Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 17, part. 1, A.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ticularités qui peuvent distinguer chaque atoll.

On peut rechercher l’origine des atolls des Maldives dans une longue chaîne de montagnes sous-marines à surface et à contours irréguliers et inégaux, tandis que les Laquedives, les Carolines et les Chagos sont des bas-fonds coralliens et non, ainsi que l’avançait Darwin, d’anciens récifs submergés, fonds coralliens trop récents pour avoir atteint la surface, ou encore trop profonds pour que les coraux aient pu s’y établir, Il résulte encore des observations de Murray que l’hypothèse de l’affaissement du fond, telle que la concevait Darwin, n’a pas à intervenir pour justifier l’énorme épaisseur de certains récifs ni la forme abrupte de leur profil ; le bord reste souvent vertical jusqu’à 60 ou 70 mètres de profondeur. On remarquera que, jusqu’à 300 mètres environ de profondeur et à 360 mètres environ de distance horizontale de la crête, représentant à peu près une inclinaison de 40°, il existe un talus de gros blocs coralliens arrachés par les vagues, détachés du bord du récif, « surtout dans les endroits où la compacité de la roche aurait pu être affaiblie par le travail des mollusques perforants », et qui sont venus rouler, puis s’arrêter à son pied. Au delà de ce talus, c’est une pente de sable corallien descendant sous un angle de 25° à 30° et à laquelle succède un fond, incliné de 6° seulement, couvert de débris volcaniques.

L’installation d’une grande colonie ou plantation de coraux sur le sommet d’un cône volcanique submergé peut suffire à expliquer la formation des plus puissants récifs dont la plate-forme sous-marine se prolonge sans cesse, dans la direction de la haute mer, par les blocs que l’action des vagues détache continuellement. C’est à ces phénomènes qu’est due l’apparence que présentent certains atolls ou récifs-barrières, possédant, sans qu’il se soit produit aucun affaissement, une portion abrupte d’une grande épaisseur, « alors que le couronnement seul est formé par des coraux en place ». Le reste se compose de débris de coraux, d’échinodermes et de coquilles brisées de mollusques. 11 faut ajouter, avec de Lapparent, que la nécessité d’une formation de talus de blocs ne s’impose pas pour une semblable formation ; cet effet peut, en effet, « se produire par la simple superposition d’un récif vivant à une plate-forme constituée par une accumulation préalable de coquilles calcaires ».

Il peut, du reste, arriver que dans les régions tropicales une plate-forme de ce genre puisse, sous l’influence du temps et sous l’action des infiltrations, perdre ses « caractères originaires et devenir très difficile à distinguer de la roche d’un récif proprement dit ». Cependant, en certains cas, il existe des différences rendant la distinction possible. Ainsi, d’après M. Guppy, on observe aux Iles Salomon d’anciens récifs, aujourd’hui soulevés de 30 jusqu’à 300 et même 600 mètres, où le couronnement corallien est relativement mince, le reste se composant d’un calcaire terreux impur où se trouvent en grande abondance les foraminifères et autres organismes pélagiques, tels que les mollusques ptéropodes.

« En résumé, dit de Lapparent, si les affaissements locaux ont pu parfois intervenir dans la formation de certains récifs particuliers, il ne semble pas que le phénomène corallien réclame, comme condition essentielle, une mobilité générale du lit de l’Océan ». Les organismes constructeurs réclament, avant tout, des plates-formes arrivant à moins de 20 brasses de la surface de la mer. Les déjections volcaniques, comme nous l’apprend le même savant, dont nous n’avons fait que suivre les idées dans cet article, ont pu suppléer en ce sens, et cela dans une certaine mesure, au manque de relief du fond et former ainsi un substratum que sont venus augmenter les débris organiques s’accumulant jusqu’à produire des protubérances d’une hauteur suffisante pour que les coraux pussent s’y établir et y prospérer. C’est alors qu’est intervenue l’action des eaux chargées de débris calcaires et de bicarbonate calcique, action qui a fait plus ou moins complètement disparaître « la différence de structure des deux espèces de calcaires superposés ». Le même auteur ajoute que si quelque mouvement du sol vient à déterminer l’émersion d’un récif de ce genre, on sera exposé à attribuer la totalité de son épaisseur à l’activité corallienne, qui pourtant n’est responsable que du seul couronnement. Allant plus loin, le savant géologue dit que les atolls du Pacifique étant toujours établis sur des cônes volcaniques, cette disposition semble propre à suggérer l’idée d’un soulèvement plutôt que celle d’un affaissement. La remarque, au reste, en a été faite par Darwin lui-même, et le grand naturaliste fut le premier à reconnaître que les lignes de volcans marquent toujours des vides en voie d’exhaussement. La masse des continents tend sans cesse à prendre plus d’importance aux dépens de l’Océan dont, par le système des compensations, la profondeur augmente d’autant. « Chaque continent, dit de Lapparent, est ainsi composé de compartiments successivement ajoutés les uns aux autres et dont les bords sont en général des chaînes de montagnes jalonnées par des manifestations volcaniques. » Les chaînes d’îles du Pacifique dessinent donc vraisemblablement les limites futures des portions « de cet océan destinées à s’adjoindre au continent asiatique ou australien ». Il faut considérer chacune de ces chaînes comme indiquant une ligne de dislocation, « encore plus ou moins profondément immergée, mais dont les fentes ont livré passage à des éjaculations volcaniques devenues autant de points d’appui pour les récifs de coraux ». On doit donc considérer qu’il se produit un exhaussement et non un affaissement continu le long de ces lignes ; l’abaissement du fond de la mer ne se fait remarquer qu’au large ; « mais dans ces parties en voie de dépression, l’écorce terrestre comprimée ne se fend pas et n’édifie point de cônes volcaniques ».

