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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 1, Ca-Cap.djvu/194

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Le calvinisme à Genève. V. Calvin.

Le calvinisme en France. Dès son entrée en France, la Réforme avait été accueillie par la persécution ; mais, sous la persécution, les calvinistes se multipliaient, et la religion allait s’étendant au milieu des supplices. Sous Henri II, elle portait k deux mille le nombre de ses églises et prenait place au parlement, Henri II vint en personne y écouter une discussion sur ses édits contre les réformés. L’honnêteté courageuse de Dufaur et d’Anne Dubourg ne fut pas intimidée par la présence du roi. Ils s’élevèrent contre ces persécutions si peu chrétiennes, et le second, opposant au crime imaginaire de protestantisme les crimes plus réels de parjure et de débauche, parut ainsi désigner hautement le triste souverain qui prétendait à l’honneur de défendre l’Église romaine. Dubourg fut arrêté et brûlé vif en place de Grève.

Sous François II, les deux religions se trouvèrent pour la première fois en présence, formant deux partis prêts à la lutte : les calvinistes avaient pour chef le roi de Navarre et son frère le prince de Condé, tandis que le catholicisme se personnifiait dans la puissante maison de Lorraine, dans les Guises. Un coup de main faillit livrer le pouvoir aux réformas. Le prince de Condé, l’amiral de Coligny et un grand nombre de gentilshommes protestants préparèrent l’enlèvement du roi qu’on espérait surprendre à Amboise. V. Amboise (Conjuration d’). Mais l’entreprise fut prévenue et déjouée, ; les protestants conjurés furent égorgés isolément sur les chemins ; quelques-uns, réservés pour une exécution solennelle, furent décapites devant le roi et la cour.

L’avènement de Charles IX suspendit un instant les vengeances. Catherine de Médicis, qui redoutait les Guises, enflés par leur récente victoire, s’appuya contre eux sur le vénérable chancelier de L Hôpital qui, égaré en ce temps de guerre civile et de mutuelle intolérance, souffrait de tous les coups portés par les deux partis, soit à l’unité nationale, soit aux droits do la conscience. Mais les passions religieuses, emportant les esprits d’un côté ou de l’autre, devaient rendre cette politique longtemps impuissante. Après l’inutile colloque de Poissyv. Poissy (Colloque de)], qui mit en présence les théologiens des deux religions, le massacre des protestants à Vassy par les gens du duc de Guise donna le signal de la guerre civile fv. Vassy (Massacre de)]. Chaque parti appelle l’étranger sans scrupule. Les Guises recevaient les conseils et les secours du roi (l’Espagne ; les Anglais occupaient le Havre au nom des réformés. Rouen, emporté par les catholiques, fut pillé huit jours, pendant que les protestants attaquaient Paris, défendu par les Espagnols. Une bataille décisive fut livrée à Rennes ; les protestants y furent vaincus. Le duc de Guise vint assiéger Orléans et l’eût pris, si un protestant fanatique ne l’eût tué par trahison dans son camp. Les deux partis affaiblis, l’un par une défaite et l’autre par un meurtre, laissèrent Catherine de Médicis conclure la paix à Amboisa avec le prince de Condé. La paix d’Amboise ne fut qu’une courte trêve. Un an après, la lutte recommençait ; La bataille indécise de Saint-Denis fut suivie de la paix de Lonjumeau. Cependant la ruse et la violence étaient devenues les seules règles de la politique de la cour. On voulut frapper à la tête le parti protestant, surprendre Condé, Coligny, Jeanne d’Albret. Le coup de main fut manqué, et la guerre se ralluma. La bataille de Jarnac, dans laquelle périt le prince de Condé, et celle de Moncontour semblèrent accabler les calvinistes ; ils obtinrent pourtant, grâce à l’habileté et a l’énergie de Coligny, des conditions avantageuses, par la paix de Saint-Germain, conclue le 15 août 1570. On leur accordait, outre Je libre exercice du culte et l’égale admission à tous les emplois, quatre places fortes livrées a des garnisons protestantes, et la main de la sœur du roi pour le jeune Henri de Navarre. Mais cette paix recouvrait la Saint-Barthélémy (v. ce mot), l’épisode le plus horrible du xvie siècle et de toute notre histoire. « Si le souvenir de cette journée, dit M. Prévost-Paradol, ne peut s’ettacer de la mémoire des hommes, c’est que jamais un crime public n’a été aussi solennellement préparé, aussi cruellement accompli, aussi imprudemment Justine. Ce conseil des chefs de l’État organisant dans la cité l’assassinat et le pillage, ce jeune roi rassurant, par des embrassements hypocrites, ceux qu’il a désignés pour le meurtre, ce peuple ivre de sang, cette cour qui va en grande pompe voir à Montfaucon ce qui reste du corps de Coligny ; le massacre ranimé à Paris par un prétendu miracle, propagé dans toute la France par les ordres exprès du roi, officiellement applaudi par le roi d’Espagne et par la cour de Rome ; ce mélange repoussant de ferveur religieuse et de rage sanguinaire, de crédulité ridicule et d’impitoyable politique, tout contribue à donner a la Saint-Barthélémy la première place parmi les événements à la fois les plus déplorables et les plus instructifs qu’ait causés en Europe la lutte du protestantisme et de l’Église romaine. » Charles IX était mort, l’imagination frappée de son crime. Sous Henri III, les calvinistes reprirent les armes et arrachèrent au gouvernement de nouveaux traités. Plus occupé de ses plaisirs que de la lutte des deux religions, Henri IU secondait plutôt les pacifiques desseins du parti politique que la haine

