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bénéfices plus considérables sur les revenus publics, maria sa fille avec Pompée, pour cimenter une alliance dont il comptait bien recueillir tous les fruits, et se fit décerner, pour cinq ans, le gouvernement de la Gaule Cisalpine et de l’Illyrie, auxquelles le sénat ajouta la Gaule Chevelue ou Transalpine, afin de paraître ménager le puissant ambitieux. Il pouvait désormais quitter Rome, livrée aux factions, et où les saturnales de l’anarchie allaient rendre facile la domination d’un maître ; il y laissait d’ailleurs des séides violents comme Clodius, et un parti puissant, composé non-seulement de tous les hommes perdus, qui comptaient sur une révolution pour rétablir leur fortune, mais encore de tous les ennemis de l’oligarchie et du sénat. Pendant que des rivaux médiocres, Crassus, Pompée, allaient s’user dans des luttes mesquines, il partit, il s’exila pour revenir maître, et alla préparer sa destinée dans un pays neuf, la Gaule, dont la conquête devait lui donner la gloire, des soldats et des richesses, c’est-à-dire les instruments de domination les plus puissants dans tous les temps et dans tous les pays. Pendant les neuf ans que dura cette guerre (il s’était fait proroger dans son commandement), il accomplit des choses prodigieuses, profitant habilement des dissensions des divers peuples, les provoquant même, subjuguant successivement toutes les tribus belliqueuses, depuis la Province (la Provence, que possédaient déjà les Romains), jusqu’aux plages noyées de la Hollande, depuis les mers orageuses de l’Armorique jusqu’au Rhin, qu’il franchit même pour repousser les Ubiens et les Suèves ; partageant les fatigues et les dangers des soldats ; marchant sous les pluies de la Gaule, à la tête des légions ; traversant nos fleuves à la nage ; dictant, dans sa course, à quatre secrétaires à la fois ; écrasant 2 millions d’hommes sur son passage, et franchissant d’un irrésistible élan les montagnes du Jura et de l’Auvergne, les forêts de chênes du centre de la Gaule et de l’Armorique, les marécages de la Meuse et des Flandres, les plaines bourbeuses et les forêts vierges de la Seine ; obligé souvent, comme les conquérants de l’Amérique, de se frayer une route la hache à la main, de jeter des ponts sur les marais ; déployant enfin le génie du plus grand des capitaines, en même temps que le courage du plus humble soldat. Il passa même la mer et alla planter les aigles romaines jusque sur la terre de Bretagne (Angleterre). Cette conquête, d’ailleurs, coûta des torrents de sang, et toutes les richesses de la Gaule passèrent dans les mains de César, qui les répandait dans Rome, achetait toutes les consciences vénales, le peuple, les magistrats, les sénateurs, et agitait continuellement la cité, où, maigre son absence, il était tout-puissant. Pour montrer avec quelle prodigalité il répandait l’or entre les mains de ceux qu’il voulait enchaîner à sa fortune, nous citerons seulement deux exemples : celui du consul Emilius Paulus, frère de Lépide le triumvir, dont il paya 7, 500, 000 fr. la neutralité équivoque, et qui ne gagna même pas l’argent que César lui donnait ; et celui de l’éloquent tribun Curion, qui jusque-là avait été le plus hardi champion du sénat, et qui se vendit, triste exemple de ces défections qui affligent d’autant plus qu’elles forcent à mépriser le talent. Curion coûta à César 2 millions, selon Velléius Paterculus ; 12 millions, suivant Valère Maxime.

Maître des Gaules, cet homme extraordinaire, qui, pour terrifier les peuples, avait souvent fait couper le poing aux prisonniers, changea de conduite à l’égard des vaincus, et se montra clément, humain et modéré. Il diminua les tributs, s’attacha à gagner l’affection des Gaulois, et composa de leurs meilleurs guerriers une légion tout entière, l’Alouette, qu’il devait bientôt associer à ses triomphes dans la guerre civile.

