Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 17, part. 1, A.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ANAM

nient de ce qui est identique et de" ce qui est contradictoire. Mais Hume a fait voir que les principes les plus communs et les plus profonds de l’entendement humain sont indémontrables par la raison non moins que par l’expérience, ou en d’autres termes, ne sont pus réductibles au principe de contradiction. Bientôt après, Kant a introduit la distinction célèbre des jugements analytiques et des jugements synthétiques aprioriques. Pour faire prévaloir son critère et sa méthode, pour en tirer une métaphysique, M. Alaux serait obligé de revenir sur des

f oints qui semblaient acquis à la critique ; ii ui faudrait entreprendre la tâche de réfuter Leibniz, Hume et Kant ; et c’est ce qu’il ne fait pas.

Le chapitre le plus intéressant de l’ouvrage est celui qui traite des concepts. M. Alaux montre que l’étendue n’est qu’un rapport, et défend le monadisme contre Cousin. Comment, dit-il, faire un composé, sinon avec des composants non composés ? Sans quoi, les composants étant eux-mêmes des composés devront être expliqués par d’autres, jusqu’à ce qu’on arrive a des composants simples. On objecte que la force a besoin d’un point d’appui, la matière, laquelle, en conséquence, semble irréductible à la force. « Un point d’appui, répond M. Alaux, est un point de résistance : le point de résistance pour une force ne peut-il être une autre force ? Les forces donc seront point d’appui les unes aux autres, irréductibles entre elles ; et la multiplicité des forces irréductibles sera la matière. »

Si M. Alaux se prononce pour la monadoloijie de Leibniz, il repousse Vharmonie •préétablie du même philosophe. Il veut que les monades agissent réellement les unes sur les autres ; il admet une certaine communication des substances. > Une substance, dit-il, ne

f rodait pas dans une autre un effet, mais excite a le produire en elle-même : chaque substance est cause des phénomènes révêla. teurs de son propre être, en vertu de l’être qui est en elle, et sans l’excitation d’autrui. Mais exciter une autre substance, n’est-ce pas agir sur elle ? Oui, sans rien produire en elle directement, sans passer en elle. Mais n’est-ce pas là encore une communication entre substances ? Et comment se conçoitelle ? Par la solidarité des substances, distinctes entre elles, identiques dans le fond de leur être, unes dans l’être unique, l’être absolu, que tout contient comme il contient tout. ■

Si Leibniz avait iu ce passage, il aurait sans doute fait remarquer que le mot excitation par lequel M. Alaux désigne l’action des monades les unes sur les autres, n’est qu’une métaphore tirée des phénomènes matériels, métaphore que l’on peut très bien appliquer comme telle, mais non au sens propre, aux rapports mutuels d’éléments substantiels inétendus.

L’ouvrage se termine par un Fragment d’un Essai de philosophie première, publié en appendice. C’est une suite de théorèmes métaphysiques. Voici l’un de ces théorèmes : L’existence d’un seul être prouve Dieu. De toute éternité Dieu est ; je suis celui qui suis, dit-il ; Dieu est l’être. Si l’être est, Dieu est. Or, l’être est, puisqu’il y a des êtres ; et l’existence d’un seul être, c’est déjà l’existence da l’être : où il est l’être, où il a l’être, et l’être est en lui... >

On a objecté à ces sortes de démonstrations, et liant a élevé l’objection à la hauteur d’une méthode, qu’elles prétendent, à tort, conclure de l’existence de certaines idées générales à celles d’un objet réel de ces idées ; que ces idées sont des formes universelles de l’entendement, en elles-mêmes vides, et qui ne servent qu’à encadrer dos véritables notions de la réalité. Un vice analogue se retrouve dans les autres théorèmes de M. Alaux, comme quand il veut prouver que l’homme est libre, en s’appuyant sur ce que l’homme se conçoit lui-même comme une activité libre, et quand il reproduit le célèbre axiome de Descartes, sous cette étrange forme généralisée : « Je, donc je suis » et pusse de cette abstraction à la substance du moi ; tandis qu’en fait, il n’y a jamais rien de prouvé excepté les phénomènes, dont il s’agit d’étudier les rapports.

