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riêté de melon originaire de l’Asie : II y avait aussi des marchands de carpous de Smyrne découpés en tranches, et de pastèques à la chair rose. (Th. Gaut.)

CARPOV (Jacques), théologien allemand, né à Goslar en 1099, mort à Weimar en 1768. Il fit des cours publics de philosophie et de théologie fe Halle et à léna, et il voulut introduire dans la théologie la rigueur des démonstrations scientifiques, ce qui lui attira des persécutions. Forcé de fuir, il se rendit à Weimar, où il devint directeur du gymnase. Il publia de nombreux ouvrages, dont les principaux sont : Disputatio de rationis suffictentis principio (léna, 1725) ; Disputatio de guesstione ulrum tellus sit machina an animal (1725) ; Meuelaturn sanctissimœ Trinitatis mysterium, méthodo demonstrativa propositurn et ab objectiauibus variis oindicatum (léna, 1735) ; Œconotnia salutis, seu theologia àogmalica revelata, méthodo scienti/ïca adornata (1735) ; Elementa theologiœ naturalis a priori (1742) ; De nolione et irremissibilitate peecati in Spiritum sanctum (1750) ; De orlu animœ humanai et Christi (1751), etc. On lui doit aussi quelques ouvrages en allemand, et même il en écrivit un en français, intitulé : Pensées sur l’avantage de la grammaire universelle (Weimar, 1744).

CARPOV (Paul-Théodore), hébraïsant et théologien allemand ; né h Bolschow en 1714, mort à Butzow en 1765. Il fut chargé de professer l’hébreu et la théologie h Rostock, puis à l’université nouvellement fondée de Butzow. On lui doit : Ars ideam distiitctam de voce hebrœa formandi, sive de criteriis nominum et verborum lingues hebrœte commentatio (Rostock, 1738), et plusieurs autres ouvrages sur des questions relatives k la religion des Juifs.

CARPTEUR s. m. (kar-pteur — lat. carpior, même sens). Antiq. rom. Esclave qui était chargé de découper les viandes.

CARPZOV, famille allemande qui a fourni un grand nombre de savants distingués, dont les plus célèbres sont : Benoit Cari’zov, jurisconsulte, né à Wittemberg en 1595. Il professa le droit à Leipzig, devint conseiller privé à Dresde et acquit une grande réputation. Deux de ses ouvrages sont devenus classiques ; ils ont pour titre : Practica rerum criminalium (1635, in-fol.), et Dafinitiones foreuses ad constitutionem saxonicam (1638, in-fol.).

— Son frère, Auguste Carpzov, né à ColditZ en 1612, mort en 1G83, fut chancelier du consistoire à Cobourg (1651), et conseiller privé à Gotha (1675). C’était un diplomate distingué. —Jean-BenoîtCARPZov, neveu des précédents, né à Leipzig en 1639, mort en 1699, fut professeur de théologie et d’hébreu dans sa ville natale. Il a publié : Dissertatio de nummis Mosen cornutum exhibeniibus (1659), et divers traités sur des questions de philologie, réunis et publiés en 1B99. — Jean-Uottlob Carpzov, orientaliste et théologien luthérien, né àDresde en 1679, mort en 17G7, était neveu du précédent. Il voyagea en Angleterre et en Hollande, remplit des fonctions pastorales en divers lieux, puis devint successivement professeur de langues orientales à Leipzig (1719), surintendant général (1730), et premier pasteur de la cathédrale de Lûbeck, où il termina sa vie. Il a écrit un grand nombre d’ouvrages sur diverses questions thêologiques, sur les langues orientales et sur les antiquités hébraïques. Nous nous bornerons à citer : Disputationes duœ de veterum philosop/iorum circa naturam Dei sententiis (1692) ; Introductio ad libres canonicos bibliorum Veieri Testamenti (1721), et Recherches théologiques et historiques sur les frères bohèmes et moraves (1742, en allemand).

— Christian-Benoit Carpzov exerçait la médecine au commencement du xviiie siècle. Il a laissé, entre autres écrits : Cattologia ou Courte histoire des chats (Leipzig). — Jean-Benoît Carpzov, professeur de littérature ancienne, né à Leipzig en 1720, mort en 1803, publia de savantes dissertations sur divers anciens auteurs sacrés et profanes, parmi lesquelles nous citerons : Observationes philologicæ in Plœphatum, Museum, Achillem Tatium (1743), etc.

CARQUAISE, CARQUÈSE OU CARCAISE

s. f. (kar-kè-ze). Ane. art milit. Carquois. Il On disait aussi carquais s. m.