Cependant, à Rome, pendant que sa gloire et ses libéralités prodigieuses éblouissaient le peuple, un petit nombre de citoyens s’effrayaient de sa puissance et de ses projets à peine voilés. On parla de lui ôter un commandement devenu une menace pour la république ; le sénat, éperdu, chercha un appui dans Pompée, déjà irrité contre César, et qu’on gagna entièrement en le nommant seul consul, et en lui donnant, en outre, le gouvernement de plusieurs provinces. Après diverses négociations infructueuses, le sénat éclata enfin, ordonna à César de licencier ses légions, et chargea Pompée de la défense de l’État. Le fer allait décider (49 av. J.-C.)

César, qui passait souvent les hivers dans la Gaule Cisalpine, était alors à Ravenne. Quoiqu’il n’eût avec lui que 5 ou 6, 000 hommes, il se détermina sur-le-champ à marcher sur Rome, pour rétablir les tribuns dans leur dignité et pour rendre la liberté au peuple opprimé par une poignée de factieux, ainsi qu’il affirme sérieusement lui-même (Bell. civ., I, 22). Suivant la tradition (César n’en dit absolument rien), il hésita longtemps avant de passer le Rubicon, limite de sa province. Le Rubicon est un petit fleuve appelé aujourd’hui Garigliano. M. Ampère, dans son Histoire romaine à Rome, raconte ainsi ce qui se passa dans cette circonstance mémorable : « Arrivé à cette rivière, frontière de sa province, au bord de laquelle Manuce prétend avoir lu cette inscription : « Au delà de ce fleuve Rubicon, que nul ne fasse passer drapeaux, armes ou soldats, » César s’arrêta, et dit à ses amis ; « Pensons-y bien, nous pouvons encore revenir sur nos pas ; si nous passons ce ruisseau, la guerre sera notre juge. » — « Alors, dit Suétone, se leva tout à coup un pâtre d’une taille colossale et d’une beauté singulière, qui jouait sur une flûte de berger, et quand il eut amassé les soldats autour de lui, il saisit une trompette, s’élança dans le fleuve et le traversa, en la faisant résonner avec force. La conscience patriotique des soldats avait sans doute besoin de cet encouragement. « Allons, dit César, où nous appellent les présages des dieux et l’injustice de nos ennemis ; les dés sont jetés (alea jacta est). » Et il marcha contre l’univers avec 5, 000 hommes et 300 chevaux. Cette marche de soixante jours à travers l’Italie, presque sans coup férir, les troupes et les généraux envoyés contre César passant de son côté, ressemble beaucoup à la marche du César moderne en vingt jours, de Cannes à Paris ; cependant elle est moins merveilleuse. Il y a entre elles une autre différence : César était bien coupable, puisqu’il marchait sur Rome au mépris des lois ; mais il ne venait pas jouer le sort de son pays contre l’Europe entière sous les armes, hélas ! et, malgré des prodiges de résistance, y amener l’ennemi. Pompée, désespérant de pouvoir défendre Rome, se retira sur Brindes, suivi d’un grand nombre de magistrats, de sénateurs et de citoyens, forma tardivement une armée, mais fut bientôt obligé de passer en Épire. César entra dans Rome, s’abstint habilement de vengeances et de proscriptions, et ne pouvant, faute de navires, poursuivre Pompée, vola en Espagne, où ses ennemis avaient des troupes dévouées, soumit cette province en quarante jours, moins par ses armes que par l’ascendant de son nom et de son génie, revint ensuite en Italie, traversa hardiment la mer sur des barques et des radeaux, et conduisit une petite partie de son armée sur la côte de l’Épire, où sa fortune faillit se briser. C’est pendant une vaine tentative qu’il fit pour ramener de nouveaux soldats à travers les croisières ennemies, qu’il dit au pilote de la barque qu’il montait, épouvanté d’une tempête : « Ne crains rien, tu portes César et sa fortune ! » Enfin il écrasa, avec des forces inférieures, Pompée et l’armée sénatoriale, à la mémorable bataille de Pharsale, qui décida du sort de la république (9 août, 48 av. J.