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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 1, Ca-Cap.djvu/309

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d’une statue, comprendront que nous n’ayons pas hésité à énumérer les œuvres principales au succès desquelles M. Capellaro a contribué par l’habileté de Son exécution. D’ailleurs, M. Capellaro n’est pas seulement un praticien des plus distingués, il a fait preuve d’un talent original dans divers ouvrages exposés sous son soni ; tels sont : le buste de M. Duval, exposé au Salon de 1861 ; un Génie funèbre, qui a obtenu une médaille de 3* classé au Salon de 1863 ; un projet de bénitier (1864) ; le Laboureur heurtant avec sa charrue des ar~ mures antiques, statue d’un sentiment élevé et d’une grande finesse d’exécution, qui a valu à l’artiste une médaille au Salon de 1865 ; V.Ange de la rédemption, au Salon de 1866, etc. M. Capellaro a été chargé personnellement de sculpter au nouveau Louvre : un fronton sur le quai, représentant Minerve protégeant l’Étude  ; un autre fronton dans la cour de Henri, représentant l’Industrie ; trois groupes d’enfants pour le couronnement des galeries, etc.

CAPELLE s. f. (ka-pê-le). Forme ancienne du mot chapelle. — Ornith. Section du genre colombe, syn. de

COLOMUAR.

CAPELLE, bourg de Belgique, province de Brabant, arroud.et à lskilom. N.deBruxelles ; 2.500 hab. Petit port sur le.canal de Bruxelles à l’Escaut.

CAPELLE (la), bourg de France (Aisne), ch.-l. de cant., arrond. et à 16 kilom. N. de Vervins ; pop. aggl. 1,590 hab. — pop. tôt. 1,738 hab. Commerce de grains. La Capelle était autrefois fortifiée ; elle ■ fut prise par Turenne en 1655.

CAPELLE-MAIÎIVAL (la), bourg de France (Lot), cb.-l. de cant, arrond. et à 21 kilom. N.-O. de Figeac ; pop. aggl. 912 hab. — pop. tôt. 1,342 hab. Fabrique d’instruments agricoles. Château à demi gothique, à demi Renaissance, qui a appartenu à la famille des Cardaillae.

CAPELLE (Jean Van der ou de), peintre hollandais du Xviie siècle sur lequel on ne possède que de rares détails biographiques. On sait seulement qu’il était contemporain de Van de Velde, et, comme lui, peintre de marines. II l’a même égalé plusieurs fois, dit-on. Aussi ses tableaux sont-ils pris souvent pour ceux de Van de Velde, « surtout, dit M. Charles Blanc, lorsqu’ils représentent des calmes. • Quoiqu’il peignît toujours des toiles fort grandes, il n’en avait pas moins une exécution fine, serrée et très-solide. Il compose généralement bien, par groupes liés soigneusement à des ensembles très-simples, malgré leur étendue. Sa couleur, vigoureuse autant que celle de Van de Velde, est pourtant moins variée ; elle reste toujours dans ces gammes argentées, fines et douces, qui d’ailleurs semblent constituer la manière des paysagistes hollandais. Il rappelle ainsi Van Goyers et Salomon Ruysdaèl, sans avoir toutefois leur poésie naïve, leur naïve tristesse. Capelle a laissé des dessins très-estimés ; ce sont des Scènes d’hiver à l’encre de Chine ; elles sont fort rares, et elles atteignent un prix très-élevé. On connaît aussi de lui deux Vues de rivière, gravures très-remarquables, mais des plus rares.

CAPELLE (Guillaume-Antoine-Benoît, baron), homme d’État, né à Sales-Curan (Rouergue) en 1775, mort à Montpellier en 1843. Il servit dans l’armée jusqu’en 1794, entra dans l’administration après le 18 brumaire, occupa diverses préfectures sous l’Empire et sous la Restauration, déposa comme témoin à charge dans Je procès du maréchal Ney, et fut chargé en 1830 du ministère des travaux’publics dans le cabinet Polignac. Il signa les fameuses ordonnances qui firent éclater la révolution de Juillet, se cacha pendant le combat, fut condamné par contumace par la Chambre des pairs, gracié quelques années après, et termina ses jours dans l’obscurité.

