Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 1, Ca-Cap.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

objet autant que pour les profits qu’elle rapportait. Ill ne paraît pas que Cabanis ait beaucoup fréquenté les écoles. Il préféra s’attacher à un médecin distingué, le docteur Dubreuil, qu’il suivait dans ses visites à domicile, et dont l’enseignement théorique lui fut fort utile. Au reste, il ne devint jamais ce qu’on appelle un praticien. Il fut, il est vrai, nommé plus tard professeur de clinique ; mais, on conféra ce titre au philosophe plutôt qu’au médecin, et il se tint constamment dans les généralités de la science, tendance naturelle a son esprit, et qu’encouragea bientôt la fréquentation assidue de plusieurs des philosophes distingués du temps. Afin de pouvoir se livrer à son aise à ses études favorites, il avait été chercher un asile à, Auteuil. Là, il fut admis chez Mme Helvétius, où se rendaient périodiquement une foule d’hommes célèbres dans les lettres, les sciences et la politique ; par exemple, Diderot, d’Alembert, Thomas, Condillac, le baron d’Holbach. Jefferson et Franklin y allaient aussi quelquefois. Cependant Cabanis n’avait pas encore abandonné la poésie, et pendant le dernier voyage de Voltaire à Paris (1778), il soumit au vieillard de Ferney quelques morceaux de sa traduction de l’Iliade. Il n’obtint de Voltaire que peu d’encouragement, et il prit la résolution de renoncer définitivement à l’art des vers. Il concentra dès ce moment ses travaux sur la physiologie médicale et sur la philosophie. Sa première œuvre importante eut pour titre : Observations sur les hôpitaux (Paris, 1789, 1 vol. in-8o).

Vint la Révolution, dont il partageait les principes par conviction personnelle et aussi par suite de ses liaisons avec les hommes qui avaient formulé d’avance ces principes. Il avait fait la connaissance de Mirabeau. Mirabeau aimait à s’entourer d’hommes spéciaux. Il était plus éloquent qu’instruit. Autour de lui, on préparait sa besogne législative de manière à ce que, arrivé à la tribune, il n’eût qu’à mettre en œuvre les documents qu’on lui avait fournis. Ce fut Cabanis qui lui donna tous les matériaux dont il avait besoin pour traiter l’importante question de l’éducation publique. Si Cabanis collaborait aux travaux politiques du grand orateur, il était aussi son médecin. On lui a reproché la mort de Mirabeau. Le fait est que Mirabeau, à ses derniers moments, ne voulut recevoir d’autres soins que ceux de Cabanis, dans les bras duquel il mourut, et qui publia, pour se défendre d’avoir empoisonné son client autant que pour satisfaire à un devoir d’amitié et d’estime envers l’illustre mort, le Journal de la maladie et de la mort d’Honoré-Gabriel-Victor Riquetti de Mirabeau (Paris, 1791, brochure in-8o). Montgaillard (Histoire de France, t. II, p. 300) dit que « le docteur Cabanis fut soupçonné d’avoir administré le poison. » Pourquoi Cabanis aurait-il empoisonné Mirabeau, qui était son ami, qui l’avait fait nommer officier municipal, puis électeur de la Commune de Paris, et qui l’aurait fait appeler à la députation s’il eût vécu ? Au moyen âge, quand il survenait une épidémie, on accusait les juifs d’avoir empoisonné les fontaines, et on en profitait pour piller leurs biens et quelquefois pour les massacrer. En 1791, les passions populaires étaient soupçonneuses. Quand mourut Mirabeau, il suffit que Cabanis lui eût donné des soins pour qu’on le crût coupable d’empoisonnement : le soupçon est une maladie des temps agités. Il paraît, au sujet de Mirabeau, que Vicq-d’Azyr aurait exprimé au garde des sceaux Champion de Cicé l’opinion que, « d’après l’état des intestins, la mort de Mirabeau pouvait avoir été occasionnée par les préparations violentes dont il faisait usage, comme par le poison. » Mirabeau avait eu l’organisme détruit prématurément par une maladie qu’il est inutile de nommer ici. Afin d’en atténuer les suites, il prenait des bains mercuriels. Il fut tué par le mercure, mais il le prenait comme remède. S’il fut empoisonné, il le fut par lui-même. En même temps que l’amitié de Mirabeau, Cabanis avait acquis celle de Condorcet. « Avant la Révolution, il l’avait rencontré chez Turgot, chez Franklin et chez quelques autres de leurs amis communs. Des rapports plus intimes confirmèrent par la suite ce qu’avaient commencé l’estime de sa personne et l’admiration de ses lumières. » Après la triste mort de Condorcet, Cabanis recueillit les écrits de cet homme célèbre et épousa sa belle-sœur, Charlotte Grouchy, union heureuse à laquelle il dut la paix de ses dernières années. Après le 9 thermidor, au moment de la réorganisation de l’enseignement public, il avait été nommé professeur d’hygiène à Paris, puis, en 179S, membre de l’Institut, classe des sciences morales et politiques, section de l’analyse des sensations et des idées, et enfin, en 1797, professeur de clinique à l’Ecole de médecine. Il n’avait jamais aspiré à devenir un homme politique ; cependant il entra au conseil des Cinq-Cents comme député de la Seine. Il avait été pendant quelques mois, en 1795, juré au tribunal révolutionnaire, réorganisé après la chute de Robespierre. Au conseil des Cinq-Cents, il soutint constamment la politique du Directoire à l’intérieur comme à l’extérieur ; bientôt devenu un des plus chauds amis de Sieyès, il participa au coup d’État du 18 brumaire. Les conseils le mirent sur la liste des cinquante députés choisis dans les deux chambres, à l’effet d’élaborer un nouveau projet de constitution. Plus tard Bonaparte, dent il approuvait les desseins et les œuvres, le fit sénateur et commandeur de la Légion d’honneur. Il vivait tranquille à Auteuil, dans une retraite honorée, lorsque, en 1807, il fut soudain frappé d’apoplexie. Des soins intelligents et prodigués sur-le-champ parvinrent à le sauver d’une mort immédiate ; mais il dut s’éloigner de Paris, et alla s’établir dans un petit hameau près de Rueil, où l’état de sa santé le condamnait à un repos presque absolu. Il y mourut d’une nouvelle attaque d’apoplexie l’année suivante (5 mai 1808), à l’âge de cinquante-deux ans.