-C.) Dans cette lutte, où 400, 000 hommes combattirent, la cause de Pompée fut perdue en quelques heures. Ses élégants cavaliers, attaqués par deux cohortes, auxquelles César criait : « Frappez au visage, » ne voulant pas être défigurés, tournèrent bride, se cachant le visage dans les mains. Les Thraces et d’autres barbares se défendirent seuls avec courage. Pompée jeta ses insignes, monta à cheval, gagna les hauteurs, laissant son armée détruite et son camp forcé. Au milieu de ce camp, jonché de cadavres : « Ils l’ont voulu, dit César ; si je n’eusse demandé secours à mon armée, moi, César, après tant de victoires, ils me condamnaient. » Il se mit ensuite à la poursuite de Pompée, apprit sa destinée tragique en arrivant en Égypte, et versa, dit-on, des larmes sur sa mort. Là, il entreprit de mettre sur le trône Cléopâtre, dont les charmes l’avaient séduit, à l’exclusion de son frère Ptolémée, et s’engagea dans une guerre difficile, où il faillit périr. Il termina aussi heureusement, et avec moins de périls, une expédition contre Pharnacej, fils de Mithridate, et put écrire, après avoir soumis le Pont avec une rapidité prodigieuse : Veni, vidi, vici, « Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu. » Il reparut un instant à Rome, remplit le sénat et les magistratures de créatures dévouées, jeta à ses amis et à ses soldats les dépouilles des vaincus, courut abattre en Afrique, à la bataille de Thapsus (46), les restes du parti républicain, et revint triompher quatre fois à Rome, pour ses diverses guerres, évitant avec un tact exquis de triompher pour les guerres civiles. Tout subit alors son irrésistible ascendant ; il absorba tous les pouvoirs sous divers noms : consul, préfet des mœurs, dictateur perpétuel, imperator, etc. Le sénat, qu’il avait peuplé de barbares, de centurions gaulois de son armée, accumula sur lui tous les titres et tous les pouvoirs, lui donna le droit de paix et de guerre, la distribution des provinces, créa en son honneur des prêtres juliens, des temples, des autels, un culte, donna le nom de julius au mois de quintilis (juillet), déclara sa personne sacrée, le nomma père de la patrie, etc. César, d’ailleurs, se montra doux et clément. Il donna une amnistie générale et pardonna à presque tous ceux qui avaient porté les armes contre lui. L’année suivante, il dut retourner en Espagne, où les fils de Pompée avaient rassemblé une armée, et termina cette guerre nouvelle par la sanglante victoire de Munda (45).

Démagogue par calcul tant qu’il avait poursuivi la conquête du pouvoir, il n’avait évidemment d’autre but, en renversant l’oligarchie romaine, que d’hériter de sa puissance ; et c’est bien gratuitement que des théories arbitraires ont voulu faire de lui le chef d’une révolution populaire. Sa victoire n’a résolu aucun des problèmes posés au fond des choses, ni apporté de remède aux plaies qui dévoraient la société romaine. Après comme avant lui, il y eut une plèbe misérable et affamée, sans principes et sans dignité, oisive et mendiante ; des factions militaires, une aristocratie dévorante, des provinces asservies et dépouillées, enfin une Italie où les envahissements de la grande propriété et la multiplication des esclaves entraînaient graduellement l’extinction des cultivateurs libres et la ruine de l’agriculture. Beaucoup de ses mesures, d’ailleurs, montrent bien qu’il était resté aristocrate par caractère comme il l’était par la naissance. Il créa de nouveaux patriciens, augmenta le nombre des hautes magistratures, restreignit le pouvoir judiciaire du sénat et de l’ordre équestre, supprima les communautés d’artisans, dépouilla le peuple d’une partie de ses droits, en ne laissant qu’une ombre de liberté aux comices et en désignant les candidats à nommer, s’entoura d’une garde d’Espagnols, c’est-à-dire de barbares, et parut aspirer au titre de roi. Cependant il fit aussi des règlements utiles, restreignit l’extravagance du luxe, conféra le droit de cité à ceux qui exerçaient à Rome des professions