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la propagation extérieure de sa doctrine, inondant de ses livres et de ses missionnaires la France, les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Écosse, la Pologne. Mais sa force physique n’était pas au niveau de la tâche immense qu’il s’était imposée ; elle cessa bientôt de répondre à sa puissante volonté. Le 2 février 1564, il fit sa dernière leçon et le dimanche suivant son dernier sermon. Depuis longtemps il éprouvait de violentes douleurs qui ne lui arrachaient que ces mots : Seigneur, jusques à quand ? Avant de mourir, il voulut adresser successivement ses adieux et ses dernières recommandations aux syndics, aux membres du petit conseil et du consistoire. Ayant appris que Farel, qui était octogénaire, voulait venir de Neufchâtel pour le voir encore une fois, il lui écrivit pour l’en détourner la lettre suivante : « Adieu, très-bon et très-dévoué frère, et puisqu’il plaît à Dieu que vous demeuriez dans ce monde après moi, vivez en vous souvenant de notre union, qui a été très-utile à l’Église et dont le fruit nous attend au ciel. Je ne veux pas que vous vous fatiguiez à cause de moi : déjà je respire avec peine, et j’attends d’un moment à l’autre que le souffle me manque. Il me reste la consolation de vivre et de mourir en Christ qui ne manque aux siens ni dans la vie ni dans la mort. » Mais Farel, malgré le poids de son âge, se mit en route et vint visiter son ami mourant. Le 19 mai, avant-veille de la Pentecôte, Calvin désira assister à la censure que les ministres exerçaient les uns sur les autres pour se préparer à la cène et au repas fraternel qu’ils prenaient après en commun, en signe d’amitié. La censure et le repas eurent lieu dans sa maison, selon son désir. Il se fit porter de son lit à la table autour de laquelle étaient ses collègues auxquels il dit en entrant : Mes frères, je viens vous voir pour la dernière fois. Il bénit les viandes, essaya de manger et se fit remporter avant la fin du repas dans son lit pour n’en plus sortir. Le 27 mai, il expira vers les huit heures du soir, sans éprouver aucune douleur ; il avait conservé jusqu’à la fin sa présence d’esprit. « Et voilà, dit Théodore de Bèze, comment en un même instant, ce soir-là le soleil se coucha, et la plus grande lumière qui fut en ce monde pour l’adresse de l’Église de Dieu en fut retirée. »

Les portraits que nous avons de Calvin le représentent avec un visage pâle, jaune, décharné et avec une longue barbe, taillée en pointe. Le réformateur était d’une santé extrêmement débile. Il s’était marié, toutefois, en 1540, mais beaucoup moins par goût que pour protester contre le célibat. Il avait épousé la veuve d’un anabaptiste converti, Idelette de Bures, qu’il perdit en 1549 et dont il eut un fils, mort en bas âge.

Il vivait modestement, dans une maison de peu d’apparence, avec cent écus d’appointements auxquels il ne voulut jamais permettre que le conseil ajoutât quelque chose. Il dormait fort peu, dictait une partie de la nuit, ne prenait qu’un repas en vingt-quatre heures, à la suite duquel, après s’être promené un quart d’heure, il retournait à l’étude. On peut avec justice accuser son caractère chagrin, impérieux, violent, vindicatif, mais il faut reconnaître et admirer son désintéressement, sa sobriété, son activité infatigable. « Mes ennemis, disait-il, s’imaginent que je suis en mon règne parce que je suis accablé de travail. Si, pendant que je suis en vie, quelques-uns ne se peuvent persuader que je n’aie de grandes richesses, un jour ma mort le fera voir. » — « J’avoue, ajoutait-il fièrement, que je ne suis pas pauvre, parce que je ne souhaite que ce que j’ai. »

Le système religieux de Calvin, que nous exposerons ailleurs (v. calvinisme), se distingue des autres doctrines protestantes par les caractères suivants : origine démocratique de l’autorité religieuse ; suppression complète des cérémonies ; négation absolue de la tradition ; dogme de la prédestination ; réduction des sacrements au baptême et à la cène.