— Techn. Petit fourneau de verrier pour recuire les creusets et les ouvrages en verre.

Il V. CARCAISE.

CAHQHEFOU, bourg de France (Loire-Inférieure), ch.-l. de cant., arrond. et à 10 kilom. N.-E. de Nantes, sur la rive gauche de l’Erdre ; pop. aggl. 426 hab, — pop. tôt. 2,897 hab. Tourbières sur les bords de l’Erdre ; château de la Seilleraye, dont le jardin a été dessiné par Lenôtre, et qui renferme un portrait de Mml ! de Sévigné peint par Mignafd. La galerie contient aussi plusieurs toiles remarquables.

CARQOEROM s. m. (kar-ke-ron). Techn. Nom des leviers placés au-dessus des marches ilu métier a tisser, et perpendiculairement k ces maiches, afin de faciliter la correspondance des mouvements.

CARQUET s. m. (kar-kè). Patois. Place secrète entre le corset et la poitrine : Cacher une lettre dans son carquet.

CARQUOIS s. m. (kar-koi. — Voici encore un de ces mots qui ont grandement embarrassé les linguistes, moins par le manque que par la

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multiplicité d’étymologies proposées. Après avoir éliminé tout d’abord de la discussion l’opinion des celtomanes, qui veulent voir du celtique dans ce mot, et qui prétendent y retrouver une racine care, enfermer, il nous restera à discuter d’autres théories plus acceptables scientifiquement. Commençons, selon notre habitude, par comparer entre elles les différentes formes de ce mot, telles qu’elles nous sont offertes par les textes du vieux français de nos patois et des autres langues romanes sœurs du français. Le vieux français dit carquais, le provençal carcais, l’espagnol carcax, le portugais carcas, l’italien carcasse La première idée qui vient à l’esprit, en examinant ce mot, c’est de le comparer à carcasse, auquel il ressemble en effet par sa configuration extérieure. Diez a conclu de cette ressemblance, peut-être fortuite cependant, a

l’identité des deux mots, et leur a cherché une étymologie commune. Il en a proposé une, ingénieuse il est vrai, mais bien invraisemblable, car elle repose sur l’existence d’un mot composé de deux autres mots, et l’on sait combien ce procédé de formation répugne à notre langue. Suivant Diez, carcasse a. précédé pour le sens carquois ; c’est par extension qu’on a appelé carquois l’étui qui renfermait les flèches, et que l’on comparait a uné carcasse. C’est donc l’origine de ce mot que Diez cherche pour donner celle de carquois. Il voit dans carcasse deux mots, caro, chair, et easso, pour capsus, boite, caisse ; la carcasse, c’est, suivant lui, comme la boite, l’étui qui contient la chair. Cette interprétation n’est pas complètement satisfaisante, car la carcasse représente plutôt à l’esprit le contenu que le contenant ; la carcasse, c’est la charpente, c’est ce qui soutient l’intérieur et non pus ce qui l’entoure. II y a ensuite de la difficulté à admettre cette manière de composer un mot, en plaçant les deux éléments dans un ordre qui appartient essentiellement aux langues germaniques. M. Littré émet une autre opinion. Tout en constatant que l’historique prouve que carquois, ckarquois, signifie aussi carcasse, coquille, corps, indépendamment des membres, il admet cependant la possibilité d’une confusion par assimilation, et avoue que carquois ou charquois st carcasse pourraient bien n6 pas être le même mot. Néanmoins, M. Littré se décide pour l’identité, et rapproche même de ces deux termes le mot carquois pris dans le sens de hune. L’origine de carquois, dit-il, est éclairée par le texte qui nous apprend que carquois a aussi signifié hune. En ce sens, carquois est le latin carchesium, qui, outre l’acception de hune, a aussi celle d une sorte de vase. De ce vase, par extension, on a pu passer à récipient à flèches, et de là k carcasse, récipient k chair, si l’on peut ainsi dire. L’étymologie suggérée par M. Littré est très-curieuse, mais elle prête le flanc à des objections. La succession des sens se serait établie dans un ordre tout à fait inattendu et assez invraisemblable ; ce serait de l’acception très-restreinte et toute spéciale de mât de hune et de sorte de vase qu’on aurait passé à celle de carquois, puis de carcasse. Cependant ce n’est pas impossible, et nous signalerons même une coïncidence qui semblerait militer en faveur de l’opinion adoptée par M. Littré. En italien, le mât de hune, ou plutôt la hune, s’appelle gabbia, cage ; le mot français gabier vient même de là ; or cage s’emploie souvent dans le sens de carcasse : la cage d’un escalier. Il a été proposé pour carquois une autre étymologie, qui, si elle était reconnue vraie, serait valable aux yeux, de M. Littré pour carcasse, puisqu’il admet la postériorité de ce mot par rapport k carquois. Elle est basée sur cette remarque importante que l’on rencontre de très-anciennes formes de carquois, dans lesquelles le c est remplacé par un /, ce qui est très-singulier ; ainsi le vieux français disait, à côté de carquais, targuais ; l’italien dit encore turcasso ; le grec moderne lui-même prononce tarlcasion. Tarquois et carquois sont évidemment le même mot ; seulement il s’agit de savoir si le t a remplacé le c, ou si au contraire il a été remplacé par lui ; en un mot quelle est la plus ancienne forme de tarquois ou de carquois. Si tarquois est la plus ancienne forme, it est impossible de faire dériver carquois de carchesium. On expliquerait difficilement le changement du c en t, tandis que le changement du t en c serait tout naturel ; ce serait la seconde syllabe quois qui aurait attiré la gutturale. D’autre part, tarquois se réfore à une excellente étymologie : en effet, tarquois, turcasso et larkasion sont intimement liés au nom du carquois en turc, qui "est turkach, tèrkèch, tèskès ou tirkèch. Est-ce à dire que le mot turc ait été emprunté, comme tant d’autres, aux langues européennes ? C’est impossible, puisque, en réalité, c’est un mot persan composé de tir, flèche, et kèch, de kèchiden, tirer, tire-flèches. On peut donc admettre que le mot persan employé par les Turcs a successivement passé en romalque ou grec moderne, en italien, en français et dans les autres langues néo-latines, en y subissant ce lô^er changement phonétique qui en a fait carquois. Cela est d’autant moins invraisemblable qu’il n’est pas étonnant qu’on ait emprunté le nom de carquois k des peuples qui se servaient aussi supérieurement de l’arc et des flèches que le faisaient et le font encore les Turcs et les Persans, les anciens Parthes. À côté de tirkèch, U y a en persan un autre mot pour désigner le carquois, c’est tir-dan, qu’on pour CARR

