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CALA

cessivement à la cotir du roi de Castille et b celle du roi d’Aragon, ainsi qu’auprès du vicomte de Montpellier et de Marie de Veutadour. Ses poésies, qui se composent de chansons t ! ’amour et d’espèfes de satires contre les vices et les mœurs de son temps, ont de la yorve et du goût, et portent l’empreinte d’une jeune et vive imagination. Il nous reste quinze pièces de lui, dont l’une surtout est très-intérdssante. C’est une instruction sur l’art des jongleurs, dans laquelle vïl nomme les divers instruments et exercices en usage parmi eux.

CALANT (ka-lan) part. prés, du v. Caler.

CALANT, ANTE adj, (ka-lan, an-te — rad." caler). Techn. Qui sert a caler, à mettre de niveau : Vis calante. Le dernier cercle de la boussole de déclinaison est supporté par un pied pourvu de vis calantes. (Dictionnaire français illustré.)

CALANTAN, ville et port de mer de la presqu’île de Malàcca, sur la côte orientale, dans le royaume de Tringany, à 72 kilom. S.-E. de Patani, par 6" 10’ de lit. N. et 104» 40’ long. E. Commerce important de poivre.

CALANTHE s. m. (ka-lan-te — du gr. kalos, beau j anthos, fieur). Bot. Genre de plantes, de la» famille des orchidées, tribu des vandées, comprenant une vingtaine d’espèces, qui prèsque toutes croissent dans l’Inde : Le calanthe se cultive chez nous en serre chaude.

CALANTHÉE s. f. (ka-lan-té — du gr. kalos, beau ; anthos, fleur). Bot. Syn. de colicodjîndron.

CALANTIQUE s. f. (ka-lan-ti-ke). Antiq. Sorte de coiffe que portaient les femmes égyptiennes, grecques et romaines, et dont les plis, qui tombaient sur les épaules, pouvaient être ramenés devant le visage. Il On disait aussi

CALVATIQUE.

CALANTIQUE s. f. (ka-lan-ti-ke — du lat. ealantica, coiffe). Bot. Nom vulgaire d’un agaric à chapeau blanc.

CALANOS, gymnosophisto indien, vivait au temps de la conquête d’Alexandre le Grand, qui l’attacha à sa suite. Il était fort âgé, et, se sentant accablé par les fatigues aussi bieri-que par le changement de climat, il fit dresser un bûcher, et, suivant l’usage de son pays, se brûla pour abréger une vie devenue trop douloureuse.

CALANDS (Juvencus-Colius), historien hongrois, né en Dalmatie, dans la seconde moitié du xu» siècle, devint, en 1197, évêque des Cinq-Églises en Hongrie. On a de lui : Attila, rex IJunorum (Venise, 1502, in-fol,).

CALAO s. m. (ka-la-o). Ornith. Genre d’oiseaux, du groupe des passereaux syndactyles : Cuvier a établi deux sections ’dans le genre calao. (Lafresnaye.) Les calaos sont des oiseaux d’un naturel taciturne. (C. d’Orbigny.) La chair des calaos est délicate. (C. d’Orbigny.) Les calaos appartiennent uniquement aux contrées-chaudes de l’ancien continent. (V. de Bomare.) Le calao trompette habite la partie la plus méridionale de l’Afrique. (P. Gervais.) Une espèce de calao particulière aux Moluques ne mange que des muscades, ce qui donne à sa chair un goût très-agréable. (Focillon.)

