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applicables aux côtes d’Afrique (v. Berlin

Ëlonférence de)]. C’était là un succès dont . de Bismarck devait se féliciter, car les plus vieilles puissances colonisatrices avaient accepté l’intervention du peuple le plus jeune de l’Europe tu point de vue de la colonisation.

Vers la même époque, le Reichstag vota, non sans de longues discussions, des crédits pour les Cameroons et des subventions à des ligues de paquebots transocéaniques (janvier 1885) ; il ne s’opposa pas à l’élévation des droits d’entrée sur tes bestiaux et sur les céréales. À vrai dire, le chancelier ne trouvait point dans les représentants de la nation des admirateurs de sa politique coloniale. Les territoires demeurés sans maître aujourd’hui encore sont rares et, d’ailleurs, peu productifs ; en voulant coûte que coûte avoir des colonies, on risque donc d’empiéter sur les possessions d’autrui, inconvénient que M. do Bismarck ne put éviter, malgré toute sa finesse. V. Caroubes.

Succession de Brunswick. Le 17 octobre 1S84, le duc régnant de Brunswick était mort, laissant pour héritier le plus proche le duc de Cumberland, fils aine du roi de Hanovre, dépossédé en 1866 par le roi de Prusse. Permettre à ce prince d’occuper le trôna de Brunswick, c’était donner une nouvelle force aux séparatistes du Hanovre, et l’empereur Guillaume mit en avant divers prétextes juridiques pour refuser de recevoir notification de l’avènement du duc. Le Brunswick resta donc placé sous l’autorité d’un conseil de régence. Le 3 juillet 1885, le conseil fédéral, après de longues négociations avec le chancelier, déclara que le gouvernement du duc de Cumberland sur le duché était inconciliable « avec le principe fondamental des traités de la confédération et de la constitution de l’empire, parce que ledit duc se trouvait vis-à-vis de la Prusse dans une situation contraire à la paix intérieure que garantit la constitution, et parce qu’il élevaitdes prétentions sur certains territoires de cet État •. La diète de Brunswick ayant élu comme régent le prince Albert de Prusse, la dépossession de la famille de Hanovre se trouva définitivement consommée.

S* Germanisation des provinces polonaises. Pendant l’année 1886, la politique intérieure de l’Allemagne roula sur cinq questions principales, toutes d’une extrême importance : îo la germanisation des provinces polonaises ; 2<> le monopole de l’alcool ; 3° le renouvellement de la loi contre les socialistes ; la paix avec le Vatican ; 5» le septennat militaire. Dès le mois d’août 1885, M. de Bismarck avait procédé par voie administrative à l’expulsion de milliers de sujets russes ou autrichiens établis dans les provinces orientales : ni l’âge, ni la profession, ni la fortune ne mirent à l’abri de l’impitoyable arrêt épuratoire ; les villes comme les campagnes subirent promptement les effets de cette dépopulation artificielle. À Dantzig, les négociants crurent devoir appeler l’attention du gouverneur sur le tort que portait à leurs intérêts l’expulsion brusque d’étrangers contre lesquels ils possédaient des créances ; à Kcenigsfcerg, le commerce protesta en termes plus généraux : l’autorité répondit, quand elle daigna répondre, en s’en référant simplement ai la lettre des instructions ministérielles. Une interpellation des députés polonais au Reichstag eut lieu le 1er décembre • M. de Bismarck ne l’accepta pas, par ce motif que le gouvernement impérial ne saurait obliger un État fédéré à retirer une mesure prise par cet État sur son propre territoire ; il ajouta que s’il avait à s’expliquer il le ferait, en conséquence, non au Reichstag, mais au Landtag prussien. Dans le discours du trône, lu à l’ouverture de cette dernière assemblée (14 janvier 1886), le roi annonça la présentation de projets [de loi i ayant pour but da firotéger 1 existence et le développement do a population allemande de la Prusse contre l’envahissement de l’élément polonais •. La même jour, le Reichstag décida, malgré l’opposition de son président et le vote contraire des conservateurs et des nationaux-libéraux, que la motion Jazdzewski (député polonais) sur les expulsions serait discutée dès le lendemain, car beaucoup de députés rappelaient avec raison que la police des étrangers est dans les attributions de l’empire (art. Il de la constitution), et que les mesures prises par le gouvernement prussien devaient être combattues au nom du droit international. Tel fut le sens du discours prononcé par M. Jazdzewski, auquel succéda a la tribune le socialiste Liebknecht. Celui-ci affirma que l’élément germanique dominait dans la Prusse orientale. ■ De quel droit, ajouta-t-il, expulset-on les étrangers ? Sous prétexte de favoriser les nationaux... Le gouvernement parle de favoriser les nationaux, et il fait construire les chemins de fer par des ouvriers italiens, parce qu’ils travaillent a meilleur marché. • Le progressiste Moeller fit observer que le gouvernement, en agissant comme il le faisait, excitait à la haine contre l’Allemagne, et que l’étranger pourrait bien user de représailles, M. Windthorst vit dans la politique de M. de Bismarck à. l’égard des Polonais une négation «d’un droit primordial, le droit à l’existence ■, et, comme les nationaux libéraux, par l’organe de M, Boeticher, défendaient le chancelier : • Si c’est un devoir national, dit-il, de défendre les expuU

