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tion de la constitution, un jurisconsulte très compétent, et je lui ai dit : L’empereur a-t-il le droit de vetoî 11 m’a répondu : Non ; je lui ai dit, moi : La constitution ne le lui donne pas, mais je suppose qu’on conseille à. l’empereur une mesure qu’il croit ne pouvoir pas prendre ou qu’il croit pouvoir prendre. Son chancelier l’avertit et lui dit : Je ne peux signer cela. Eh bien I dans ce cas, l’empereur est-il tenu de chercher un autre chancelier ? Est-il tenu de prendre tout chancelier quel’opposition voudra lui imposer ? Là-dessus, le jurisconsulte m’a répondu : Vous avez raison, l’empereur a un droit de veto indirect et réel ■. M. de Bismarck, continuant de développer sa théorie, affirmait que la responsabilité du chancelier n’était plus qu’un vain mot s’il se trouvait obligé de contresigner « ne décision malgré lui et contre sa conscience. Il terminait en critiquant • le gouvernement du pays par le pays, suivant la

formule inventée en France • et en se déclarant incapable de jouer le râle de ministre parlementaire, c’est-à-dire de tenir compte de l’opinion du Reischtag ou de celle de ses collaborateurs ; des chefs de l’administration de l’empire ne sont pas responsables pour moi ; c’est moi qui suis responsable pour eux. C’est moi qui ai a. les choisir de telle sorte que ce soient des hommes politiques approuvant la direction générale de l’empire et dont j’assume la responsabilité. Et du moment que je n’obtiens plus de leur part cette approbation, mon devoir est de leur dire : Nous ne pouvons plus rester ensemble en fonctions •. Malgré ces explications, le chancelier ne cessa de rencontrer de sérieuses difficultés dans l’application de sa politique. Désireux d’avoir le moins possible à consulter le Reichstag, il lui soumit, en mars 1881, un projet tendant à faire voter pour deux ans le budget de l’empire. Le Parlement ne tiendrait session que tous les deux ans et adopterait un budget biennal ; H y aurait alternance entre les sessions des parlements des divers États et celle du Reichstag : une année, session du Parlement de l’empire ; l’année suivante, session des parlements locaux. Et comme les parlements locaux ne s’occupent que des affaires locales, pendant toute une année la politique du gouvernement impérial se développerait librement et sans contrôle. Ce que le projet demandait au Reichstag, c’était en définitive une suspension de l’exercice de ses pouvoirs durant une année sur deux, par conséquent une diminution de sa puissance. Par 127 voix contre m, il refusa de ratifier cette étrange proposition et la renvoya à une commission spéciale, ce qui, au point de vue du parlementarisme germanique, constituait un échec pour le gouvernement ; puis, en troisième lecture, il l’écarta tout à fait. Comme si ce n’était pas assez de tant d’échecs infligés à M. de Bismarck par ceux qu’il traitait d’une façon si cavalière, on put se rendre compte, d’après la publication de divers rapports dans les « Archives du commerce allemand >, des effets produits par le régime protectionniste du chancelier :1e droit de douane sur les blés avait nui à la fois au consommateur, à l’industriel, au négociant, à l’armateur ; à Elberfeld, k Doctrnund, l’impression sur coton souffrait des droits sur les machines, les matières colorantes et les tissus ; à Bielefeld, l’augmentation des droits sur les fils de laine nuisait à la fabrication de la peluche ; à Stuttgart, l’industrie des corsets, qui employait des tissus anglais et des buses français, était en décadence depuis que ces tissus et ces huses se trouvaient taxés en douanes ; partout, les industries qui ee réjouissaient d’être protégées souffraient de la protection accordée aux produits qui leur servaient de matières premières, et renchérissement de celles-ci, en rendant leurs

produits plus chers, les empêchait de soutenir pour l’exportation la concurrence de l’étranger. Ces maigres résultats ne contentèrent personne, pas même le Reichstag qui, par 153 voix contre 102, refusa un crédit demandé par le gouvernement pour instituer un conseil économique fédéral, analogue au conseil économique prussien précédemment créé. Enfin, la session de 1881 se termina par tin nouvel échec pour le chancelier, au sujet de la loi sur l’assurance obligatoire des ouvriers. M. de Bismarck demandait une caisse unique d’assurances pour l’empire et des primes payées en grande partie par Jes États ; les libéraux-nationaux et le centre firent décider par le Reichstag que chaque État aurait sa caisse particulière et que les primes seraient payées pour deux tiers par les patrons et pour un tiers par l’ouvrier, lorsque le salaire dépasserait 1.000 francs.

