Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 2, Caq-Cel.djvu/305

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Le- village de Roquefort est bâtî en amphithéâtre et adossé a d’énormes quartiers de roches qui forment un plateau fort élevé, et dans lequel s’ouvrent les caves. Rien d’intéressant dans l’intérieur du village ; mais les rochers sont curieux à visiter, surtout la cour des Fées, qui renferme de belles concrétions calcaires, Cette grotte a 1,800 tn. de profondeur : à est dangereux de la parcourir sans guide, carde profonds abîmes s’ouvrent à chaque pas. Du sommet le plus élevé de ces rochers (leCambnlon, qui atteint 500 m. uu-dessus de la vallée), on découvre un pays pittoresque, mais sévère. Le sol est gris, pierreux, aride, quelques bruyères interrompent seules cette triste monotonie, et il semble que la Providence ait exilé la vie de cette terre désolée par les orages.

CAVE, petite ville des États de l’Église, à 35 kilom. S.-E. de Rome, 3 kilom. E. de Palestrina ; 2,400 hab. Climat très-pur, situation délicieuse, grande abondance d’eau ; belles grottes ; nombreux restes de murs cyclopéens qui ont dû appartenir à quelques villes des Herniques.

CAVE (Guillaume), historien et critique anglais, né à Pickwell (Leicester) en 1637, mort a Windsor en 1713. Il fut chapelain de Charles H, chanoine d’Oxford, et il s’est particulièrement occupé de recherches sur 1 histoire ecclésiastique. Son ouvrage le plus important a pour titre : Scriptorum ecclesiasticorum hisiaria litleraria (1688) ; la meilleure édition est celle d’Oxford (1740-1743, 2 vol. in-fol.). Outre cet ouvrage, où à une exposition très-claire et très-méthodique se joint une vaste et solide érudition, nous citerons de lui : le Christianisme primitif (1672), traduit en français (1712, 2 vol.) ; Antiquitates apostolicœ (1676, in-fol.) ; Apostolici ou Histoire de la vie, des actes et de la mort des hommes apostoliques (1677, in-fol.), etc.

CAVE (Édouard), journaliste anglais, né a Newton, dans le comté de Warwiek, en 1691, mort en 1754. Quelques écrits de peu d’étendue lui ayant procuré des ressources, il acheta une imprimerie et fonda le Gentleman’s Magazinc, feuille périodique qui a servi de modèle à tous Tés recueils connus sous le nom de Magasin.

CAVE (Stephen), membre du parlement anglais, né àClifton en 1820, d’un banquier ancien haut-shérif de Bristol. Il fit son éducation h Harrow et à Oxford, où il obtint le titre de maître es arts (licencié es lettres) en 1846. La même année, il se fit recevoir avocat. Depuis le mois d’avril 1859, il représente à la chambre des Communes un district du comté de Sussex. Conservateur, votant avec le parti qui a pour chef lord Derby, il n’est pas opposa néanmoins au progrès. Il s’est prononcé en faveur de l’éducation du peuple, et la réforme du régime pénitentier a toutes ses sympathies. Propriétaire dans l’Inde occidentale, il a parlé au parlement sur les questions coloniales. C’est au —même titre qu’il fut choisi pour représenter la Jamaïque et les Barbades au congrès international de statistique de 1860. M. Cave est encore gouverneur adjoint du comté de Glocester, juge de paix pour le Canton du Sussex, membre du conseil d’administration de la Banque d’Angleterre, etc. On lui doit quelques essais de jurisprudence et d’économie politique sur l’Esclavage et la Traite des esclaves (1849) ; Sur la question de savoir si prévenir et réformer sont des obligations incombant aux particuliers ou à VEtai (1853), et sur les Principes distinctifs de la punition et de la réformation (1857).

CAVE, ÉE (îca-vé) part. pass. du v. Caver. Rendu cave, creux :

Ses veuxenués, troubles et clignotants, De feux obscurs sont chargés en tout temps. J.-B. Rousseau.

— Jeux. Qui a fait sa mise : Je suis cave de vingt francs,

— Fig. Evalué, estimé : On sera pleinement convaincu, après la lecture de cet ouvrage, que, loin d’être exagérée, cette estimation est cavkk trop bas. (Fourier.)

— s. m. Argot. Dupe : Un Cave.