— Encycl- Les calaos se font remarquer, dans le groupe des passereaux syndactyles, par leur taille relativement’ colossale, et surtout par leur bec allongé, gros, plus haut que large et légèrement courbé. Chez la plupart des espèces, ce bec est surmonté d’un casque, c’est-à-dire d’une protubérance cornée qui s’accroît avec l’âge. La substance de ce bec, très-consistante dans la jeunesse de l’oiseau, devient plus légère à mesure que celui-ci grandit, au point que chez l’adulte elle est souvent presque transparente et creusée de conduits et de cavités cellulaires qui, se croisant dans tous les sens, communiquent avec les narines et facilitent I entrée de l’air ; aussi le bec des calaos est-il très-léger, malgré son volume apparent, et on ne voit pas qu’il gêne le moins du monde leurs mouvements. Les ailes sont amples, mais de médiocre longueur. Les pieds, courts, musculeux, robustes, à plante élargie, ont les tarses courts, couverts de larges écailles et les doigts réunis en partie par une membrane ; les calaos ont ainsi un ferme appui quand ils perchent ; mais ils marchent difficilement, et, quand ils veulent aller à terre, ils ne peuvent le faire qu’en sautillant, comme les corbeaux. Toutes les espèces de ce genre n’ont pas le bec surmonté d’une protubérance ; de là leur division en deux groupes. Parmi les espèces à casque, on remarque d’abord le calao rhinocéros, dont la longueur totale est d’environ l m. 30, depuis la pointe du bec jusqu’à l’extrémité de la queue ; le bec lui-même a près de 30 centimètres de longueur, et il est surmonté d’un casque allongé et recourbé en haut, de manière à simuler une corne. Cet oiseau se trouve dans l’Inde, à Java ; à Sumatra et aux îles Philippines ; le calao à cimier, presque aussi grand que le précédent, a le bec d’un jaune vif, garni, à la base de ses mandibules, d’une seconde couche cornée, couverte de rides transversales ; il habite l’île Célèbes ; le calao trompette, moitié plus petit que le premier, à plumage généralement noir et lustré de vert foncé, avec le ventre blanc, vit dans la partie méridionale de l’Afrique, où les colons lui donnent le nom d’oiseau trompette.

Parmi les autres espèces dé ce groupe,

CALA

nous citerons le calao bicorne, la calao blanc, des lies des Larrons ; le calao à casque sillonné, des archipels des Philippines et des Mariannes ; le calao à casque plat, des Philippines ; enfin, le calao d bec blanc, qui vit dans l’Inde, à Java et & Sumatra.

Les calaos à bec nu sont moins nombreux ; les plus remarquables sont le calao tock, qui habite le Sénégal, et le calao cingala, qu’on trouve dans l’Inde et à Ceylan. Les calaos vivent en bandes nombreuses dans les forêts des régions chaudes de l’ancien continent et de l’Australie. Ce sont des oiseaux tristes et taciturnes, d’un vol lourd et de peu de durée, et que leur marche sautillante paraît fatiguer beaucoup ; aussi se tiennent-ils de préférence sur les arbres élevés, en choisissant ceux dont le feuillage est peu épais, ou même les branches sèches. En volant, ils battent fréquemment des ailes et font claquer leurs mandibules ; il en résulte un bruit assez fort, qui, lorsqu’on l’entend dans l’ombre et sans en connaître la cause, a quelque chose d’étrange et même d’inquiétant. À ces traits généraux, il faut joindre les’particularités que présentent certaines espèces ; ainsi, le calao à cimier a le vol élevé etfpar suite fréquente les hautes montagnes boisées, en perchant toujours à la cime des arbres. En temps ordinaire, le cri des calaos est une espèce de mugissement sourd, quelquefois entrecoupé d’un petit gloussement aigu.

Essentiellement omnivores, ces oiseaux se nourrissent, suivant les circonstances, de fruits, de graines, d’insectes, d’œufs, de rats et de souris, de chair fraîchéou de charogne ; les grandes espèces suivent, dit-on, les chasseurs, pour manger la chair, les intestins ou les autres débris de cerfs, de vaches, de’sangliers, etc., qu’on veut bien leur abandonner. Lorsque la proie est d’assez petité taille, quand elle ne dépasse pas, par exemple, le volume d’un rat, le calao la serre pendant quelque temps dans son bec pour la ramollir ; puis il la jette en l’air, la reçoit dans son large gosier et l’avale tout entière.

Les calaos passent en tout temp3 la nuit dans les creux des grands arbres ; c’est là qu’ils font leur nid. La femelle pond quatre . ou cinq œufs d’un blanc sale, qu’elle couve, alternativement avec le mâle. Les parents ont grand soin de leurs petits, qui ne les quittent qu’à un âge avancé. Le calao s’élève facilement en domesticité ; on le nourrit de pain, de riz ou de viande cuite, mais il s’accommode de toutes sortes d’aliments. Dans l’Inde, on les nourrit dans les maisons, où ils détruisent les rats et les souris. Aussi certaines espèces sont-elles en grande vénération dans ce pays. La ehair des calaos est très-délicate ; on estime particulièrement le calao des Moluques, qui doit aux noix muscades, dont il fuit sa principale nourriture, un fumet trèsragréable et fort prisé des gourmets.

CALA.OON. V. KÉlaoun.

CALAPAN, ville de l’Océanie, dans l’île de Mindoro, archipel des Philippines, située sur une petite presqu’île que forme la côte N.-E. de l’île, par 118» 48’ long. E. et 15« 25’ de lat N. ; 2,379 hab.