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sions, la nation allemande est bien dégénérée». Finalement, malgré les orateurs des nationaux-libéraux et des conservateurs, la majorité du Reichstag vota la motion suivante de M. Windthorst : ■ Le Parlement fédéral exprime la conviction que les expulsions décrétées par le gouvernement prussien contre des sujets russes et autrichiens ne paraissent pas justifiées et ne sont pas conformes aux intérêts nationaux de l’empire >. Pendant toute la discussion, les bancs du gouvernement restèrent vides : ni M. de Bismarck ni les ministres n’assistaient au débat. Appelé à se prononcer sur la motion votée le 16 janvier par le Reichstag, le conseil fédéral refusa de le prendre en considération, « les actes du gouvernement prussien n’étant pas de la compétence de l’empire i ; en même temps, à la Chambre des députés prussienne, les nationaux-libéraux et les conservateurs déposaient une motion qui constituait une véritable protestation contre le vote du Reichstag. Elle était ainsi conçue : < Plaise à la Chambre : l° d’exprimer sa satisfaction de voir que le gouvernement a l’intention de prendre énergiquement les mesures nécessaires, conformément au discours du trône, pour sauvegarder les intérêts nationaux dans les provinces orientales ; 2° de se déclarer prêt à assurer l’exécution de ces mesures, particulièrement dans les écoles et dans l’administration, et de favoriser dans ces provinces l’établissement de paysans et d’agriculteurs allemands. » À cette motion, signée par M. Achenbach et 245 de ses collègues, les Polonais, les progressistes et le centre catholique opposaient la demande de l’ordre du jour pur et simple. Un conservateur, M. de Rauchhaupt, soutint la proposition Achenbach, en faisant principalement ressortir que la population germanique diminuait dans les provinces orientales, que Posen était beaucoup trop près de Berlin et que les députés de la Prusse devaient se montrer plus allemands que les membres du Reichstag. Sans attendre la clôture de la discussion générale, le chancelier monta à la tribune et, pendant plus de deux heures, il parla avec cette verve hautaine, ce laisser-aller et cet emportement qui caractérisent sa manière oratoire. Il ne se contenta pas de traiter la question polonaise à l’heure actuelle, il remonta au congrès de Vienne et jeta un coup d’œil sur les précédents historiques qui imposèrent k la Prusse l’obligation de vivre avec deux raillions de sujets polonais ; il rappela que Frédéric-Quillauine IV, qui par des mesures bienveillantes avait cru éveiller des sentiments analogues chez les Polonais, s’était vu payé par l’insurrection de 1846 et le « pacte conclu entre les démocrates prussiens et les Polonais sur les barricades de Berlin • ; que les libertés accordées depuis 1848 à ces derniers en matière politique n’avaient point diminué leurs sentiments hostiles ; qu’en 1870 lui-même avait eu entre les mains des papiers secrets indiquant des relations entre les membres de l’opposition polonaise et l’ambassade française : « Jamais, s’écria-t-il, nous ne consentirons au rétablissement de la Pologne... Ce qui rend le parti polonais dangereux, c’est l’appui que lui donnent les autres partis hostiles à l’Et»t ; il ne nie pas le droit de l’État, mais il refuse de travailler pour lui. Ceux qui ne veulent pas contribuer à protéger et à maintenir l’État ne peuvent rien demander à l’État. Le moyen âge mettait hors la loi tes gens qui niaient ainsi les droits de l’État. La religion n’est pas en cause dans les expulsions. Comme on n’est pas parvenu à gagner les Polonais par la bienveillance, il faut diminuer l’élément polonais et augmenter l’élément allemand... Dernièrement, un curé catholique polonais enseignait que c’est un péché de servir chez les Allemands. Ce n’est donc pas nous qui avons introduit le Culturkampf dans cette question. Nous avons expulsé les Polonais sans nous inquiéter s’ils étaient juifs, catholiques ou protestants. Nous avons constaté que tous les efforts pour gagner la noblesse polonaise a l’Allemagne étaient stériles et qu’il fallait changer de système, diminuer la population polonaise pour augmenter la population allemande. Nous avons assez de nos Polonais allemands : il faut nous débarrasser des Polonais étrangers. C’est une mesure politique que nous maintiendrons énergiquement, et vingt votes du Reichstag n’y changeront rien. ■ Le ministre de la guerre déclara de son côté qu’il croyait nécessaire de germaniser l’élément polonais dans l’armée, et le chancelier remonta à la tribune pour dire que, contrairement à l’assertion de M. Windthorst, les Polonais n’étaient point des sujets sur lesquels on pouvait compter. Les débats durèrent trois jours (28-30 janvier 1886) ; ils Se terminèrent par l’adoption de la motion Achenbach. L’effet produit par les discours du prince de Bismarck ne s’nrrêta pas aux frontières de l’empire : en Autriche-Hongrie, la presse galicienne poussa