CAVE (Edmond-Ludovic-Auguste), littérateur, né à Caen en 1794, mort en 1852. Il publia, vers la fin de la Restauration, en collaboration avec Dittemer, et sous le pseudonyme de Fougeray, les Soirées de Neuilly (Paris, 1827, 2 vol. in-8»), série de proverbes dramatiques dont la tendance politique et les allusions tirent tout le succès. Il collabora aussi au Globe, et obtint après 1830 la direction des beaux-arts et des théâtres au ministère de l’intérieur, place qu’il occupa jusqu’en 1848. Après le coup d’État du g décembre, il reçut une position analogue au ministère d’Etat, mais mourut presque aussitôt. On lui doit aussi, outre l’mivrage déjà cité, des comédies, des vaudevilles et un ballet représenté à l’Opéra, la Tentation de saint Antoine.

CAVE (François), mécanicien français, né dtins un village de Picardie en 1794. Après avoir été simple ouvrier, puis soldat, il parvint à monter pour son compte un atelier de machines qui S’agrandit jusqu a compter huit et neuf cents ouvriers. La plupart des bateaux à vapeur qui naviguent sur la Seine portent des machines ^orties de son usine ; il fabriquait aussi les

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hélices et tous les appareils de navigation des plus grands navires. Décoré en 1834, honoré de plusieurs médailles d’or, il a vendu enfin ses ateliers à la maison Derosne et Cuit.

CAVE (Elisabeth-Marie Bl.wot, veuve), femme peintre, née à Paris vers 1810. Elle étudia l’aquarelle sous Roqueplan ; épousa ensuite. Clément Boulanger, qui lui enseigna la peinture de genre. Veuve en 1842, elle eut pour second mari François Cave, inspecteur des beaux-arts. Parmi ses aquarelles et ses peintures de genre, on cite : Enfant pleurant sa chèvre ; Jean-Jacques et les petits Savoyards ; le Mardi gras ; un Tournoi d’enfants, etc. Mme Cave est auteur d’une Méthode de dessin sans maître (1853), qui a obtenu du succès.

CAVEANT CONSULES(Que les consuls prennent garde), formule par laquelle le sénat romain, dans les moments de crise sociale, investissait les consuls d’un pouvoir dictatorial. La formule était : Caveant consules ne quid delrimenti respublica. capiat (Que les consuls prennent garde que la république n’éprouve aucun dommage).

Les deux plus solennelles conjonctures où le caveant consules ait été prononcé, c’est sous le tribunat des Gracques, au commencement des discordes civiles, et sous le consulat de Cicéron, aprîis la conjuration de Catilina. En vertu de la doucereuse formule du sénatusconsulte, CaJlina et les Gracques furent mis

Îmrement et simplement hors la loi, sans que a responsabilité des consuls courût aucun risque. L’origine du caveant consules n’a point de date daDS l’histoire romaine : il est né de la force des choses, du principe supérieur aux lois positives sur lequel repose tout État : Salus populi sitprema lex eslo [Que le salut public soit la loi suprême). La formule du sénatus-consulte romain a son analogue dans cette lugubre exclamation qui se faisait entendre quelquefois à la tribune de la Convention : Citoyens, la patrie est en danger.'

Maintenant le terrible caveant consules, appliqué plaisamment à des riens, est devenu une locution proverbiale. Caveant consules ! c’est-à-dire Prenez garde, Veilles au grain, Il y a péril en la demeure, à propos d’une bagatelle. C’est le contraste d’un mot de formidable mémoire appliqué à une chose frivole qui en fait le piquant. En voici quelques exemples :

« Quoil des associations de charité, des prières, le patronage d’un saint ! Caveant consules ! cela rappelle l’Église et les moines.» L. Veuillot.

« Caveant consules/ Que l’Europe avise, non l’Europe catholique, anglicane, protestante ou grecque, mais l’Europe laïque, le pouvoir civil, seul dépositaire désormais des grandes vérités éternelles. Que ce pouvoir agisse au nom de Dieu, père de tous les hommes, sans aucune intervention des sectes religieuses, » Louis Jourdan.

< Adieu, mon cher maître, priez Dieu ne quid respublica detrimenti capiat, et ne négligez pas au moins d’écrire sur cet objet à tous les académiciens que vous en croirez dignes. » D’Alembebx à Voltaire.