Comme écrivain, Cabanis a obtenu des succès inégaux, mais remarquables, dans trois genres différents. Il fut à la fois littérateur, physiologiste et philosophe. Ses œuvres littéraires, outre ses essais de traduction d’Homère, qui ne méritent guère d’être mentionnés que pour mémoire, se résument à peu près dans ses Mélanges de littérature allemande ou Choix de traductions de l’allemand (Paris, 1797, 1 vol. grand in-8o). L’ouvrage ne contient rien d’original et se compose de neuf fragments, six traduits de Meissner, une pièce du théâtre de Gœthe (Stella) ; le Cimetière de campagne, élégie du poète anglais Gray, et la Mort d’Adonis, idylle grecque de Bion.

Ses travaux de médecine et de physiologie sont : 1° Observations sur les hôpitaux (Paris, 1789, in-8o) ; il en a été question plus haut. Ces observations furent le premier titre de l’auteur à la renommée ; 2° Journal de la maladie de Mirabeau (Paris, 1791, in-8o), œuvre de circonstance, où néanmoins Cabanis donne des preuves d’un talent d’observation peu commun ; 3° Du degré de certitude en médecine (Paris, 1797 et 1802, in-8o). Un médecin distingué, M, Pariset, juge ainsi la théorie de Cabanis à ce sujet : « Cette question du degré de certitude de la médecine en suppose une autre, savoir si la médecine existe réellement. (Jean-Jacques Rousseau, dans son Emile, ne croit pas que la médecine soit une science réelle, et il n’est pas seul de cet avis.) Sur cette seconde question, Cabanis rassemble les arguments les plus plausibles que les ennemis de la médecine aient jamais proposés contre elle, et, après les avoir présentés dans toute leur force, il les combat avec une logique victorieuse et ruine ses adversaires par leurs propres armes. Dans le fond, cette question se réduit toujours à une simple dispute de mots. Comme la médecine n’est que l’art d’agir sur l’homme d’une certaine manière et dans certaines vues, et que tout dans la nature agit sur l’homme, il est évident que, si l’on peut élever un doute sur cet objet, ce n’est pas de savoir si la médecine existe, mais s’il serait possible qu’elle n’existât pas. Quant à la première question, qui consiste à savoir s’il est possible d’assujettir cette action sur l’homme à des règles fixes, invariables, et de produire à volonté tel ou tel effet déterminé, il est clair que cette question est beaucoup plus difficile que l’autre, et que la certitude que l’on cherche se réduira toujours à une probabilité plus ou moins grande, et, par conséquent, plus ou moins voisine d’une probabilité absolue ; en quoi la médecine se rapproche de toutes les sciences par lesquelles on agit sur l’homme, la morale, par exemple, et ses deux subdivisions principales, la législation et la politique ; 4° Coup d’œil sur les révolutions et la réforme de la médecine (Paris, 1804, 1 vol. in-8o). Cet opuscule peut être considéré comme un essai philosophique sur l’histoire ancienne et moderne de la médecine. L’auteur esquisse à grands traits le tableau des temps primitifs, ou les poètes et les héros ont pour ainsi dire le monopole da guérir les hommes, puis de l’époque moins reculée ou les mages en Orient et les collèges de prêtres en Occident s’emparèrent de la science d’Esculape, au profit des intérêts religieux qu’ils représentaient. Il arrive bientôt à celle où la philosophie, s’emparant à son tour de la médecine, la transforme en une science exacte. Il fait le portrait d’Hippocrate, expose le système de Pythagore, parle d’Oribase et de Galien, émet sur les causes de la décadence de la médecine et des sciences naturelles à Rome et en Grèce des théories mal fondées, mais fort accréditées au XVIIIe siècle, puis fait le récit de leur renaissance sous les Arabes et bientôt après dans l’Europe chrétienne ; 5° Observations sur les affections catarrhales en général, et particulièrement sur celles qui sont connues sous le nom de rhume de cerveau et rhume de poitrine (1807 et 1813, brochure in-8o).