les hauts cris, tandis que le club allemand du Reichstrath accueillait avec enthousiasme le réquisitoire du chancelier. Le 10 février, le gouvernement déposa sur le bureau du Landtag une demande de crédits destinés à renforcer l’élément allemand dans les provinces orientales par la colonisation, par la création de nouvelles communes, de nouvelles églises et de nouvelles écoles ; l’État achèterait à l’amiable des terrains qu’il céderait aux co ALLÉ

Ions allemands moyennant un certain nombre d’annuités. Il s’agissait de créer, avec 100 millions de marks, une classe de puissants propriétaires soustraits par l’organisation même de la tenure à la suprématie du grand propriétaire polonais et ne dépendant que de l’État : après avoir fait de la place par l’expulsion des Polonais, M. de Bismarck comblerait le3 vides en appelant à la vie une classe sociale toute pénétrée de l’esprit germanique. L’exécution serait surveillée par une commission dont feraient partie deux membres de la Chambre des députés et deux membres de la Chambre des seigneurs. 200.000 marks furent demandés peu de jours après pour l’établissement dans les provinces orientales d’écoles primaires supérieures, obligatoires pour les jeunes gens de moins de dix-huit ans habitant les localités ou elles seraient établies ; l’État seul aurait le droit de nommer les maîtres d’école. Après trois jours de débat, au cours desquels M. Windthorst déclara que les 125 millions de marks « seraient un nouveau fonds de corruption pour récompenser les serviteurs complaisants •, et qu’il n’était pas ■ patriotique d’exploiter la situation financière des propriétaires polonais pour acheter leurs terres », le projet fut renvoyé a. l’examen d’une commission ; il fut adopté le 7 avril 18S6 par 214 voix contre 120. Le projet relatif aux instituteurs ne reçut que des modifications de peu d’importance : 202 voix contre 136 se prononcèrent en sa faveur. Enfin diverses mesures secondaires complétèrent cette législation d’un autre âge.