CAVEAT s. m. (ka-vé-at — mot lat. qui signif. qu’il prenne garde.’). Recommandation expresse : Le caveat de liacon est d’une facile observance. (Proudh.)

CAVEAU s. m. (ka-vo — diminut, de cave). Petite cave ; compartiment isolé dans une cave :

Pour porter le trépas à cent peuples vaincus, J’ai vu Mars profaner les caveaux de Bacchus.

Deulle. Bacchus a vidé son caveau Pour remplir la coupe des Parques.

EÉRANOEIt.

— Petit souterrain pratiqué dans un cimetière ou sous les.dalles d’une église, pour servir de sépulture : Les CAVEAUX de Saint-Denis, du. Panthéon.

— Par anal. Salle voûtée et sombre :

Cloîtres silencieux, voûtes des monastères, C’est vous, sombres caveaux, vous qui saveï aimer. A. le Musset.

— Phys. Caveaux acoustiques, Réduits souterrains pleins de vases de terre, que l’on avait essayé de ménager dans certaines églises pour renforcer la voix des chantres, à l’imitation des anciens, qui renforçaient par un procédé analogue la voix des acteurs.

— Hist. littér. Cabaret où se réunissait la société de littérateurs et de chansonniers fondée par Piron, Collé, Crébillon fils, Fuzelier, etc. Il Société même, qui, fondée en 1730, est tombée, s’est reconstituée a plusieurs reprises et subsiste encore aujourd hui :

Au Caveau je n’osais frapper -,

Des méchants m’avaient su tromper.

BÉfUNQER.

— Mar. Soute supplémentaire où l’on dépose les provisions du commandant.

Caveau (société du). De tout temps et à toutes les époques, les poètes, les gens d’esprit, les fins diseurs, tous les gais disciples de Cornus, ont aimé à se réunir en un même lieu, le plus souvent dans un cabaret, pour se livrer à d’intimes causeries.

C’est ainsi que nous rencontrons, à Rome,

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chez le cabaretier Coranus, Horace, Tibulle ; Properce, Ovide, buvant le vin de Falerne, vantant leurs maîtresses et chantant quelque chanson bachique écrite par le poète de Tibur, dans le mode inventé par Sapho, la dixième muse.

Au commencement du xviie siècle, à la Pommé-de-Pin (rue de la Juiverie), déjà il-lustrée par Villon et surtoutpar Rabelais, nous trouvons une réunion de poëtes qui avaient nom Théophile, Bergeron, Desbarreaux, Guillaume Colletet, Saint-Pavin et Luillier. « Bien souvent, raconte Urbain Chevreau en parlant de Colletet, nous allions manger chez lui, à condition que chacun y feroit porter son nain, son plat avec deux bouteilles de. vin de Champagne ou de Bourgogne ; et, par ce moyen nous n’étions pas à charge a notre hôte. Il ne fournissoit qu’une vieille table de pierre sur laquelle Ronsard, Jodelle, Belleau, Baïf, Amadis Jamyn avoient fait en leur temps d’assez bons repas ; et, comme le présent nous occupoit seul, l’avenir et le passé n’y entroient jamais en ligne de compte. Claudine, avec quelques vers qu’elle chantoit, y choquoit du verre avec le premier qu’elle entreprenoit, et son cher époux, M. Colletet, nous récitoit, dans les intermèdes du repas, ou quelque sonnet de sa façon ou quelque fragment de nos vieux poètes que l’on ne trouve point dans leurs livres. »

Un peu plus tard, rue du Pas-de-la-Mule, chez la Coiffier, à la Fosse-aux-lions, nous voyons une autre réunion de gentilshommes de la plume et de l’épée, tous trancs buveurs et gais rieurs, formant une sorte de francmaçonnerie bachique. C’étaient Saint-Amand, Nicolas Faret, d’Harcourt, maître Adam (le Virgile au rabot), etc., etc.