  • ANALYSEUR s. m. — Electr. Plaque métallique,

sans communication avec la pile, qu’on plonge longitudinulement entre les électrodes d’une cuve électrolytique en activité pour étudier la direction électrolytique. V. réfraction ÉLECTRIQUE.

ANAMBAS, groupe d’Iles de la mer de Chine, à l’E. de la presqu’île de Malacua, au N.-E. de Singapour, entre SO20’ et 3°30’ de lat. N. et 103»2’ et 104«9’ de long. E. Elles furent explorées en 1831 par le capitaine Laplace et les officiers de la « Favorite ». Les principales de ces Des sont Mata, Dyémadia et Siantan. Ce dernier nom désigne l’archipel tout entier dans la langue des indigènes. Ceux-ci, au nombre d’environ 1.500, sont des Malais, pirates hardis, nominalement gouvernés par un fonctionnaire qui représente le propriétaire des tles, le radjah de Lingga, autre lie sur la côte E. de Sumatra.

ANAMNIÉ, ÉE adj. (a-na-mni-é—rnà.amnios et an pour a priv.). Zool. Qui n’a pas d’amnios, en parlant d’un animal.

— s. m. pi. Animaux dépourvus d’amnios.

ANAR

Ce groupe comprend, outre les invertébrés, les vertébrés anallantoïdiens,

  • ANANAS s. m.—Encycl. Il n’est pas sans

intérêt de signaler deux moyens d’utiliser cet excellent fruit autrement qu’à l’état frais. D’abord on en fait des conserves, qui ont toutes les qualités du fruit frais, sauf l’aspect, qui n’est certes pas à négliger : il y a en effet, pour le gourmet, une différence très appréciable entre les élégantes écailles imbriquées du fruit au naturel et le prosaïque cylindre découpé à l’emporte-pièce dans ce fruit. Les conserves ne pourraient encore suffire à écouler les immenses quantités d’ananas que produisent les régions tropicales et en particulier la Nouvelle-Calédonie. Un colon français, M. Rougeaud, a songé à les faire fermenter et à les soumettre ensuite à la distillation. Il en a ainsi tiré d’assez importantes quantités d’un alcool de bonne qualité et doué d’un parfum très agréable.

ÀNANIEF, ville de Russie, gouvernement de Kherson, dans la partie S.-O. du pays, près de la frontière du gouvernement dfi Podolie, à 30 kilom. S.-E, de Balta et à 150 kilom. N.-E. d’Odessa, par 470 54’ de lat. N. et 27»39’ de Joujjt. O. ; 15.983 hab. La ville d’Ananief se trouve dans la steppe qui s’étend du Bug au Dniester, entre les colonies allemandes et roumaines ; elle est assise sur les rives du Tiligoul, dont l’embouchure, dans la mer Noire, s’obstrue de plus en plus. C’est un marché central de blé pour cette partie de la Russie.

ANAPTOMORPHUS s. m. (a-nap-to-morfuss— du gr, attaptein, se rapporter à ; morphê, forme). Zool. Genre de prosimiens fossiles.

V. PKOSIMIENS.

ANARADJAPOURA, emplacement de l’antique capitale de l’Ile de Ceylao, à l’E. de Calpeutyn. au milieu des forêts, près d’étangs comblés ou changés en marécages. D’après Elisée Reclus, Anaradjapoura est l’antique Anouradla, qui fut choisie pour résidence royale, il y a plus de vingt-trois siècles, et que Ptolémée mentionne sous le nom d’Anurogrammon (Anouradhagrama). Cette ville, qui avait autrefois plusieurs millions d’habitants, n’est plus aujourd’hui qu’un village n’ayant pas même un millier d’âmes. D’après la chronique, l’enceinte de la cité, qui enfermait aussi des champs et des parcs, n’aurait pas eu moins de Î5 kilomètres de côté ; la superficie d’Anaradjapoura aurait donc été deux fois plus grande que celle de Londres. Le sol est rouge de la poussière des briques. On y trouve des restes de constructions gigantesques, des statues, des tombeaux, des monuments en ruine, élevant encore leurs coupoles à 60 et 75 mètres de hauteur, se dressant au-dessus de la forêt comme des pyramides de verdure ; des colonnes en pierre par centaines marquant l’emplacement de ce qui fut le fameux « temple d’airain ». Mais de toutes les curiosités d’Anaradjapoura la plus célèbre est le ■ bo sacré », l’arbre historique le plus âgé peut-être du monde, car il fut planté en l’an £88 de l’ère ancienne, et depuis cette époque les annales ne cessent de le mentionner. Une voie sacrée, bordée de tombeaux et d’autres édifices, se dirige d’Anaradjapoura vers la montagne de Mihintala, qui s’élève à 18 kilom. au S.-E. Ce roc désigne l’endroit où descendit le convertisseur des Cingalais. Un escalier de mille marches, monte de la base à la pagode du faite, couronnée jadis d’une escarboucle couleur de feu. Du parvis de l’édifice, on voit à ses pieds plus de la moitié de l’île et le regard s’étend jusqu’aux deux mers. Au vme siècle de notre ère, Anaradjapoura perdit son rang de capitale.

