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tout alors à relever du discrédit les études grecques et latines ; le succès couronna sa généreuse résolution. Il fit, -pour ainsi dire, deux parts de la littérature grecque : pour son enseignement oraJ, les maîtres de 1 art, Homère et Pindare, Platon et Démosthène, Aristophane et les tragiques ; pour ses éditions, les rhéteurs, les grammairiens, lesépistolographes des âges inférieurs, perdus dans

la poussière des manuscrits ou de quelque livre oublié, et qu’il se plaisait a exhumer en les attachant à son commentaire, plutôt qu’il n’attachait son commentaire à leurs ouvrages. Boissonade a beaucoup écrit en latin ; des juges difficiles ont trouvé que son style n’avait pas la pureté cicéronienne des Italiens du xvie siècle. On ne saurait néanmoins méconnaître la grâce naturelle de sa diction, les fines allusions dé sa pensée, cet art de dire les choses par des réticences habiles, ces réminiscences venues si à propos, cette aisance du langage, qui donnent a ses écrits un véritable parfum de latinité. En français, bien qu’il n’ait pas composé un seul livre complet et qu’il ait produit seulement des articles ou des notices, les connaisseurs le mettent au rang des écrivains les plus châtiés, les plus élégants.

Pour ceux qui voudraient connaître le caractère de l’homme, après avoir apprécié le savant, voici son portrait très-finement tracé par M. Sainte-Beuve : « Que je voudrais définir, comme je sens, cet homme exquis, délicat, et dont l’esprit n’allait que goutte à goutte ! J’ai causé avec plusieurs de ceux qui le connaissaient mieux que moi, et le nombre, croyez-le bien, n’en est pas très-grand. On ne le saisissait guère qu’à l’échappée et de rencontre. M. de Feletz me raconta des particularités singulières sur cet homme original, fier, timide, ennemi de tout joug, même conjugal, amoureux, de sa liberté, jaloux de la reprendre au moment même de la perdre, et qu une •circonstance fatale de jeunesse avait du rendre plus réservé encore et plus retiré. Il y eut un temps (et cela dura des années) OÙ il cachait son logement, il dépaysait les curieux et les dépistait ; il ne recevait chez lui a aucun prix, et ses meilleurs ainis ne savaient pas où il demeurait. L’illustre de Candolle, dans ses Mémoires et souvenirs, récemment publiés, raconte qu’allant en Angleterre en 1816, il avait des lettres de recommandation pour sir Charles Blagden, secrétaire de la Société royale. L’ayant rencontré dans une liaison tierce, il lui demanda la permission de lui parler : « Non, non, lui répondit sir Charles, je ne reçois personne chez moi ; quand vous voudrez me voir, vous me trouverez tous les jours ici, de deux a quatre heures ; mais, ajouta-t-il, si je ne puis vous recevoir, je vous serai utile d’une autre manière, en vous faisant connaître le terrain sur lequel vous vous trouvez. « Et sur ce, il passa en revue avec son interlocuteur tous les botanistes anglais, lui peignant le caractère de chacun avec une exactitude que celui-ci eut bientôt l’occasion de vérifier, Jui indiquant les moyens d’être bien reçu dé tous et de n’en choquer aucun. II finit en disant : « Eh bien 1 ce que je viens de vous dire ne vaut-il pas une invitation à dîner ? » De Candolle n eut pas de peine à en convenir ; mais il trouva la méthode originale. Cette méthode, sauf ta crudité tout anglaise, était celle de Boissonade. Il ne donnait jamais son adresse, et ne recevait ses lettres qu’a l’Institut. Les rendez-vous, quand on en exigeait, étaient a l’Institut encore, les jours de séance, à la Faculté ou au Collège de France après ses leçons. Il venait quelquefois à cheval faire sa leçon, et s’en retournait au galop. Avant d’être à Passy, où il se montra sur la fin un peu plus accessible, il habita plus d’un lieu, notamment à Nogentsur-Marne. Là, personne ne peut se vanter

