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la haute Chambre de Hongrie. Depuis lors, il a été Dominé président du comitat de Zemplin.

AN DRÉ (François-Étienne-Jean-Baptiste), maire de Lille, né à Amiens le 22 décembre 1735, mort le 29 juillet 1812. Sa flère attitude vis-à-vis des Autrichiens qui assiégaient Lille en 1792 l’ont rendu justement célèbre. Lorsque Albert de Saxe le somma de se rendre, il lui répondit, au nom de la municipalité lilloise : « Nous venons de renouveler notre serment d’être fidèles à la Nation, de maintenir la liberté et l’égalité ou de mourir k notre poste, noua ne sommes pas des parjures I » Lorsque eurent lieu, en 1882, les fêtes commémoratives du siège de Lille, le buste d’André fut inauguré et placé dans le palais Rameau, qui est comme le palais de l’Industrie du département du Nord.

" ANDRÉ (Emile) agronome allemand, né à Schnepfenthat le 1er mars 1790. — 11 est mort à Kisberg (Hongrie), le 26 février 1869.

. ANDRE(Jean-François-Giistavc), homme politique français, né’le 17 octobre 1805.î) est mort k Paris le 28 novembre 1878.

  • ANDRE (l’abbé Jean-François), historien

français, né à Forcalquier en 1809.— Il est mort àVauclusele 3 juillet 1881. Outre les ouvrages mentionnés au tome lo’du Grand Dictionnaire, nous citerons de lui : Vie des Saints de l’Église d’Avignon (1836) ; A/faire Rosette Tamisier (1851) ; Histoire de saint Roch (1854) ; Histoire de sainte Isabelle de France (1855) ; Précis de l’histoire de la Maison Rustichelli -Vulori (1855) ; Exposition de quelques principes fondamentaux de droit canonique (1866) ; Comment le gallicano-jansénisme interprète les documents venus de Borne (1866) ; Somme théorique et pratique de tout le droit canonique (1868,2 vol. in-12).

ANDRE (Louis-Jules), architecte, né à Paris le 24 juin 1819. — Nommé professeur k l’École des beaux-arts en remplacement de Paccard, le 9 octobre 1867, il a été promu officier de la Légion d’honneur en 18S2, et il a succédé, le 1er mars iss^ k Lesueur comme membre de l’Académie des beaux-arts.— Son fils, Paul-Pierre André, né à Paris en 1860, a obtenu comme architecte le grand prix de Rome en 1885.

ANDRÉ (Charles-Louis-François), savant français, né à Chauny (Aisne), en 1842. Il s’adonna à l’étude des sciences, fut nommé astronome adjoint à l’Observatoire de Paris et dirigea la mission envoyée en 1874 à Nouméa pour y observer le passage de Vénus. Agrégé des sciences physiques, il passa en 1876 son doctorat. Sa thèse sur la diffraction dans les instruments d’optique fut très remarquée, parce qu’il y donnait une solution générale d’un problème qu’avaient souvent posé les astronomes sans le résoudre. M. Charles André était professeur d’astronomie physique a la faculté des sciences de Lyon lorsqu’il fut chargé d’aller observer à Utah le passage de Mercure sur le Soleil, ce qu’il fit le 6 mars 1878. Il est, depuis le 16 janvier 1879, astronome directeur de l’Observatoire astronomique et météorologique

de Lyon. Outre des mémoires, on doit à ce savant : Cours de physique (1871-73, in-8o), en collaboration avec Brisse ; l’Astronomie pratique et les Observatoires en Europe et en Amérique depuis le milieu du xvii’ siècle jusqu’à nos jours (1874-1882, 4 vol in-12), avec Rayet et Angot ; Étude sur la diffraction dans tes instruments d’optique (1876, in-4«) ; l’Observatoire universitaire de Lyon (18"8, in-8°) ; Étude sur les orages à grêle du département du Rhône de 1819 à 1878 (1878, in-8°) ; Observations du passage de Mercure sur le Soleil, faite à Ogden (Utah) te 6 mai 1878 (1881, in-8") ; Recherches sur le climat du Lyonnais (1881, in-8°) ; Écria de paraboles tirées des principaux auteurs allemands, trad. en fr. (1881, in-8°) ; Notes sur les oscillations barométriques produites par l’éruption du Krakatoa (1884, in-8<>), etc. M. André publie les Annales de l’Observatoire de Lyon.