Les titres philosophiques de Cabanis sont tous contenus dans son fameux Traité du physique et du moral de l’homme (Paris, 1802, 2 vot. in-8o), réimprimé en 1803 avec deux tables, l’une analytique, par Destutt de Tracy, et l’autre alphabétique, par le docteur Sue, père d’Eugène Sue, sous le titre nouveau et consacré de Rapports du physique et du moral de l’homme. Il se compose de douze mémoires. Suivant l’habitude de l’auteur, il commence par des considérations historiques, dans lesquelles il malmène les philosophes idéalistes et quiconque, en matière philosophique, ne s’en rapporte pas uniquement aux sens et à l’expérience physique. Platon lui inspire presque de l’horreur. Il lui reproche surtout d’avoir été une arme dans les mains du christianisme ; « Les rêves de Platon, dit-il, convenaient aux premiers nazaréens, et ne pouvaient guère s’allier qu’avec un fanatisme sombre et ignorant. » C’était prendre les choses par leur petit côté, et, plus tard, Cabanis lui-même devait en rabattre. Quand il en vient à s’expliquer sur les systèmes modernes, il ne trouve pas le XVIIIe siècle assez matérialiste. Il prétend que, « si Condillac eût mieux connu l’économie animale, il aurait mieux senti que l’âme est une faculté et non pas un être, » c’est-à-dire qu’elle n’existe pas. Une phrase échappée un jour à l’humeur chagrine de Pascal résumerait parfaitement le livre de Cabanis sur les rapports du physique et du moral : « L’homme, dit le philosophe janséniste, est un composé de matière et d’esprit ; il ignore l’esprit, il ignore la matière ; il ignore encore plus le lien qui réunit la matière à l’esprit ; et, cependant, c’est là tout l’homme. » L’ouvrage souleva de véritables tempêtes. Cabanis avait le courage de ses opinions. Un jour, il s’était écrié en pleine séance de l’Institut : « Je demande que le nom de Dieu ne soit jamais prononcé dans cette enceinte. » Les invectives dont il fut l’objet ne l’effrayèrent point. Cependant, il parait qu’il caressait un peu les idées en vogue autour de lui, et que dans l’intimité il n’était pas aussi hostile aux idées religieuses qu’il affectait de l’être dans ses écrits. Le fait est attesté, d’ailleurs, dans un écrit posthume de Cabanis, intitulé : Lettre sur les causes premières, adressée à M. Gauriel, un des amis de ses dernières années. Cette lettre fut publiée subrepticement et dans un intérêt de polémique religieuse, en 1824, par M. Bérard. On n’était pas fâché de montrer comment Cabanis, revenu à des sentiments plus orthodoxes, renonçait, à la veille de mourir, à la plupart de ses théories antérieures. En effet, « il persiste encore à soutenir, il est vrai, dit M. Dubois (d’Amiens), que toutes nos idées, que tous nos sentiments, que toutes nos affections, en un mot, que tout ce qui compose notre système moral, est le produit des impressions, qui sont l’ouvrage du jeu des organes ; mais il se pose une question toute nouvelle et qui montre que son esprit était enfin dégagé des préjugés de son école ; il se demande si, pour cela, on est en droit d’affirmer que la dissolution des organes entraîne celle du système moral, et surtout de la cause qui relie ce même système. » Du reste, il n’affirme rien de positif à cet égard. « N’oublions pas, dit-il, que nous sommes ici dans le domaine des probabilités. »