rait traduire littéralement par un fléchier, comme on dit un encrier, un chandelier. Du reste, les trois mots carquois à flèches, carquois de hune et carcasse peuvent provenir de primitifs complètement étrangers les uns aux autres, et se réunir comme dans un seul confluent en une forme à peu près semblable. Ces) exemples de coïncidence ne sont pas rares dans l’histoire des langues. Nous allons maintenant jeter un coup d’œil rapide sur quelques autres noms du carquois appartenant à des langues de notre famille. Le nom grec pharetra, passé directement en latin, est dérivé de pherâ, porter. Un autre mot grec, gèrutos, emplo3’é dans le même sens, est regardé par Benfey comme composé de , correspondant au sanscrit , flèche, et de rhtos, dérivé de ruomai, conserver, protéger. 61. Pictet propose cependant une autre explication un peu plus détournée de ce mot. Il identifie le mot grec gôrutos, carquois, avec le mot sanscrit g&euta, qui a, il est vrai, la même forme, mais une acception toute différente ; en effet, c’est en sanscrit une mesure itinéraire, une distance égale a cello jusqu’où l’on peut entendre le beuglement d’une vache. Gôruta se décompose en , vache, et un dérivé de la racine ru, faire du bruit, rougir. Si le mot grec est réellement identique au mot sanscrit, il doit forcément avoir la même origine, et par conséquent ne pas avoir la dérivation indiquée par Benfey. M. Pictet pense qu’en prenant en grec dans son sens de flèche, le mot grec voudrait dire bruissement des flèches, au lieu de mugissement de vache. Il rapproche ingénieusement de cette idée la remarque faite si souvent dans les textes anj eiens du bruit que font les flèches dans le 1 carquois, lorsqu’elles sont agitées par le inou- ; veinent. Il rappelle à ce propos un vers d’iloj mère sur un guerrier portant sur son épaule

