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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 2, part. 4, Br-Bz.djvu/180

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avait toujours vus agir en hommes de paix et en bons citoyens.

Lo duc de Brunswick mourut en 1540, après avoir nommé Elisabeth tutricéde son fils et régenta de ses États pendant la minorité du jeune prince. Alors la régente travailla activement a : ux progrès de la Réforme dans ses États. En 1546, elle remit a son fils les rênes du gouvernement-, la même année, elle épousa en secondes noces le prince Poppo de Hen- ’ neberg, et vécut dés lors étrangère aux affaires politiques. A. sa mort, elle put voir la Réforme solidement assise dans le Brunswick.

BRUNSWICK-LUNEBOURG (Eric, duc de), dit le Jeune, né en 1528, mort à Padoue en 1568, était fils d’Eric l’Ancien. Élevé par sa mère dans la religion luthérienne, il ne tarda pas néanmoins a adopter le culte catholique, se déclara pour Charles-Quint contre les princes de la confession d’Augsbourg, et tenta d’arrêter dans ses États les progrès de la Réforme ; mais les remontrances de sa mère et son alliance avec le margrave de Brandebourg le déterminèrent à laisser à ses sujets la liberté religieuse. Il mit en liberté les pasteurs protestants qu’il avait fait jeter en prison, et promulgua, en 1553, un édit par lequel il autorisait les réformés à exercer publiquement leur culte. Le duc de Brunswick combattit contre la France dans les armées de Philippe II, et mourut sans postérité pendant un voyage qu’il rît en Italie.

BRUNSWICK-WOLFENBCTTEL (Jules, duc de), né en 1528, mort en 1589, parvint à la souveraineté en 1568. Il mit tous ses soins à établir définitivement le luthéranisme dans ses États, fonda en 1576 l’université de Hselmstœdt, et fit paraître^ la même année, son Corpus docirinœ, qui comprenait les symboles de la confession d’Augsbourg, les catéchismes de Luther, les articles de Smalkalde, etc. En 1584, le duc Jules vit ses États s’augmenter de la principauté de Calenberg, des villes de Sirck, Diepenau, etc., par suite de l’extinction de la ligne collatérale.

BRUNSWICK-WOLFENBUTTEL (Frédéric-TJlric), né en 1591, mort en 1634, était petit-fils du duc Jules. Après avoir voyagé en France, en Angleterre et dans les Pays-Bas, il assista en 1612 a l’élection de l’empereur Mathias, et entra l’année suivante, a la mort de son père Henri-Jules, en possession des principautés de Wolfenbùttel, Calenberg et Grubenhagen. En 1617, il dut céder cette dernière au duc de Bruns’wick-Lunebourg. Lorsque la guerre de Trente ans éclata, il se prononça d’abord pour l’empereur, puis s’allia avec Christian de Danemark. La défaite de Lùttern (1626) l’obligea encore une fois à changer de parti ; mais, ses États étant sans ■ cesse dévastés par le passage des troupes impériales, il sollicita et obtint en 1631 l’alliance de Gustave-Adolphe. Il mourut des suites d’une chute de cheval, et, comme il n’avait pas d’héritier, ses États passèrent à la maison de Brunswick-Lùnebrturg.

BUUNSWICK-LUNEIÏOURG (Auguste de), né«en 1568, mort en 1636. Il entra, en 1591, dans le régiment du prince Christian d’Anhalt, avec qui il se rendit en France pour secourir Henri IV. De retour en Allemagne, il se maria de la main gauche avec la fille d’un bourgeois de Zelle et en eut des enfants qui portèrent simplement le titre de seigneurs de Lunebourg. En 1635, Auguste de Brunswick, malgré les efforts du chancelier de Suède Oxenstiern, adhéra, avec les princes de la —basse Saxo, au traité conclu entre l’électeur de Saxe et l’empereur Ferdinand II.

BRUNSWICK-LUNEBOURG (Auguste, duc De), le Jeune, né en 1579, mort en 1666. Il B’appliqua dès sa jeunesse à la culture des sciences et des lettres, visita les principaux États de l’Europe, acquit en France l’amitié de Henri IV, hérita en 1634 du duché de Brunswick-Wolfenbûttel, et fit fleurir dans ses États l’industrie et les lettres. Il a publié divers écrits sous le nom de Gustave Sélénus. Les principaux sont : Traité du jeu d’échecs, avec figures (Leipzig, 1616) ; Cryptomenityces et Cryptograpliiœ, etc. (Lunebourg, 1624, in-fol.) ; Traité sur la culture des vergers (1636), etc.

