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salle de bal champêtre quand la guerre éclata. À quelques mètres en avant des murs de clôture règne en effet, jusqu’à hauteur d’appui, un soubassement destiné à recevoir les treillis qui devaient former la salle de bal. L’espace compris entre ce soubassement et le mur de clôture forme comme une large tranchée de 10 à 15 mètres de longueur. Un soupirail carré, donnant sur une cave, s’ouvre au milieu.

« C’est le local que ces misérables avaient choisi pour l’assassinat ; c’est là que je retrouvai les corps des victimes et que je recueillis, en contrôlant les uns par les autres plusieurs témoignages, les renseignements suivants sur le crime du 26.

« Je ne pus savoir exactement dans quel lieu les prisonniers, en les supposant sortis le 25 de la Roquette, auraient passé la nuit suivante et une partie de la journée du 26. Quoi qu’il en soit, ce jour-là, entre cinq et six heures du soir, les habitants de la rue de Paris les voyaient défiler au nombre de cinquante (un rapport officiel, lu à l’Assemblée, dit quarante-huit). Ils étaient précédés de tambours et de clairons marquant bruyamment une marche et entourés de gardes nationaux.

« Ces fédérés appartenaient à divers bataillons ; les plus nombreux faisaient partie d’un bataillon du XIe arrondissement et d’un bataillon du Ve. On remarquait surtout un grand nombre de bandits appartenant à ce qu’on nommait les enfants perdus de Bergeret, troupe sinistre parmi ces hommes sinistres. C’est elle qui, selon tous les témoignages, a pris la part la plus active k tout ce qui va se passer.

« Ainsi accompagnés, les otages montaient la rue de Paris parmi les huées et les injures de la foule. Quelques malheureuses femmes semblaient en proie k une exaltation extraordinaire et se faisaient remarquer par des insultes plus furieuses et plus acharnées. Un groupe de gardes de Paris marchait en tête des otages, puis venaient les prêtres, puis un second groupe de gardes. Arrivé au sommet de la rue de Paris, ce triste cortège sembla hésiter un instant, puis tourna à droite et pénétra dans la rue Haxo.

« Cette rue, surtout les terrains vagues qui sont aux abords de la cité Vincennes, était remplie d’une grande foule manifestant les plus violentes et les plus haineuses passions. Les otages la traversaient avec calme ; quelques-uns des prêtres, le visage meurtri et sanglant. Victimes et assassins pénétrèrent dans l’enclos.

« Un cavalier qui suivait fit caracoler un instant son cheval aux applaudissements de la foule et entra à son tour en s’écriant : « Voilà une bonne capture, fusillez-les ! »

« Avec lui, et lui serrant la main, entra an homme jeune encore, pâle, blond, élégamment velu.

« Ce misérable, qui paraissait être d’une éducation supérieure à ce qui l’entourait, exerçait une certaine autorité sur la foule. Comme le cavalier, il suivait les otages, et, comme lui, il excitait la foule en s’écriant : « Oui, mes amis, courage, fusillez-les ! »

« L’enclos était déjà occupé par les états-majors des diverses légions. Les cinquante otages et les bandits qui leur faisaient cortège achevèrent de le remplir. Très-peu de personnes faisant partie de la multitude massée aux alentours purent pénétrer à l’intérieur. En tout cas, aucun témoin ne veut m’avouer avoir vu ce qui s’est passé dans l’enclos.

« Pendant sept ou huit minutes, on entendit du dehors des détonations sourdes, mêlées d’imprécations et de cris tumultueux. Il paraît certain que les victimes, une fois parquées dans la tranchée dont j’ai parlé plus haut, furent assassinées en masse à coups de revolver par tous les misérables qui se trouvaient sur les lieux. On n’entendit que très-peu de coups de chassepot dans l’enclos.

« Il y eut à la fin quelques détonations isolées, puis quelques instants de silence.

« Un homme en blouse et en chapeau gris, portant un fusil en bandoulière, sortit alors du jardin. À sa vue, la foule applaudit avec transport. De jeunes femmes vinrent lui serrer la main et lui frapper amicalement sur l’épaule ;

« Bravo ! bien travaillé, mon ami ! »

« Les corps des cinquante victimes furent jetés dans la cave, les prêtres d’abord, puis les gardes de Paris.