Cette tentative de socialisme d’État, qui échouait piteusement, n’avait d’autre objet que de gagner les voix des ouvriers aux élections d’octobre-novembre 1881, lesquelles avaient une extrême importance, car elles n’étaient autre chose, en réalité, qu’une bataille livrée par la réaction politique et économique a 1 esprit moderne, par l’autoritarisme à la nation. Dans leur manifeste électoral, les nationaux-libéraux, tout en. protestant de leur fidélité à l’empereur et de leur attachement à l’unité de l’empire, affirmaient leur intention de repousser toute tentative de réduire les droits du peupla ou de changer les bases de la constitution relatives aux rapports de l’Église et de l’État ; ils déniraient garantir la liberté dû l’industrie «t

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des échanges, et ne prendre d’avance aucune résolution sur les tarifs protecteurs ; ils demandaient que des questions aussi capitales que les réformes sociales ne devinssent pas de simples sujets d’expériences, mais fussent mûrement étudiées et essayées sans surcharger l’État de devoirs incombant à l’activité et à la responsabilité individuelle. En retour, ta • Gazette de l’Allemagne du Nord », identifiant le chancelier et l’empereur, soutenait cette théorie fantastique que, voter contre la politique de M. de Bismarck, ce serait voter contre la personne même de Guillaume. En dépit des efforts de la presse officieuse, le gouvernement subit une défaite que vinrent compléter encore les scrutins de oallottage. La plupart des socialistes croyaient les réformes sociales réalisables seulement par la voie démocratique ; les nationaux-libéraux ne voulaient ni protection ni impôts indirects : les progressistes demandaient la liberté des échanges, le développement de l’initiative individuelle, la reconnaissance de l’autorité parlementaire par le chancelier. Le centre acceptait avec joie le régime protecteur, mais il se défiait du chancelier et persistait à réclamer l’abrogation pure et simple des lois de mai. M. de Bismarck fut d’autant plus sensible à l’échec de ses candidats, qu’il s’était plus compromis au cours de la période électorale : il avait été jusqu’à dispenser du serment le chanoine Korum, nommé évêque de Trêves, et à autoriser une congrégation à recevoir de nouveaux membres, dans l’espoir évident d’allécher les ultratnontains. Vains efforts ! il ne compta pas plus, dans le nouveau Reichstag, de 97 fidèles ; le centre conserva plus de 100 voix ; les socialistes gagnèrent 3 sièges ; les libéraux de toute nuance et les irréconciliables danois, polonais et alsaciens triomphèrent dans 183 circonscriptions, enlevant 57 sièges k la droite. Les conservateurs et les ultramontains comprirent que le chancelier payerait cher leur concours, car il ne lui était plus possible de gouverner qu’en s’appuyant sur une coalition clérico-conservatrice. M. de Bismarck n’hé-Bita pas, et, le 30 novembre, aux applaudissements de la droite et du centre, il annonça que le Landtag prussien allait être appelé à statuer sur une demande de crédit ayant pour objet le rétablissement des relations diplomatiques avec le saint-siège. Au mois de janvier 1882, le chef du centre ultramontain, M. de Boetticher, déposa une motion tendant à l’abrogation de ia loi qui interdit l’exercice de leurs fonctions aux prêtres non autorisés par le gouvernement. Celui-ci ne fit aucune opposition, et la motion, transformée en proposition de loi par son auteur, fut adoptée par le Reichstag. Au Landtag — la plupart des lois ecclésiastiques étaient prussiennes et non fédérales — M. de Bismarck présenta un projet, non abrogaiif des lois de mai, mais simplement potestatif, c’est-à-dire que le gouvernement aurait la faculté de ne point appliquer ces lois au delà des limites que lui avait assignées un vote analogue du 14 juillet 1880. Dès lors, la pacification religieuse fit les progrès les plus rapides : l’ambassade près le saint-siè^e fut rétablie au mois de mars, et le projet de loi politicoecclésiastique, voté par le Landtag, le fut

le 3 mai par la Chambre des seigneurs, malgré l’opposition des nationaux - libéraux.