BRUNSWICK-lVnEBOURG (Christian, duc de), évêque d’Halberstœdt, né en 1599, mort en 1626. Il se rendit célèbre par son courage pendant la guerre de Trente ans et par son inviolable attachement à la cause de l’élec■teur palatin Frédéric V, élu roi de Bohême, qu’il soutint contre les impériaux. Il ravagea la Hesse, prit un grand nombre de villes, dévasta également le diocèse de Mayence, et, des objets précieux pillés dans les églises, fit frapper des écus qui portaient pour devise : Ami de Dieu, ennemi des prêtres. Vaincu au passage du Mein, il entra en 1622 au service de la Hollande, combattit les Espagnols, gagna sur eux la bataille de Fleury, les obligea de lever le siège de Berg-op-Zoom, recommença ensuite Ta guerre contre l’empereur, et fut battu par Tilly.

BRONSWICK-LtJNEBODRG-ZELLE (George-Guillaume, duc de), né en 1624, mort en 1705. Il eut d’abord, avec son frère Jean-Frédéric, au sujet de la succession de son père, le duc George, et de son frère afné, Christian-Louis, des démêlés qui furent terminés en 1666 pur l’intervention da l’électeur de Brandebourg, puis il prit part à presque toutes les guerres

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qui ensanglantèrent alors l’Europe, envoya des secours aux Vénitiens et aux Hollandais, et accompagna en 1688, dans sa descente en Angleterre, le prince d’Orange, qui fut bientôt après le roi Guillaume III. En 1689, à la mort du duc de Saxe-Lauenbourg, il s’empara de sa succession, dont il s’assura la jouissance paisible en 1697 par un payement de 1,100,000 écus. S’étant épris d une belle et spirituelle protestante française, MU° d’Albreuse, il lui rît donner par l’empereur le titre de princesse d’Harbourg et l’épousa. Celle-ci attira à la cour de Zelle plusieurs de ses compatriotes. On raconte à ce sujet qu’un Français, ne voyant un jour à la table ducale que des compatriotes, à l’exception du duc lui-même, dit spirituellement : « Il n’y a ici d’étranger que monseigneur. • L’empereur offrit au duc George-Guillaume le titre d’électeur ; mais, comme celui-ci n’avait qu’une tille de son mariage avec Mlle d’Albreuse, il refusa cette dignité, qui fut conférée a son frère Ernest-Auguste.

BRUNSW1CR-LUNEBOURG-ZELLE (Sophie-Dorothée du), épouse de George-Louis de Hanovre. V. Sophie-Dorothée.

BRUNSWICK -LUNEBOURG (Ernest-Auguste, duc dk), électeur de Hanovre et frère de George-Guillaume, né en 1629, mort en 1698. II reçut de l’empereur Léopold Ier 10 titre d’électeur. — Son fils Guorge-Louis devint roi d’Angleterre sous le nom de George Ier.

BRUNSWICK-WOLFENBUTTEI. (Antoine-Ulric, duc de), fils d’Auguste de Brunswick-Lûnebourg, dit le Jouue, né à Hitzaker en

1633, mort en 1714. Élevé par J.-G. Schottel, qui lui donna le goût des sciences et des lettres, il compléta ses études par des voyages en France, en Angleterre et en Italie. De retour en Allemagne, il siégea dans le conseil d’État de Brunswick, -et, après la mort de son père, il fut associé au pouvoir par son frère aîné Rodolphe-Auguste, auquel il était uni par l’affection la plus tendre. Antoine, qui avait Sur son frère une grande supériorité intellectuelle, s’occupa beaucoup des affaires

publiques, termina les démêlés du duché de Brunswick avec la Suède, et eut des difficultés avec l’empereur, qui le soupçonnait d’avoir cherché à contracter une alliance avec la France. Devenu, en 1704, seul maître du pouvoir par la moi t do son frère, il se montra un des partisans les plus dévoués de la maison d’Autriche, maria sa fille Elisabeth a l’empereur Charles VI, et se convertit au catholicisme (1710), sans apporter toutefois aucune entrave à la liberté religieuse de ses sujets. Protecteur éclairé des lettres, il était lui-même un littérateur distingué. Ses principaux ouvrages sont ; Aramène, princesse de Syrie (Nuremberg, 1669, in-8»), roman tiré de l’histoire des patriarches, et Ùctavie (Nuremberg, 1685, in-8°), qui, sous une forme romanesque, présente un tableau de l’histoire romaine depuis Claude jusqu’à Vespasien. On lui doit également un opuscule écrit en latin et intitulé : Motifs gui m’ont déterminé à préférer la religion catholique romaine aux religions protestantes. Cet opuscule a été traduit en français par l’abbé H. Prpmpsault (1838).