« C’est là qu’avec beaucoup de peine et en prenant toutes les précautions qu'exigeait la salubrité publique, nous avons retiré tous les cadavres. Malgré l’état de putréfaction avancée dans lequel nous les avons trouvés, il nous a été possible de reconnaître la plupart des prêtres. Quelques pauvres femmes de gardes de Paris, arrivées dans la soirée, reconnurent leurs maris.

« Nous ramenâmes le même soir à Paris les corps du Père Olivaint, du Père de Bengy, du Père Caubert, tous trois jésuites de la rue de Sèvres ; de l’abbé Planchat, directeur d’une maison d’orphelins à Charonne ; de M. Seignerai, jeune séminariste de Saint-Sulpice.

« Les autres corps ont été mis dans des cercueils et inhumés chrétiennement soit par des membres de leurs familles, soit par les soins du clergé de Belleville. »

On ne saurait, certes, flétrir trop énergiquement ces actes de sauvagerie ; mais, pour les apprécier sainement, on doit se reporter aux terribles circonstances au milieu desquelles ils se sont produits. D’abord, quels étaient les assassins ? Tout porte à croire qu’il y avait parmi eux des criminels de la pire espèce, pensionnaires de la Roquette que ces bouleversements avaient rendus à la liberté. Ces malheureux gardes de Paris tombèrent victimes des haines qu’avaient soulevées les assommeurs de l’Empire ; M. Bonjean, esprit droit et libéral, fut le boue émissaire qui paya pour un Sénat méprisé et détesté ; quant aux membres du clergé, ils furent sacrifiés au ressentiment provoqué par l’esprit de domination qui a toujours régné dans l’Église. Certes, cela n’innocente pas les scélérats qui se sont faits les instruments de ces épouvantables exécutions ; mais cela explique jusqu’à un certain point les colères aveugles et soudaines qui font explosion au sein des bouleversements politiques.

Encore un mot des massacres, et nous nous hâterons de sortir de ces sanglantes saturnales. Le 26, à la Roquette, le protonotaire apostolique Surat et d’autres prisonniers encore tombaient également sous les balles. Parmi eux se trouvait le trop fameux banquier Jecker, de triste mémoire.

Bien d’autres épisodes émouvants se produisirent dans Paris au cours de cette horrible lutte de sept jours. De déplorables méprises eurent lieu de la part des troupes, qui agirent souvent avec une précipitation qu’on ne saurait mettre tout à fait à la charge du moment. Nous trouvons dans le Siècle les deux récits qui suivent :

« Un négociant appelé Vaillant, qui, de sa vie, ne s’était mêlé de politique, fut signalé par un de ces lâches dénonciateurs qui pullulent dans ces jours de crise, comme étant le membre de la Commune portant ce nom. Il eut beau protester, offrir de prouver son identité, il n’en fut pas moins arraché à sa famille, et peu s’en fallut qu’on ne le fusillât sur place. Finalement, il a été conduit enchaîné au plateau de Satory avec une centaine d’insurgés pris derrière des barricades de Belleville.

« En route, plusieurs des fédérés tentèrent de s’évader ; les soldats firent usage de leurs armes, et le malheureux Vaillant faillit être tué.

« À Satory, il resta vingt et une heures exposé à une pluie diluvienne, car les hangars et les caves étaient tellement remplis de prisonniers qu’une partie était campée dans la cour. Par un heureux hasard, M. Dumas fils a fait dimanche matin une visite au camp, en compagnie d’un officier supérieur. Le pseudo-Vaillant, qui connaissait le célèbre écrivain, se fit reconnaître par lui, et c’est grâce à ce témoignage qu’il a enfin recouvré sa liberté. »

Ce pseudo-Vaillant, comme dit le Siècle, en fut quitte pour une belle peur ; un malheureux que la foule stupide désigna comme étant un membre de la Commune ne s’en tira pas à si bon compte.

« Le 26 mai, vers deux heures de l’après-midi, un individu assez bien mis, qui passait sur l’avenue de La Bourdonnaye, fut entouré par la foule, qui se mit à crier : « C’est Billioray, membre de la Commune. »

« Une patrouille du 6e de ligue, qui passait dans ce quartier, arrêta le prétendu Billioray et le mena à l’École militaire.