90 Projet de monopole de l’alcool. L’institution du monopole de l’alcool, non moins que la germanisation de la Prusse polonaise, tenait au cœur du chancelier. Dans la pensée du prince de Bismarck, la création d’impôts indirects très productifs, dont l’empire gratifierait proportionnellement à leur population les États particuliers, aurait pour conséquence de resserrer davantage les liens de l’unité allemande et de renforcer le pouvoir central en rendant les États plus dépendants de l’empire en matière financière ; non seulement l’unité politique serait plus intime si ces États recevaient des subsides de l’empire, mais encore un monopole unique pour toute l’étendue de l’Allemagne réaliserait l’unité économique. Le chancelier, qui avait voulu s’attacher les agriculteurs et les industriels par la protection douanière, les ouvriers par le socialisme d’État, voulait retirer du monopole de l’eau-de-vie des recettes qu’il consacrerait à des réformes sociales, à des améliorations dans le système financier, à une augmentation de l’effectif militaire. Une vive agitation se produisit en Allemagne dès que le projet fut connu, et des associations se fondèrent pour protester contre une mesure qui blessait de nombreux intérêts. Le but du gouvernement, disaient les adversaires du monopole, est d’augmenter ses recettes, et cela au détriment du commerce des alcools, sur lequel l’État aurait désormais une sorte de droit de vie et de mort ; à un autre point de vue, est-il bien conforme à l’idée de l’État moderne de le faire débitant de spiritueux, de lui donner un intérêt fiscal direct dans la consommation exagérée des boissons alcooliques ? Un député au Reichstag, M. Mùnch, alla jusqu’à dire, dans une réunion publique, que le monopole « remplirait leurs poches » et que le chancelier lui-même en profiterait, puisqu’il fabriquait plus d’un million de litres d’eau-de-vie par an. Le conseil fédéral, appelé à se prononcer le premier, adopta le projet en séance pléniôre le 18 février 1886 ; les délégués de Hambourg et de Brème votèrent contre ; ceux des États du Sud s’abstinrent, malgré la disposition portant que l’application de la loi ne pourrait se faire par décret en Bavière, en Wurtemberg et dans le duché de Bade que si ces États renonçaient à leurs droits réservés. Au Reichstag, la discussion fut plus animée ; le sort du-projet y dépendait presque uniquement de l’attitude du centre catholique, les partisans avérés du projet ne pouvant a eux seuls constituer une majorité. Le ministre des finances, M. de Scholz, fit ressortir que l’hygiène gagnerait au monopole par 1 amélioration des produits, la moralité par la diminution de l’ivresse, l’empire par la possession de ressources indépendantes des contributions matriculaires des États confédérés. M. de Wedel Malchow (conservateur) fit l’apologie du monopole ; M. Richter (libéral) le combattit avec beaucoup de verve et de compétence ; le baron de Huene (centre catholique), désireux de ménager les intérêts du clergé et de ne pas rompre la paix religieuse, déclara au nom de son parti que, tout en repoussant le principe du monopole de l’alcool comme il avait repoussé celui du tabac, le centre était disposé à voter le projet en première lecture pour chercher en commission un terrain d’entente ; le délégué fédéral de la Bavière, convaincu que le monopole ne nuirait pas aux intérêts des petits distillateurs, dit que le gouvernement bavarois soumettrait le projet au Parlement local, si le Reichstag l’adoptait ; M. Bamberger (progressiste) constata qu’il n’avait jamais vu un mouvement aussi spontané que celui qui s’était produit dans la nation allemande contre le monopole. Ce mouvement d’opinion avait, en effet, une telle unanimité que les nationaux-libéraux eux-mêmes ne s étaient pas ralliés aux vues du

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chancelier. Renvoyé à une commission, le projet fut rejeté par elle, et M. de Bismarck se décida à venir le défendre en seconde lecture k la tribune du Reichstag (26 mars). Cette remarquable harangue se divisait en trois parties : dans la première, le chancelier essaya de justifier l’institution par le besoin de protéger la culture des pommes de terre et d’augmenter les recettes. du pays ; dans la seconde, il parla de la situation intérieure de l’empire, des moyens de la consolider et des dangers qui la mena* çaient. t Il y a quinze ans, dit-il, j’espérais que le soutien de l’empire serait le Reichstag ; or, je vois aujourd’hui que la majorité du Reichstag a l’approbation des adversaires permanents de l’empire, des Polonais, qui n’ont jamais pu vivre en paix avec nous, des Français, des socialistes, des démocrates qui tous sont nos ennemis. Est-ce dans une pareille mîijorité que je puis trouver le centre de gravité de l’unité allemande ? Ce doute est pénible pour moi, mais je ne puis le chasser de mon esprit... Est-ce en suivant le chemin que vous me proposes que j’arriverai k fortifier l’empire ? Est-ce en acceptant la domination de la majorité parlementaire, la responsabilité ministérielle ? Mais ce serait l’affaiblissement du gouvernement. » Et il ajouta