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Impérieuse et pressante des catholiques et de leurs chefs. Ces derniers, voyant le peu de zèle du gouvernement et l’inconstance égoïste de sa politique, résolurent de ne plus compter que sur eux-mêmes, et la Ligue naquit. Elle s’appuyait sur l’Espagne, sur le saint-siége et sur la formidable puissance des passions populaires ; son objet principal et avoué était le maintien et la défense de la religion catholique. Son véritable chef était Henri de Guise, dont elle voulait faire le successur des Valois, sans respect du principe dynastique. L’ambition du duc de Guise touchait au but ; une insurrection de Paris lui avait donné la réalité du pouvoir royal en attendant qu’il en eût le titré. Mais le faible Henri III, qu’il avait forcé de s’enfuir dû Louvre et qui n’avait plus qu’une autorité nominale, se vengea de son humiliation en le faisant assassiner (1589). La mort du duc de Guise eut pour résultat de jeter le pouvoir royal dans une alliance nécessaire avec le parti protestant, et la Ligue dans une sorte d’opposition démocratique contre le pouvoir royal.

Cette situation politique se révéla d’une manière plus claire et plus décisive encore lorsque la mort d’Henri IU, assassiné par le moine Jacques Clément, le 31 juillet 1589, fit du roi de Navarre l’hériter légitime du trône. On vit l’Église catholique, poussée par l’instinct de conservation et faisant violence à son génie monarchique, invoquer hautem’ent ; en France la souveraineté populaire contre le principe légitimiste, le droit de la nation contre l’hérésie du souverain, en même temps qu’en Autriche, en Espagne, dans les Pays-Bas, elle invoquait la souveraineté royale contre l’hérésie des peuples. Henri IV eut donc à joindre, comme l’a dit Voltaire, le droit de conquête a son droit de naissance. Après avoir remporté successivement les victoires" d’Arqués (1589) et d’Ivry (1590), il vint assiéger Paris. La population parisienne, excitée chaque jour par des cérémonies religieuses et par des prédications ardentes, se défendit avec acharnement. La prince de Parme et les Espagnols, venus des Pays-Bas, forcèrent Henri IV il lever le siège. Mais la division était entrée dans la capitale et y préparait la paix, ; l’intervention de l’Espagne avait compromis la Ligue, et le sentiment national, réveillé et blessé par la perspective de la domination de Philippe II, ne tarda pas à balancer dans les âmes le sentiment religieux. Henri IV, qui par la nature et les tendances de son esprit appartenait plutôt au parti des politiques qu’à celui des protestants, leva tout obstacle à son avènement au trône en se faisant catholique. La Réforme s’était vue au moment de monter sur le trône avec lui. Il crut s’acquitter envers elle par l’édit de Nantes [v. Nantes (Edit de)]. Cet édit, le plus célèbre de la monarchie, donna à la religion catholique la suprématie officielle, à la religion protestante la liberté. Egale admission des protestants et des catholiques à toutes les charges, possession garantie de plusieurs places de sûreté, libre exercice du culte dans les châteaux et dans un certain nombre de villes, établissement d’une chambre protestante au parlement de Paris, et de chambres mi-partie à Castres, Bordeaux et Grenoble, faculté de se réunir par députés pour traiter avec le gouvernement des intérêts de la religion protestante : tels furent les droits que l’édit de Nantes accorda aux calvinistes.