** ATOME s. m. ― Encycl. Atomes tourbillons. L’esprit conçoit difficilement ce que les chimistes et les physiciens appellent atomes, ces particules extrêmement ténues qu’il faut se figurer comme effectivement insécables, bien que mathématiquement on puisse toujours concevoir la moitié, le dixième, le centième, le millionième d’une quantité si petite qu’elle soit. Sir William Thomson a imaginé à ce sujet une théorie fort ingénieuse, qui assimile les atomes à des tourbillons d’un fiuide où les frottements n’existent pas. Cette théorie, si elle n’est pas nécessairement l’expression de la réalité, est du moins fort élégante et permet de fixer les idées en donnant un corps à la notion si abstraite jusque-là de la particule indivisible. La théorie de W. Thomson repose sur les beaux travaux d’Helmoltz sur les propriétés des tourbillons d’un fluide parfait et emprunte son idée première au phénomène bien connu des couronnes tourbillonnantes de fumée telles qu’en produisent les bulles d’hydrogène phosphoré crevant à la surface de l’eau ou que savent en lancer les fumeurs par un mouvement approprié des lèvres. Il est donc indispensable de rappeler quelques-unes des propriétés intéressantes de ces couronnes. Nous commencerons par indiquer un procédé à la fois sûr et commode pour les obtenir. L’appareil (fig. 1) consiste en une caisse carrée en bois dont l’une des faces est percée d’un large orifice circulaire, tandis que la face opposée est formée par une toile fortement tendue.

A l’intérieur de la caisse on produit d’abondantes fumées de chlorhydrate d’ammoniaque en arrosant le fond d’une solution ammoniacale, après y avoir placé une soucoupe contenant du sel marin et de l’acide sulfurique qui, par leur réaction, engendrent de l’acide chlorhydrique. Un coup fermement appliqué sur la toile tendue lance par l’orifice circulaire un jet d’air chargé de fumée dont la forme ainsi accusée et rendue visible est celle d’un anneau ou plus exactement d’un tore de révolution. Suivons attentivement cet anneau. Nous le voyons prendre un mouvement d’ensemble, comme s’il était solide, son centre restant sur une perpendiculaire à la face de sortie et son plan parallèle à cette face ; mais en même temps nous voyons les particules dont se compose l’anneau se mouvoir circulairement sur les méridiens du tore (fig. 2), en

sorte que tout est mouvement dans cet anneau qui cependant conserve sa matière et sa forme en traversant l’air ambiant, et ces mouvements sont tels que toutes les particules situées sur chacun des cercles méridiens, et qui tournent autour de l’axe circulaire du tore, sont indissolublement liées et conservent indéfiniment leurs positions relatives.

Ce n’est pas seulement la fumée de sel ammoniac qui traverse l’air, c’est une masse d’air chargé de fumées, masse chassée de la caisse et devenues, pour ainsi dire, en vertu de son mouvement tourbillonnant, une substance distincte de l’air ambiant et se déplaçant à travers ce dernier aussi indépendamment que le pourrait faire un solide.