La faculté maîtresse en Calvin, c’est la volonté. Cette volonté réfléchie, qui connaît son but et qui y marche en droite ligne sans s’arrêter, sans se détourner, fait contraste avec la spontanéité impétueuse de Luther. Cette force de volonté se révèle dans l’austérité et la tempérance de Calvin, dans son mépris du corps, des sens, de la nature, dans sa dureté pour soi-même et pour les autres, dans son intolérance cruelle, que ne fléchit aucun sentiment, dans sa persévérance infatigable à lutter contre les obstacles sans jamais faire de concession, dans sa conception du gouvernement divin, dans le caractère antiféminin qu’il imprime au dogme et au culte en n’accordant rien à l’imagination, aux sens, au cœur, dans sa fermeté stoïque en face de la mort, dans son travail prodigieux et régulièrement organisé, dans sa conviction étroite, âpre, absolue que ne vient jamais traverser le doute, dans son intelligence ouverte à un seul point de vue, et incapable d’admettre des contradictions, dans sa logique puissante, dans son talent méthodique, et jusque dans son style précis qu’on peut appeler un style de caractère. La personnalité de Calvin inspire de la répulsion en même temps qu’elle oblige au respect ; elle fait, pour ainsi dire, violence à l’admiration. Qui pourrait aimer cet homme qui semble n’avoir jamais aimé ? La physionomie de Luther est plus sympathique, plus attrayante, parce qu’elle est plus humaine. Si nous voulons comparer ces hommes de la Réforma avec les hommes de la Révolution, nous retrouvons dans Mirabeau, Luther ; Calvin fait penser à Robespierre ou à Saint-Just. Simple et mâle, le christianisme de Calvin, avec sa haine des idoles et son Dieu tout-puissant, à volonté arbitraire et à justice terrible, semble ressusciter la religion de Jéhovah, le Jaloux ; il ne compatit pas à la faiblesse, il n’a ni sourire ni larmes ; il ignore la bonté, la douceur, l’onction et la mélancolie évangéliques. C’est un retour à ce qu’on peut appeler le monothéisme despotique. Calvin paraît s’être inspiré de Moïse et non de Jésus.

Si maintenant nous considérons en Calvin un des pères de la langue française, nous devons remarquer que c’est une bonne fortune pour cette langue d’avoir reçu l’empreinte d’un tel génie. Ce logicien qui écrivait pour convaincre, non pour s’amuser ni pour amuser, lui a donné le sérieux, la gravité, la dignité, la force, en un mot a fait un langage viril, instrument merveilleux de la raison, de ce qui n’avait offert jusqu’à lui qu’un babillage naïf et enfantin.

Le recueil le plus complet que l’on possède des ouvrages de Calvin fut publié à Amsterdam (1667 et années suiv., 9 vol. in-fol.). Le plus important de ses ouvrages est l’Institution chrétienne, dont nous avons déjà parlé et qui sera l’objet d’un article spécial (v. Institution chrétienne). Nous citerons, en outre, un traité assez recherché des amateurs, la Psychopannychie, écrit par Calvin en 1554, contre certains protestants qui enseignaient le sommeil de l’âme jusqu’au jour du jugement dernier. Plusieurs grandes bibliothèques, notamment celle de Genève, conservent des lettres et autres manuscrits originaux de Calvin.

Terminons cette biographie par les jugements de quelques auteurs sur Calvin.

Bossuet (Histoire des variations). « Je ne sais si le génie de Calvin se serait trouvé aussi propre à échauffer les esprits et à émouvoir les peuples que le fut celui de Luther : mais, après les mouvements excités, il s’éleva en beaucoup de pays, principalement en France, au-dessus de Luther même… Calvin raisonnait plus conséquemment que Luther ; mais il s’engageait aussi à de plus grands inconvénients, comme il arrive nécessairement à ceux qui raisonnent sur de faux principes La différence entre Luther et Calvin, quand ils se vantent, c’est que Luther, qui s’abandonnait à son humeur impétueuse, sans jamais prendre aucun soin de se modérer, se louait lui-même comme un emporté ; mais les louanges que Calvin se donnait sortaient par force du fond de son cœur, malgré les lois de modération qu’il s’était prescrites, et rompaient violemment toutes ces barrières….. Donnons à Calvin la gloire d’avoir aussi bien écrit qu’homme de son siècle ; mettons-le même, si l’on veut, au-dessus de Luther ; car encore que Luther eût quelque chose de plus original et de plus vif, Calvin, inférieur par le génie, semblait l’avoir emporté par l’étude. Luther triomphait de vive voix : mais la plume de Calvin était plus correcte, surtout en latin ; et son style, qui était plus triste, était aussi plus suivi et plus châtié….. Ils excellaient l’un et l’autre à parler la langue de leur pays ; l’un et l’autre étaient d’une véhémence extraordinaire ; l’un et l’autre, par leur talent, se sont fait beaucoup de disciples et d’admirateurs ; l’un et l’autre, enflés de ce succès, ont cru pouvoir s’élever au-dessus des Pères ; l’un et l’autre n’ont pu souffrir qu’on les contredît, et leur éloquence n’a été en rien plus féconde qu’en injures….. Les adversaires de Calvin ne sont jamais que des fripons, des fous, des méchants, des ivrognes, des furieux, des enragés, des taureaux, des ânes, des chiens, des pourceaux ; et son beau style est souillé de toutes ces ordures à chaque page. Catholiques et luthériens, rien n’est épargné….. Auprès de cette violence, Luther était la douceur même ; et s’il faut faire la comparaison de ces deux hommes, il n’y a personne qui n’aimât mieux essuyer la colère impétueuse et insolente de l’un que la profonde malignité et l’amertume de l’autre, qui se vante d’être de sang-froid quand il répand tant de poisons dans ses discours….. Ceux qui ont vu les variations infinies de Luther pourront demander si Calvin est tombé dans la même faute. À quoi je répondrai que, outre que Calvin avait l’esprit plus suivi, il est vrai d’ailleurs qu’il a écrit longtemps après le commencement de la Réforme prétendue ; de sorte que les matières ayant déjà été fort agitées, et les docteurs ayant plus de loisir de les digérer, la doctrine de Calvin paraît plus uniforme que celle de Luther. »