•ANARCHIE s. f.—Encycl. Philos, pol. et soc. I. L’an-archie de Proudhon. L’idéal politique et social de Proudhon était ce qu’il appelait Yan-archie, par où il entendait un état social dans lequel l’ordre résulterait des libres rapports économiques des individus sans constitution d’autorité politique. En d’autres termes, il poussait l’individualisme de l’école économiste jusqu’à la négation du gouvernement de l’État, auquel il attribuait une nature essentiellement anti-progressive et anti-libérale. Il soutenait que l’État avait rempli, à l’origine, un office indispensable ; mais que, par le progrès économique, scientifique, artistique, il perdait toute raison d’être, devenait inutile ; que Van-arckie est la condition d’existence des sociétés adultes, comme la hiérarchie est celle des sociétés primitives ; qu’il y a progrès incessant, dans l’humanité, de la hiérarchie à l’an-archie. IL montrait que la nécessité permanente de l’État suppose : 1* l’impossibilité pour la société de se constituer et de vivre en dehors de l’État ; 2<> un antagonisme permanent, nécessaire dans l’humanité, par suite, l’intervention nécessaire de l’État pour protéger les uns contre les autres. Il s’appliquait ensuite à combattre ces deux hypothèses.

■ L’État, écrivait-il en 1849, dans « la Voix du peuple », est la constitution extérieure de la puissance sociale. Par cette constitution extérieure de. sa puissance et souveraineté, le peuple ne se gouverne pas lui-même : c’est, tantôt un individu, tantôt plusieurs, qui, à titre électif ou héréditaire, sont chargés de le gouverner, de gérer ses affaires, de traiter et commettre en son nom, en un

ANAR

mot de faire tou» actes de père de famille, tuteur, gérant ou mandataire, nanti de procuration générale, absolue et irrévocable.

« Cette constitution externe de la puissance collective, à laquelle les Grecs donnèrent le nom d’arcAe, principauté, autorité, gouvernement, repose donc sur cette hypothèse, qu’un peuple, que l’être collectif qu’on nomme une société, ne peut se gouverner, penser, agir, s’exprimer par lui-même, d’une manière analogue à celle des êtres doués de personnalité individuelle ; qu’il a besoin, pour cela, de se faire représenter par un ou plusieurs individus, qui, a un titre quelconque, sont censés les dépositaires de la volonté du peuple, et ses agents...

1 Nous affirmons, au contraire, que le peuple, que la société, que la masse, peut et doit se gouverner elle-même, penser, agir, se lever et s’arrêter, comme un homme, se manifester enfin dans son individualité physique, individuelle et morale, sans le secours de tous ces truchements qui jadis furent des despotes, qui maintenant sont des aristocrates, qui de temps à autre ont été de prétendus délégués, complaisants ou serviteurs de la foule, et que nous nommons purement et simplement agitateurs du peuple, démagogues...

a Le pouvoir est né de la barbarie ; son organisation atteste, chez les premiers hommes, un état de férocité et de violence, effet de l’absence totale de commerce et d’industrie. C’est à cette sauvagerie que l’État dut mettre fin, en opposant à la force de chaque individu une force supérieure, capable, à défaut d’autre argument, de contraindre sa volonté. La constitution de l’État suppose donc un profond antagonisme social, àomo homini lupus.