Ces tourbillons d’air ou de fumée seraient l’image exacte des tourbillons théoriques d’Helmoltz s’ils se formaient et se mouvaient dans un fluide parfait, c’est-à-dire où les frottements des particules en mouvement relatif les unes par rapport aux autres seraient nuls. Evidemment, dans l’air le frottement n’est pas nul, et même on peut dire que s’il l’était il serait impossible de produire les anneaux tourbillons; c’est, en effet, grâce au frottement des particules d’air sur les bords de l’orifice et au frottement des particules entre elles que la pression exercée sur le fluide engendre un mouvement tournant. Si le frottement était nul, on ne pourrait pas plus détruire les tourbillons préexistants qu’on ne pourrait en créer de nouveaux. Mais bien que, ou plutôt de même que la génération des anneaux tourbillonnants suppose l’existence d’uu frottement entre les particules du fluide au sein duquel ils se produisent, ce frottement même les désorganise après un parcours assez limité ; toutefois il n’est pas tel que l’anneau ne puisse se propager sans altération sensible assez loin et assez longtemps pour donner lieu à des observations intéressantes. Dans des expériences du savant anglais P.-G. Tait, faites en public, c’est-à-dire dans des conditions défavorables, les anneaux de 0m,,5 à 0m,,20 de diamètre parcouraient de 6 à 8 mètres sans altération bien sensible.

Poussons plus loin l’étude expérimentale de ces anneaux. Si nous remplaçons l’orifice circulaire par un orifice carré ou elliptique, nous engendrons des tourbillons qui, à l’origine, sont carrés ou elliptiques, mais qui oscillent continuellement autour de la forme circulaire. La forme circulaire se présente ainsi comme la forme d’équilibre stable vers laquelle tend un anneau tourbillonnant quelconque. Reprenons donc l’orifice circulaire et examinons l’action réciproque de deux anneaux. Lorsque deux anneaux viennent à se toucher, ils ne se confondent point, mais il se mettent à vibrer rapidement en s’éloignant l’un de l’autre, comme le feraient deux corps élastiques après un choc. Un cas intéressant à étudier est celui où les deux anneaux se déplacent parallèlement à leur plan, leurs centres décrivant la même trajectoire perpendiculaire à ce plan et le second allant plus vite que le premier. Quand les deux anneaux ne sont plus qu’à une petite distance l’un de l’autre, l’anneau postérieur se contracte, sa vitesse s’accélère, il finit par passer au travers du premier ; mais alors sa vitesse décroît et son diamètre augmente jusqu’au moment où son compagnon l’a traversé et a pris l’avance à son tour; les deux anneaux se pénètrent ainsi alternativement sans perdre leur individualité tant que le frottement du milieu ambiant, les courants d’air et les diverses causes extérieures ne les ont pas altérés. Enfin, si l’on essaie de couper un anneau tourbillonnant à l’aide d’une lame, l’anneau s’infléchit, se dérobe, mais ne se laisse pas entamer, et, dès que la lame est éloignée, il reprend sa forme primitive après quelques oscillations.

Helmoltz a démontré, au cours de son travail sur les tourbillons dans les fluides parfaits, qu’un tel anneau est en effet indivisible. C’est cette indépendance, cette autonomie, jointe à l’insécabilité, qui a suggéré à M. Thomson l’idée de faire de ces tourbillons l’image des atomes et qui a été pour lui le point de départ de sa nouvelle conception sur la constitution du monde. Ajoutons que si les anneaux en forme de tores où les mouvements particuliers se font circulairement autour d’un axe circulaire sont les seuls que nous sachions effectivement produire, Helmoltz a envisagé les tourbillons à un point de vue beaucoup plus général ; un filament tourbillonnant pourrait avoir une infinité de formes, présenter des nœuds, des spires, et cependant, abstraction faite du frottement, un tel tourbillon aurait encore son autonomie et son insécabilité. Cela posé, voici la conception de Thomson. L’univers est constitué par un milieu où le frottement est nul et que parcourent des tourbillons. Empruntons ici l’exposé de Wurtz, qui est à la fois très rapide et très clair. « Un fluide remplit tout l’espace et ce que nons nommons matière sont les portions de ce fluide animées de mouvements tourbillonnants. Ce sont des légions innombrables de fractions ou portions infiniment petites ; mais chacune de ces portions est parfaitement limitée, distincte de la masse entière et distincte de toutes les autres, non par sa substance propre, mais par sa masse et par ses modes de mouvement, qualités qu’elle conserve éternellement. Ces portions-là sont les atomes. Dans le milieu parfait qui les renferme, aucun d’eux ne peut changer ou disparaître, aucun ne peut naître spontanément. Partout les atomes de la même espèce sont constitués de la même façon et doués des mêmes propriétés. » Cette hypothèse nous ramène à l’ancienne conception d’une matière unique qui a souvent tenté les penseurs, mais dont la réalité sans doute sera toujours inaccessible à la démonstration.

