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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 2, Caq-Cel.djvu/75

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excellents sentiments bien plus qu’à ses capacités poétiques :

Ça ira, ça ira, ça ira,

Les aristocrat’ au ridicule !

Ce refrain n’est peut-être pas irréprochable de fortifie, peut-être même n’est-il pas d’un goût parfait, mais l’intention doit faire passer le fond. Cependant il faudrait s’entendre. Quels étaient pour la Carmagnole ces aristocrates dont elle entendait faire justice à sa façon ? Ces aristocrates n’étaient ni le noble ni te capitaliste, ces aristocrates qu’il faut tuer par le ridicule, ce sont « les courtisans du peuple ; ceux qui forment toujours le cortège du souverain, pour, se pousser aux gros emplois. Le roi est mort, vive le peuple 1 » La Carmagnole résumait tout ce qui se passait sous ses yeux par le décret que voici :

Au nom du peuple français.

Article 1". il n’y a plus rien.

Article 2. La commission du pouvoir exécutif rendra une loi pour assurer l’exécution du précédent article.

FNait en conseil, ce l’r juin 1848.

La Carmagnole... la dansa un beau jour, comme tant d’autres feuillus sorties en même temps qu’elle on ne sait d’où et qui retournèrent au même endroit. Ce n’est plus aujourd’hui qu’une curiosité bibliographique et un souvenir : c’est à ce titre que nous la signalons & cette place.

CABMAINfi (comté de), petit pays de France, dans l’ancienne province de Languedoc, dont la localité principale était Carmaing, arrond. de Vitlefranche (Haute-Garonne)..

CABMANA, ville de l’ancien empire des Perses, capitale de la Carmanie, aujourd’hui Kebman,

CARMANIE, province de l’ancien empire des Perses, entre la Parthie et l’Asie au N., la Drangiane et la Gédrosie à l’E., le golfe Persique au S., la Perside à l’O. Cette province, formant actuellement le territoire de l’Afghanistan, avait pour capitale Carmana et était divisée en deux satrapies : la Carmanie maritime et la Carmanie intérieure.

CARMANIEN, IENNE s. et adj. (kar-mani-ain, i-è-ne — de Carmanie). Géogr. Habitant de la Carmanie; qui se rapporte à ce pays ou à ses habitants : Les Carmanibns. La population CARMANIENNE.

— Encycl. Les Carmaniens avaient un singulier usage : Athénée rapporte que, pour se marquer une affection sincère dans les festins, ils s’ouvraient la veine du front, et que, mêlant leur sang avec le vin, ils se présentaient la coupe : c’était pour eux la preuve de la plus parfaite amitié que de boire réciproquement du sang l’un de l'autre. Après avoir bu, ils se frottaient la tête de quelque onguent, surtout celui de roses ou de coings, afin de modérer un peu l’effet du vin, et empêchaient ainsi ses fumées de devenir nuisibles.

CARMANTINE s. f. (kar-man-ti-ne). Bot. Genre de plantes, de la famille des acanthacées : La carmantine odorante croît en Arabie. (V. de Bomare.)

— Encycl. Ce genre d’acanthacées comprend des arbrisseaux à feuilles verticillées, rarement alternes, à fleurs opposées formant des épis terminaux ; chacune d’elles est accompagnée de trois bractées, dont une large, herbacée, et deux autres petites et subulées ; elle présente une corolle longuement tubuleuse, bilabiée, et deux étamines ; le fruit est une capsule a deux loges. Ce genre, aux dépens duquel on en a formé plusieurs autres, renferme un grand nombre d espèces, répandues dans toutes les régions chaudes du globe. La carmantine en arbre s’élève à la hauteur de 3 à 4 m. ; c’est un très-beau végétal, surtout quand H est couvert de ses grandes fleurs blanches, ce qui a lieu en juillet ; originaire de Ceyla.i, il s’accommode, sous nos climats, de l’orangerie. La carmantine à fleurs en crochet est un petit arbrisseau de l’Inde ; la décoction de sa racine et de ses feuilles est préconisée contre la goutte et les douleurs néphrétiques. La carmantine odorante croit en Arabie, dans les bois ; l’odeur n’en est bien sensible que lorsque la plante commence à se faner ; les Arabes font, avec ses fleurs, des couronnes pour les jours de fête. La carmantine à fleurs pourpres croit en Chine et aux Moluques ; une de ses variétés a les nœuds de la tige et les nervures des feuilles rougeàtres ; on s’en sert pour teindre en rouge. La carmantine peinte a des fleurs d’un beau rouge violacé,