La Société du Caveau a donc une généalogie dont elle peut être flère. C’est dans l’arrière-boutique de l’épicier Gallet qu’elle prit naissance, à Paris, en 1729. Gallet, homme d’esprit et chansonnier, l’ami de Panard, de Piron, de Collé et de Crébillon fils, les invitait souvent à dîner. L’esprit et les couplets des convives égayaient ces repas. Mais l’épicier savait allier l’esprit futile d’Épicure au talent plus solide du commerçant ; quand il avait quelque marché à conclure, il faisait asseoir à sa table les marchands avec qui il traitait, et ceux-ci, flattés de se trouver en si aimable compagnie, charmés des saillies qu’ils entendaient, concluaient plus facilement les affaires. Piron, qui s’aperçut du manège, dit un jour à Collé : « Je crois vraiment qu’il nous prêle sur gages. • Gallet était soupçonné, en effet, de se livrer à l’usure. Quand le doute ne fut plus permis à cet égard, la Société prononça son exclusion, et M. Gallet fut prié de dîner le dimanche partout ailleurs qu’au Caveau.

C’était effectivement le premier dimanche de chaque mois, dans le cabaret de Landel, situé au carrefour de Buci et connu sous le nom de Caveau, qu’avait lieu la réunion. Panard, Piron et Collé appelèrent a leurs dîners mensuels Fuzelier, Saurin, Salle, Crébillon, Duclos, Gentil Bernard, Labruère, Moncrif, Helvétius, Rameau et le peintre Boucher. Ainsi se trouva constituée la Société. On y chantait des chansons, on y lisait des vers, on y critiquait les ouvrages nouveaux, on y lançait de temps en temps de fines épigrammes contre les absents et quelquefois même contré les assistants. Si le trait portait juste, celui contre lequel il était dirigé devait vider son verre à la santé du railleur. Si, au contraire, il était mal dirigé ou de mauvais goût, l’auteur était condamné à boire un verre d’eau, tandis que tous les autres sablaient le bourgogne ou le bordeaux en l’honneur de la victime inanquée.

Le bourgogne et le bordeaux jouaient, en effet, un grand rôle dans ces tournois bachiques. Qui ne sait que le verre de Panard avait 1 exacte mesure d’une bouteille de bordeaux, et que Panard le vidait sans eifort ? On se réunissait chez Landel pour jouter d’esprit et de gaieté ; pour boire et rire, pour célébrer, loin des censeurs, Bacchus aussi bien qu’Apollon, Eros aussi bien qu’Apollon et Bacchus.

Pour voir gentille fillette Sitôt qu’on l’appellera, Pour percer une feuillette Dès qu’on la demandera,

Et Ion Ion la

Landel irette,

Et Ion Ion la

Landel ira.

Cette société se dispersa à la Un de 1739, après avoir duré environ dix ans. Elle avait eu le tort d’inviter des grands Seigneurs lises séances. Ceux-ci, ne voulant pas être confondus avec les membres présents et tenant à inarquer qu’ils venaient avant tout assister à un spectacle, refusèrent les sièges qu’on leur offrait. Le silence seul répondit a leur dédain ; mais cette aventure éloigna des réunions quelques membres à qui leur position de fortune commandait des ménagements ; d’autres quittèrent Paris, appelés par leurs fonctions en province ou a l’étranger. Une partie des membres du Caveau se trouva ainsi dispersée, et tous cessèrent de se réunir.

Le Caveau avait fait naître autour de lui d’autres sociétés chantantes : la société d’A Îiollon, la société des Enfants de la lyre. Lui, e premier en date, le premier par son esprit et par sa gaieté, ne pouvait donc mourir entière OàVE

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ment. Il se réveille, en effet, en 1759, grâce au fermier général Pèlletier ? qui recevait à sa table, tous les mercredis, Marinante !.-Suard, Bqissy, Lanoue, Collé, Crébillon hs, Helvétius, Gentil Bernard et Laujon. Ces réunions, bien que consacrées à chanter, à rire et’ à boire, étaient moins gaies, moins libres que celles de la société précédente. Les hommes de lettres se sentaient peu à l’aise au milieu de tant de luxe, et ils se séparèrent de nouveau quelques années avant fa Révolution. Pelletier leur en fournit le prétexte par son ma- ’ riage avec une aventurière qui devait lui faira payer cher son obstination à ne suivre aucun conseil. Devenu fou à la suite de ses chagrins domestiques, il mourut à Charenton.