BRUNSWICK-MÎNEBOURG-BEVERN (Ferdinand-Albert, duc de), frère du précédent, né en 1636, mort en 1687, fut mis sous la direction du savant Sigismond de Bircken, fit de rapides progrès et posséda en peu de temps la connaissance de dix langues. En 1658, il commença une longue série de voyages, parcourut successivement la France, l’Allemagne, l’Italie, la Sicile, les Pays-Bas, l’Angleterre, où il fut nommé membre de la Société royale de Londres, la Suède, l’Autriche, la Hongrie, et ?. Dans l’intervalle de ces pérégrinations, il résida au château de Bevern, qui devait donner son nom à la branche dont le due Albert est le chef, et s’y fixa définitivement vers 1677. Il réunit dans ce château une collection de curiosités recueillies pendant ses voyages, y fit imprimer sous ses yeux des ouvrages de sa composition, et se livra à des rêveries théologiques, qui semblent indiquer un grand affaiblissement dans ses facultés intellectuelles. Le duc de Brunswick était membre de la Société des fructifiants de Weirnar, et portait, à ce titre, la qualification de l’Admirable, dont il était fier au plus haut degré. On a de lui : Aventures admirables et état admirable dans ce monde admirablement pervers..., par celui que l’on appelle, dans la Société des fructifiants, /’Admirable dans ses fruits, etc. (Bevern, 1678), et une seconde partie Contenant les choses miraculeuses de l’Ancien Testament (Bevern, 1680).

BRUNSWICK-WOLFENBUTTEL (Charlotte de), femme duezarowitz Alexis, née en 1694, morte en 1715. Elle épousa, en 1711, Alexis, fils de Pierre le Grand, empereur de Russie ; mais ce prince brutal et grossier, loin d’être touché par la grâce et par les vertus de la princesse Charlotte, lui préféra une paysanne finnoise. Le chagrin ce tarda pas à altérer la santé de la jeune femme. Elle mourut à l’âge de vingt et un ans, après avoir mis au jour un fils, qui fut plus tard Pierre II. Suivant une version dont la fausseté a été démontrée, le

firince Alexis, ayant maltraité sa femme dans e dernier mois de sa grossesse et s’étant retiré à la campagne, les amis de la princesse l’engagèrent à fuir après ses couches, répandirent le bruit de sa mort, et firent enterrer une bûche a sa place. Ayant gagné la France,

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Charlotte serait partie quelque temps après pour la Louisiane, y aurait épousé un Français nommé d’Aubant, serait revenue à Paris, où elle aurait été reconnue par le maréchal de Saxe, se serait mariée en troisièmes noces avec de M. de Moldack, et aurait terminé ses jours à Vitry-le-François. Voltaire a donné la clef de ce récit romanesque, pendant fort longtemps accepté pour vrai : « Une Polonaise, écrivit-il dans le Journal de Paris du 19 février 1782, visita Paris en 1722, et se logea à quelque distance de la maison que j’occupais. Elle avait quelques traits de ressemblance avec l’épouse du czarowitz. Un officier français, nommé d’Aubant, qui avait servi en Russie, fut frappé de la ressemblance. Cette méprise donna envie à la dame d’être princesse. Elle avoua d’un air ingénu à l’officier qu’elle était la veuvedel’héritierde la Russie ; qu’elle avait fait enterrer une bûche à sa place pour se sauver de son mari. D’Aubant fut amoureux d’elle et de sa principauté. D’Aubant, nommé gouverneur dans une partie de la Louisiane, mena sa princesse en Amérique. Le bonhomme est mort, croyant fermement avoir eu pour femme une belle-fille d’un empereur de Russie ; ses enfants le croient aussi, et sô3 petits-enfants n’en douteront pas. ■

BRUNSWICK-BEVERN (Antoine-Ulric, duc de), né en 1714, mort en 1775, entra au service de la Russie avec le grade de colonel, et épousa en 1739 Anne, fille du duc de Mecklembourg Charles-Léopold, et de Catherine, nièce de Pierre le Grand. De cette union naquit Iwan, que l’impératrice Anne nomma son héritier au trône, sous la tutelle de Biren, duc de Courlande. À peine l’impératrice fut-elle morte, que la mère d’Iwan s’empara de la régence ; mais son pouvoir fut de courte durée. Elisabeth, fille de Pierre le Grand, étant montée sur le trône, grâce à une faction puissante, jeta Iwan en prison et exila en Sibérie la mère du jeuneezar, ainsi que son mari, le duc de Brunswick (1741). Celui-ci mourut à Kolmogori, après avoir passé la plus grande partie de sa vie dans ce triste lieu d’exil.