ÇABMABTHEN ou CAEBMABTHEN, ville d’Angleterre, dans le pays de Galles, eh.-1. du comté de son nom, sur la Towy, et à Il kilom. de l’embouchure de cette rivière dans la baie de Carmarthen, à 280 kilom. N.-O. de Londres ; 11,000 hab. Usines de fer et corderies ; port pour bâtiments de 150 tonneaux, avec chantiers de construction ; exportation de tan, marbre, ardoises, minerai de plomb, grains, beurre, œufs, etc. Carmarthen est bâtie sur la Towy, et possède sur cette rivière un beau pont en pierre ; c’est une ville très-ancienne, bien bâtie cependant, autrefois résidence des princes de Galles et considérée comme capitale de la principauté. Elle possède, quelques monuments intéressants* L’église de Saint-Pierre renferme, entre autres tombeaux, celui de la famille Sohurlock, où fut enterré,

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en 1729, sir Richard Steele, l’ami d’Addison et de Swift, qui écrivit, dans les environs de Carmarthen, une de ses plus spirituelles comédies, Thé conscious Lovers, et qui mourut dans la maison où est maintenant l’hôtel d’Ivy Bush Inn, alors sa propriété. Dans l’hôtel de ville, grand et bel édifice, on voit le portrait de sir Thomas Picton, député de Carmarthen au parlement, qui fut tué à la bataille de Waterloo, et. À la mémoire duquel on a érigé un obélisque au milieu d’un square voisin. La Maison des pauvres est assez vaste pour donner asile aux indigents de vingt-neuf paroisses. L’école normale, établie par le comité d’édu-cation de la principauté de Galles, occupe aussi des bâtiments spacieux, dont la façade, d’architecture gothique, est assez remarquable. Citons encore : la prison du comté, bâtie sur l’emplacement de l’ancien château, dont il ne reste que des ruines peu considérables ; la maison de conversation (conversation’s housé), joli édifice qui renferme des salies de réunion et des salles de lecture entretenues par des souscriptions volontaires ; la statue en bronze de sir William Nott, de Carmarthen, mort à son retour de l’Inde, etc. La promenade nommée la Parade jouit d’une belle vue sur la riche vallée qu’arrose une branche de la Towy.

ÇABMABTHEN (comté de), division administrative de l’Angleterre, dans la principauté de Galles, entre les comtésaePembrokeàl’O., de Cardigan au N., de Brecknock à l’E., le comté de Glamorgan et le canal de Bristol au S. ; superficie, 252,274 hectares ; 106,500hab. Pays montagneux, avec de belles vallées arrosées par des rivières très-poissonneuses, dont les principales sont : la Towy, le Cowen et la Cothy. Terrain un peu sablonneux, excellent pour la culture de la pomme de terre ; récolte d’orge et d’avoine ; élève de bétail. Exploitation de houille, fer, plomb, marbres et ardoises, productions minérales qui forment le fond du commerce d’exportation du comté. Villes principales : Carmarthen, cap. ; Llanelly et Kidwelly.

CARMATH, fondateur d’une secte musulmane au me siècle de l’hégire, se nommait Humdan, et fut appelé Cannath, soit parce qu’il avait les yeux rouges, soit parce qu’ayant les pieds courts il ne pouvait marcher qu’à petits pas. Ayant eu des relations avec un missionnaire de la secte des ismaéliens, il en fonda une nouvelle à peu près sur les mêmes principes, et quand il eut réuni un grand nombre d’adhérents, il entreprit d’établir parmi eux la communauté des biens, et même celle des femmes. Devenant plus hardi à mesure qu’il voyait augmenter sa puissance, il enseigna le mépris de toute révélation et le droit absolu, pour ses fidèles, de tuer leurs enneniis et de les dépouiller de leurs biens. On a lieu de croire qu’il mourut vers l’an 900.

CARMAUX, bourg et commune de France (Tarn), arrond. et à 18 kilom. N. d’Albi ; pop. aggl. 3,973 hab. — pop. tôt. 4,758 hab. Verrerie importante ; commerce de grains et de farines. Mines de houille exploitées depuis plusieurs siècles. La concession de ces mines s’étend sur une superficie de 80 kilom. carrés, mais toutes les mines ouvertes jusqu’à ce jour sont

froupées dans un espace d’environ 2 kilom. e long sur 1,500 m. de large. Les résultats de cette importante exploitation ont été, en 1861, de 139,903 tonnes,

CARME s. m. (kar-me — du latin qualernus, composé de quatre unités). Jeux. Double coup de quatre, au jeu de trictrac : Il me faudrait un carme pour gagner, il Ce mot ne s’employait autrefois qu’au pluriel, et c’était plus rationnel, puisque le joueur qui fait ce coup fait deux guaternesou carmes ; Amener carmes.