Aadré Cornélia, par Paul Bourget (1887, 1 vol. in-18). M. Cornélis, avocat, demande la main de M’e de Slane ; il est refusé une première fois, puis une seconde, parce que la jeune fille, nature honnête, mais mondaine, élégante, raftii.ée, se rappelle toujours que lors de leur première entrevue il portait des gants trop longs qui le rendaient ridicule. Il fait une troisième tentative et demande à parler en tête à tête à celle qu’il adore. Elle consent k cette entrevue avec le ferme propos de répondre encore• non a ; mais il lui parle si gentiment, avec un tact si exquis, tant d’éloquence, il laisse si bien voir la profondeur de son amour, qu’elle dit i oui ■.Toute l’histoire des années suivantes se trouve en germe dans ces quelques lignes. Honnête, Mroe Cornélis ne trompera jamais son mari ; femme élégante, d’une autre essence que lui, elle ne se fondra jamais dans une communion intime avec cet homme aux larges épaules, au rire bruyant, et qui portait des gants trop longs. D autant plus qu’il est souvent loin de son foyer. Impatient deconquérir une grande fortune, non pour lui, mais pour celle qu’il adore, et pour le fils qui tour est né, André, il a quitté le barreau et

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il a fondé un important cabinet d’affaires qui l’absorbe presque entièrement. Ah I si Mme Cornélis n’était pas l’honnêteté même, quel terrain bien préparé pour assurer une victoire complète à Jacques Termonde, un ami de Cornélis, devenu bien vite un familier de la maison 1 La situation est horriblement dangereuse, car d’une part Termonde adore la jeune femme, ta chose est évidente, et d’autre part leurs deux natures sont si bien faites pour sympathiser 1 Elégant, distingué, toujours présent, il prend bientôt une large place dans la vie de Mn, l) Cornélis, devient l’arbitre qu’elle consulte chaque jour sur un détail de toilette, sur la musique à la mode, sur mille riens qui sont tout. Cornélis souffre de cette situation. Elle va s’aggravant, mais il n’ose pas la faire cesser parce qu’il adore sa femme, qu’il tremble de lui taire de la peine, que l’amour lui enlève l’énergie, qu’il est sûr de son honnêteté... Parfois cependant, exaspéré par la souffrance, il s’écrie dans son cabinet solitaire : « Si pourtant ils me trompaient l...i Mais il a honte de ses soupçons, mentalement il en demande pardon à sa femme, et tandis que les choses vont leur train, tandis qu’André grandit, sa vie devient un véritable martyre. Brusquement, il meurt ; il meurt assassiné par un certain Rochdale, dans un rendez-vous mystérieux. Le criminel échappe a toutes les poursuites de la justice, on ne sait ce qu’il est devenu, on se perd en conjectures sur le mobile qui l’a guidé : ce n’est pas le vol, malgré certaines précautions prises pour le faire croire, et le plus profond mystère planera toujours sur ce drame.