BRUNSWICK-LÙNEBOCRG-BEVERN (Auguste-Guillaume-Albert, duc de), né à Brunswick

en 1715, mort en 1781. Il entra en 1734 au service de la Prusse, acquit une grande réputation de bravoure par sa conduite a la bataille de Molwitz et de Hohenfriedberg, fut mis à la tête d’un corps d’armée au commencement de la guerre de Sept ans, battit les impériaux à Reichenberg (1757), et contribua aux victoires remportées près de Prague et à Collin. Fait prisonnier par les Autrichiens en 1757, il fut rendu à la liberté l’année suivante, se signala encore dans diverses occasions, et termina sa vie à Stettin.

BRUNSWICK (Ferdinand, duc DE), général prussien, né à Brunswick en 1721, mort en 1792. Il obtint fort jeune un régiment dans l’armée prussienne (1739), et fit ses premières armes dans l’armée de Silésie, auprès de Frédéric II. Lors de la reprise des hostilités, en 1744, Ferdinand de Brunswick se signala de la façon la plus brillante, notamment à la prise de Prague et à la bataille de Soor, reçut des biens considérables du roi de Prusse, et, pendant la guerre de Sept ans, se plaça au rang des généraux les plus distingués de l’époque. En 1757, il reçut de Frédéric II le commandement en chef de l’armée de Westphalie, et, après avoir gagné sur les Français les batailles de Crevelt et de Minden (1758), il parvint à les chasser de la Hesse en 1762. Lorsque la paix eut été conclue, en 1763, Ferdinand de Brunswick quitta le service du roi de Prusse, se retira à Brunswick, et consacra les dernières années de sa vie à propager l’instruction populaire, à favoriser le développement des beaux-arts, et surtout à s’occuper de franc-maçonnerie.


BRUNSWICK (Charles-Guillaume-Ferdinand, duc DE), neveu de Ferdinand, signataire du fameux Manifeste qui a gardé son nom, né à Brunswick le 9 octobre 1735, mort à Altona le 10 novembre 1806. Comme tous les princes de sa maison, il reçut une éducation extrêmement soignée, et montra dès son adolescence des facultés supérieures. Formé dans l’art de la guerre par ses oncles le prince Ferdinand et le grand Frédéric, il se distingua de la manière la plus éclatante dans la guerre de Sept ans, comme général au service de la Prusse. Après la conclusion de la paix, il entreprit, sous le nom de comte de Blackenbourg de longs voyages, d’abord en France, où il se lia avec les esprits les plus distingués ; puis en Italie, à Rome, où l’antiquaire Winckelmann le guida dans ses explorations ; enfin en Moravie, en Silésie, en Westphalie, en compagnie du grand Frédéric, qui lui donna de nouveau un commandement dans la guerre de la Succession de Bavière (1778). Le duc de Brunswick y soutint sa réputation militaire et succéda, en 1780, à son père dans le gouvernement du duché. Mirabeau, qui le vit quelques années plus tard, fait le plus grand éloge de son administration, et le représente lui-même comme un homme tout à fait supérieur. Lors des troubles de la Hollande, en 1787, il reçut le commandement de vingt mille Prussiens, et s’empara d’Amsterdam, d’ailleurs faiblement défendue. À l’époque de la Révolution française, le duc de Brunswick était généralement regardé comme un des meilleurs généraux de l’Europe. Aussi, après le traité de Pilnitz, dès les premiers mouvements contre la France, fut-il nommé généralissime des armées alliées (Prusse et Autriche). Il fit précéder son invasion par un Manifeste daté de Coblentz (25 juillet 1792), et qui a donné à son nom une triste célébrité (v., ci-dessous, Manifeste de Brunswick). Il n’était point l’auteur de cette pièce odieuse, dont la rédaction appartient à la faction des émigrés, et l’on prétend qu’il ne la signa qu’avec la plus grande répugnance ; mais enfin il consentit à la signer, et ce fait seul suffit pour ternir sa réputation. On a rapporté aussi que, dans la suite, il ne parlait de cet acte qu’en (e qualifiant de déplorable, et qu’il démentit, dans une lettre rendue publique, Bertrand de Molleville qui, dans ses Mémoires, lui attribuait. une part dans la rédaction du Manifeste. Sa lettre se terminait ainsi : « Il est bien permis de chercher à éviter de passer, dans les siècles à venir, pour un étourdi inconsidéré. » (Mallet Du Pan, Mémoires et correspondance.)