V. CBLTURKAMPF.

Peu de temps auparavant, l’empereur Guillaume avait fait publier dans la feuille officielle berlinoise un rescrit adressé au ministère d’État et contresigné par le chancelier, qui, irrité de l’opposition du Parlement, passait pour vouloir le dissoudre ou en modifier le mode de recrutement. Les actes du roi, disait le rescrit, bien qu’ils entraînent la responsabilité ministérielle, • n’en restent pas inoins des actes de gouvernement du roi, qui manifeste par eux sa volonté ». Le roi a donc la faculté de diriger personnellement la politique de son gouvernement, et le devoir des fonctionnaires est de représenter cette politique, même dans les élections. La discussion de ce document amena, entre le prince de Bismarck et le groupe progressiste, une des scènes les plus dramatiques dont le Parle* ment allemand ait jamais été témoin. Un des membres les plus éminents de ce groupe, M. Haenel, protesta contre les tentatives nombreuses faites pour restreindre les droits des assemblées délibérantes, contre les pressions exercées par des fonctionnaires sur les électeurs, contre le procédé qui consistait à couvrir la personne responsable des fonctionnaires par la personne irresponsable du souverain. « Engager ainsi la responsabilité royale, dit-il, c’est restreindre la liberté de discussion au Parlement et en dehors du Parlement, car personne ne veut toucher à la personne sacrée du roi. Si vous l’engagez dans ces débats, quelque chose périra : ou bien la royauté, ou bien nos droits constitutionnels. D’ailleurs, si un ministre peut déclarer à tout bout de champ que sa volonté est celle du roi et sa pensée la pensée du roi, la position de ce dernier est diminuée. Nous ne devons pas savoir si c’est le roi ou son ministère qui a eu la première idée des projets qui nous sont présentés. Les ministres doivent se borner à dire : Voilà un projet du gouvernement, c’est moi qui crois pouvoir le défendre. Au roi, tout l’honneur ; à ses ministres, tout le danger 1 Car le roi peut changer de ministre ! ! et sis BJ’stèmo de gouverne ALLE

ment, et c’est pour cela qu’il est et qu’il doit être élevé au-dessus des partis et de leur lutte.» Le chancelier, dans sa réponse, tança en quelque sorte une déclaration de guerre au parlementarisme. ■ Qu’est-ce que cela signifie de rabaisser continuellement, de miner le gouvernement, comme vous le faites, en empoisonnant le monde politique. On dit qu’en prononçant le nom du roi les ministres commettent un acte de lâcheté, en se couvrant de ce roi comme d’un bouclier contre le Parlement. Nous ne sommes pas assez faibles pour avoir besoin d’un bouclier contre vous... Quand donc ces messieurs ont-ils donné des preuves de leur courage ? A moi, qui ai été sur la brèche pendant vingt ans pour mon roi, on me reproche de me couvrir, par lâcheté, de la personne de mon maître. C’est, ., je ne dirai pas ce que c’est, mais je dirai que c’est une contre-vérité. » À ces mots, il quitta sa place (les bancs du gouvernement font face à ceux des députés) et s’avança d^ quelques pas vers la gauche comme pour les provoquer en combat singulier. L’agitation était immense. À gauche, on criait : Personne ne vous a reproché d’être un lâche, à quoi M. de Bismarck répondit de sa voix de tonnerre : « Non ? Eh bien ! rendez grâce à Dieu de ce qu’on ne l’ait pas fait.»