CALAPÉ s. m. (ka-la-pé — mot américain). Art culin. Ragoût fait avec de la chair de tortue grillée dans l’écaillé.

CALAPITE s. f. (ka-la-pi-te). Concrétion pierreuse qui se forme dans l’intérieur des noix de coco, et que les naturels des Moluques portent enchâssée comme une amulette.

CALAPPE s. m. (ka-la-pe). Crust. Genre de erustacés décapodes brachyoures, de la famille des oxystomes, comprenant une dizaine d’espèces, disséminées dans toutes les mers : Le calappk granulé est très-abondant sur les côtes de l’Algérie. (H. Lucas.) Le eorps des calappes est presque ovale et toujours concave en dessous. (*") Il Quelques auteurs donnent à ce nom le genre féminin.

— Encycl. Les calappes constituent un genre de erustacés très-voisin des crabes. Ils ont, comme ces derniers, quatre antennes, dont les deux intermédiaires sont pliées sous le chaperon ; leur corps est court, plus large en arrière, avec les bords latéraux postérieurs très-dilatés, saillants et tranchants, en forme de demi-voûte ; ils ont dix pattes onguiculées, quise retirent, dans le repos, sous les cavités des côtés du corps ; les deux antérieures, terminées en pinces, ont les mains aplaties et en crête. C’est surtout ce dernier caractère qui, joint à la forme de leur corps, distingue les calappes des crabes. Le dernier article des antennes est bifide ; les yeux sont très-rapprochés, peu saillants, et placés sur la partie antérieure du corselet.

Le calappe granulé, appelé aussi coq de mer, crabe honteux, migraine, cancre ours, est commun dans la Méditerranée, et, d’après Rondelet, ce serait l’espèce mentionnée par Aristote et Athénée sous le nom de cribe ours, donné à ce calappe, parce que, ainsi que l’ours, il cache ses yeux avec ses larges pinces, contracte ses pattes sous la saillie creuse de son corselet, et reste ainsi comme mort tant qu’il a quelque danger à craindre. D’après Risso, le calappe granulé se tient ordinairement dans les lentes des rochers des côtes, et il en sort vers le crépuscule, pour chercher sa nourriture. Les calappes s’accouplent au’ printemps, et la femelle pond ses oeufs en été. Leur chair est bonne à raanser.

CALA

Parmi les autres espèces, nous citerons le calappe marbré, qui habite l’Océan ; les calappesblanchâtre, flammé, etc., de la mer des. Indes.

calappien, IENNE adj. (ka-Ia-pi-ain, i-è-ne —rad. calappe). Crust. Qui ressemble ou qui se rapporte aux calappes.

— s. m. pi. Tribu de la famille des oxystomes, dans les crustacés décapodes brachyoures, ayant pour type le genre calappe.

CALABDROTE s. f. (ka-lar-dro-te). Ornith. Syn. de calandrote.

CALARIÉTANs. m. (ka-la-ri-ê-tan). Philol. Dialecte de Sardaigne, qui tient de l’italien, de l’espagnol et du latin, et qui est surtout répandu dans la bonne société de Cagliari.


CALARIS, ville de Sardaigne. V. Cagliari,


CALAS (Jean), commerçant de Toulouse, né à La Caparède (Languedoc) en 1698 ; il était protestant et père d’une famille nombreuse. Le 13 octobre 1761, Marc-Antoine Calas, son fils aîné, jeune homme adonné à la débauche et d’un esprit sombre et déréglé, fut trouvé pendu dans la maison paternelle. Des calomniateurs répandirent aussitôt l’accusation horrible que ce malheureux avait été étranglé par son père parce qu’il voulait abjurer le protestantisme et rentrer dans la foi catholique. En même temps, on excita avec une habileté perfide le fanatisme populaire. Les dominicains allèrent jusqu’à ériger au suicidé un catafalque surmonté d’un squelette tenant une palme de martyr. Ni la probité bien connue de Calas, ni sa tendresse pour ses enfants, ni sa faiblesse physique, comparée à la force herculéenne de sa prétendue victime, ni la pension qu’il payait à un autre de ses fils devenu catholique, ni les mille invraisemblances que révéla l’enquête, rien enfin ne fut capable d’éclairer les juges, et le malheureux vieillard fut condamné au supplice de la roue par le parlement de Toulouse, à la pluralité de huit voix contre cinq, et exécuté le 9 mars 1762. Voltaire, alors à Ferney, recueillit sa veuve et se dévoua à la réhabilitation de cette famille infortunée. On sait quelle magnanimité et quel courage le sublime vieillard, le grand athlète de la tolérance et de la justice, déploya dans cette lutte vraiment homérique. Des historiens dignes de foi assurent que pendant trois ans que se fit attendre la révision du procès, Voltaire n’éprouva pas un seul mouvement de joie qu’il ne se le reprochât à l’instant même comme un crime. Il triompha enfin, et la vérité avec lui, entraîna le public, le barreau, la cour, et obtint la révision du jugement. Un tribunal extraordinaire de cinquante maîtres des requêtes cassa l’arrêt du parlement de Toulouse, réhabilita la mémoire de Calas et ordonna que sa famille fût indemnisée (9 mars 1765).