La mort de M. Cornélis frappe d’un coup terrible le petit André, enfant a l’âme aimante, à l’intelligence vive.adorant son père et sa mère. Le premier disparu, il reporte sur la seconde toute son affection, toute Sa tendresse aiguë et jalouse. Jalouse de qui ? de M. Termonde, l’ami de sa mère, qui, semble-t-il, lui volequelque chose. Aussi est-ce avec une véritable douleur qu’il voit, deux ans après, s’accomplir le mariage de Jacques et de sa mère. De ce jour d’ailleurs sa vie change. Il est certain que son beau-père ne l’aime pas ; on l’éloigné, on l’envoie dans un lycée de province. Lui-même éprouve pour cethomme une antipathie difficilement explicable, que tout contribue à augmenter, même la correction avec laquelle M- Termonde remplit ses devoirs de tuteur. L’enfant grandit, et avec lui sa haine. Une pensée qui ne le quitte jamais, et qui n’est pas faite pour le calmer, c’est celle de la mort de son père, mort demeurée mystérieuse et non vengée. Le jeune homme se jure de tirer la chose au clair et de donner satisfaction k la victime bienaimée. Il reprend donc l’affaire dès son origine, se met en relation avec le juge qui fut chargé de l’instruire, fouille le dossier, en scrute chaque pièce, ne néglige aucun détail, et cependant n arrive à rien. Mais un jour un événement imprévu jette dans son esprit une première et terriule lueur. Une sœur de son père survivait, une sœur aînée, qui avait été de tout temps la grande amie, la protectrice, la confidente du pauvre mort. Sentant sa fin prochaine, elle appelle auprès d’elle son neveu, et de son lit d’agonie où la paralysie la cloue, elle lui indique un paquet de lettres qu’il devra brûler. À peine a-t-elle les yeux fermés, qu’André se met à les parcourir, et k mesure qu’il avance dans sa lecture il sent comme un voile qui se déchire devant ses yeux, en même temps qu’une oppression l’accable. C’est que dans ces lettres M. Cornélis détaillait à sa sœur le drame intime qui se jouait à son foyer, disant l’amour de Termonde, ses assiduités, l’empire pris par lui dans la maison, les craintes qui déchiraient l’âme du pauvre mari, sa jalousie, ses soupçons dont il avait honte et qui renaissaient cependant aussitôt qu’étouffés. Placé ainsi sur une piste nouvelle et douloureuse, André, qui est un observateur, un psychologue, analyse les sentiments qui ont du agiter autrefois les divers personnages du drame, et il arrive à cette première donnée, terrible mais irréfutable d’après lui : un homme aimait passionnément une femme mariée ; celle-ci, inconsciemment, lui rendait son amour, mais], honnête et droite, elle ne lui eût jamais rien accordé du vivant de son mari ; alors l’amant a supprimé celui qui le gênait ; Termonde est l’assassin de Cornélis I La voilk donc expliquée, la haine instinctive qu’éprouvait pour son beau-père le fils de la victime I C’est bien, il vengera son père. Mais... quelle horrible pensée subitement î’étreintl et sa mère, sa mère bien-aimée, quel rôle a-t-elle joué dans cette tragédie moderne 7 Si elle était la complice de l’assassin ? ... On devine, sans qu’il soit besoin d’y insister, les tortures de ce fils qui adore sa mère, et qui se demande si elle n’est pas un monstre. Bientôt cependant il acquiert la preuve qu’elle est restée toujours pure et innocente. Seul Termonde est coupable, seul il arma le bras de l’assassin ; car ce n’est pas lui-même qui a frappé : il se trouvait près de la mère et de l’enfant au moment où l’on supprimait Cornélis. André est moralement convaincu de tout cela, maia il n’a pas de preuves ; en trouver une sera désormais l’unique but de sa vie. Il entame alors avec son beau-père une lutte épouvantable. Se rapprochant de Termonde, qui est très gravement malade d’une affection du foie, il

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le soumet & de continuelles épreuves psychologiques, il cherche à l’ébranler par des allusions terribles, il le fait passer par des combinaisons infernales, malheureusement impossibles k résumer. Il espère ainsi arracher au coupable un cri de douleur, un tressaillement du moins, comme lorsqu’un opérateur, explorant un malade, arrive k toucher du doigt le point douloureux. Mais Termonde, malgré les souffrances physiques qui le minent, demeure impénétrable, et André n’arriverait k rien, si le hasard ne venait encore une fois à son aide. C’est Mm8 Termonde, la pauvre femme, qui, inconsciemment, livre k André le secret destiné k perdre le mari qu’elle adore. Elle lui révèle que Termonde a un frère, Édouard, un misérable que tout le monde croit mort, mais qui vivait en Amérique, extorquant k Jacques de grosses sommes d’argent, et qui vient d’arriver k Paris. C’est un trait de lumière pour André. Par une suite de déductions inflexibles, il acquiert la conviction que cet Édouard Termonde et l’ancien Rochdale ne font qu’un ; puis il s’en procure la preuve matérielle en achetant à cet homme des lettres accablantes pour Termonde, et alors, sûr de son fait, il revient trouver celui-ci pour accomplir son rôle de justicier. Il le frappe d’un coup mortel. Termonde, qui n’a qu’un seul grand sentiment dans le cœur, son amour pour sa femme, trouve avant d’expirer la force de tracer deux lignes qui lui épargneront une suprême douleur en rendant impossible la révélation des deux meurtres : ■ Pardon, Marie ; je souffrais trop, j’ai voulu en finir I •