CARME s. m. (kar-me —lat. carmen, même sens). Vers, poésie, il Charme, incantation. Il Vieux mot.

— Comm. Sorte d’acier.

CARME s. m, (kar-me — du mont Carmel, où commencèrent ces religieux). Hist. relig. Religieux d’un ordre mendiant institué en Syrie vers le xne siècle : Ce carme avait une humeur gaie qu’il savait concilier avec une vie. dure et mortifiée. (Le Sage.) il Carmes déchaux ou déchaussés, Ceux de l’étroite observance, qui marchaient pieds nus, et appartenaient a la réforme de sainte Thérèse : Le couvent des

CARMES DÉCHAUSSÉS, OU plutdt DÉCHAUX, COmme

on disait à cette époque, était une succursale du Pré-aux-Clercs. (Alex. Dum.) U Carmes mitigés, Ceux de l’ancienne observance mitigée au xve siècle, et qui se relâcha, dit-on, tellement, que la paillardise de ces moines était devenue proverbiale. Il Tiers ordre des carmes ou Carmes tierçaires, Religieux carmes institués au xve siècle par Sixte IV.

Eau de mélisse des carmes, Elixir dont l’invention a été attribuée aux carmes.

— Encycl. Si l’on en croit le moine érudit qui a héraldiquement exposé l’origine de son ordre, cet ordre illustre descendrait en ligne directe du prophète Élie, et comme, une fois engagé dans cette voie, il lui était facile de ranger sous la bannière carmélite tous ceux qui s’étaient distingués par leur science ou leurs connaissances diverses, il fit sans façon de Pythagore un carme, de Zoroastre un j carme, des druides des carmes, des vestales i de Rome des carmélites, et, convaincu qu’il I ne saurait trop jeter d’éclat sur cet ordre célè- j bre, il se décida, après mûre réflexion, à cou- ’