Voltaire (Essai sur les mœurs et l’esprit des nations). « Calvin écrivait mieux que Luther et parlait plus mal:tous deux laborieux et austères, mais durs et emportés ; tous deux brûlant de l’ardeur de se signaler et d’obtenir cette domination sur les esprits qui flatte tant l’amour-propre et qui d’un théologien fait une espèce de conquérant. Les catholiques peu instruits, qui savent en général que Luther, Zwingle, Calvin se marièrent, que Luther fut obligé de permettre deux femmes au landgrave de Hesse, pensent que ces fondateurs s’insinuèrent par des séductions flatteuses, et qu’ils ôtèrent aux hommes un joug pesant pour leur en donner un très-léger ; mais c’est tout le contraire : ils avaient des mœurs farouches : leurs discours respiraient le fiel. S’ils condamnèrent le célibat des prêtres, s’ils ouvrirent les portes des couvents, c’était pour changer en couvent la société humaine : les jeux, les spectacles furent défendus chez les réformés ; Genève, pendant plus de cent ans, n’a pas souffert chez elle un instrument de musique… On ne réussit guère chez les hommes, du moins jusqu’aujourd’hui, en ne leur proposant que le facile et le simple : le maître le plus dur est le plus suivi ; ils ôtaient aux hommes le libre arbitre, et l’on courait à eux. Ni Luther, ni Calvin, ni les autres ne s’entendirent sur l’eucharistie ; l’un voyait Dieu dans le pain et dans le vin comme du feu dans un fer ardent ; l’autre, comme le pigeon dans lequel était le Saint-Esprit….. Le calvinisme est conforme à l’esprit républicain, et cependant Calvin avait l’esprit tyrannique….. Il avait d’abord prêché la tolérance ; mais il changea d’avis dès qu’il se livra à la fureur de sa haine théologique ; il demandait la tolérance dont il avait besoin pour lui en France, et il s’armait de l’intolérance à Genève… Les vices des hommes tiennent souvent à des vertus. Cette dureté de Calvin était jointe au plus grand désintéressement. »

J.-J. Rousseau (Lettres écrites de la montagne). « Quel homme fut jamais plus tranchant, plus impérieux, plus décisif, plus divinement infaillible à son gré que Calvin, pour qui la moindre opposition, la moindre objection qu’on osait lui faire, était toujours une œuvre de Satan, un crime digne du feu ! »

Guizot (Musée des protestants célèbres). « Luther vint pour détruire, Calvin pour fonder, par des nécessités égales, mais différentes….. Calvin fut l’homme de cette seconde époque de toutes les grandes révolutions sociales, où, après avoir conquis par la guerre le terrain qui doit leur appartenir, elles travaillent à s’y établir par la paix, selon les principes et sous les formes qui conviennent à leur nature….. L’idée générale selon laquelle Calvin agit en brûlant Servet était de son siècle, et on a tort de la lui imputer. »