« La foule suivit, hurlant toujours : « C’est Billioray. »

« Le malheureux avait beau protester, les clameurs étouffaient sa voix,

« L’officier devant lequel il fut conduit, convaincu de son identité par tant de témoignages différents, ordonna son exécution immédiate.

« — Mais je vous jure que je ne suis pas Billioray, » protestait l’infortuné ; « je suis Constant. J’habite tout près d’ici, au Gros-Caillou ; allez plutôt le demander aux voisins.

« — Il ment, le lâche, vociféraient les assistants ; c’est bien Billioray ; nous en sommes sûrs. »

« Et une foule d’individus, qui jamais de leur vie n’avaient vu le membre de la Commune, hurlaient plus fort que les autres : « C’est Billioray ! »

« L’officier donne l’ordre de procéder à l’exécution. On garrotte la victime, qui se débattait énergiquement, et on la fusille à bout portant.

« Le soir, on envoya son cadavre, avec une foule d’autres, à Issy, pour y être enterré.

« Le caporal qui commandait l’escorte du convoi disait à un de ses amis, en lui montrant le cadavre du faux Billioray :

« Le misérable ! il est mort lâchement, il se traînait à genoux ! »

« Aujourd’hui que le vrai Billioray est arrêté, il a bien fallu convenir qu’on s’était trompé, et les papiers trouvés sur l’infortuné dont nous venons de raconter l’exécution ont prouvé qu’il s’appelait réellement Constant et que c’était un citoyen honnête, un brave père de famille, établi mercier au Gros-Caillou, et qui est toujours resté étranger aux luttes politiques. »

Un autre malheureux, que l’on prit pour Jules Vallès, fut également fusillé près de Saint-Germain-l’Auxerrois. Ces hommes n’étaient pas armés. Cependant, le maréchal de Mac-Mahon a dit lui-même, devant la commission d’enquête sur les événements du 18 mars :

« Quand les hommes rendent leurs armes, on ne doit pas les fusiller. Cela était admis. Malheureusement, sur certains points, on a oublié les instructions que j’avais données. Je dois dire, toutefois, qu'on a beaucoup exagéré le nombre des exécutions de ce genre, et, sans pouvoir le préciser, je puis affirmer qu’il a été très-restreint. »

S’il est de règle qu’on ne doit pas fusiller les hommes qui rendent leurs armes, à plus forte raison, il nous semble, ceux qui n’en avaient pas du tout. Le maréchal de Mac-Mahon écrit que le nombre des fusillés de cette catégorie a été très-restreint ; nous avons de bonnes raisons de croire qu’il a été induit en erreur ou que ses propres souvenirs le trompent. Le lundi 22 mai, à huit heures du matin, sous nos fenêtres, rue Lecourbe, deux pauvres diables ont été fusillés devant la porte d’un bureau de tabac. C’étaient deux garçons de l’abattoir de Grenelle. Ils n’avaient pas d’armes ; leur seul crime était d’avoir sous leur cotte un pantalon de garde national. Jusque vers trois heures, leurs cadavres restèrent étendus dans une mare de sang, la figure recouverte au moyen de leurs mouchoirs. Et les soldats n’étaient pas encore exaspérés par la résistance, ils entraient seulement dans Paris.

Combien de cas de ce genre ne pourrait-on pas citer ? Tous ceux qui habitaient Paris à cette époque se rappellent les bruits qui coururent alors, les nouvelles sinistres qui se colportaient, annonçant que tel malheureux avait été fusillé, convaincu du seul crime de porter des « godillots. » On entendait par là des souliers provenant de la fabrique Godillot, que portaient la plupart des gardes nationaux au service de la Commune.

Au reste, nous ne voulons pas laisser le lecteur sous le coup de ces impressions douloureuses, et nous avons bâte de dire que beaucoup d’officiers de cette même armée se montrèrent humains et généreux.

« Un des insurgés fusillés à la place du Trône avait avec lui ses deux petits enfants, âgés l’un de dix ans, l’autre de huit ans.