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ronner l’édifice élevé par son orgueil, en déclarant résolument que Jésus-Christ, le rédempteur de l’humanité, était un père carme ! Il est donc de tradition que les carmes portaient un manteau en souvenir de celui que le prophète Flie jeta du haut du ciel à son disciple Elisée, manteau dont ils a%’aient eu soin de conserver religieusement la forme et la couleur. Cette singulière prétention des carmes donna lieu, en 1665, a une fameuse dispute théologique sur les origines de l’ordre entre les jésuites, représentés parle P. Papebroch, le continuateur le plus zélé du recueil commencé par le jésuite Bollandus, et qui a pour titre Actes des saints, et les carmes représentés par les PP. Mastricei Orlandi et Daniel de la Vierge Marie. Papebroch, dans sa continuation des Actes des saints, avait avancé hautement que c’était un crime de haute hérésie de prétendre, comme les religieux du Mont-Carmel, qu’ils remontaient au prophète Élie ; les carmes répondirent, mais avec tant de violence, que la querelle s’envenima au lieu de se calmer. Ce qui causa surtout leur indignation, ce fut de voir, dans les Actes des saints, leurs prétentions qualifiées d’hérésie, d’y lire que leur véritable fondateur était Berthold à la fin du xie siècle ; que la haute antiquité des carmes, ou plutôt des religieux du Mont-Carmel, ne devait pas être admise un seul instant. Aussi, en 1666, vit-on paraître un pamphlet formidable venu des carmes de Flandre, en réponse à l’assertion des P. jésuites. Il avait ce long titre : Historico-theologicum armamentarium proferens omnis generis scuta, siée sacra scripturce, summorum pontifleura, sanctorum patrum, géographorum, et doctorum tam antiquorum guam recentiorum, authoritates, traditiones et rationes, quibus amicorum dissidentium tela, sive argumenta in ordinis Carmelitorum antiguitatem, originem, et ab Elia sub tribus votis essentialibus in MonteCarmelo hœrediiariam successionem et hue usque légitime non interruptam, vibrata enervantur. L’ouvrage est curieux par ce qu’il contient de prétention, d’orgueil, d’outrecuidance, d’injures et d’anathèmes. L’affaire s’envenima encore ; Papebroch ne démordit pas ; il se contenta de citer le témoignage de Jean Phocas, qui, dans la relation du voyage qu’il fit en Terre sainte, en 1185, dit, en parlant du Mont-Carmel, qu’on voyait la caverne ou grotte d’Elie, qu’il y avait seulement quelques années qu’un moine, vénérable par ses cheveux blancs, revêtu de la dignité de prêtre, et natif de Calabre, était venu sur cette montagne, après avoir eu une révélation du prophète Élie ; que là il avait fait un petit retranchement autour duquel on voyait les vestiges de quelques constructions. Après avoir bâti une tour et une petite église, il demeurait dans cette enceinte avec dix religieux qui s’étaient joints à lui. Telle est la relation de Phocas, qui est à plus d’un titre digne de foi, attendu que Phocas, après avoir été soldat, prit ï’haoit monastique, et visita en effet les saints lieux en 1185. On doit bien penser que la lutte ne fit que croître en fureurs et même en injures. En 1680 parut à Paris un opuscule ayant pour titre : le Miroir du Carmel ou Histoire de l’ordre d’Elie, des frères de Notre-Dame du Mont-Carmel, dans laquelle l’on montre son origine par le prophète Élie, sa propagation par les enfants des prophètes, son étendue et sa succession sans interruption par les esséniens, les ermites et les moines. L’ouvrage était du père Daniel, un carme ; seulement, comme il y avait longtemps que l’ouvrage était fait quand le Père mourut, et qu’il y avait longtemps que le père était mort quand ce pamphlet parut, on. avait eu le temps d’ajouter nombre d’injures de toute sorte contre le père Papebroch. Enfin, las de tant de luttes stériles, les carmes de Notre-Dame du Mont-Carmel en déférèrent à la cour de Rome, pour demander justice et confirmation de leur antique origine par le prophète Élie, en même temps qu’ils en appelaient en Espagne à la conscience des prélats et des hauts dignitaires pour faire rejeter par le conseil de la chambre haute les livres des Actes des saints qui contenaient la vie de Berthold, et en général les faits relatifs à l’origine des carmes. La réponse désirée ne se fit pas attendre d’Espagne, et les livres des Actes des saints furent regardés comme infâmes et hérétiques. Quant à la cour de Rome, le pape, par un bref du 20 novembre 1608, imposa silence sur la question de la primitive institution et succession de l’ordre des carmes par les prophètes Élie et Elisée, défendant, sous peine d’excommunication, de l’agiter à l’avenir dans des écrits ou dans les disputes publiques. Telle fut la fin de la dispute des jésuites et des frères de Notre-Dame du Mont-Carmel touchant la question de leurs origines.

À partir du xvuie siècle, les religieux abandonnèrent leur nom de Notre-Dame, pour ne

plus porter que celui de carmes. On voit que, en descendant de ces hauteurs à la réalité des faits, les carmes étaient primitivement de pieux solitaires qui vivaient en ermites sur différents points du mont Carmel, dont le nom servit à former le leur. Ces dignes cénobites employaient leur temps en prières et en jeûnes, et leur principale et utile occupation était de guider et de réconforter les voyageurs qui s’égaraient dans ces parages. En liiSj le patriarche de Jérusalem, Albert, les rêumten ordre religieux et les assujettit à l’observance d’une règle commune. En 1171, le pape Honoré III confirma cette institution,

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et, vers la même époque, un monastère s’éleva au-dessus de la grotte où se tenait, dit-on. le prophète Élie ; mais à peine les religieux y furent-ils installés, que les chefs sarrasins, qui ne voulaient pas qu on les confondît avec clés moines, ordonnèrent aux carmes de cesser de porter un manteau semblable à celui qui faisait partie de leur costume, ce qui obligea ces moines à se vêtir d’habits noirs et blancs.

Lorsque Louis IX alla en Palestine, il eut soin d’en ramener des moines et des religieux de divers ordres, et n’eut garde d’oublier les carmes. Il en installa six à Paris, dans une maison du port Saint-Paul.

En 1309, Philippe le Bel, qui avait pris les carmes enaffection, consentitàleurabandonner un vaste immeuble situé au bas de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, et qu’on désignait sous le nom de Maison du lion ; une petite chapelle en dépendait. Les cannes quittèrent donc leur modeste demeure pour aller habiter leur nouvelle résidence ; mais en s’en allant ils laissèrent à la rue où ils s’étaient primitivement établis le nom de rue des Barrés, nom qui leur avait été donné à eux-mêmes par le peuple, en raison des deux couleurs, noire et blanche, de leur vêtement.