> Donc, l’État serait inutile, l’État manquerait d’objet comme de motif, l’État devrait s’abroger lui-même s’il venait un moment où, par une cause quelconque, il n’y eût plus dans la société ni forts, ni faibles. c’est-à-dire, où l’inégalité des forces physiques et intellectuelles ne pût pas être une cause de spoliation et d’oppression, indépendamment de la protection, plus fictive d’ailleurs que réelle, de l’État.

« Or, telle est justement la thèse que nous soutenons aujourd’hui. Ce qui adoucit les mœurs, et qui fait peu à peu régner le droit à la place de la force, ce-qui fonde la sécurité et qui crée la liberté et l’égalité, c’est bien plus que la religion et l’État, le travail ; c’est en premier lieu le commerce et l’industrie ; c’est ensuite la science, qui le spiritualise ; c’est en dernière analyse l’art, sa fleur immortelle. La religion par ses promesses et ses terreurs, l’État par ses tribunaux et ses armées, n’ont fait que donner au sentiment du droit, trop faible chez les premiers hommes, une sanction, la seule intelligible à des esprits farouches. Pour nous, que l’industrie, les sciences, les lettres, les arts ont corrompus, comme disait Jean-Jacques, cette sanction réside ailleurs : elle est dans la division des propriétés, dans l’engrenage des industries, dans le développement du luxe, dans le besoin impérieux de bienêtre, besoin qui fait à tous une nécessité du travail....

« C’est se faire une triste idée de l’espèce humaine, de son essence, de sa perfectibilité, de sa destinée, que de la concevoir comme une agglomération d’individus exposés nécessairement par l’inégalité des forces physiques et intellectuelles au péril constant d’une spoliation réciproque ou de la tyrannie de quelques-uns. Une pareille idée atteste la philosophie la plus rétrograde ; elle appartient à ces temps de barbarie où l’absence des vrais éléments de l’ordre social ne laissait au génie du législateur d’autre moyen d’action que la force, où la suprématie d’un pouvoir pacificateur et vengeur apparaissait à tous comme la juste conséquence d’une dégradation antérieure et d’une souillure originelle...

« Pour nous, l’état moral de la société se modifie et s’améliore avec son état économique. Autre est la moralité d’un peuple sauvage, ignorant et sans industrie ; autre celle d’un peuple travailleur et artiste ; autre, par conséquent, sont les garanties sociales chez le premier, autres chez le second. Dans une société transformée, presque à son insu, par le développement de son économie, il n’y a plus ni forts, ni faibles, il n’existe que des travailleurs, dont les facultés et les moyens tendent sans cesse, par la solidarité industrielle et la garantie de circulation, à s’égaliser. •

11 faut remarquer que la négation de l’État était, dans la pensée de Proudhon, subordonnée à la négation de ce qu’il appelait la prépondérance du capital, c’est-à-dire, à la gratuité du crédit et au projet de banque qu’il avait imaginé pour réaliser la gratuité du crédit,

« Après la rudesse des premiers âges, après l’orgueil des castes et la constitution féodale des premières sociétés, un dernier élément de servitude restait encore : c’était le capital. Le capital ayant perdu sa prépondérance, le travailleur, c’est-à-dire, le commerçant, l’industriel, le laboureur, le savant, l’artiste n’a plus besoin de protection : sa protection, c’est son talent, c’est sa science, c’est son industrie. Après la déchéance du capital, la conservation de l’État, bien loin

ANAR

245

de protéger la liberté, ne peut que compromettre la liberté. »

Proudhon voyait naître du progrès économique de la société la garantie de la circulation et la mutualité du crédit, qui amenaient la déchéance du capital, et qui, en même temps, rendaient l’État inutile en égalisant les forces et en solidarisant les intérêts. Il n’était plus besoin que l’État imposât des conditions d’égalité à l’action de forces devenues égales et capables de s’équilibrer mutuellement. Il n’était plus besoin que l’État établit des conditions d’ordre et de paix pour des intérêts devenus complètement harmoniques. Il n’était plus besoin que l’État créât, par une représentation externe, l’unité sociale devenue le résultat assuré de la solidarité économique. L’égalité des forces et l’harmonie des intérêts entraînaient, comme conséquence nécessaire, l’harmonie des sentiments. Le droit dès lors ne pouvait manquer d’être spontanément respecté : il trouvait une sanction suffisante dans le travail même, ’dans la science et dans l’art ; l’homme cessait d’être un loup, se montrait un dieu, pour l’homme ; sa nature était radicalement transformée ; plus rien n’y restait de la sauvagerie primitive ; la terre, autrefois vallée de larmes, se changeait en paradis.