d’avoir pénétré dans son intérieur. Un jour, ■deux de ses confrères de l’Institut, Letronne et Gail, se trouvant à proximité de son habitation, et sentant leur estomac qui parlait, eurent l’idée de le voir et de lui demander ra’ fraîohissement et reconfort ; il fit dire qu’il n’y était pas ; peut-être le dit-il lui-même, a. l’exemple d’Ennius à Scipion Nasicà. Il avait dû être très-bien dans sa jeunesse. C’était la mode alors de porter la culotte, et il était admirablement jambe ; il avait des traits accentués, sans être durs ; de taille médiocre, sans être petit, taille de danseur, d’homme de société, et qui se concilie avec l’élégance sans trop d’exiguïté. J’ai ouï dire que, jeune, il avait le goût des cannes élégantes (badines plutôt que cannes) avec des pommes de fantaisie. Il avait été et était resté fort galant ; il dut être très-sensible aux pertes de 1 âge, et souffrit dans sa fierté de ce qui lui manquait pour avoir des succès complets en vieillissant. Il l’a remarqué de Solon et des anciens sages, pourquoi ne le remarquerait-on pas de lui ? Il avait le tempérament ardent et prompt ; il était homme, dans la rue, à s’arrêter et à oublier même une conversation sur le grec, que son interlocuteur poursuivait tout seul, pour regarder une beauté du peuple qui passait. Ce coin de sa nature est essentiel, il se marque dans beaucoup de ses notes érudites et dans le choix de plus d’un de ses sujets de publication. Comme philologue, il affectait de notre que grammairien. Je ne sais quel ancien a comparé ceux qui s’appliquaient à" la grammaire, faute de mieux, a ces amants de Pénélope, qui, rebutés par la maîtresse, se rejetaient sur les servantes. Mais à voir M. Boisïonade cultiver si gentiment la grammaire et

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conter fleurette à cette servante, il semblait qu’il n’eût tenu qu’à lui de s’adresser plus haut et de faire la cour à la dame elle-même. »

La mort vint, non pas surprendre, mais chercher ce savant honnête et aimable, connu, malgré sa modestie, de toute l’Europe lettrée, et dont le nom se trouve souvent dans la correspondance de Courier. Il mourut le 10 septembre 1857. Ses écrits si nombreux, et précieux à tant de titres divers, qui font une Îiartie nécessaire des bibliothèques savantes, ui assurent une longue mémoire ; mais, quand même il n’aurait point laissé de livres, il pourrait, s’il avait à débattre ses comptes avec la postérité, alléguer ses cinquante années d’enseignement, et le nombre considérable de lettrés d’un goût délicat, de professeurs distingués, d’hellénistes émùiènts, qui sont sortis de son école.