Sous Louis XIII, les protestants, menacés par de Luynes, qui avait rétabli le catholicisme dans le Béarn, se réunirent en une grande assemblée siégeant à la Rochelle, et décidèrent de commencer une guerre nouvelle dont le but était l’établissement d’une sorte de république analogue à celle des Provinces-Unies. Mais cette tentative républicaine, confondue avec les soulèvements anarchiques de l’aristocratie, ne trouva aucun appui dans la nation. L’inégalité des forces, la terreur qu’inspiraient les cruautés de l’armée royale, et surtout la défection des nobles qui se vendirent à la cour, réduisirent les protestants à subir la paix de Montpellier. Les assemblées leur furent défendues, leurs places furent démantelées, sauf Montauban et la Rochelle qui restèrent inviolables. D’ailleurs les garanties les plus nécessaires stipulées par l’édit de Nantes furent confirmées.

L’édit de Nantes avait donné et la paix de Montpellier avait laissé aux protestants non-seulement la liberté de conscience, mais encore des garanties matérielles et une indépendance politique qui mettaient obstacle à l’unité de la nation, en formant un État dans l’État. Richelieu entreprit de leur ôter cette indépendance politique ; il y réussit par la prise de la Rochelle et des autres villes de refuge (1628) ; l’édit de Nantes ne fut plus dès lors qu une simple charte religieuse, et les calvinistes, désarmés, privés de toute force politique et militaire, n’eurent plus d’autre garantie que la parole royale. Bien faible garantie que respecta Mazann, Adèle à la tradition d’Henri IV et de Richelieu, mais qui ne les protégea point contre l’intolérance aussi impolitique qu’odieuse de Louis XIV.

Poussé par les jésuites et par M™e de Maintenonj secondé par les préjugés des catholiques éclairés, unanimes alors contre la liberté de conscience, Louis XIV entreprit de ramener la France à l’unité religieuse. Le gouvernement, mû par une seule volonté, se mit à l’ceuvre ; on n’employa d’abord que l’argent et la ruse, puis on trouva que ces moyens agis CALV

saient trop lentement ; l’impatience d’un pouvoir habitué à, né rencontrer aucune résistance fit recourir à la violence ouverte. Alors commença la plus honteuse et la plus dure des persécutions. On dérobait aux réformés leurs enfants pour les élever dans la religion catholique ; on déclarait leurs mariages nuls, afin de les réduire par la douleur de ne pouvoir légitimer leurs enfants ; les dragons, logés chez les protestants, étaient les missionnaires chargés de hâter les conversions, et Louvois les dirigeait dans cette besogne. Enfin, l’édit du 22 octobre, révoquant l’édit de Nantes, vint achever l’œuvre commencée en proclamant l’interdiction du culte public, l’expulsion des ministres, la démolition des temples et des écoles des réformés. La révocation de l’édit de Nantes eut deux résultats : l’émigration de plus de deux cent mille protestants, qui allèrent porter aux ennemis de la France, avec les secrets de notre industrie, le secours de leur ressentiment et de leur courage ; et les sanglantes guerres des Cévennes, qui donnèrent a l’Europe le spectacle d’une Saint-Barthélémy prolongée.

Après avoir reparu sous Louis XV, en 1746, dans le Dauphiné et le Languedoc, et subi de nouvelles persécutions, les calvinistes virent enfin luire le jour de cette tolérance que, sous l’inÛuence des philosophes, l’opinion réclamait avec une énergie croissante pour toutes les sectes. Malesherbes, dans un mémoire aussi noble qu’éloquent, demanda pour eux l’état civil en 1785. Ce droit leur fut accordé, sur le rapport du duc de Breteuil, et l’édit fut enregistré dans la séance royale de 1787. Fille de la philosophie du xvme siècle, la Révolution de 1789 consacra le grand principe de la liberté des cultes, inscrit depuis lors dans toutes nos constitutions. Depuis 1802, le culte calviniste est reconnu par l’État, qui en salarie les ministres. Enfin la charte de 1830, en cessant de reconnaître le catholicisme comme religion de l’État, a proclamé l’entière égalité de tous les cultes devant la loi.