! son carquois bien fermé et ses flèches qui

I sonnent (eklagœan). Cette interprétation, dit M. Pictet, semble trouver un nouvel appui j dans un nom germanique du carquois, l’anglo| saxon cocer, l’ancien allemand chochar, l’allemand moderne hacher, dont Benfey compare le co avec le go grec, mais en rapportant char à la racine dhvn. Il serait beaucoup plus simple, ajoute le savant philologue, ’ de le rattacher immédiatement à l’anglo-saxon ceorian, murmurer ; ancien allemand charon, gémir, cherran, frémir. Nous signalerons encore, comme nom caractéristique du carquois, le sanscrit ishudhi, çaradhi, porte-flèches ; le persan tirdan, dont nous avons déjà donné la signification ; l’islandais gath - bholg ; l’anglo - saxon earh-fere, sac h flèches, etc.). Etui k flèches : Carquois de bois, d’écorce, d’ivoire. Charger son épaule du carquois. Homère donne à Apollon un carquois d’argent. Vrai Dieu ! il ne lui manque qu’un carquois d’argent sur les épaules et un arc à la main, pour avoir l’air du vainqueur du serpent Python., (E. Sue.) Le carquois est un attribut d’Apollon, de Diane, de l’Amour et d’Hercule. (Dêzobry.)

À son dos attaché prend un carquois d’ivoire. Desajntànoe.

Lefl flèches dont le Scythe a rempli Sun carquois.*. A. CUÉNIEB..

Désorgues, qui prend sa rosse

Pour le coursier d’Hélicon,

Prendrait-il aussi sa bosse

Pour le carquois d’Apollon ? Lebrun. L’Amour a deux carquais ;

L’un est rempli de ces traits tout de flamme. Dont la douceur porte la paix dans l’âme, Qui rend plus purs nos goûts, nos sentiments, Nos soins plus vifs, nos plaisirs plus touchants ; L’autre n’est plein que de flèches cruelles Qui, répandant les soupçons, les querelles, Rebutent l’âme, y portent la tiédeur, Font succéder le dégoût a l’ardeur.

Voltaire.

— Fig. Vider son carquois, Epuiser les sarcasmes ; être à bout de mots méchants : Elle nous accablèrent d’abord de traits plaisants et fins qui, tombant toujours sans rejaillir, épuisèrent bientôt leurs carquois. (J.-J. Rouss.)

Mourir sans vider mon carquois ! Sans percer, sans fouler, sans pétrir dans leur fange Ces bourreaux barbouilleurs de lois !

À. Chénier.

— Par plaisant. Carquois d’osier, Hotte d’un chiffonnier : Je n’ai jamais pu rencontrer un de ces Cupidons à carquois d’osikr sans avoir envie de tomber dessus. (E. Sue.)

— Epltbètea. Garni, plein, rempli, lourd, léger, vide, redoutable, terrible, riche, brillant, retentissant, pendant, suspendu, sonore, éclatant.

CARR (Thomas), prêtre catholique anglais, né en 1599, mort en 1674. Après avoir été procureur du collège anglais de Douai, il vint à Pat t, où il fonda le monastère des Augustines anglcises, et fournit les premiers fonds pour l’établissement du collège des Anglais. Il eomfiosa p.usieurs ouvrages de piété, les uns en atin, les autres en anglais. L’un d’eux a pour titre : Pietas parisiensis (Paris, 1666).

CAMt (sir John), poëte et voyageur anglais, né dans le Devonshire en 1772, mort en 1832. Sa première publication fut un poème intitulé : , la Furie L« la discorde (1803) ; il publia en-I suite : XÉtranger en France (1803) ; un drame intitulé : le Héros de la côte (1804) ; Un été dans le Nord (iS05), récit d’un voyage autour de la Baltique, et l’Étranger en Irlande (1806). Ce dernier ouvrage a été 1 objet d’une piquante

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satire de M. Edward Dubois, intitulée : M. Pot. ket-book. Sir John Carr a également publié, en 1811, le récit de ses voyages en Écosse, eii Espagne et dans les lies Baléares.

CARR (Robert). V. Somerset.