CAPELLE (Pierre), littérateur français, né à Montauban en 1772 ou 1775, mort à Batignolles en 1851. Il était libraire lorsqu’il se lia avec Désaugiers, et bientôt avec tous les membres de la fameuse société chantante connue sous le nom de Dîners du vaudeville. Cette société s’étant dissoute, Capelle conçut avec Armand Gouffé l’idée de ressusciter, en 1806, sous le nom de Caveau moderne, l’ancien Caveau fondé par Panard en 1733 ; les convives des Diners du vuudeoille accueillirent cette idée avec empressement, et le Caveau moderne s’installa au Rocher de Cancale, restaurant tenu par un nommé Baleine, et qui était surtout renommé pour ses huîtres et son poisson. Dupaty, Piis, More ; m, Chazet, Rougemont, de Jouy, Ducray-Duminil, Coupant, Gentil, Antignac et surtout Désaugiers, brillaient parmi les membres du Caveau moderne, dont le vieux Laujon, qui mourut à quatre-vingt-cinq ans en fredonnant un couplet, était l’Anacréon. Ces messieurs consommaient chaque mois une gratido quantité de chansons, fêtant l’amour et ie vin, le vin et l’amour sur toutes les rimes et sur tous les tons ; mais ces chansons, dont quelques-unes ne manquaient pas de verve, restaient inédites. Grand dommage ! Capelle s’en lit l’éditeur. Les spirituelles productions éolosesà table parurent en petits cahiers mensuels, dans lesquels le libraire glissait volontiers de petits.contes gascons qu’il rimait fort agréablement. Le succès de ses versiculets ne

III.

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^suffit bientôt plus à la gloire de Capelle ; ilessaya du théâtre, écrivit quelques vaudevilles en collaboration et ré*ussit. Il ne fit pas

| un grand nombre de pièces, mais toutes ses productions se jouèrent beaucoup ; les rôles en

! étaient bien tracés, bien sentis. On doit à Ca

I pelle, homme minutieux, doué d’une patience

1 infinie, un ouvrage immense, sinon par son importance, du moins par le travail de recherches qu’il a dû coûter ; nous voulons parler de la Clef du Caveau, recueil de deux mille trois cents airs puisés dans tous nos opéras anciens et modernes, ainsi que dans les partitions des chefs d’orchestre de nos différents théâtres secondaires, avec la musique de chacun des

I couplets, leur origine et le nom des compositeurs. Ces archives musicales ont une grande

’ valeur pour ceux qui ont conservé le culte du couplet, et l’on y a fréquemment recours. Capelle est encore l’auteur du Chansonnier des Muses, du Manuel de la typographie, etc. Il fut inspecteur de la librairie. Peu favorisé de la fortune, il se retira à Batignolles, où il finit ses jours dans l’obscurité. L’ancien fondateur du Caveau moderne avait vu, paraît-il, s’envoler une a une ses plus chères illusions, et il avait oublié peu à peu ces joyeux flonflons, ces airs aimables, ces refrains bachiques auxquels il dut une célébrité passagère. CAPELLE (Marie). V. Lafakge (M»»).

CAPELLEN (Théodore-Frédéric van), marin hollandais, né à Nimègue en 1762, mort en 1814. Il contribua en 1782 à la prise d’une frégate anglaise et fut nommé capitaine de vaisseau. Chargé en 179S du commandement d’une flotte, il la livra aux Anglais sans combattre et se réfugia en Angleterre. En 1813, le prince d’Orange le nomma vice-amiral et le chargea d’aller prendre possession des colonies hollandaises dans les Indes. Plus tard, il participa avec lord Exmouth au bombardement d’Alger, et il reçut la décoration de l’ordre royal du Bain.

CAPELLEN (Godard - Gérard - Alexandre-Philippe, baron van), homme d’État hollandais, né en 1778, mort en 1848, fut nommé par le roi Louis Bonaparte, en 1808, préfet de la province d’Ost-Frise, devint peu de temps après ministre de l’intérieur, et, plus tard, conseiller d’Ktat. Nommé ministre des colonies par le roi GuillaQme Ier, il reçut en 1819 le titre de gouverneur général des Indes, refusa, à son retour en Europe, plusieurs missions diplomatiques, et accepta en 1828 les fonctions de curateur de l’université d’Utreeht. En 1838, il assista comme ambassadeur extraordinaire au couronnement de la reine Victoria, et devint en 1840 grand chambellan du roi Guillaume II.

CAPELLEN DE MARSEH (Robert-Gaspard Burnk de), homme politique hollandais, né en 1743 à Zutphen, mort en 1798. Il quitta en 1769 la carrière des armes, fut nommé, deux ans plus tard, membre des états de Gueldre et fit une vive opposition au prince d’Orange. Condamné en 1788 à la peine Capitale, comme coupable de rébellion et de lèse-majesté, Capellen se réfugia en France et mourut près de Paris. Il a publié, outre les Mémoires de son trisaïeul, Alexandre Capellen (1778), ses propres Mémoires (Paris, 1791).