André Cornélis est considéré comme l’œuvre la plus puissante du jeune maître k qui l’on devait déjà Crime d’amour et Cruelle énigme, dont nous donnons également l’analyse. Nous n’avons pu ici que retracer le canevas de ce livre troublant, dont le plus grand charme réside dans les fines et profondes analyses de sentiments auxquelles M. Paul Bourget se livre en psychologiste expérimenté. L’étude du cœur humain est si bien l’objet unique qu’il se propose, qu’il a cru devoir négliger, en écrivant son beau roman, une des régies les plus élémentaires de la composition : il nous apprend en effet, dès le début, que Termonde est un assassin et qu’André, lui aussi, a les mains couvertes de sang ; c’est dire clairement au lecteur : Vous savez déjà, où je veux vous mener, et vous n’aurez d’autre surprise eu route que celle des chemins pur où je vous conduirai. Il faut être bien sûr de soi pour procéder de la sorte, et l’auteur a exécuté un véri table tour de force littéraire en écrivant, dans ce3 conditions voulues, un livre aussi empoignant. Peut-être pourrait-on encore lui reprocher d’avoir rendu trop intéressant le personnage de Termonde. On regrette enfin de rencontrer çk et lk quelques phrases malheureuses, comme celle-ci, par exemple : « C’était bien la peine de m’être mangé le cœur tous ces jours derniers, — amère nourriture. ■ Mais ces taches légères ne déparent point une œuvre aussi belle ; seul, le critique est condamné à les apercevoir, et tout au plus nous obligent-elles, au moment de nous résumer, k intercaler un adverbe dans notre phrase en disant que cette étude est presque un chef-d’œuvre.

ANDREA (Knrl), peintre allemand, né à MUhlheiin-sur-le-Rhin, le 3 février 1823. Les souvenirs et les trésors du moyen âge, qui remplissentles églises de Cologne, frappèrent sa jeune intelligence ; il se sentit la vocation d’artiste et se rendit en 1840 k Dusseldorf, où il devint élève de Schadow et de Karl Sohn. Ayant obtenu, en 1843, un premier prix pour son grand tableau : la Prédication de saint Pierre le jour de la Pentecôte, M. Andreee alla poursuivre ses études k Rome et fréquenta pendant quatre ans l’atelier de Cornélius ; il suivit ensuite son maître à Berlin, C’est lk qu’il exécuta des peintures murales représentant des sujets mythologiques, destinées à un hôtel de Mtthlheim, ainsi que des peintures à l’huile, à tendances idéalistes, comme le Denier de la Veuve, ta Visitation, le Bon Samaritain et Rachel pleurant ses enfants. En 1856, il se fixa à Dresde, et depuis lors s’est occupé spécialement de peinture sur verre et de peinture murale. Il a décoré de nombreux châteaux et églises de Westphalie, de Saxe, de Hanovre et du Meoklembourg. Peu de ses œuvres ont paru aux expositions. Il a fondé k Dresde la société de « l’Art religieux t, et il en a été longtemps le président.

, ANDREE (Charles-Théodore), écrivain allemand ; né à Brunswick en 1808. — Il est mort le 10 août 1875.

ANDREE (Richard), écrivain et géographe allemand, ué à Brunswick le 25 février 1835, fils du précèdent. Il étudia les sciences k Leipzig, voyagea en Bohême et en Suède et se fixa k Leipzig, où, depuis 1874, il dirige l’Institut géographique de Velhagen et Klasing. Comme son père, Richard Andrée s’est particulièrement occupé d’ethnographie et de géographie. On lui doit notamment de remarquables études sur les Tchèques et les

Slaves. Nous citerons parmi ses ouvrages : De Tweed à Pentlandfjord (Iéna, 1866), récit d’un voyage dans l’Écosse septentrionale ; l’Abyssinie (1869) ; les Nationalités et les langues en Bohême (1871) ; les Coutumes tchèques (1872), ouvrage dans lequel, se plaçant

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fltl point de vue allemand, il se prononce contre les envahissements des Slaves ; Carte historique et ethnographique du développement de l’idiome des Wendesde £ujac*(1873) ; Études de voyagea travers les Wendes (1874) ; Atlas pour les écoles populaires (1876) ; Atlas physique de l’empire allemand (Leipzig, 1877) ; Parallèles et parangons ethnographiques (1878) ; la Race juive (18S1) ; Atlas manuel (Leipzig, 1881) ; etc.