CARRA (Jean-Louis), conventionnel et publiciste, né en 1743 à Pont-de-Veyle (Ain), décapité le 31 octobre 1793. Avant fa Révolution, il mena une existence fort aventureuse et agitée, voyagea onze ans en Suisse, en Allemagne, en Italie, en Turquie, en Russie, en Angleterre, etc., fut secrétaire d’un hospodar de Moldavie, puis revint en France, où il remplit les mêmes fonctions auprès du cardinal de llohau, et enfin obtint un emploi à la Bibliothèque royale. Dans cette longue période de sa vie, il avait fait paraître plusieurs ouvrages dans les genres les plus divers, et dont quelques-uns obtinrent les honneurs de la réimpression, malgré leur médiocrité. En 17&9, il se jeta avec ardeur dans’le mouvement révolutionnaire, publia un factum, l’Orateur des états généraux, qui eut près de cinquante éditions, tanten France qu en Belgique, fit partie de l’assemblée des électeurs de Paris, et provoqua, par une motion, dès le 10 juillet, la formation d’une garde citoyenne. Quelques mois plus tard, il fondait avec l’auteur au Tableau de Paris, Mercier, un journal démocratique, les Annales patriotiques et littéraires de la France, dont le premier numéro parut le 5 octobre, précisément le jour du départ des femmes pour Versailles. Mercier était annoncé comme le principal rédacteur, à cause de sa célébrité ; mais, en réalité, c’était Carra qui dirigeait et qui alimentait eu grande partie cette teuille, qui eut un grand succès de popularité, surtout dans les départements où elle était, dans cette période de la Révolution, l’oracle des sociétés jacobines. Le style en est faible et souvent plat ; mais elle abonde en renseignements, en nouvelles, en faits de toute nature, et ce fut là sans doute une des causes du succès qu’elle obtint. Elle est fort utile à consulter pour l’histoire de la Révolution. Dans le même temps, Carra augmentait sa notoriété révolutionnaire par des discours à la tribune retentissante des Jacobins. Il était avec Brissot du parti de la guerre, et il ne demandait, pour soulever les peuples de l’Allemagne, que 50,000 hommes, douze presses, des imprimeurs et du papier. Mais il compromit lui-même sa popularité par une motion aussi absurde que bizarre, et qui donnait la mesure de son intelligence politique. Au moment où la chute de Louis XVI paraissait probable et même assurée, il osa, en plein club des jacobins, mettre en avant la candidature du duc d’York au trône de France. Il y eut un soulèvement dans toute l’assemblée, et le malencontreux orateur faillit être chassé. Il fut dès lors soupçonné d’être un de ces agents que la diplomatie de l’ancien régime entretenait en si grand nombre. Ses voyages, ses aventures et surtout son étrange proposition, donnaient quelque apparence de fondement a ce soupçon. Toutefois Carra était au premier rang des révolutionnaires : il poussa k l’armement du peuple

au moyen des piques, fut un des premiers, a dénoncer dans son journal l’existence du fameux comité autrichien, et subit même quelques poursuites à ce sujet. Au commencement de la guerre, il se présenta à la barre de l’Assemblée législative, déposa sur le bureau une boite d’or dont le roi de Prusse lui avait fait autrefois présent, et déchira publiquement la lettre que ce monarque lui avait écrite k cette occasion.

Lors de la publication du manifeste de Brunswick (v. Brunswick), par une coïncidence étrange, Carra publia le petit article suivant dans lequel on devait plus tard envelopper son arrêt de mort : • Rien de si bête que ceux qui croient ou voudraient faire croiro que les Prussiens songent k détruire les jacobins, et qui n’ont pas vu, dans ces mêmes jacobins, les ennemis les plus acharnés de la maison d’Autriche, les amis constants de la Prusse, de l’Angleterre et de la Hollande... C’est le plus grand guerrier et le plus grand voyageur politique de l’Europe que le duc dû Brunswick. Il ne lui manque peut-être qu’une couronne, je ne dis pas pour être le plus grand roi de l’Europe, mais pour être le véritable restaurateur de la liberté en Europe. S’il arrive à Paris, je gage que sa première démarche sera de venir aux jacobins et d’y mettre le bonnet rouge. MM. de Brunswick, de Brandebourg et de Hanovre ont un peu plus d’esprit que MM. de Bourbon et d’Autriche. » Cet article paraissait précisément le 25 juillet 1792, le jour où Brunswick publiait son Manifeste. On conviendra que l’étourdi journaliste jouait de malheur.

H y avait eu précédemment une coterie dont le ministre Narbonne était le chef, et qui avait eu la folle idée d’offrir la couronne de France à Brunswick. Le fils Custine (v ce nom) fut chargé de cette mission ; niais le prince refusa, et, bien mieux, donna connaissance à Louis XVI de cette étrange négociation. Carra trempait-il dans cette intrigue ? C’est ce qu’il serait difficile d’éclaircir. Toujours est-il que son article porterait k le supposer. Néanmoins, il fit partie des réunions où se prépara la révolution du 10 août, et fut élu députe à la Convention nationale par deux départements. Il Opta pour Saône-et-Loire, vota dans le procès de Louis XVI pour la mort sans appel ni sursis, et ne joua d’ail-