En 1796, les Diners du Vaudeville ressuscitent l’esprit du Caveau. Barré, Radet, Desfontaines et Pus en sont les fondateurs. Le règlement porte que le dîner sera mensuel et que chaque convive y dira une chanson. Armand Gouffé y fait entendre le Corbillard, . Piis sa Grande ronde à boire, Ségur aîné la Chaumière, Sêgur cadet le Voyage de l’Amour et du Temps. D’autres célèbrent les victoires de Bonaparte. Philipon de la Madelaine, Emmanuel Dupaty, Laujon, Prévôt-d’iray, Dieula-Foy, etc., complètent l’ensemble de cette société spirituelle, badine et patriotique. Elle vit le commencement du XIX* siècle et n’alla guère au delà. Sa dernière réunion eut lieu dans les premiers jours de 1802. Elle avait publié neuf volumes contenant les couplets chantés par ses membres. On en prit la fleur et on lit paraître les deux volumes bien connus sous le titre de : Choix des Diners du Vaudeville.

En 1806, le Caveau renaît au café de Cancale.sous le nom de Caveau moderne. Armand Gouifé et le libraire Cappelle en furent les fondateurs. Ils y appelèrent Désaugiers, Brazier, Antignac, Piis, Ségur aîné, E. Dupaty, Laujon, Philipon de la Madelaine, Ducray-Duniiuii, Cadet-Gassicourt, Grimod de la Reynière, etc. Les dîners avaient lieu au Hocher de Cancale, rue Montorgueil, le 20 de chaque mois. Laujon, alors fort âgé, les présidait. Après sa mort, la présidence passa à Désaugiers. Ce dernier, excellent acteur et très-bon mime, chantait ou plutôt jouait ses chansons avec une verve qui allumait, comme une traînée de poudre, l’entrain et la gaieté. Ce fut pour le Caveau qu’il composa la plupart de ses chansons, entre autres : Monsieur et Jlfme Denis, Cadet Èuteux, la Vestale et cette Treille de sincérité, chef-d’œuvre de fine satire :

Cette treille miraculeuse,

Dont la vertu tient du roman.

Passa longtemps pour fabuleuse

Chez le Gascon et le Normand ;

Mais des garants très-authentiques

Ont lu, dans un savant bouquin,

Que son raisin des plus antiques

Existait sous le roi Pépin.

Nous n’avons plus cette merveille

Ce phénomène regretté, La treille De sincérité..

Un auteur, sous son frais ombrage. Usant un poëme fort beau, À chaque feuille de l’ouvrage. L’humectait d’un raisin nouveau. « Çàl lui dit-on, un tel poème Vous a coulé six mois et plus ? — Non, reprit-il à. l’instant même, Il m’a coûté cinquante écus.. Nous n’avons plus cette merveille, etc.

Mais, hélas ! par l’ordre du prince, Ce raisin justement vanté, Un jour, du fond de sa province, Près du trône fut transplanté. Pauvre treille, autrefois si belle. Que venais-tu faire a la cour ? L’air en fut si malsain pour elle Qu’elle y mourut le premier jour. Nous n’avons plus cette merveiUe, etc.

V. au mot treille la musique et les autres couplets.

La Treille de sincérité ne fut pas la seule à laquelle Désaugiers rendit hommage : en fait de treilles, les membres du Caveau n’en dédaignaient aucune. Désaugiers chantait :

Le maçon m’invite. Le beaune m’agite, Le bordeaux m’excite. Le pomard me séduit ; J’aime le tonnerre, J’aime le madère, etc.

Ainsi, comme ses devanciers, le Caveau moderne unissait le culte du vin au culte de l’esprit, la gastronomie à la lyre. Chaque mois, il rédigeait, sous le titre de Journal des gourmands et des belles, le compte rendu de ses dîners. Le nombre des adeptes s’augmentait : Jouy, Thcolon, Ourry, Eusèbe Salverte, Coupart, Rouge : n Jiit, etc., prenaient place à la table des chansonniers. Des hommes illustres, lettrés, savants, des administrateurs regardaient comme un honneur d’être invités à s’y asseoir. Mais, parmi tous, celui dont la réputation est restée la plus brillante, ce fut Béranger. Le /loi tf’ïuetof, les Gueux et les infidélités de Lisette avaient appelé sur lui l’attention de Désaugiers, qui l’invita à un des dîners du Caveau ; et ici nous laissons parier Béranger lui-même : « En 18H, ru-