignitaires, portant le cordon rouge ou bleu en sautoir et les reins ceints du tablier symbolique, affluaient de tous les points, bannières et musique en tête, au milieu d’une foule compacte, que l’attente de ce spectacle avait attirée là dès la première heure.

« La convocation avait été faite pour la cour du Louvre ; mais l’obstacle apporté à cette réunion solennelle par une foule enthousiaste, qui emplissait la rue de Rivoli, la place du Louvre, celle du Palais-Royal et, d’un autre côté, les quais, força les délégués des loges de se rendre à la cour des Tuileries par la place du Carrousel.

« Plusieurs bataillons de la garde nationale forment la haie et contiennent les curieux, qui se poussent aux cris de : « Vivent les francs-maçons ! vive la Commune ! » auxquels répondent d’autres cris de : « À bas Versailles ! »

« Les maçons se forment par rangs de quatre ; la musique militaire joue la Marseillaise ; le défilé commence.

« Cinquante-cinq loges sont représentées, bannières déployées, formant environ 10,000 citoyens de tout âge, de tout rang, tous, suivant leur grade, porteurs de larges rubans de diverses couleurs. Une loge de femmes est particulièrement saluée de cette foule émue par ce spectacle, unique dans l’histoire de la franc-maçonnerie.

« Le cortège, accompagné de six membres de la Commune délégués à cette réception, se met en marche au son d’une musique au rhythme étrange, sévère, impressionnant.

« En tête, la musique, les généraux et officiers supérieurs des gardes nationaux, et enfin les grands maîtres.

« Derrière eux marchent les six membres délégués par la Commune.

« Après le défilé des loges, les cris de « Vive la République ! vive la Commune ! » retentissent sur tout le parcours.

« La tête du cortège arriva sur la place de l’Hôtel-de-Ville, où, sous un dais élevé devant le buste de la République et le trophée de drapeaux rouges, se trouvent les membres de la Commune.

« Des discours sont prononcés par les citoyens Monière et Tirifocq, vénérables des loges.

« Tous les membres de la Commune présents se sont joints aux francs-maçons, tenant à les accompagner dans leur mission périlleuse. Le défilé commence, prend rue de Rivoli, partant de l’Hôtel de ville, et suit les grands boulevards depuis la Bastille jusqu’à l’Arc de triomphe.

« Toujours même foule sympathique sur tout le parcours. Acclamations générales, La députation arrive aux avant-postes.

« Ordre est donné d’arrêter le feu. Quatorze mille francs-maçons sont à l’Arc de triomphe. Ils demandent à aller en corps planter leurs bannières sur les remparts.

« Pluie incessante d’obus, reçue aux cris de « Vive la Commune ! vive la République universelle ! »

« Une délégation, composée de tous les vénérables, accompagnés de leurs bannières respectives, s’avance par l’avenue de la Grande-Armée. Les bannières sont plantées sur les remparts, aux postes les plus dangereux.

« Enfin, vers cinq heures trente minutes du soir, le feu cesse du côté des Versaillais. On parlemente, et trois délégués de la franc-maçonnerie se rendent à Versailles.

« Il est convenu de part et d’autre que le feu ne pourra reprendre qu’après le retour des délégués. »

Cette mise en scène théâtrale, presque grotesque, ne fut suivie d’aucun résultat. Comme il était facile de le prévoir, les délégués revinrent de Versailles sans avoir rien conclu.

Le mois de mai s’ouvrit sous des auspices menaçants pour la Commune ; chaque jour, l’armée régulière faisait quelques pas en avant.

Le 1er mai, le Journal officiel publiait l’arrêté suivant, daté du 30 avril :

« La commission exécutive

« Arrête :

« Le citoyen Rossel est chargé, à titre provisoire, des fonctions de délégué à la guerre.

« Jules Andrieu, Paschal Grousset, Ed. Vaillant, F. Cournet, Jourde. »

En même temps, la Commune décidait l’arrestation de l’ex-délégué Cluseret, dont l’incapacité et la négligence avaient, d’après elle, compromis la possession du fort d’Issy.

Le malheureux Rossel se rendait bien compte de la redoutable situation dans laquelle il allait se trouver ; sa réponse laisse percer ses inquiétudes :

« Citoyens,

« J’ai l’honneur de vous accuser réception de l’ordre par lequel vous me chargez, à titre provisoire, des fonctions de délégué à la guerre.

« J’accepte ces difficiles fonctions, mais j’ai besoin de votre concours le plus entier, le plus absolu, pour ne pas succomber sous le poids des circonstances.

« Salut et fraternité.

        « Le colonel du génie,
                    « Rossel. »

Le 1er mai, la Commune accomplissait une autre révolution, mais cette fois dans son sein. On lisait en tête de l’Officiel du lendemain :

« La Commune

« Décrète :

« Article 1er. Un comité de Salut public sera immédiatement organisé.

« Art. 2. Il sera composé de cinq membres, nommés par la Commune, au scrutin individuel.