Ses éditions sont de véritables œuvres originales, dont il faut, à ce titre, mentionner les principales ; Philostrati heroïca (Paris, 1806, m-so) ; Marini vita Procli (Leipzig, 1S14, in-8°) ; Tiberius rhelor de figuris, altéra parte auc.tior, una cum Bufi arte rhétorica (Londres, 1815, in-8°) ; Lucœ Holstenii Epistolœ ad diverses (Paris, 1817, in-S°) ; Lettres inédites de Diogène le Cynique (Paris, 1818) ; Herodiani partifiones (Londres, 181D, in-8°) ; Nicetœ Eugeniani narratio amatoria et Constantini Ma7iassis fragmenta (Paris, 1819, 2 vol. in-12) ; Ex Procli scholiis in Cratylutn Platonis excerpta (Leipzig, 1820, in-S») ; Eunapii vitœ sophistarum et fragmenta (Amsterdam, 1S22, 2 vol, in-8») ; Aristenœti Epistolœ (Paris, 1822, in-8°) ; Publii Ovidii Nasonis Metamorphoseoh libri XV, grâce versi à Maxirno Plauude, et nune primum éditi (Paris, 1822, iu-8u) ; Poelarum grœcorum Sylloge (Paris, 1823-1826, 24 vol. in-32) ; Nomim Testamentitm grœcum (Paris, 1824, 2 vol. in-32) ; Traité alimentaire du médecin Hiérophile (tome XI des Notices et extraits, 1827) ; Lettres de Cratès le Cynique (1827) ; De Syntipa et Cyri filio Andreopoli narratio, grœce (furis, 1828, in-12) ; Anecdota grœca e codicibus regiis (Paris et Strasbourg, 1829-1833, 5 vol. in-8<>) ; Poème grec de Georgias Lapitha (tome XII des Notices et extraits, 1831) ; Theophylacli Simocattœ quœstiones physicœ et epistolœ, grmee et latine (Paris, 1835, in-8») ; /Eneas Gazœus et Zacharias Mitylenarus de immortalibus animée, etc. (Paris, 1836, in-8°) ; Michael Pseltus, de opératione Dœmonum (Nuremberg, 1828, in-8») ; Philostrati epistolœ (Paris et Leipzig, 1842, in-8°) ; Lettres inédites de Nicéphore Ckumnus (Paris, 1843, in-8") ; Fables de Babrius (1844-1848). Outre ces éditions de textes inédits ou peu connus, Boissonade a publié des Lettres inédites de Voltaire à Frédéric le Grand (Paris, 1802, ra-12) ; Œuvres complètes de Bertiti (Paris, 1824, iii-8<>) ; Œuvres choisies de Parny (Paris, 1827, gr. in-S°) ; Aventures de Télémaque (Paris, 1824, 2 vol. gr. in-8"). Il a enfin traduit du portugais le Goupillon, poème héroï-comique (Paris, 1832, in-32). Les articles de journaux et de biographie de Boissonade ont été recueillis par les soins de M. Colincamp, professeur à Douai, et de M. G. Boissonade, fils du célèbre helléniste, avocat du barreau de Paris, et publiés sous le titre de Critique littéraire sous le premier empire (1863, 2 vol. in-8"), avec une notice biographique de M. Naudet.

BOISSY (Jean-Baptiste Tkimjdière de), archéologue français, né à Paris en 1666, mort en 1729. Il sentit s’éveiller en lui la passion de l’étude pendant un séjour qu’il fit dans une abbaye dont son oncle était prieur, et où il passa presque toutes ses heures’ renfermé dans la bibliothèque, au milieu de livres de théologie et d’histoire. Envoyé quelque temps après à Paris, il y termina ses études, devint précepteur dans la famille de Rohan-ÎSoubise, fut nommé en 1710 membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et empêcha la dispersion de la fameuse bibliothèque de de Thou, qu’il fit acheter par le cardinal de Rohan. On a de lui des dissertations sur les Sacrifices de victimes humaines’dans ï’antiquité, et sur les Expiations en usage chez les anciens, qui ont été publiées dans l’Histoire de l’Académie.

BOISSY (Louis du), littérateur iVanç : iis, né à Vic-sur-Cère (Cantal) en 1694, mort à Puiis en 1758, était fils de. Pierre de Boissy, conseiller du roi. Après avoir terminé ses études, il vint à Paris, la bourse légère, mais le cœur riche d’illusions. Il porta quelque temps l’habit ecclésiastique, si contraire à la tournure de son

esprit et à sa passion naissante pour le théâtre. Aussi JBta-t-il bientôt le froc aux orties, et, ne pouvant rien demander à son père, qui était pauvre, il se décida à vivre de son talent. « 11 débuta dans’la carrière littéraire, dit un contemporain, par un genre qui ne peut pas supporter de médiocrité, et que la plus grande perfection de talent peut à peine faire tolérer ; c’est la satire. • Tout ce qu’il y avait alors d’écrivains célèbres fut en butte aux traits qu’il lança dans son premier ouvrage de ce genre, et qui parut sous le titre de l’Élève de Terpsichore ou le Nourrisson des muses, satire en vers et en prose. Il publia encore quelques autres satires ; mais ces essais ayant assez mal réalisé les espérances qu’il avait fondées sur eux, Boissy, qui n’était pas facilement à bout de ressources, mit une nouvelle corde à son arc : il s’adonna au théâtre. Le Babillard, qu’il écrivit alors (1725), est une très-agréable bluette, qui resta longtemps au répertoire de la Comédie-Française, ainsi que