CAPELLI (Aloîs), docteur en philosophie, professeur de droit et de littérature italienne a l’université de Wilno, né à Florence vers 3770, mort en 1835. Arrivé à Wilno en 1804, il devint l’un des plus célèbres professeurs de l’université. Parmi ses ouvrages, on remarque : Des sources et des bases du droit canon (Wilno, 1812) ; Manuale juris canonici (1819) ; Ad tradendam tironibus kistoriam juris romani, tabula synoptica (Wilno, 1822) ; Pétrarque regardé comme poète, philologue et moraliste (Wilno, 1817).

CAPELLIE s. f. (ka-pel-U), Bot. Genre d’arbres, de la famille des dilléniacées, comprenant une seule espèce.

— Encycl. Le genre capellie, dédié à Van der Capellen, gouverneur général des colonies hollandaises, appartient à la famille des dilléniacées. L’espèce unique dont il se compose est la capellie muttiflore, qui croît à Java et dans l’Asie tropicale, où elle habite surtout les bois des régions montagneuses. C’est un arbre d’environ 12 m. de hauteur, à feuilles ovales oblongues, dentées et glabres ; ses fleurs jaunes sont groupées en bouquets terminaux ; les fruits sont des capsules presque membraneuses et polyspermes. Toutes les parties de ce végétal sont douées d’une astringence très-prononcée ; l’écorce est employée en gargarisme dans les affections aphtheuses de la bouche. Cet arbre est très-rarement cultivé dans nos jardins.

CAPELLINE s. f. (ka-pèl-li-ne). Blas. V. capeline.,

CAPELLO (Blanche, en ital. Bianca), grandeduchesse de Toscane, dont la vie fut un roman rempli d’incidents étranges et terminé par le plus sombre des dénoûments. Fille de Barthélémy Capello et nièce de Grimani, patriarche d’Aquilée, Blanche avait son nom inscrit sur le Livre d’or de la superbe cité des doges ; elle appartenait à une des plus illustres familles de la noblesse de Venise. A quinze ans, son visage trahissait déjà l’origine patricienne : il était beau et fier, fier surtout ; mais cette fierté était tempérée par une sorte de mélancolie triste, toujours répandue sur le front de la jeune fille et qui pâlissait ses

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joues, rendait humides ses grands yeux. C’est que Blanche, au lieu de mère, avait une belle-mère, une marâtre qui la haïssait. Vienne quelqu’un, noble ou roturier, riche ou pauvre, laid ou beau, qui lui offre un peu d’affection, un peu de sympathie, qui essuie ses larmes, qui pleure avec elle, ou mieux, qui puisse laider à s’affranchir du joug insupportable sous lequel elle est courbée, et la pauvre délaissée, haïe, torturée, révoltée, oubliera pour lui tous ses devoirs : c’est ce qui advint.

En face du palais Capello se trouvait la maison des célèbres banquiers Salvati, de Florence. Un commis de cette maison, nommé Pierre Bonaventuri, remarqua Blanche, sa beauté, sa pâleur, sa tristesse ; il s’éprit d’amour pour elle, d’un amour iûsensé, et, Un soir, dans un moment d’ivresse, oubliant quelle distance le séparait, lui, pauvre plébéien, de la fille d’un patricien, il dit son amour à Blanche. Et Blanche l’écoute et veut l’entendre encore, entendre tout bas, dans l’ombre, ces mots d’amour qui résonnent harmonieux et doux à son cœur. Les rendez-vous se succèdent.

Un matin, c’était au mois de décembre, Blanche trouva fermée la porte que toutes les nuits elle laissait entre-baillée pour rentrer dans le palais. Elle revint vite sur ses pas vers l’amant qu’elle venait de quitter ; il s’agissait de prendre un parti, un parti prompt, décisif. Pierre lui proposa de fuir, de quitter Venise ; elle accepta.

Les amoureux se jettent dans une barque, et avant que le soleil ait doré de ses rayons le lion de Saint-Marc, ils ont franchi les lagunes ; bientôt ils sont à Florence, où ils cachent, sous le toit du père de Bonaventuri, leur bonheur et leur faute.

Cependant les Capelli, froissés, indignés et tout-puissantsi, avaient mis à la poursuite des fugitifs de nombreux agents, avec la promesse de deux mille ducats pour qui les ramènerait. Personne ne devait les ramener, car François de Médicis, le fils sombre et sévère de Cosme, allait les protéger.