On sait comment, avec le seul secours de l’aumône, les ordres mendiants parvinrent à posséder de riches revenus et à se construire des palais, et des églises ; les carmes se distinfuèrent par la façon dont ils surent s’emparer e la faveur publique et en bénéficier. -Au xive siècle, ils jouissaient d’un grand crédit,

Îiossédaient déjà une fortune considérable, et eur nombre s’était singulièrement augmenté ; ce fut alors qu’ils acquirent l’emplacement et les bâtiments du collège de Dace. Ce collège était situé dans la rue Saint-Hilaire, qui prit depuis le nom de rue des Carmes. Grâce à leurrichesse, les religieux purent embellir à leur gré leur nouvelle demeure, et bientôt, à travers les lézardes capricieuses de la porte | Bordet, le passant put apercevoir la pointe [ des tourelles du grand couvent des carmes, et j la cime des grands arbres de son jardin. Les libéralités de Philippe IV et de J eanne d’Evreux n’avaient pas peu contribué à enrichir ces religieux ; des dons de toute espèce pleuvaient dans le trésor de la communauté, et la reine Blanche leur légua en mourant un magnifique reliquaire d’or, enriehi de pierreries, qui contenait un petit morceau de fer qu’on disait être une partie de l’un des clous qui avaient servi à la passion de Notre-Seigneur. Cette relique ajouta à la considération dont jouissait déjà la couvent. Les- religieux eux-mêmes avaient une grande réputation de sainteté. En 1353, un jeune homme de vingt-deux ans, un insensé, assistant à la célébration de la messe dans l’église de leur monastère, arracha tout à coup des mains de l’officiant l’hostie consacrée et la jeta à terre. Remis immédiatement entre les mains des soldats, il fut condamné à avoir le poing coupé, à être pendu, puis à être brûlé sur un bûcher élevé en face de la porte principale du couvent des Carmes, ce qui fut exécuté le 11 décembre de la même année. On fit ensuite une procession générale, à laquelle assistèrent le roi, la reine et toute ta cour, afin de purifier le monastère de ce sacrilège. A partir de ce moment, les carmes eurent un renom universel ; le cardinal Michel du, Becmort à Avignon le 29 août 1381, avait expressément ordonné par ses dernières volontés que son corps fût transporté dans l’église des Carmes de Paris, et enterré dans le chœur, près du grand autel. Pour être plus sûr d’obtenir cette faveur, il avait légué au couvent 20 livres tournois et sa bibliothèque, à condition toutefois que les livres seraient enchaînés de manière qu’ils ne pussent être.volés par des lecteurs peu délicats ; il léguait, en outre, 1,000 livres pour servir à la reconstruction de l’église. C’étaitàqui briguerait l’honneur d’être inhumé aux Carmes, honneur toujours coûteux pour les héritiers du testateur, et avantageux pour la communauté.

Ces religieux, parfaitement logés, grassement rentes, profitèrent de l’influence qu’ils avaient obtenue pour faire de l’opposition aux souverains qui les avaient sans cesse protégés. Le 4 décembre 1654, un carme nommé Ferdinand d’Ascallano s’avisa de prêcher publiquement qu’en France on ne devait l’obéissance qu’aux lois religieuses. Cette doctrine par trop ultramontaine ûe fut pas du goût de messieurs de la Sorbonne, qui se hâtèrent de la censurer ; le parlement ne se contenta pas de cette censure, et ayant cité le supérieur et le régent des carmes à comparaître devant lui, il les admonesta en présence des docteurs en théologie, de façon à ce qu’ils ne fussent pas tentés de recommencerde semblables prédications. Mais déjà la grande réputation des carmes commençait à se ternir, sans que rien cependant fût articulé contre eux d’une façon précise ; le peuple, d’ailleurs, avait perdu une grande partie du respect qu’il était habitué à porter aux religieux de tous ordres, et des indiscrétions commises, colportées, répandues partout, il résultait que les carmes ne brillaient ni par leur chasteté ni par leur sobriété. Peu à peu des dictons offensants avaient fini par devenir populaires ; on disait Aot’re comme un carme... on disait bien pis, mais moins honnêtement, faisant honneur à ces pauvres moines de certains exploits dont ils ne devaient pas être glorieux. C’en était fait ; le mot carme était devenu synonyme do ceux d’ivrogne et de paillard, à la grande mortification du supérieu r, qui, par sa conduite, ne justifiait nullement les