« Après la mort de leur père, les deux jeunes orphelins restèrent au milieu des soldats, qui en prirent le plus grand soin.

« Le colonel du régiment, apercevant, quelques jours après, ces deux pauvres petites créatures en train de manger à la gamelle au milieu d’une escouade de soldats, demanda leur nom et comment ils se trouvaient là.

« Un caporal répondit que c’étaient les fils d’un insurgé condamné à mort par la cour martiale ; il ajouta que les deux orphelins n’avaient ni famille ni amis pour se charger de leur sort.

« Ému par ce récit, le colonel proposa aux officiers et aux soldats d’adopter ces orphelins et de les admettre parmi les enfants de troupe.

« Les paroles du colonel furent accueillies avec enthousiasme. Les orphelins ont endossé l’habit militaire et seront désormais les fils du 29e de ligne. » (La Cloche.)

« Une cantinière de la garde nationale est arrêtée. Cette malheureuse fuyait, accompagnée d’un jeune enfant, le sien. On l’arrête donc. On trouve sur elle une fiole de pétrole. Comment cette mère pouvait-elle emporter cette preuve de crime ? C’est une inconséquence que je ne me charge pas d’expliquer. Le capitaine de la ligne donne aussitôt l’ordre de la fusiller.

« Cependant il avise l’enfant,

« Lui reste-t-il un père ? demande-t-il.

— Il a été tué, répond la femme.

— Ainsi, pas de parents ?

— Aucun.

— Je vous donne ma parole d’honneur, reprend l’officier, que cet enfant sera élevé convenablement. »

« Il enveloppe l’enfant dans sa capote, le fait emporter à quelque distance et commande le feu.

« Ce capitaine a, dit-on, l’intention d’adopter l’enfant. » (Le Siècle.)

Nous pourrions raconter beaucoup d’autres épisodes de ce genre ; mais ce serait nous écarter des faits généraux qui doivent être l’objet principal de cet article.

Dès le jeudi 25 mai, Paris se sentait déjà débarrassé de l’étreinte qui l’étouffait ; on pouvait circuler librement, excepté au nord et au nord-est, où la lutte devait se prolonger jusqu’au dimanche suivant. Le canon tonnait toujours sur ces hauteurs, et les obus éclataient jusque dans la rue Montorgueil. Néanmoins, les boulevards étaient encombrés de promeneurs, et les conversations étaient des plus animées. On était avide de se rendre compte par soi-même des épouvantables résultats des incendies, dont nous avons déjà dit un mot, mais qu’on ne connaissait que de loin. Au ministère des finances, le feu couvait encore entre les hautes murailles noircies ; des pompiers de Paris, des pompiers de la province, accourus bravement au secours de la capitale, inondaient de jets d’eau les débris fumants, sans s’occuper de ces murs presque chancelants qui pouvaient à chaque minute s’écrouler sur eux. Tout visiteur était requis de donner un coup de main aux pompes pendant quelques instants, puis il repassait la corvée à d’autres. Et comme on admirait ces modestes et infatigables pompiers qui, nuit et jour, sans relâche, faisaient manœuvrer leurs pompes ! À la préfecture de police, même réquisition ; cet exercice de bascule durait environ de cinq à dix minutes.

L’aspect de tous ces monuments et de bien d’autres était navrant. Les deux annexes de l’Hôtel de ville, avenue Victoria, avaient été également brûlées ; l’une contenant les divers services de l’Assistance publique, l’autre divers services municipaux, entre autres ceux de l’état civil et des archives de la ville.

Tous les registres des actes de mariage, naissance, décès furent complètement anéantis ; or, les mairies ne contenant que les registres des dix dernières années, presque toutes les familles furent intéressées à ce que l’on appela plus tard la reconstitution des actes de l'état civil, travail énorme qui ne sera peut-être jamais terminé.