En faisant aux ultramontains les énormes concessions dont nous avons parlé plus haut, le chancelier espérait se concilier leur concours dans la question de l’établissement du monopole du tabac, qui avait, elle aussi, été pour sa politique l’objet de plusieurs échecs. S’il poursuivait cette réforme avec ténacité, c’est que, dans sa pensée, elle devait lui fournir les moyens de réorganiser le système liscal de l’empire et notamment d’alléger la charge des impôts directs : elle procurerait au trésor impérial une ressource annuelle évaluée à environ 210 millions, ne dépendant pas des votes annuels du Parlement. Le Reichstag, toujours insoumis, rejeta le projet, que le Conseil économique avait lui-même désapprouvé. À quelque temps de là, le chancelier voulant, par une voie détournée, rendre le budget biennul, déposa à la fois, sur le bureau du Reichstag, le budget de 1883-1884 et celui de 1884-1885. Il espérait que l’Assemblée consentirait à voter ces deux projets, quoique séparément et à la même époque, mais le Parlement ne se laissa pas jouer, et, à la majorité de 229 voix contre 43, il refusa d’examiner le budget de 1884-1885.11 est vrai qu’il revint sur sa décision au bout de quelques semaines ; car, il faut bien le dire, le Reichstag n’avait que l’apparence d’un parlement, comme le prouvèrent coup sur coup, au mois de mai 1883, trois incidents parlementaires. Le député progressiste Richter

ayant déposé une motion tendant à réprimer certains abus de l’administration militaire, le ministre de la guerre lui répondit, aux applaudissements de la majorité, que cette motion empiétait sur les prérogatives du souverain. Au cours d’un débat financier, le député Bamberger s’écria : • L’empire allemand sera parlementaire où il ne sera pas, » et le ministre des finances répliqua : « Nous ne voulons pas d’un gouvernement parlementaire, mais d’un gouvernement impérial. • Le 22 mai, le gouvernement fut interpellé sur des mesures récentes prises contre les Danois annexés, au mépris du traité de 1864, et le ministre Scholtz, refusant de répondre, quitta la salle des séances. Ainsi, l’antagonisme se déclarait de plus en plus entre les aspirations de l’opinion publique vers le régime parlementaire et la tradition historique que la Prusse cherchait à imposer à l’Allemagne unie sous son hégémonie. Aux yeux de M. de Bismarck, la simple opposition dans une question toute secondaire constituait une subversion du principe monarchique. Ce dédain, ce mépris que le chancelier leur jetait à la face, les assemblées le sentaient, mais elles n’o3a.ient jamais résister longtemps aux volontés les plus capricieuses de l’homme qui avait fait l’Allemagne esclave sans doute, mais du moins une et redoutée. Les Chambres prussiennes votèrent la fin du (Julturkampf avec la même docilité que lorsqu’elles avaient été appelées à se prononcer sur l’ouverture de la lutte religieuse (juin 1883), et, à la fin de l’année, le prince impérial d’Allemagne rendit visite au Vatican. La paix religieuse, cette fois, était définitive, et il ne restait plus à abroger que des dispositions d’ordre secondaire.

L’ouverture de la session de 1884 fut précédée d’un événement important dans l’histoire du Reichstag : la fusion souvent tentée des deux groupes les plus importants de la gauche de l’Assemblée, les sécessionnistes et les progressistes. Les sécessionnistes comprenaient cette fraction des nationaux libéraux qui, sous la conduite de M. Lasker, se séparèrent du gros de ce parti quand celui-ci ulla se perdre dans la majorité dévouée à M. de Bismarck. Les progressistes, constituant l’élément le plus vivace et le plus résistant du parti libéral dans les assemblées allemandes, obéissaient à M, Richter, député de Hagen, dont la parole véhémente et caustique paraissait redoutable au chancelier lui-même. Le nouveau groupe parlementaire, qui prit le titre de parti libéral allemand, publia le programme politique dont sa création uvait pour but de favoriser la réalisation* Jtl déclara vouloir paurtuivre l’ita ALLE

bassement d’un régime constitutionnel effets» tif, garanti par une organisation légale de la responsabilité ministérielle et exempt de toutes mesures restrictives du contrôle parlementaire ; il se prononça contre les expériences de socialisme césarien chères àM. de Bismarck et pour des réformes économiques et sociales issues de l’initiative individuelle ; il réclama la réduction de la durée du service militaire et la fixation pour le temps de chaque législature de l’effectif de paix. C’était en quelque sorte un parti d’« opposition dynastique ■ homogène, compact, qui venait