Mais, encore une fois, qui l’obligeait à signer ? Probablement, l’ambition de garder le commandement en chef. Qu’il conserve donc dans l’histoire la responsabilité de cet acte, qui n’était pas seulement contraire au droit, à la justice, à l’humanité, mais encore qui violait toutes les règles du droit des gens, toutes les règles de guerre établies entre les nations civilisées.

On a dit aussi que l’empereur d’Autriche et le roi de Prusse, informés que des propositions brillantes lui avaient été faites pour le porter à embrasser la défense de la Révolution française, l’avaient mis dans la nécessité d’apposer son nom sur ce Manifeste de sang, dans le but secret de le compromettre pour jamais à l’égard de la France. Les Mémoires tirés des papiers d’un homme d’État se sont faits l’écho de ce bruit ; mais est-il vrai qu’un parti, un groupe d’hommes politiques, constitutionnels, girondins ou autres, séduits par la réputation militaire du duc de Brunswick, aient songé à l’attirer en faisant luire à ses yeux le mirage de la couronne de France ? Il n’est guère possible de répondre à une telle question. D’ailleurs, ce rêve insensé, s’il a quelque réalité, ne dut jamais s’élever même à l’état de projet.

Quoi qu’il en soit, par une coïncidence bien étrange, le jour même où le duc de Brunswick signait le manifeste, c’est-à-dire le 25 juillet, le girondin Carra publiait à Paris, dans son journal (Annales patriotiques), l’article suivant, qui fut plus tard un des motifs de son arrêt de mort :

« Rien de si bête que ceux qui croient ou voudraient faire croire que les Prussiens songent à détruire les jacobins, et qui n’ont pas vu dans ces mêmes jacobins les ennemis les plus acharnés de la maison d’Autriche, les amis constants de la Prusse, de l’Angleterre et de la Hollande... C’est le plus grand guerrier et le plus grand politique de l’Europe que le duc de Brunswick. Il ne lui manque peut-être qu’une couronne, je ne dis pas pour être le plus grand roi de l’Europe, mais pour être le restaurateur de la liberté en Europe. S’il arrive à Paris, je gage que sa première démarche sera de venir aux jacobins, et d’y mettre le bonnet rouge... »

Sans doute, on peut regarder cette absurde tirade comme une présentation de candidat, d’autant plus qu’alors la chute de Louis XVI n’était plus douteuse ; mais la coïncidence même de la publication avec celle du Manifeste, qui en eût été le plus détestable commentaire, éloigne toute idée d’un concert quelconque. Carra était un esprit assez chimérique, et c’était une de ses manies de songer à des princes étrangers. N’avait-il pas déjà soulevé, un jour, tout le club des jacobins en proposant d’appeler le duc d’York au trône de France ?

Cependant Brunswick entra en France dans les premiers jours d’août (1792). Le 20, il investit Longwy, que la trahison lui livra sans combat, deux jours après. Il agit ensuite avec une extrême lenteur. Le 31 seulement, il se présenta devant Verdun, place qui était hors d’état d’opposer une résistance prolongée, qu’il bombarda pendant quinze heures, mais qui ne se rendit qu’après la mort du brave commandant Beaurepaire (v. ce nom). Pendant ce temps, Dumouriez s’emparait rapidement des défilés de l’Argonne, les Thermopyles de la France, et, par cette manœuvre de génie, fermait pour ainsi dire la porte à l’invasion. À l’article Argonne, nous avons donné tous les détails de cette mémorable campagne, et nous n’y reviendrons pas ici. Le duc de Brunswick avait commis plus d’une faute pendant ces rapides opérations, et la conquête de la France ne lui paraissait plus d’ailleurs aussi facile que l’affirmaient les fous de l’émigration. Après Valmy, il insista vivement auprès du roi de Prusse pour le décider à négocier. Des pourparlers eurent lieu en effet, et l’armée austro-prussienne commença sa retraite le 1er octobre, abandonna successivement toutes ses positions, et quitta le territoire français, fort diminuée par les maladies et les engagements journaliers. Les arrangements entre l’ennemi et Dumouriez n’ont jamais été connus dans tous leurs détails, et l’on a supposé, à tort ou à raison, que le général français avait consenti à ne pas inquiéter les armées alliées dans leur retraite.

Brunswick conserva le commandement des