Tout près de l’Hôtel de ville, le Théâtre Lyrique fut aussi la proie des flammes ; le théâtre du Châtelet, également atteint, put cependant être préservé en grande partie, grâce au dévouement d’un de ses employés. Au Palais-Royal, tout l’intérieur fut brûlé ; en face, la riche bibliothèque du Louvre fut anéantie ; heureusement, sur ce point et à l’aile du bord de l’eau, on put maîtriser l’incendie avant qu’il eût atteint les galeries d’art. Le Conseil d’État disparut avec la Cour des comptes. Sur le boulevard Bourdon, les greniers de réserve devinrent entièrement la proie des flammes. Les Gobelins, un instant gravement menacés, purent être préservés. Notre-Dame, l’Hôtel-Dieu-et quelques autres édifices furent l’objet de diverses tentatives d’incendie, qui demeurèrent heureusement sans résultat. Mais à l’autre extrémité de Paris, à la Villette, un immense désastre éclatait : les flammes dévoraient les docks, où étaient entreposées des marchandises d’une valeur évaluée à 80 millions de francs. Le théâtre de la Porte-Saint-Martin fut aussi complètement détruit. Saint-Eustache, la Madeleine, Saint-Gervais, la Trinité, le temple de la Visitation, le Palais des affaires étrangères, les portes Saint-Denis et Saint-Martin, le palais du Luxembourg, la mairie du IVe arrondissement, la caserne de la rue Lobau, la colonne de Juillet, etc., reçurent des atteintes plus ou moins profondes.

Les maisons particulières ne furent pas à l’abri du fléau ; seize devinrent la proie des flammes dans la rue de Lille ; d’autres brûlèrent rue Royale, à la Croix-Rouge, rue du Bac, places du Château-d’Eau, de la Bastille, etc. Le spectacle de tous ces murs noircis et encore debout, de leur intérieur béant, était vraiment navrant.

Ce qui frappait également les esprits, mais dans un sens bien différent, chez tous les promeneurs empressés à se rendre compte de l’état physique de Paris après ces journées terribles, c’était l’aspect des barricades élevées par les fédérés, et derrière lesquelles ils espéraient opposer une résistance invincible aux efforts de l’armée de Versailles. Nous signalerons surtout celle qui fermait la rue de Rivoli à l’endroit où elle débouche sur la place de la Concorde ; c’était un ouvrage formidable, et, avant de l’emporter, les troupes de ligne eussent laissé bien des morts sur le carreau, hâtons-nous d’ajouter : en l’abordant de front. Il faut avouer que les hommes de la Commune donnèrent en cela une singulière preuve de leur ignorance des choses les plus élémentaires de la guerre. Il y avait cent moyens de prendre cette barricade à revers, en y arrivant par les rues adjacentes au faubourg Saint-Honoré, et les fédérés s’imaginaient sottement que l’armée allait venir à la légère se casser le nez contre cet infranchissable entassement de pavés et de vieilles futailles pleines de terre ! Et de même partout ailleurs. Partout, les barricades ont été tournées et sont successivement tombées au pouvoir de l’armée. Mais quelle science militaire pouvait-on bien attendre des généraux de la Commune ?

Nous ne parlerons qu’en passant des bruits qui couraient partout à propos du pétrole qu’on lançait en guise d’eau au moyen des pompes à incendie, de tous ces pétroleurs et pétroleuses enrégimentés, de ces billets incendiaires qu’on a, soi-disant, trouvés sur Delescluze et d’autres chefs fédérés, et dont personne n’a jamais pu constater l’authenticité.

Aujourd’hui, à la distance où nous sommes déjà de ces sombres événements, on peut étudier avec sang-froid les causes qui en furent l’origine et rendirent possible la Commune. Comment une poignée d’hommes pour la plupart inconnus, sans prestige, sans talent, purent-ils s’arroger le gouvernement d’une ville telle que Paris ? Comment leur domination put-elle s’établir au sein d’une population dont une grande partie lui était hostile ? Il faut d’abord se reporter k l’état de trouble moral dans lequel se trouvait alors Paris, se rappeler l’irritation qu’il nourrissait contre ceux qui n’avaient pas su ou voulu utiliser son dévouement et son énergie. Dans ces heures de découragement, d’affaissement, le pouvoir est aux hommes d’audace, d’initiative, quels qu’ils soient, parce que leurs promesses répondent aux sentiments de ceux qui les entourent. Ils sont obscurs, de nulle valeur ; qu’importe ? il y a toujours, prête à les suivre, une foule inconsciente dont ils