Dans la famille Calas, le deuil fut immense, et l’inconsolable veuve déploya l’énergie d’une matrone romaine. Depuis vingt-huit ans que son mari avait subi l’épouvantable supplice de la roue, elle n’avait jamais quitté le deuil ; sa montre, arrêtée sur l’heure de la sanglante agonie de son mari, n’avait jamais été remontée. La femme qui la servait, ayant remarqué qu’elle était douloureusement affectée toutes les fois qu’elle entendait crier un arrêt de mort, descendait précipitamment pour prier les crieurs de se détourner de la rue qu’habitait sa maîtresse, ou du moins de passer sous ses fenêtres sans élever la voix.

Calas, tragédie en cinq actes, en vers, de F.-L. Laya, représentée pour la première fois sur le théâtre de la Nation, à Paris, le 18 décembre 1790. Il y avait vingt-cinq ans que Voltaire avait obtenu la réhabilitation de la mémoire du malheureux Calas, lorsque le théâtre s’empara de l’événement et en profita pour battre en brèche le fanatisme religieux. La liberté dont jouissaient alors les spectacles permettait aux écrivains dramatiques de toucher à ces sujets, d’autant plus émouvants qu’ils appartenaient à l’histoire contemporaine. Après l’Honnête criminel de Fenouillot de Falbaire, le Calas de Laya venait encore montrer l’intolérance et la passion conduisant à l’injustice. Le fait douloureux qui forme le fond de l’ouvrage est trop connu pour qu’une analyse soit ici nécessaire ; quelques détails suffiront pour faire apprécier le mérite d’une œuvre qui obtint un assez grand succès dans son temps.

À la suite d’une journée laborieusement remplie, la famille protestante des Calas va se livrer au repos : on lit des vers de Voltaire, et Jean Calas, vieillard de soixante-trois ans, après s’être expliqué sur le fanatisme et avoir dit comment il comprend la tolérance, parle de la pension qu’il accorde à son fils Louis, quoique ce dernier se soit fait catholique, et des chagrins que lui cause l’aîné de ses enfants, Marc-Antoine Calas, esprit sombre et rêveur qui lui donne les plus vives inquiétudes. Il se fait tard, et Levaisse, jeune homme fiancé à la fille aînée de la maison, va se retirer, lorsqu’on entend pousser des cris affreux : Calas et Levaisse se précipitent à l’endroit d’où ils partent. On devine ce dont il s’agit : Marc-Antoine Calas s’est étranglé dans la maison paternelle. Sa mort, bientôt connue, donne des armes contre le malheureux vieillard à la haine du capitoul David, persécuteur déclaré des protestants, et ennemi particulier de la famille Calas. Ce David, homme dur et intraitable, fait conduire en prison Jean Calas, comme prévenu du meurtre de son propre fils. Nous le répétons, Jean Calas était protestant, et son fils allait se convertir au catholicisme lorsqu’il se tua, ce qui fit que la population égarée de Toulouse accepta aisément l’idée de son assassinat, en attendant que les juges délibérassent sous cette impression. Pour étayer de preuves cette atroce accusation, le capitoul essaye d’acheter le témoignage d’une servante ; cette tentative de séduction produit un mouvement très-dramatique, où la servante dénonce David comme ayant voulu la gagner. Malheureusement, cette dénonciation n’est point admise par les juges ; Calas est replongé dans son cachot. Il supporte le coup qui le frappe avec résignation, et c’est moins par attachement pour la vie que par amour pour les siens, que déjà il aperçoit dans l’avenir voués à l’infamie, qu’il proteste de son innocence. Un magistrat, nommé La Salle, fait de vains efforts pour sauver (a famille Calas ; mais les intrigues du capitoul triomphent de son éloquence et de son dévouement. Le magistrat est récusé, et le parlement condamne le malheureux père au supplice de la roue. Le contraste de la férocité de David et de la résignation de Calas est frappant. Ce dernier se montre plein de grandeur et de tranquille fermeté surtout dans deux situations : au quatrième acte, lorsqu’il refuse de sauver ses jours par la fuite, moyen que le vieillard regarde comme indigne de l’innocence ; et au cinquième, lorsqu’il reçoit les adieux de sa famille et qu’il jure qu’il n’est pas coupable. La cloche funèbre vient de sonner sa dernière heure : il bénit ses enfants, et le geôlier lui lie les mains ; il marche au supplice, et sa femme s’évanouit.