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le Français à Lonàres, joué en 1727, Les Dehors trompeurs ou l’Homme du jour, comédie en cinq actes et en vers, représentée en 1740, est le chef-d’œuvre de Boissy. La Harpe lui-même, qu’on ne saurait accuser d’indulgence à l’égard de l’auteur, en convient en ces termes : « Enfin Boissy parvint à faire une comédie où il y a de 1 intrigue, de l’intérêt, des situations, des peintures de mœurs et des détails comiques. Le rôle principal, Homme dujour, est la personnification de cette frivolité spirituelle et de cette politesse aimable qui cachent souvent, chez les gens du inonde, la sécheresse du cœur et l’absence de principes, et sous lesquelles se déguisaient l’égoîsme et la corruption du xvniu siècle. Il aurait le mérite du Méchant, si le style de Boissy avait la pureté et l’élégance soutenue de celui de Gresset. »

La marquise de Pompadour, à qui Boissy avait dédié en 1751 sa comédie : le Prix du silence, aida, en 1754, à la nomination du poète, qui remplaça Destouches au vingt-sixième fauteuil de l’Académie. Elle lui fit de plus obtenir le privilège de la Gazette de France et du Mercure ; mais il abandonna bientôt le premier de ces journaux et se consacra tout entier à la direction du second. 11 devint riche, et il est curieux d’entendre d’Alembert raconter, avec les tempéraments du style académique, la manière dont le pauvre Boissy usa et abusa de sa fortune : « Semblable, dit-il, à ces hommes atFamés qui surchargent un estomac longtemps privé de

nourriture, il usait de sa fortune en homme qui craignait de la voir lui échapper ; sa dépense allait jusqu’au luxe, et presque jusqu’au faste ; mais il avait si longtemps attendu l’opulence, elle lui avait coûté si cher, qu’on doit lui pardonner do n’en avoir pas fait un usiige plus modéré. Pourrait-on lui envier quelques instants de profusion et d’ivresse achetés par ■soixante ans d’infortune et de larmes ?» Le fait est qu’il mourut de ses excès, on pourrait dire de ses indigestions, en se rappelant les estomacs affamés de d’Alembert.

Les œuvres complètes de Boissy ont paru en 1788 (Paris, Duchesne, 9 vol. in-8°). Voici la liste de ses pièces de théâtre : l’Amant de sa femme ou la Jiivale d’elle-même, comédie en un acte et en prose (1721) ; l'Impatient, comédie en cinq actes et en vers (1724) ; le Babillard, comédie en un acte et en vers (1725) (v. Babillard) ; Admète et Alceste, tragédie en cinq actes et en vers (1727) ; le Français à Londres, comédie fen un -acte et en prose (1727) ; Y Impertinent malgré lui, comédie en trois actes et en vers (1729) ; Melpomène vengée, parodie en trois actes et en prose (1729) ; le Triomphe de l’intérêt, comédie en un acte et en vers libres (1730) ; la France galante, opéra-comique en trois actes, en prose (1731) ; le Je ne sais quoi, comédie en un acte et en vers libres (1732) ; la Critique, comédie en un acte et en vers libres (1732) ; le Triomphe de ^iiorarcce, opéra-comique en un acte, en prose (1732) ; la Vie est un songe, comédie-héroïque en trois actes et en vers libres