« Art. 3. Les pouvoirs les plus étendus sur toutes les délégations et commissions sont donnés à ce comité, qui ne sera responsable qu’à la Commune. »

Un second décret portait que les membres de la Commune ne pourraient être traduits devant aucune autre juridiction que la sienne (celle de la Commune).

Les membres du comité de Salut public nommés furent : Antoine Arnaud, Léo Meillet, Ranvier, Félix Pyat et Ch. Gérardin. C’était ce comité qui, dès lors, allait réellement exercer l’autorité dans Paris.

Nous n’avons rien dit jusqu’à présent de la situation financière de la Commune, au double point de vue des recettes et des dépenses ; le tableau ci-dessous, emprunté au Journal officiel du 4 mai, en donnera une idée suffisante. Nous ne prétendons pas que ce tableau soit digne d’une confiance absolue, mais c’est une pièce curieuse et qui, à ce titre, méritait d’être signalée.

DÉLÉGATION DES FINANCES. — CAISSES CENTRALES DU TRÉSOr PUBLIC.


Résumé des mouvements de fonds du 20 mars au 30 avril inclus.

Recettes :
Le„lav.ril, .il.a, .été reconnu dans ’es armoires nos l et g, comptoir

principal et diverses caisses.
Le 7 avril, dans la resserre, reconnu en billets, "or et’argent ! ! ! !.
Le 7 avril, une caisse renfermant des thalers pour une somme de...

Du 19, dans la resserre, une cassette or...

Plus, un rouleau d’or trouvé dans la resserre...... >...... ! ’

Billon éparsdans la cave, en dehors de 285,000 fr.’trouvés ie4 avril !

Diverses sommes trouvées au fur et à mesure des recherches

Reliquat des souscriptions en faveur des victimes du bombardement,

Total porté au débit de la caisse centrale par le crédit
de l’ex-caisse centrale des finances

Recettes de diverses administrations et établissements communaux.

Banque de France. Ses diverses remises de fonds

Direction des télégraphes, y compris 500 fr. (vente de vieux pai’ii<>rs)’

Octroi communal. Versements ’

Contributions directes. Versement du caissier principal ! !

Douanes, Versements par Révillon.., .... ! ! !

Halles et marchés. Versements des délégués aux’ halles.’ "519 500 19

— Du délégué pour le Dépotoir 2077 »

Manufacture des tabacs. Versement des entrepositai’rés !...’....

Service des travaux publics. Versement par Duvivier

Enregistrement et timbre. Versement du directeur.. ! ! ! ! ! ! ! !’
Association des cordonniers. Versement par Durand délégué
Caisse municipale de l’Hôtel de ville. Versement par divers. ! !
Remboursements effectués par la garde nationale, suivant détail aux

diverses caisses

Mairie du Vie arrondissement. Versement du secrétaire ! ! !

Caisse de retraite des employés de l’Hôtel de ville. Retenues sur uii

état d appointements

Compte de cautionnements. Ma Andrieu...., ... ’., ’ 1,000 ’.

— Manteuil i’}000 »

— Finbruke......... 50 »

Produit de diverses saisies ou réquisitions. Archevêché

(numéraire) 1 308 20

Communauté de Villiers.... ".... ! !’ '250 »

Numéraire trouvé chez les frères Dosmont et Demore (suivant
procès-verbal) ; 7 370,

Chemins de fer. Versement en exécution du décret du ! 27 avril’.
Produit de passe de sacs

Total général.

Payements.
Il a été payé du 20 mars au 30 avril 1871 inclusivement :
Aux diverses municipalités :
arrondissement,3 000

1er

lie

llfo —...

IVo

Vo —

Vie —

Vile ...

VlRo —

IXo -



XK —

Xlle —...

XIII° -....

XIVc

XVe —...

XVie ....

XVIIe

XVIIIo —

XIXo —....

XX« —

À la délégation de la guerre.

À l’intendance

À la délégation de l’intérieur.

— de la marine

5,000

42,000

122,939

23,000

45,531

25,000

4,000

10,000

27,000

102,500

44,000

20,000

137,500

100,250

32,261

85,095

48,390

200,173

228,000

49

fr. c.

721,342 »

3,870,585 »

37,833 73

12,000 »

1,000 »

500 «

1,336 4G

4,515 »

4, G5S,112 21

7,750,000 »

50,500 •

8,400,988 10

110,192 20

33,010 »

521,070 19

1,759,710 55

5,980 ■

5G0,0U0 *

775 50

1,284,477 85

480,840 30
17,303 93

28 35

2,050 ’

8,928 20

303,000 »
341 30

20,013,910 70

1,445,045 64

de la justice

du commerce

de renseignement...
des relations extérieur^

Comité central

Commission de travail et d’échanjj

Hôtel de ville et mairie de Paris.

A reporter.

20,056,573 15

1,813,318 25

103,730 ■

29,259 34

5,500 s

50,000 »

1,000 »

112,129 90

15,051 20

0,800 50

01,753 48

2i, G15,231 52