que, ne trouvant pas dans le Reichstag de solide soutien pour l’avenir de l’empire, il devait le chercher dans l’armée, dans les finances, dans le bien-être général. En troisième lieu, il parla des dangers extérieurs ; il prophétisaqueda prochains grande guerre serait probablement un conflit de principes et d’idées », et il exprima la crainte que, de même que sous la Révolution, la France ne se fit ’ un levier et un instrument des aspirations des peuples en inscrivant la formule socialiste sur son drapeau •■ Malgré ce déploiement d’éloquence et le ton pathétique du discours, le Parlement fédéral rejeta successivement sans débat tous les articles du projet, et le chancelier se contenta da présenter un nouveau projet réglementant la vente et le mode d’acquittement des droits sur l’alcool, en même temps que les droits d’entrée sur les eaux-de-vie importées : à une forte majorité, le Reichstag vota contre (26 juin 1886). Les progressistes et le centre catholique, opposés à tout ce qui peut fortifier le pouvoir central, repoussèrent une combinaison qui, en augmentant de plusieurs centaines de millions les revenus propres du trésor impérial, tendait k le rendre de plus en plus indépendant des États confédérés ; les conservateurs, qui recrutent leur clientèle parmi les propriétaires des provinces septentrionales, grands producteurs d’alcools, ne se montraient nullement désireux de voter un impôt dont la conséquence serait de restreindre la consommation de l’eau-de-vie.

10» Renouvellement de la loi contre les socialistes. Tel que le comprend et le pratique M. de Bismarck, le socialisme d’État n’avait point désarmé le socialisme révolutionnaire ; les dernières élections avaient augmenté le nombre de ses représentants au Reichstag. Le chancelier n’entendait donc point renoncer aux mesures d’exceptions prises en 1878, et il demanda avec succès au conseil fédéral la prolongation de la loi contre les socialistes. En 1884, la prolongation avait été votée au Reichstag par 183 voix contre 158 ; cette fois, le gouvernement fit valoir que le régime d’exception visait non la suppression du parti socialiste, mais la répression des tendances révolutionnaires qui s’étaient fait jour dans ses rangs. Les démocrates-socialistes et les libéraux-allemands se prononcèrent contre le projet (19 février 1886) ; le centre, obligé à une attitude bienveillante par la renonciation du gouvernement prussien au Culturkampf, appuya la prorogation sous réserve d’amendements, qu une commission fut chargée d’étudier. M. Windthorst demandait que la prolongation fût limitée à deux ans, et non à cinq ans, comme Je voulait le chancelier ; que les réunions socialistes pussent être dissoutes, mais non interdites à l’avance, et que si des écrits étaient saisis, l’arrêté administratif contint les passages incriminés. La commission adopta isolément chacun des amendements Windthorst ; seulement, lorsqu’on en vint au vote sur l’ensemble, le projet du gouvernement fut repoussé par la coalition des conservateurs, des nationaux-libéraux et des progressistes. En seconde lecture, le gouvernement chercha à établir une sorte de relation entre la démocratie socialiste allemande et les désordres dont la Belgique était alors le théâtre. La centra et les socialistes nièrent la justesse de cette thèse, faisant valoir que c’est par l’amélioration du sort des ouvriers qu’on peut prévenir les insurrections. Grâce & l’intervention du prince de Bismarck, qui prononça une véritable philippine contre le socialisme et sa complicité avec les crimes anarchistes ou nihilistes, la loi fut prolongée pour deux ans. En troisième lecture, il se trouva encore une majorité de 169 voix contre 137 : les conservateurs, les nationaux-libéraux et un tiers du centre votèrent

pour ; les progressistes, les socialistes, les Polonais et la majorité du centre votèrent contre (2 avril). Dès le mois suivant, un arrêté ministériel prescrivit qu’à Berlin, Potsdara et les environs, aucune réunion publique ne pourrait avoir lieu sans une autorisation demandée par écrit aux autorités, quarante-huit heures à l’avance ; le petit état de siège fut