Parmi les causes qui ont empêché le triomphe du calvinisme en France, on peut en signaler deux principales : la résistance du pouvoir royal a une révolution religieuse, et la formation du parti des politiques. La résistance de la royauté à la réformation religieuse fournit un obstacle d’autant plus redoutable à son établissement et à son progrès, que l’autorité monarchique en France était sortie triomphante de toutes les luttes du moyen âge, s’était fortement organisée et avait acquis un ascendant irrésistible. Mais d’où venait cette résistance de la royauté î D’un juste sentiment de son intérêt. Elle comprenait très-bien qu’elle n’avait rien à gagner et qu’elle avait beaucoup à perdre à la Réforme. • Qu’avaient à gagner les rois, dit très-bien M. Mignet, en adoptant la nouvelle religion ? Leur indépendance de la cour de Rome ? Ils l’avaient conquise depuis Philippe le Bel. L’obéissance de leur clergé ? Ils l’avaient rendu gallican par la pragmatique sanction qui l’avait soustrait à l’influence politique du pape ; monarchique, par le concordat de Léon X, qui l’avait placé sous la main du ■roi. L’acquisition de ses biens ? Ils en disposaient par la nomination aux bénéfices, par la possibilité de s’en approprier tes revenus ou même de les vendre. Ainsi la Réforme ne tentait pas leur ambition, mais de plus elle excitait leur crainte. Ils étaient parvenus à détruire le caractère féodal de la noblesse, la tendance ultramontaine du clergé, les constitutions républicaines des villes ; ils ne voulaient pas laisser pénétrer dans leurs États des idées d’indépendance et des causes de contestation qui pourraient aider la noblesse à reconstituer la féodalité, le clergé à reconnaître la suprématie romaine, les villes à rétablir la démocratie municipale, a 11 faut ajouter que le culte catholique avec la pompe de ses cérémonies, la morale catholique avec les Inépuisables pardons et les moyens de salut multipliés qu’elle offrait aux désordres, la hiérarchie catholique avec sa distinction tranchée d’une Église enseignée purement passive et d’une Église enseignante gouvernée par un petit nombre de chefs supérieurs, s’adaptait oien mieux à l’organisation d’une grande monarchie, à l’éclat, au luxe et aux vices d’une cour, que la hiérarchie élective et démocratique, le culte simple et nu, la morale sévère et intraitable du calvinisme.

La seconde cause que nous avons assignée à l’échec de la Réforme en France est également importante. Placée entre l’Espagne de Charles-Quint et de Philippe II et l’Angleterre de Henri VIII et d’Elisabeth, la France ne pouvait adopter une politique exclusivement religieuse sans se subordonner à l’une ou à l’autre de ces puissances ; aussi s’affranchitelle tout d’abord dans sa politique extérieure de toute préoccupation théologique, et se trouva-t-elîe appelée par la nature des choses à défendre en Europe l’équilibre des deux religions, au lieu de favoriser le triomphe do l’une d’elles. Cette politique d’équilibre, qui était au fond la politique de la liberté relifieuse, cette politique indifférente en matière e dogme, qui niait le fanatisme, le droit et le devoir absolu de la foi, devait forcément réagir à l’intérieur. Dès le commencement de la lutte entre catholiques et huguenots, il se forma un tiers parti qui voulut rendre cette lutte inutile, et qui, sans avoir combattu, finit par remporter la victoire. Ce tiers parti, dit des politiques, devait naturellement grandir, parce qu’il représentait l’intérêt français, le sentiment national, et aussi la modération, le

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bon sens, l’humanité, l’esprit philosophique et juridique, contre l’exclusivisme des deux partis religieux opposés. Sa tendance n’était pas de changer la religion de l’État, mais de séparer la politique de la religion à l’intérieur comme à 1 extérieur, et par là de rendre l’unité nationale indépendante de l’unité religieuse. « Faible à ses débuts, dit M. Prévost-Paradol, le parti politique alla croissant tous les jours, et devint avec le temps maître des affaires publiques ; il s’appliquait à distinguer dans la Réforme l’indépendance politique de la liberté religieuse, pour sacrifier la première au pouvoir royal et pour conserver la seconde aux consciences ; il se réjouit de la prise de la Rochelle, il gémit de la révocation de l’édit de Nantes, el parvint ainsi jusqu’à la Révolution française, où il consacra la liberté des cultes et leur égalité devant la loi. »