On a raconté de diverses façons comment il advint que l’héritier du grand-duché de Toscane s’éprit d’amour pour Blanche Capello. Voici la version de M. L. P. ; elle nous semble la plus vraisemblable : « Blanche vivait obscurément à Florence, dans un état voisin de la pauvreté, consolée des disgrâces de la fortune par l’amour, partageant avec la mère de son amant tous les soins du ménage, ne se laissant presque jamais voir hors de sa maison, lorsque le hasard fit passer le grand-duc sous Ses fenêtres ; elle fut remarquée. L’impression que sa beauté produisit sur ce prince fut bientôt suivie d’un vif empressement de la connaître ; il s’en ouvrit à un de ses favoris : celui-ci avait une femme adroite et intrigante, qui, ayant eu un entretien avec Blanche, lui fit des offres de service, et entre autres celle de lui faire obtenir du grand-duc telle grâce qu’elle aurait à lui demander. Blanche écouta d’autant plus volontiers cette dernière proposition, qu’elle vivait dans une inquiétude continuelle du côté de sa famille, dont elle appréhendait les poursuites, et qu’elle avait songé plus d’une fois à trouverdesrecommandations auprès dugrandduc pour obtenir une protection qui la mît k couvert. Invitée ensuite par cette dame, elle se rendit chez elle. Le grand-duc s’y trouva comme fortuitement, et se présenta a elle en un moment où la dame, sous quelque prétexte, l’avait laissée seule. Son premier mouvement, à l’aspect imprévu du prince, fut de se jeter à ses genoux, en le suppliant de ne point attenter à son honneur. Il la releva avec bonté, lui fit une déclaration d’amour pleine de ménagement et de respect et se retira aussitôt, la laissant si interdite, qu’elle ne songea point à profiter de l’occasion pour lui demander la protection qu’elle désirait. Sa situation, après cette entrevue, ne tarda pas à changer de face, »

Cette version, avons-nous dit, est la plus vraisemblable ; elle nous paraît cependant un peu poétisée, bien indulgente à 1 endroit de notre héroïne, k l’esprit si dépravé, au cœur si plein d’ambition... comme on va le voir.

Pierre Bonaventuri, chargé d’honneurs et de pensions, étala bientôt à la cour de François la honte d’avoir vendu celle qu’il avait enlevée de Venise. Blanche était la maîtresse du grand-duc, mais une maîtresse qu’on n’ose avouer, que l’on cache, que l’on va voir le soir, tremblant d’être surpris. L’amant donne la nuit à son amante, le jour il le donne aux négociations de son mariage avec Jeanne, archiduchesse d’Autriche. Ce mariage a lieu le 16 décembre 1565.

Blanche, cependant, belle et surtout habile dans l’ait de se servir de sa beauté, s’était peu à peu rendue maitresse de l’esprit de son amant, après s’être emparée de son cœur ; lentement, mais sûrement, elle préparait son triomphe. Un jour enfin elle parut a la cour, avouée, « présentée ; • c’était beaucoup déjà, mais point assez encore pour l’ambitieuse Vénitienne.

Une lutte, non, une conspiration sourde, basse, tortueuse, est engagée contre la femme légitime, contre Jeanne, par-1’amante aidée de quelques vils complaisants, à la tête desquels marche Pierre Bonaventuri, une sorte de Jean Dubarry, lâche et insolent, qu’une nuit, en châtiment de cette insolence et de cette lâcheté, on trouva, au coin d’une rue de Flo CAPE

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rence, la poitrine trouée de plusieurs coupa de couteau. C’était en 1570.

Il y avait onze ans que François avait épousé l’archiduchesse d’Autriche (nous sommes en 1576), et aucun enfant n’était advenu de cette union. La couronne ducale que Cosme I«avaitdepuis deux ans laissée en héritage à son fils reviendrait à l’un des deux frères de son père. François y songeait avec colère, car il y avait haine implacable entre les oncles et le neveu. Si encore Blanche avait un fils !... mais Blanche, qui a eu une fille do Pierre Bonaventuri, n’a plus été mère depuis ; elle y pense avec rage, la rivale de Jeanne, l’ambitieuse, et, pour avoir un fils, un fils qui, entre ses mains, serait un instrument, un ressort, un levier qui la ferait monter où elle aspire, où elle a résolu de parvenir, elle est prête au crime ; et ce crime, voilà qu’elle le prépare d’un esprit froid, d’une main sûre... !