(1732) ; les Ètrennes ou la Bagatelle, comédie en un acte et en vers libres (1733) ; Zéphyre et la Lune ou la Nuit d’été, opéra-comique en un acte (1733) ; le Badinaye ou le Dernier jour de l’absence, comédie en un acte et en vers libres (1733) ; la Surprise delà haine, comédie en trois actes et en vers (1734) ; l'Apologie du siècle ou Momus corrigé, comédie en un acte et en vers libres (1734) ; les Billets doux, comédie en un acte et en vers libres (1734) ; le Droit Au seigneur, parodie en un acte, en prose et en vaudevilles (1735) ; Margeon et Katifé ou le Muet par amour, opéra-comique en un acte, en prose et en vaudevilles (1735) ; les Amours anonymes, comédie en trois actes et en vers (1735) ; le Comte de Neuilly, comédie héroïque en cinq actes et en vers (1736), reprise à la Comédie-Française, sous le titre de : le Duc de Surrey (1746) ; les Deux Nièces ou la Confidente d’elle-même, comédie en cinq actes et en vers (1737) ; le Pouvoir delà sympathie, comédie en trois actes et en vers (1738) ; le Binai favorable, comédie en trois actes et en ’ vers libres (1739) ; les Talents à la mode, comédie en trois actes et en vers libres (1739) ; les Dehors trompeurs ou l’Homme du jour, comédie en cinq actes et en vers (1740) ; l’Homme ] indépendant, comédie en cinq actes et en vers j ou la Comédie sans titre (1741), reprise en trois actes, sous le nom de : le Sage étourdi I (1745) ; l’Embarras du choix, comédie en cinq j actes et en vers (1741) ; le Mari garçon, co- ; médic en trois actes et en vers libres (1742) ; la Fête d’Auteuil ou la Fausse méprise, comé, die en trois actes et en vers libres (1742) ; ’ Paméla en France ou la Verdi mieux éprouuée, | comédie en trois actes et en vers libres (1743) ;

l’Epoux par supercherie, comédie en deux actes

et en vers alexandrins (1744) ; le Médecin par occasion, comédie en cinq actes et en vers (1745) ; la Folie du jour, comédie en un acte , et en vers libres (1745) ; le Plagiaire, comédie en trois actes et en vers (1746) ; la Péruvienne, | comédie en.cinq actes et en vers libres (1748) ; le Retour de la paix, comédie en un acte et en vers libres (1749) ; la Comète, comédie en un acte et en vers libres (1749) ; le Prix du silence, comédie en trois actes et en vers libres (1751) ; la Frivolité, comédie en un acte et en vers libres (1753).

Boissy avait aussi risqué, sous le voile de l’anonyme, deux petits romans assez lestes. Un troisième, les Filles femmes et les Fem-

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mes filles, parut en 1751, sous le nom de Simien ; il est au-dessous de toute critique.

Terminons par cette appréciation de l’humeur et du talent de Boiss}’, que nous empruntons aux Anecdotes dramatiques :

« On ne peut, sans injustice, refuser à Boissy un esprit brillant, une imagination Vive, une versification légère, un coloris gracieux, un talent rare pour le dialogue et une connaissance parfaite des ridicules du siècle ; mais on ne trouve pas toujours dans ses comédies un plan bien imaginé, ni une intrigue bien conduit’1 ; il savait composer une scène, et non une pièce entière, semblable à cet artiste d’Horace, qui rendait parfaitement avec le ciseau toutes les parties isolées du corps humain, et ne savait pas faire une statue. Tous ses drames ne doivent cependant pas être compris dans cette critique générale. Quelques pièces que nous avons de lui prouvent qu’il observait quelquefois les règles du théâtre ; ses caractères ont communément peu de naturel et de vérité, parce qu’il ne les peignait que d’après sou imagination, et qu’elle ne lui présentait que des êtres chimériques. On serait tenté ducroire qu’il ne se sentait pas assez de force pour traiter certains sujetsimportants et dignes de la censure théâtrale ; car ses moralités ne roulent ordinairement que sur les ridicules des abbés, des gens nobles, des financiers, des petits-maîtres, des Gascons, etc. Pour remplir le vide d’un acte ou d’une scène, il avait recours à des portraits qui plaisent, à la vérité, par le ton et la vivacité des couleurs, mais dont l’assemblage ne peut jamais former un grand tableau. Son esprit lui eût fourni les moyens de remplir plus glorieusement sa carrière s’il se fût donné la peine d’étudier les hommes et d’approfondir les principes de son art : il aurait fortifié ses tiilents naturels ; et, en étendant les bornes de son génie, il ne se serait pas^vu réduit a la faible ressource du portrait et de la nouvelle du jour, qui font la base de toutes ses œuvres dramatiques. un peut donc dire qu’il a travaillé trente ans pour le théâtre sans le connaître ; qu’il a composé de jolis ouvrages, et n’a laissé aucun chef-d’œuvre. ■