Qu’on apprécie comme on voudra le talent de Cabanis, il est incontestable qu’au début du XIXe siècle il a exercé sur les idées et sur les mœurs une influence aujourd’hui éteinte, mais qui n’en a pas été moins considérable. « Esprit sérieux, dit M. Damiron, et de grande activité, il s’appliqua d’abord aux lettres, dont il espérait quelque gloire ; mais comme il n’y trouva pas de quoi contenter son opiniâtre curiosité et ce grand besoin d’occupation qu’il éprouvait et qui le plongeait dans l’ennui, il se tourna vers des travaux plus forts et mieux faits pour contenter sa pensée ; il se livra à la médecine et en même temps cultiva la philosophie. Déjà familier avec les principes de Locke, dont il avait commencé de bonne heure à lire et à commenter les ouvrages, il était bien préparé par cette étude à comprendre et à croire Condillac. Ajoutez à cela qu’il vécut dans sa société, qu’il eut son amitié, qu’il reçut de lui, dans de fréquents entretiens, des lumières qui durent de plus en plus disposer son esprit en faveur de la doctrine nouvelle…… Son point de départ fut le Traité des sensations. Condillac avait expliqué tous les faits de l’âme par la sensation ; Cabanis accepta ce système, mais il eut la pensée de le compléter, en reconnaissant la nature et l’origine de la sensation. » Quant à son mérite littéraire, il ne peut être contesté. Cabanis était doué d’une âme énergique et indépendante ; il n’a pas écrit une ligne où ces deux qualités ne soient en relief. « Tous les ouvrages de M. Cabanis, dit Destutt de Tracy, son successeur à l’Institut, portent l’empreinte d’une imagination riche et féconde, mais toujours tempérée et pour ainsi dire toujours contenue dans de justes limites par cette raison supérieure, par cette sagesse profonde, qui seules peuvent donner aux productions de l’esprit humain le caractère d’une utilité durable et universelle. » Ailleurs, le même écrivain dit du style de Cabanis : « Dans ces productions nombreuses et variées, qui suffiraient pour assurer à leur auteur un rang distingué parmi les bons écrivains, il est constamment remarquable par la propriété du style ; clair, élégant et correct, lorsqu’il expose des faits, et, lorsqu’il discute des opinions, s’élevant ou s’animant selon la convenance des idées ou des sentiments, toujours en rapport exact avec la nature des objets ou des pensées, il trouve dans son imagination, nourrie des chefs-d’œuvre de la littérature ancienne et moderne, toutes les couleurs nécessaires pour peindre ses idées avec vérité ou les présenter avec chaleur et avec dignité, sans la moindre trace de contrainte ou d’affectation. » La dignité du caractère était réellement un des plus beaux côtés de la physionomie de Cabanis. Elle était assez rare sous l’Empire. Elle fut chez lui un attrait qui ne contribua pas peu à populariser ses principes. Nous n’en citerons qu’un exemple. Il était professeur à l’Ecole de médecine ; comme l’état de sa santé ne lui permettait pas de faire son cours, il refusa les appointements auxquels il avait droit, et voulut qu’ils servissent à encourager ceux des élèves de l’Ecole que leur situation de fortune ou leur mérite exceptionnel rendait dignes d’une récompense. On a de Cabanis, outre les ouvrages déjà cités : 1° Essai sur les secours publics (1796, in-8o) ; 2° Rapport fait au conseil des Cinq-Cents sur l’organisation des écoles de médecine (1799, in-8o) ; 3° Quelques considérations sur l’organisation sociale en général, et particulièrement sur la nouvelle constitution (1799, 1 vol. in-12). M. Thurot a publié, sous la Restauration (1823-1825), une collection des œuvres de Cabanis, où l’on trouve en outre : 1° une note sur le supplice de la guillotine ; 2° un travail sur l’éducation publique ; 3° une note sur un genre particulier d’apoplexie ; 4° deux discours sur Hippocrate ; 5° une biographie de Franklin ; 6° l’éloge de Vicq-d’Azyr, et 7° une lettre sur les poèmes d’Homère.

CABANIS DE SALAGNAC (Jean-Baptiste), agronome français, né à Yssandon ou Issandon en 1723, mort en 1786. Après avoir commencé son droit à Toulouse, il fit un riche mariage, et, retiré dans ses domaines, il s’adonna entièrement à l’économie rurale. Etant entré en relations suivies avec Turgot, alors intendant de Limoges, il s’inspira des saines idées de ce grand homme, qui aimait du reste à le consulter. Cabanis a contribué à l’introduction des mérinos en France, en se chargeant de croiser cette race avec celles du Limousin et du Berry. On lui doit en outre d’avoir perfectionné la culture de la vigne, et surtout l’art de greffer les arbres fruitiers. Son mémoire intitulé : Essai sur les principes de la greffe (Paris, 1764), a été couronné par l’Académie de Bordeaux, qui le fit publier à ses frais.