Le 29 août 1576 est présenté’au grand-duc un petit être né lu veille, volé le soir même de sa naissance aux bras d’une pauvre femme du peuple... On lui donna le nom d’Antoine de Médicis, et, pour être assurée du secret, Blanche faisait assassiner un à un tous ses complices.

Mais voilà que, l’année suivante, la grandeduchesse se prit k donner un fils k son mari, puis un autre, à la suite de l’enfantement duquel elle mourut. La. fortune, qui semblait avoir abandonné la criminelle fille de Capello, lui souriait donc de nouveau et se faisait sa servante.

Cependant l’audacieuse favorite n^avait point songé que, pour « arriver », la condition

firemière est d’éviter en sa route le heurt de a jalousie, de l’envie ; que, pour passer dans le chemin étroit et difficile qui conduit aux honneurs, il faut se faire petit, humble. L’orgueilleuse Blanche, k mesure qu’elle voyait plus rapproché d’elle le but auquel elle tendait, devenait plus hautaine, plus insupportable à tous. Elle faillit, par cette conduite, perdre le fruit de douze années d’hypocrisie patiente, voir casser entre ses doigts le fil de ses intrigues, écrouler te château en Espagne que pierre à pierre elle avait bâti : elle fut exilée.

Mais voilà que, le 6 juin 1578, moment où on la croit tombée dans la défaveur, perdue à jamais, Blanche Capello devient, par un mariage secret que bénit te confesseur du grand-duc, épouse de François.

Alors l’influence de la Vénitienne, à l’esprit fécond en artifices, sur le fils- de Cosme, fut tous les jours de plus en plus grande, de plus en plus enivrante : le prince est captivé, aveuglé ; il est l’esclave maintenant des caprices ambitieux de son amante-épouse, de cette femme, la plus belle peut-être, la plus aimable, la plus adroite surtout de ce siècle, qui cependant vit naître Diane de Poitiers, Marie d’Angleterre, Marguerite Paléologue, Elisabeth de Portugal, Christine de Danemark, Madeleine de l’Aubespine, etc., etc. Le voilà, devenu esclave, ce sombre, sévère et hautain François de Médicis, et, par obéissance, par ordre, il prépare lui-même la consécration solennelle de son mariage avec celle qui a su l’enchaîner ; il la prépare, avec l’aide, avec les conseils de Blanche, lentement, prudemment-, car on craint la maison d’Autriche, on craint Philippe II, on craint les deux oncles ennemis, on craint surtout l’opinion publique.

Quand on eut tout préparé, tout corrompu et tout acheté, tout à coup éclatèrent les fanfares (c’était le 12 juin 1579). Jamais cérémonie n’avait été célébrée avec plus de grandeur, de pompe, de richesse ; jamais la soie et l’or n’avaient été plus fastueusement prodigués : trois cent mille ducats furent dépensés. En ce moment, le peuple mourait de faim, la disette était horrible et l’État ruiné.

Qu’importe ! Blanche Capello n’en était pas moins arrivée à ses fins, n en avait pas moins réalisé son rêve, touché le but auquel elle tendait depuis quatorze années -, elle était enfin grande-duchesse de Toscane, avouée, reconnue, proclamée, acclamée ; elle portait la couronne, elle avait un trône. La république de Venise elle-même, par un décret des Frigadi, l’avait nommée sa fille véritable, et, à la célébration de son mariage, la fière cité avait envoyé une députation composée du patriarche d’Aquilée, de deux ambassadeurs extraordinaires et de quatre-vingts nobles.

Blanche Capello ne s’en tint pas là : elle fit un retour sur elle-même et songea en son orgueil que ce trône, que cette couronne, on pouvait lui reprocher de les avoir volés ; ayant la puissance, elle voulut, par une hypocrisie commune k tous les usurpateurs, légitimer, pour ainsi dire, cette puissance. Son premier enfant, ce pauvre enfant enlevé, Antoine de Médicis, l’avait aidée à faire un grand pas ; coup sur coup, elle simule deux grossesses ; puis elle cherche à se rapprocher de la famille de son mari, qui était toujours restée pour elle pleine de mépris ; elle fait des avances aux deux oncles du grand-duc, surtout au cardinal Ferdinand de Médicis, le plus hostile, le plus implacable des deux, peut-être parce qu’il était le plus proche héritier après les faux enfants de son neveu ; un jour, elle le fait inviter à aller la voir dans sa maison de plaisance de Caïano, près de Poggio, à quelques milles de Florence. Le cardinal accepte l’invitation.

C’était le io octobre 15S7, bien avant dans la soirée ; on était encore à table, mais les

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