de se former et qui pouvait se rendre aussi redoutable au chancelier que le centre ultramontain. Dès la première séance, le nouveau groupe remporta un Buccès appréciable en faisant élire un de ses membres deuxième vice-président, alors que depuis plusieurs sessions les conservateurs et le centre se partageaient exclusivement la composition du bureau. Vers le même temps, la Chambre des représentants des États-Unis, apprenant le décès du député libéral Lasker, vota deux adresses de condoléance : l’une destinée à la famille du défunt, l’autre qui devait être remise au Reichstag par l’intermédiaire du chancelier. Celui-ci, fidèle à ses principes antiparlementaires, ne jugea pas opportun de Se charger de cette mission, et il retourna j’adresse a l’ambassadeur d’Allemagne à Washington, avec une note expliquant les motifs de son refus. ■ Tout hommage rendu k l’étranger, disait-il, aux qualités personnelles d’un Allemand ne peut être que flatteur pour notre amour-propre national, surtout quand il émane d’une corporation aussi émînente que la Chambre des représentants américains. Aussi aurais-je accueilli avec reconnaissance la communication et aurais-je demandé à S. M. l’empereur l’autorisation de la transmettre au Parlement, si elle ne contenait en même temps sur les tendances et les effets de l’activité politique du député Lasker un jugement contraire à ma conviction. Je n’oserais point opposer mon appréciation à celle d’un corps aussi illustre que la Chambre des représentants si, en ce qui concerne la politique intérieure de l’Allemagne, je n’avais acquis, grâce à une participation active depuis plus de trente ans, une expérience qui m’encourage à attribuer aussi à* mon jugement une certaine compétence en cet ordre d’idées ». Cet incident nmena un refroidissement momentané entre les États-Unis et l’Allemagne et donna lieu au Reichstag à un incident des plus vifs, soulevé précisément par M. Richter. Le parti libéral allemand n’avait pu s’empêcher de protester contre le nouvel acte d’autorité du premier ministre, et il ne manqua pas de lui faire sentir sa force en votant avec le centre le renvoi à une commission de la loi d’exception contre les socialistes, dont le gouvernement demandait pour deux ans la prorogation. La loi ne fut définitivement votée qu’à une majorité de trente-deux voix. Malheureusement, les progressistes comme le centre passent avant tout, en Allemagne, pour un parti antibismarckien, c’est-à-dire hostile à l’empire, et leur attitude leur attire la haine de ceux qui considèrent l’obéissance au chancelier comme le premier devoir de tout patriote. Aussi l’alliance de l’aile gauche du parti national libéral lui fut-elle funeste : les sécessionnistes sombrèrent corps et biens dans

les élections d’octobre 1884, et le parti progressiste ne s’accrut que d’un siège, tandis que les conservateurs allemands en gagnèrent 28, grâce à leur accord avec les nationaux libéraux.

6U L’Allemagne et la colonisation. Depuis que M. de Bismarck avait consacré son activité aux questions sociales, il semblait s’être inspiré presque mot pour mot des doctrines de Frédéric List. Celui-ci, dans son Système national d’économie politique, dit quelque part : > Le couronnement de l’industrie manufacturière, du commerce extérieur et intérieur qu’elle crée, d’un cabotage actif, d’une importante navigation au long cours et de grandes pêcheries maritimes, d’une puissance navale respectable enfin, ce sont les colonies ». Le chancelier, se rangeant à cette opinion, fit planter le pavillon allemand sur le territoire de Cameroons et à Angra-Pequeîia (juillet-août 1884). Appelé à s expliquer devant la commission du budget, il dérlara à cette époque que son intention n’était pas de fonder des colonies, mais d’accorder la protection du gouvernement impérial aux Allemands qui s’établiraient sur des territoires inoccupes. À l’ombre de cette théorie, il put jeter bientôt en Océanie et en Afrique les bases d’un empire colonial germanique : sous prétexte de protéger les négociants, les vaisseaux allemands placèrent sous la protection de Guillaume les points du globe restés jusqu’ici en dehors de l’expansion européenne. Les possessions des puissances occidentales sur la côte O. de l’Afrique n’avaient jamais été strictement délimitées et de récentes acquisitions du côté du Congo venaient de mettre en présence des intérêts opposés. La France et l’Allemagne tombèrent d’accord pour inviter les États à se faire représenter dans une conférence internationale, qui se réunit à Berlin et où furent fixés les principes de la libre navigation du CoDgo et du Niger, en même temps qu’elle posa de» règle* d’occupation effective