Mignet (Mémoire sur l’établissement de la Réforme à Genève). « Calvin fut, dans le protestantisme, après Luther, ce qu’est la conséquence après le principe ; dans la Suisse après Farel, ce qu’est la règle après une révolution. La Providence fait arriver les choses en leur temps, et les hommes pour les choses ; aussi Calvin prit le rôle qui convenait à son époque et à ses facultés….. Il aurait été incapable de soutenir la formidable lutte que Luther engagea avec un courage mêlé de tant d’adresse contre un adversaire qui n’avait jamais été vaincu. Il manquait de l’audace qui renverse, du génie qui invente, de la flexible habileté qui conduit, et même, on peut le dire, de l’éloquence qui entraîne, toutes qualités que Luther avait à un degré éminent. Il aurait été tout aussi peu propre à convertir la Suisse française, comme l’avait fait Farel, et à gagner une à une ses vallées et ses villes, pendant douze ans d’un aventureux apostolat. Mais s’il n’avait ni le génie de l’invention ni celui de la conquête ; s’il n’était ni un révolutionnaire comme Luther ni un missionnaire comme Farel, il avait une force de logique qui devait pousser plus loin la réforme du premier, et une faculté d’organisation qui devait achever l’œuvre du second. C’est par là qu’il renouvela la face du protestantisme et qu’il constitua Genève. »

Pierre Leroux (Encyclopédie nouvelle). « Calvin ne voulut pas donner à la Réforme, comme Luther un signal de liberté, mais un signal d’ordre et d’organisation. Il essaya de diriger et de contenir les flots que Luther avait soulevés. Luther fut le vengeur de Jean Huss, et Calvin dressa le bûcher de Servet….. Semblable à ces hommes de notre Révolution devenus cruels à force d’être inquiets sur le triomphe de la cause à laquelle ils s’étaient dévoués, Calvin fut inexorable et sans pitié… Calvin s’était attaché à la Réforme comme à quelque chose de complet et d’absolu, il ne concevait pas que l’esprit humain allât plus loin, et, comme tous ceux qui veulent organiser dans le désordre d’une révolution et qui n’ont pas un assez vif sentiment de l’avenir, il chercha dans le passé même, et dans ce qu’on venait de renverser, un modèle pour reconstruire. Genève lui tomba sous la main, il en fit une Rome….. Quelle différence entre Luther et Calvin ! il ne s’agit pas de les comparer sous le rapport du génie. C’étaient deux génies trop divers pour être mis en parallèle ; l’un fut un poète et l’autre un légiste, l’un avait du guerrier et l’autre de l’homme d’État. Mais combien Luther est plus grand dans l’histoire ! C’est un homme tourné vers l’avenir….. La philosophie peut accepter Luther pour son introducteur. Il est en marche avec l’humanité. Mais Calvin, c’est quelque chose de restreint et d’isolé, comme un roc escarpé et solitaire ; c’est un homme qui s’arrête et qui veut arrêter la caravane humaine ; un mécontent, qui n’a ni tradition ni postérité, en lutte avec le passé, en lutte avec l’avenir. »

Nisard (Histoire de la littérature française). « Je ne vois pas sans admiration, à l’entrée même des trois grands siècles de notre littérature, deux hommes si profondément divers, et toutefois si français, Rabelais et Calvin. L’un épicurien, exagérant trop souvent les excès du dernier du troupeau, au visage enjoué et fleuri, chargé sur la fin de sa vie de tout l’embonpoint qu’il reprochait aux moines ; l’autre, une sorte de stoïcien chrétien, petit et maigre de corps, au visage pâle, exténué, où la vie ne se révélait que dans le regard, représentant l’esprit de discipline jusqu’au point où il devient tyrannie, de même que Rabelais représente l’esprit de liberté jusqu’au point où il devient licence. Ces contrastes si frappants, ces caractères et ces tours d’esprit si opposés, qui se produisent à la même époque et sous les mêmes influences, je n’imagine pas que ce soit par hasard. Je cherche s’il n’y a pas là comme une double personnification et une double tradition des deux grands caractères de l’esprit français, la rigueur logique et cette liberté aimable que la logique a réglée sans la gêner….. Calvin ne perfectionna pas seulement en l’enrichissant la langue générale, il créa une langue particulière, dont les formes, très-diversement appliquées, n’ont pas cessé d’être les meilleures, parce qu’elles ont été tout d’abord les plus conformes au génie de notre pays, je veux dire la langue de la polémique. C’est ce style de la discussion sérieuse, plus habituellement nerveux que coloré et qui a plus de mouvement que d’image, son objet n’étant point de plaire, mais de convaincre ; instrument formidable par lequel la société française allait conquérir un à un tous ses progrès, et faire passer dans les faits tout ce qu’elle concevait par la raison. »


CALVINIEN, IENNE adj. (kal-vi-ni-ain, i-è-ne — rad. Calvin). Qui appartient au calvinisme : Les Églises calviniennes. (Boss.)