CABANIS-JONVAL (Pierre), littérateur français, né à Alais vers 1725, mort à Bruxelles en 1780. Il fut longtemps attaché à la rédaction du journal fondé, en 1759, sous le titre de Feuille nécessaire, et continué ensuite sous celui de l’Avant-coureur. Lié avec Helvétius, il parcourut avec lui la France et plusieurs pays étrangers, pour arrêter la circulation du livre de l’Esprit, à cause du scandale qu’avait causé cette publication ; mais leurs efforts, qui peut-être manquaient de sincérité, ne servirent qu’à stimuler encore davantage la curiosité publique. On attribue à Cabanis-Jonval les Erreurs instructives ou Mémoire du comte de …, ouvrage qui fut publié sans nom d’auteur.

CABANON s. m. (ka-ba-non— dimin. de cabane). Petite et chétive cabane : Construire, habiter un cabanon.

— En Provence, Petite maisonnette que l’on construit dans la campagne, et que l’on n’habite guère que les jours de fête ou de repos. || Hutte de chasseur, dans le même pays : Le chasseur marseillais est réduit, pour exercer son droit de chasse, à se blottir avant l’aurore dans un cabanon. (Toussenel.)

— Particulièrem. Cachot étroit et sombre, dans quelques prisons : Pichegru fut jeté dans un cabanon aux affreux déserts de Sinnamari. (Ch. Nod.) La plupart des portiers sont logés, dans des prisons plus affreuses que des cabanons. (Balz.) Il est si rare qu’on sorte de la Fosse-aux-Lions pour aller autre part qu’à la barrière Saint-Jacques, au bagne ou au cabanon cellulaire ! (Alex. Dum.) || Loge où, dans les maisons d’aliénés, on renferme les fous furieux : Les cabanons de Bicêtre. (Acad.) La même faculté nous porte à la gloire ou nous jette dans un cabanon. (H. Taine.)

CABARA, bourg de France (Gironde), arrond. et à 13 kilom.de Libourne, cant. et à 2 kilom. S.-E. de Branne ; port sur la Dordogne ; 545 hab. On y remarque des vestiges de travaux militaires connus sous le nom de butte de Charlemagne ; le ravin voisin porte le nom de ravin des Goths.

CABARDIE, pays de la Russie d’Europe, dans la région caucasienne. V. Kabardah.

CABARE s. f. (ka-ba-re). Ornith. Espèce de chouette du Brésil.

CABARER v, a. ou tr» (ka-ba-ré). Techn. En terme de brasseur, Jeter, verser d’un vaisseau, dans un autre : Cabarer de l’eau.

CABARET s. m. (ka-ba-rè — Etym. à peu près inconnue. Ménage dérive ce mot de kapé, lieu où l’on mange, crèche — de kaptò, manger à la goulée — ; de là se seraient produits successivement caparis, caparetum, cabaret. Du même kaptò vient, en effet, kapelos, marchand de vivres, puis petit marchand et cabaretier. Frisch voit dans cabaret une corruption de caponerette, et le rapporte au latin caupona, auberge, taverne). Taverne, maison ou l’on vend du vin en détail et où l’on donne aussi à manger : Fréquenter le cabaret. S’enivrer au cabaret. Dans un quartier comme celui-ci, où il n’y a que des gueux, c’est grandeur que d’aller au cabaret. (Racine.) Panard a passé sa vie au cabaret, avec trois ou quatre ivrognes, faiseurs de couplets comme lui. (Grimm.) Plusieurs de nos gens de lettres voudraient nous faire regretter ces temps au l’on allait s’enivrer tous les jours au cabaret. (Grimm.) Les villageois font toutes leurs affaires au cabaret. (Brill.-Sav.) Le cabaret est une lèpre qui s’attache comme la vermine aux populations misérables. (Toussenel.) Le cabaret est la terreur de la mère de famille active et laborieuse. (Toussenel.) Chapelle fut réputé encore de bonne compagnie, tout en fréquentant beaucoup de cabarets. (Ste-Beuve.)

Et de chantres buvants les cabarets sont pleins
Boileau.
Charbonner de ses vers les murs d’un cabaret.
Boileau.
Dis-nous un peu quoi est ce cabaret honnête
Où tu t’es coiffé le cerveau.Molière.