BOISSY (Louis-Michel de), fils du précédent, mort vers 1788, entra comme son père dans la carrière des lettres, "» mais, dit d’Alembert, dans un genre bien différent et même opposé : le père n’avait aimé et n’avait guère cultivé que la poésie agréable et légère ; le fils s’est enfoncé dans les épines de l’érudi. tion la plus effrayante et la plus aride. Il a donné des preuves de l’immensité de son savoir dans une Histoire de Simonide, qu’il a plus ambitionné de rendre recommandable par la profondeur des recherches que par les agréments du style. On’prétend que, chacun j en particulier, le père et le fils, ne faisaient

pas grand cas de leurs talents réciproques, et

’ il était difficile que l’indifférence mutuelle qu’ils avaient l’un pour l’autre, comme au[ teurs, ne répandît pas un peu de froid dans leur intérieur : aussi les a-t-on entendus se plaindre quelquefois l’un de l’autre ; mais, , comme on en savait la raison secrète, on . s’empressait peu de chercher quel était le plus I coupable des deux. Heureuses les familles, ■ si elles n’étaient jamais divisées par des querel[ les plus sérieuses ! » Louis-Michel de Boissy se

! tua en se jetant par une fenêtre, en 1788. Outre

l’Histoire de la vie de Simonide et du temps oi> il a vécu (1755 et 1788, in-12), cet auteur a | laissé des Dissertations histoiiques et critiques pour servir d’éclaircissements à l’histoire des Juifs avant el depuis Jésus-Christ, et de supplément à l’Histoire de Basnage (1784, 2 vol. in-12).

! BOISSY (Charles Dkspkbz de), jurisconsulte
; français, né à Paris vers 1730, mort en 1787.

, Il fut membre de plusieurs Académies, exerça*"

! la profession d’avocat avec succès et dirigea
! avec son frère une administration charitable

’ fondée pour venir en aide aux pauvres hon I teux. Ses principaux écrits sont : une His-

ioire des ouvrages pmtr ou contre les théâtres

I (1771), et surtout des Lettres Sur les spectacles (1759, in-8°), qui eurent une assez grands

| vogue lors de leur apparition.

BOISSY (Hilaire-Étienne-Octave Rouillé, marquis DE), homme politique, né à Paris en 1798, mort le 2C septembre 1866. Secrétaire de légation sous Chateaubriand, il fut nommé pair do Fiance en 1839, et se fit remarquer par une manière oratoire qui s’égarait sou, vent dans l’excentricité. Tour à tour opposé et favorable au gouvernement, suivant les questions et les circonstances, et un peu aussi suivant les fluctuations d’un esprit vif et capricieux, il avait des succès de plus d’un genre par ses discours fantaisistes, qui s’échappaient sans cesse de la question, quand il leur arri- ; vait de l’effleurer, et qui éclataient en boutades et en saillies comme le bouquet d’un feu d’artifice. Le président Pasquier s’épuisait en , observations, en objections et en rappels à . l’ordre ; mais l’infortuné ne pouvait tenii S contre le flux de répliques de l’intarissable | orateur, qui, vers la fin de la monarchie de Juillet, compléta sa spécialité exfraparle’ mentaire en dévoilant journellement et sans pitié une foule de scandales politiques, petits et grands, et dont la révélation était meur-1 trière au gouvernement que cet enfant terrible s’imaginait servir. Ce coup d’épaule donné ’ à l’opposition lui valut d’être invité au fameux banquet du XIIc arrondissement. Toutefois,

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