CALVINISME s. m. (kal-vi-ni-sme — rad. Calvin). Doctrine religieuse de Calvin : Celui de ses aïeux qui avait embrassé le calvinisme fut obligé d’abandonner sa patrie. (Condorcet.) Le calvinisme fut la religion de tous les insurgés. (Mignet.) Le papisme pousse au célibat, le calvinisme pousse à la famille. (Balz.)

C’est, selon eux, prêcher un calvinisme horrible.
                 Boileau.

J’ai vu naître autrefois le calvinisme en France.
                 Voltaire.

— Par ext. Ensemble des personnes qui professent le calvinisme : Louis XIV, qui avait proscrit le calvinisme avec tant de hauteur, fit la paix, sous le nom d’amnistie, avec un garçon boulanger. (Volt.)

Encycl. I. — Exposition sommaire de la doctrine calviniste. Pour donner une idée générale de la doctrine calviniste, il convient d’abord de citer Bossuet.

« Par son esprit pénétrant et par ses décisions hardies, Calvin, dit l’auteur de l’Histoire des variations, raffina sur tous ceux qui avaient voulu, en ce siècle-là, faire une Église nouvelle, et donna un nouveau tour à la Réforme prétendue. Elle roulait principalement sur deux points, sur celui de la justification et sur celui de l’eucharistie. Pour la justification, Calvin s’attacha, autant pour le moins que Luther, à la justice imputative, comme un fondement commun de toute la nouvelle réforme ; et il enrichit cette doctrine, de trois articles importants. Premièrement cette certitude, que Luther reconnaissait seulement pour la justification, fut étendue par Calvin au salut éternel ; c’est-à-dire qu’au lieu que Luther voulait seulement que le fidèle se tînt assuré, d’une certitude infaillible, qu’il était justifié, Calvin voulut qu’il tînt pour certaine avec sa justification sa prédestination éternelle : de sorte qu’un parfait calviniste ne peut non plus douter de son salut qu’un parfait luthérien de sa justification….. De là s’ensuivait un second dogme : c’est qu’au lieu que Luther demeurait d’accord que le fidèle justifié pouvait déchoir de la grâce, Calvin soutient au contraire que la grâce, une fois reçue, ne se peut plus perdre : ainsi qui est justifié et qui reçoit une fois le Saint-Esprit est justifié et reçoit le Saint-Esprit pour toujours. C’est ce dogme qui est appelé l’inamissibilité de la justice. Il y eut encore un troisième dogme que Calvin établit comme une suite de la justice imputée : c’est que le baptême ne pouvait pas être nécessaire au salut, comme le disent les luthériens….. Si nous sommes justifiés par la seule foi, le baptême n’est nécessaire ni en effet ni en vœu. C’est pourquoi Calvin ne veut pas qu’il opère en nous la rémission des péchés ni l’infusion de la grâce, mais seulement qu’il en soit le sceau et la marque que nous l’avons obtenue. Il est certain qu’en disant ces choses, il fallait dire en même temps que les petits enfants étaient en grâce indépendamment du baptême. Aussi Calvin ne fit-il point de difficulté de l’avouer. C’est ce qui lui fit inventer que les enfants des fidèles naissaient dans l’alliance, c’est-à-dire dans la sainteté que le baptême ne faisait que sceller en eux… Quand je regarde Calvin comme l’auteur de ces trois dogmes, je ne veux pas dire qu’il soit absolument le premier qui les ait enseignés ; car les anabaptistes et d’autres encore les avaient déjà soutenus, ou en tout ou en partie, mais je veux dire qu’il leur a donné un nouveau tour, et a fait voir mieux que personne le rapport qu’ils ont avec la justice imputée….. Jusqu’ici Calvin s’est élevé au-dessus des luthériens, en tombant aussi plus bas qu’ils n’avaient fait. Sur le point de l’eucharistie, il s’éleva non-seulement au-dessus d’eux, mais encore au-dessus des zwingliens ; et, par une même sentence, il donna le tort aux deux partis qui divisaient depuis si longtemps toute la nouvelle réforme. Il y avait quinze ans qu’ils disputaient sur le point de la présence réelle, sans jamais avoir pu convenir, quoi qu’on ait pu faire pour les met-