Telles sont les hypothèses utopiques qui entrent dans la composition de Yan-archie proudhonîenne. C’est une thèse d’optimisme économique et d’optimisme passionnel qui peut se rapprocher de celle de Fonder. La différence porte sur la condition mise à l’harmonie des intérêts et des passions. Pour Fourier, c’était une combinaison sociétaire ; pour Proudhon, un mécanisme de crédit.

Proudhon a développé, en 1851, dans un ouvrage qui a pour titre Idée générale de la Révolution au XIX’ 'siècle, sa conception de l’an-archie. Elle n’est pas autre chose, à ses yeux, que la véritable théorie du contrat social. Il accuse Rousseau d’avoir faussé cette théorie. C’est à Rousseau surtout qu’il veut qu’on rapporte, comme à sa cause, la grande déviation de 93. Il explique que l’idée de contrat est exclusive de celle de gouvernement, que la justice commutative doit être substituée en tout à la justice distributive, le règne du contrat ou régime économique au règne de la loi ou régime gouvernemental.

1 Le contrat social, dit-il, est essentiellement synallagmatique ; il n’impose d’obligation aux contractants que celle qui résulte de leur promesse personnelle de tradition réciproque ; il n’est soumis à aucune autorité extérieure ; il fait seul la loi commune des parties ; il n’attend sou exécution que de leur initiative.

« Que si tel est le contrat, dans son acception la plus générale et dans sa pratique quotidienne, que sera le contrat social, celui qui est censé relier tous les membres d’une nation dans un même intérêt ?

« Le contrat social est l’acte suprême par lequel chaque citoyen engage à la société son amour, son intelligence, son travail, ses services, ses produits, ses biens, en retour de l’affection, des idées, travaux, produits, services et biens de ses semblables : la mesure du droit pour chacun étant déterminée toujours par l’importance de son apport, et le recouvrement exigible au fur et à mesure des livraisons.

« Ainsi, le contrat social doit embrasser l’universalité des citoyens, de leurs intérêts et de leurs rapports. Si un seul homme était exclu du contrat, si un seul des intérêts sur lesquels les membres de la nation, êtres intelligents, industrieux, sensibles, sont appelés k traiter, était omis, le contrat serait plus ou moins relatif et spécial ; il ne serait pas social.

« Le contrat social doit augmenter pour chaque citoyen le bien-être et la liberté. S’il s’y glissait des conditions léonines ; si une partie des citoyens se trouvait, en vertu du contrat, subalternisée, exploitée par l’autre, ce ne serait plus un contrat, ce serait une fraude, contre laquelle la résiliation pourrait être à toute heure et de plein droit invoquée.

■ Le contrat social doit être librement débattu, individuellement consenti, signé, manu propria, par tous ceux qui y participent. Si la discussion était empêchée, tronquée, escamotée ; si le consentement était surpris ; si la signature était donnée en blanc, de confiance, sans lecture des articles et explication préalable ; ou si même, comme le serment militaire, elle était préjugée et forcée, le contrat social ne serait plus alors qu’une conspiration contre la liberté et le bien-être des individus les plus ignorants, les plus faibles et les plus nombreux, une spoliation systématique, contre laquelle tout moyen de résistance et même de représailles pourrait devenir un droit et un devoir...

« Tel doit être, d’après les définitions du droit et la pratique universelle, le contrat social. Faut-il dire maintenant que de cette multitude de rapports que le pacte social est appelé à définir et à régler, Rousseau n’a vu que les rapports politiques, c’est-à-dire qu’il a supprimé les points fondamentaux du contrat, pour ne s’occuper que des secondaires T Faut-il dire que ces conditions essentielles, indispensables, la liberté absolue du contractant, son intervention directe, personnelle, sa signature donnée en connaissance de