Andrée, par George. Duruy (1884, 1 vol. in-18). Andrée Passemard est la fille d’un épicier qui a gagné plusieurs centaines de mille francs en faisant un fameux coup sur les jambons fumés d’Amérique, plusieurs millions avec les betteraves ; sa mère est une grosse femme rougeaude, boursouflée, qui inquiète ses voisins par le conflit permanent d’une gorge trop opulente et d’un corsage trop étroit. Grâce k leurs écus, ils ont fait élever brillamment la jeune fille ; Andrée se pique un peu de littérature ; elle peint, elle joue du piano et de la cithare, un instrument bien distingué ; mais, en revanche, k eux seuls, ils lui ont donné une éducation déplorable. Personne ne lui a jamais parlé de grands sentiments ni de grandes choses ; nul ne lui a jamais fait envisager les côtés sérieux de la vie, rien de noble ou de généreux ne saurait germer dans cette cervelle d’oiseau, ni dans ce cœur vieux à seize ans. Entre la grossièreté de son père, la nullité vaniteuse de sa mère, la sottise épanouie de son frère Maxime, Andrée a grandi, dédaigneuse et ennuyée. Elle est devenue • une petite femme sans jeunesse, sans naïveté, sans illusions, sans gaieté, sans entrain, sans abandon ; ne respectant rien et ne croyant & rien, si ce n’est k l’excellence de l’argent ; n’appréciant, avec la fortune, que les satisfactions de la vanité ; pleine d’une ambition qui réclame seulement l’éclat et le bruit, affamée de flatteries, redoutable moins encore par sa beauté que par les raffinements d’une froide et précoce coquetterie. • Et c’est de cette jolie fille qu’est amoureux un garçon qui a du cœur et du sang, Jacques Henriot, un jeune peintre chez lequel s’annonce un grand talent. Il l’aime de toute son âme et de tout son être ; Andrée le trouve trop classique, presque niais, au fond le méprise un peu, et se dit k elle-même qu’elle ne consentira jamais k l’épouser. Cependant elle fait semblant de l’aimer, assez pour qu’il y ait chez le jeune homme doute et espérance, deux grands éléments de douleur. Ayant obtenu le prix de Rome, il part pour 1 Italie ; mais il veut du moins garder des intelligences dans la place, et avant de quitter Paris, il fait donner k Henri Mareuil, son ami d’enfance, un frère presque, la place de secrétaire de M. Passemard. Henri surveillera Andrée, avivera dans son esprit le souvenir de Jacques, (’étudiera, l’analysera, et fera part k son ami de toutes ses observations dans une volumineuse correspondance. Hélas t c’est un poste périlleux qu’a accepté lk le jeuue Mareuil I II n’emploie pas les mêmes précautions que les matelots d’Ulysse : il se laisse prendre k la voix enchanteresse de la sirène, une nuit il se traîne aux genoux d’Andrée. On doit lui accorder cette circonstance atténuante qu’il l’aime comme un fou, et lui rendre cette justice que, pour empêcher les choses d’aller plus loin, il donne sa démission de secrétaire dès le lendemain et part aussitôt pour Rome, Jacques devine la demi-trahison de son ami, s’exagère les choses, le provoque et lui administre un maître coup d’épée. Voilk Henri entre la vie et la mort ; Jacques le soigné nuit et jour comme la plus tendre des mères, car toute sa colère est tombée k la vue du sang de son ami, et, dans les longues veillées à son chevet, il a vu clair enfin dans le jeu d’Andrée. Henri meurt des suites de sou duel, compliquées d’une lièvre paludéenne. Jacques, après avoir longtemps voyagé en Orient pour calmer sa douleur, revient k Paris, affirme son talent par un tableau de maître, nouvelle et magistrale interprétation du meurtre commis par l’aîné de3 fils du premier homme, gagne beaucoup d’argent, est décoré, et Andrée, qui est devenue la vicomtesse de Morincourt, se sent maintenant amoureuse de ce beau garçon en qui elle ne retrouve plus rien du timide jeune homme d’autrefois. Elle va s’offrir k lui jusque dans sa chambre ; la chair est faible, et tout le vieil amour de Jacques lui remonte sinon au cœur, du moins au cerveau. Il ta prend dans ses bras, il va... mais soudain, entre elle et lui, se dresse le souvenir de Henri Miireuilla poitrine ensanglantée, et il chasse cette femme qui arma le bras de Caln contre Abel. Il manque de mourir sous le coup d’une fièvre cérébrale, mais il en réchappe, et tout est bien terminé entre lui et Andrée ; elle finit par se résigner à être seulement la femme du vicomte de Morincourt, un bellâtre qui s’imagine avoir tous les talents et n’en a aucun ; elle accueille les amis du pseudoartiste, tous bâtis sur le même modèle que lui, et on ne l’appelle plus à Paris que « la Muse des ratés ».

Cette rapide analyse nous a forcé de laisser de côté plusieurs types très intéressants et fort soigneusement étudiés : les uns sympathiques, comme le comte de Garamante, un

sceptique bienfaisant ; d’autres grotesques, comme Passérieux, un gomtiieux-clovrn, on comme Passemard, un imbécile qui devient dé-