Le calvinisme en Écosse et en Angleterre. Le calvinisme avait de bonne heure pénétré en Écosse. Il s’y affermit sous la direction énergique de Jean Knox, qui apportait de Genève la fanatisme et la rigueur de Calvin. Un covenant avait resserré l’union des seigneurs écossais pour la défense de la Réforme, et l’appui d’Elisabeth les avait délivrés de la présence des troupes françaises, qui inquiétaient les réformateurs. Adopté, en 1550, par un votû solennel du parlement écossais, organisé pâlie Livre de la discipline, qui confiait le culte a de simples ministres, égaux entre eux et êltls par les fidèles, imposé par l’éducation aux, générations futures, le calvinisme presbytérien était maître du présent et de l’avenir du pay.f-Il pouvait défier les plus habiles et les plus vigoureux adversaires ; il défit en se jouant les tentatives de l’infortunée Marie Stuart, exposée, puis abandonnée par la France catholique et par le roi d’Espagne. Il est vrai que Mario Stuart, avec son cœur changeant, ses passions vives, son caractère tour à tour faible et emporté, n’était pas faite pour rétablir la fortune du catholicisme en Écosse, ni pour lui ouvrir l’Angleterre, dont on lui faisait imprudemment revendiquer la couronne. Il est vrai encore que le calvinisme écossais trouva, dans le voisinage de l’Angleterre protestante et dans le génie et le caractère d’Elisabeth, un appui bien autrement efficace que celui sur lequel pouvait compter l’Écosse catholique de la part de la France, de l’Espagne et du saint-Siège.

Pendant le règne d’Elisabeth, anglicans et calvinistes avaient été réunis, malgré les différences qui les séparaient dans les dogmes, dans le culte et dans la discipline, parce qu’ils avaient les mêmes ennemis h combattre : le saint-siége et la puissance espagnole. Chacune des deux religions avait d’ailleurs sonterritoiro distinct, l’Écosse et l’Angleterre formant deux royaumes séparés. Après la mort d’Elisabeth, l’union des deux pays sous un même sceptro mit les deux religions en présence, et, ouvrant une carrière nouvelle à leur prosélytisme, no tarda pas à développer leur antagonisme naturel. L’anglicanisme, qui avait gardé la hiérarchie êpiscopale, cet héritage du catholicismej représentait l’autorité, l’esprit traditionnaliste, monarchique, aristocratique ; lo

calvinisme, avec ses ministres élus, égaux entre eux, à peine distingués du reste des fidèles, représentait la liberté, la démocratie, la révolution. On comprend qu’ils se soient associés, le premier à toutes les prétentions de ta couronne, le second à toutes les revendications du peuple. C’est ainsi que la révolution anglaise nous offre deux conflits : un grand conflit politique entre la royauté et la nation, un grand conflit religieux entre l’Église établie d’Angleterre et les sectes dissidentes animées par l’esprit calviniste. Délivrée de la crainte du papisme et protégée par la royauté, l’Eglise établie poursuivait, au profit de sa domination, l’unité religieuse, et pour l’atteindre armait le pouvoir contre les non-conformistes. Ceux-ci ne cessaient de faire des progrès ; au lieu de.se laisser abattre par les persécutions, ils y puisaient de nouveaux motifs de s’attacher a leur foi, qui se fortifiait de leurs ressentiments. La secte puritaine se distinguait entra toutes par l’opiniâtreté de ses croyances et la dureté de son génie. Grands lecteurs de la Bible, les puritains se pénétraient de l’esprit d’indomptable ténacité et d’invincible espérance du peuple juif ; ils voyaient dans le roi, chef de l’Église anglicane, un de ces despotes asiatiques que maudissaient les prophètes et que combattaient les. héros d’IsraBl.

Notre intention n’est pas de retracer ici les diverses péripéties de la grande révolution à laquelle l’Angleterre doit sa liberté ; il suffit de rappeler comment l’esprit calviniste a inspiré, soutenu et, en réalité, accompli cette révolution. Ecoutons Voltaire : « Charles I«r voulut remplir les projets de son père dans la religion comme dans l’État. L’épiscopat n’avait point été aboli en Écosse au temps de la réformation, avant Marie Stuart ; mais ces évêques protestants étaient subjugués par les presbytériens. Une république de prêtres égaux entre eux gouvernait le peuple écossais. C’était le seul pays de la terre où les honneurs et les richesses ne rendaient pas les évêques puissants. La séance au parlement, les droits honorifiques, les revenus de leur siège leur étaient conservés ; mais ils étaient pasteurs sans troupeaux et pairs sans crédit. Le parlement écossais, tout presbytérien, na laissait subsister les évêques que pour les avilir. Les anciennes abbayes étaient entre les mains des séculiers, qui entraient au parlement en vertu de ce titre d’abbé. Peu & peu