Quoi qu’il en soit, pour que l’hypothèse de Thomson soit acceptable, il faut qu’elle ne soit pas incompatible avec les faits observés et les lois expérimentales; i1 faut donc, en particulier, qu elle se prête à une interprétation de l’attraction universelle. « Eh bien, dit le savant anglais P.-G. Tait, la seule explication plausible qui ait été proposée est celle de Lesage de Genève, qui a donnée au commencement de ce siécle. Elle consiste à admettre que « à côté des grosses particules de matière qui sont les atomes tangibles de la matière sensible, si grand que soit leur nombre, il y a une quantité infiniment plus grande d’atomes bien plus petits qui s’élancent dans toutes les directions avec des vitesses énormes. » Lorsque deux particules de la matière sensible sont à une certaine distance l’une de l’autre, chacune protège l’autre d’une partie du bombardement des particules impondérables qu’elle recevrait si elle était seule, et chacune sera bombardée sur le côté opposé à sa voisine bien plus que sur la face qui la regarde ; il est aisé d’établir par le calcul que cet excès de bombardement équivaut à une attraction réciproque en raison inverse du carré de la distance. Il faut encore que cette attraction soit proportionnelle au produit des masses des deux particules, et cela exige que les masses de matière soient comme treillagées, en sorte qu’il passe au travers un nombre de molécules bien plus grand que celui des molécules qui les heurtent. C’est donc une nouvelle hypothèse à greffer sur l’hypothèse fondamentale. Il faut, en outre, expliquer la source de l’énergie des plus petites particules, ce qui est encore à faire. Aussi, bien que séduisante au premier abord, la théorie de Thomson a-t-elle encore besoin d’un sévère contrôle expérimental avant de pouvoir être acceptée.

Dimensions des atomes. Rien n’est moins certain, en réalité, que l’existence des atomes au sens où l’on prend d’habitude ce mot; mais ce qui est tout à fait mis hors de doute par les phénomènes chimiques, c’est qu’une matière ne peut pas être divisée au delà d’une certaine limite sans qu’elle cesse d’avoir ses caractères spécifiques. Une comparaison fera concevoir cette proposition, qui peut paraître paradoxale à première vue. Imaginons une construction faite d’un nombre extrêmement grand de moellons dont les interstices sont comblés par du mortier. Vue de loin, une telle masse paraîtra homogène. Brisons-la en pièces assez grosses pour que chacune contienne encore un grand nombre de moellons ; les morceaux conserveront les caractères du tout, car ils seront constitués de la même façon que le tout lui-même, le mortier et les moellons y étant sensiblement en même proportion. Mais brisons la masse en morceaux de plus en plus menus. Il arrivera un moment où les morceaux cesseront d’être comparables au tout  ; dans les uns le moellon dominera, dans les autres ce sera le mortier, et sans même avoir poussé la division assez loin pour que le mortier soit entièrement séparé du moellon, on aura deux matières aussi différentes entre elles qu’elles sont différentes de la matière primitive. On peut se figurer ainsi la décomposition des corps. L’eau, par exemple, dont chaque goutte, vue dans le plus puissant microscope, nous parait homogène, comme la construction dont nous venons de parler paraîtrait homogène vue de loin dans le meilleur télescope, finit par se résoudre, sous l’action de différentes forces telles que la chaleur ou le courant électrique en deux matières distinctes et n’ayant ni l’une ni l’autre les caractères de l’eau. Il était intéressant, en dehors de toute idée sur la constitution des atomes, de se rendre compte du degré de ténuité que doivent atteindre les particules pour que l’hétérogénéité apparaisse et qu’une matière soit résolue en plusieurs matières, en ces matières où aucune division n’a pu jusqu’ici révéler d’hétérogénéité et qu’on appelle corps simples ou éléments ». Loschmidt parait être le premier qui ait donné à ce sujet un résultat approximatif. W. Thomson a fourni depuis, par diverses méthodes, des évaluations concordantes.

Sans nous arrêter aux considérations de Cauchy, qui démontrent que la dispersion des rayons lumineux telle qu’on l’observe