« On a reproché à l’auteur d’avoir dénaturé les faits, dit le Moniteur du 29 décembre 1790. Ce n’est pas le seul défaut de l’ouvrage ; mais il les rachète par des beautés réelles, par des situations attachantes et des développements vrais, par un intérêt entretenu et ménagé avec goût, par le style même, qui n’est quelquefois que trop exalté. » Il était de mode alors de mettre au théâtre les prêtres, les moines, les archevêques, et toutes les pièces en étaient remplies depuis quelque temps ; mais la municipalité, qui avait maintenant la surveillance des spectacles, avait empêché dans Calas la mise en scène d’un moine jacobin. Voici la lettre que Laya écrivit à cette occasion à la Chronique de Paris : « J’ai été aussi étonné que vous de voir paraître au dénoûment de ma pièce Jean Calas un docteur de Sorbonne, où je croyais voir un jacobin. Mais j’ai été bien plus étonné encore quand j’ai appris que cette faute venait des ordres de M. le maire, qui, à l’instant de la représentation, a cru devoir faire dépouiller à M. Grandménil l’habit d’un honnête religieux, pour lui faire revêtir celui d’un docteur, comme si le plus beau privilège de la religion n’était pas d’assister l’infortune ! Au reste, j’abandonne ceci, messieurs, à vos réflexions. » Laya publia sa pièce, en la faisant précéder d’une préface historique sur Jean Calas et suivre d’un nouveau cinquième acte.

Le 17 décembre 1790, c’est-à-dire la veille même du jour où la pièce de Laya fut jouée au théâtre de la Nation, Lemierre d'Argy avait donné sur la scène du Palais-Royal, ancien théâtre de Molière, consacré aux variétés amusantes, qui devint le Théâtre-Français de la rue de. Richelieu, Calas ou le Fanatisme, drame en quatre actes, en prose, qui garda assez longtemps l’affiche. La veuve de Calas et ses filles habitaient alors Paris, ce qui ajoutait à l’intérêt des pièces composées sur ce triste sujet ; toutefois, ces exhibitions dramatiques n’étaient pas faites pour calmer l’immense douleur de la pauvre femme. Ces détails et bien d’autres encore, avidement accueillis par la sympathie populaire, se répétaient et augmentaient l’intérêt déjà si poignant attaché à cette lugubre histoire. C’est ainsi que des pièces qui n’ont pas survécu ont pu attirer la foule, un moment, sur les scènes les plus diverses, et jouir d’une vogue que rien ne semble expliquer aujourd’hui, lorsqu’on les relit à froid.

Calas (Jean) ou l’École des juges, tragédie en cinq actes et en vers, de Marie-Joseph Chénier, représentée pour la première fois à Paris, sur le théâtre de la rue de Richelieu, le 7 juillet 1791. La pensée de faire un drame sur les malheurs de la famille Calas n’était pas venue seulement à Laya et à Lemierre d’Argy, mais à bien d’autres aussi, notamment à Chénier ; ce dernier s’étant laissé devancer, sa pièce n’obtint qu’une médiocre attention, quoique fort intéressante, très-dramatique et écrite avec une certaine force et une grande élégance. Le sujet étant le même que celui déjà traité par Laya, offrait nécessairement les mêmes personnages. L’auteur, en se soumettant d’une façon trop absolue aux proportions de la tragédie classique, s’est privé des effets que ne manqueraient pas de trouver nos écrivains dramatiques contemporains dans les libres allures du drame moderne. L’arrêt de mort qui frappe son héros, arrêt trop connu d’avance, forme le seul nœud de l’ouvrage, et la seule scène qui ait de l’empire sur le spectateur est celle où Mme  Çalas veut se donner la mort pour suivre son mari au tombeau. Un suicide ! C’est déjà un suicide qui a motivé l’accusation sous le poids de laquelle est écrasé Jean Calas, et le vieillard, dont la fermeté est inaltérable,