libérales, fonda des colonies en faveur des familles pauvres, admit des vaincus à la cité, releva Corinthe et Carthage, accomplit la réforme du calendrier, appelée de son nom julienne ; et il avait, dit-on, projeté de dessécher les marais Pontins, de former à Rome une vaste bibliothèque publique, et d’opérer une réforme complète de la jurisprudence. On ne saurait aussi trop louer en lui cette mansuétude et cette clémence qui le portèrent à pardonner à ses ennemis, et même à les combler de bienfaits pour les attacher à sa fortune. Armé d’un pouvoir irrésistible, il ne punissait même point les conspirateurs qui lui étaient dénoncés ni les auteurs de libelles contre sa personne. Comme Alexandre, il roulait dans son esprit de vastes projets de conquêtes : il voulait aller soumettre les Parthes indomptables, longer la mer Caspienne et traverser le Caucase, subjuguer les Scythes, les Daces, les Germains, etc. ; mais la mort vint l’arrêter au milieu de ses rêves de grandeur. Des haines vivaces s’agitaient autour de lui ; des hommes qui avaient subi les arrêts de la victoire, mais qui n’avaient pu pardonner à César ses usurpations successives, qui même avaient accepté l’amnistie dont il les avait couverts et les dignités dont il les avait revêtus, mais qui s’effrayaient de ce despotisme grandissant, s’excitèrent mutuellement à venger la violation des lois et la destruction de la liberté. Une conjuration se forma, à la tête de laquelle étaient Cassius et Marcus Brutus. Comme s’il y avait dans l’air quelques pressentiments d’une grande catastrophe, les avertissements arrivèrent en foule à César : le devin Spurinna le suppliait de prendre garde aux ides de mars : « Il y eut un devin qui lui prédit et l’advertit longtemps devant, qu’il se donnast bien de garde du jour des ides de mars, qui est le quinzième, pource qu’il seroit en grand danger de sa personne. Ce jour estant venu, il sortit de sa maison pour s’en aller au sénat, et, saluant le devin, luy dit en riant : « Les ides de mars sont venues. » Et le devin luy respondit tout bas : « Elles sont venues voirement, Caesar ; mais elles ne sont pas passées. » (Plutarque, traduction d’Amyot). Des chevaux, qu’après son passage du Rubicon, il avait consacrés aux dieux et abandonnés dans les pâturages, refusaient, disait-on, la nourriture et pleuraient en abondance. La nuit qui précéda les ides, Calpurnie rêva que le toit de sa maison s’écroulait, qu’elle tenait entre ses bras son mari sanglant, et aussitôt toutes les portes de la chambre s’ouvrirent d’elles-mêmes ; César lui-même, se sentant mal disposé, hésita longtemps à se rendre au sénat, ne se mit en chemin que vers la cinquième heure, pendant qu’un esclave, après avoir inutilement tâché de l’aborder, venait se remettre entre les mains de Calpurnie, pour révéler, disait-il, des secrets importants à César ; et le dictateur entra au sénat, tenant, avec d’autres papiers, le billet encore cacheté où le rhéteur Artémidore lui donnait le détail de la conjuration.

Tout fut grave et calme dans l’action des conjurés. Le sénat était assemblé ce jour-là pour autoriser César à porter le titre de roi, hors de l’Italie. « Ils tuèrent César, dit Suétone, pour ne pas être obligés de voter ce décret. » Cassius, avec un grand nombre d’entre eux, était au Capitole, faisant prendre la toge virile à son fils. D’autres tenaient leur audience comme magistrats ; à un plaideur qui en appelait à César, Brutus répondait : « César ne m’empêchera pas de faire observer les lois. » Les conjurés vinrent au sénat, le poignard sous la toge, en silence, s’interrogeant du regard ; il y eut parmi eux un mouvement de terreur muette, quand un sénateur, qui paraissait avoir deviné le complot, s’approcha de César, lui parla bas et longtemps ; Cassius cherchait son poignard pour se tuer ; Brutus examina la physionomie des deux interlocuteurs, et, sans mot dire, promena sur ses complices un regard tranquille, qui les rassura.

On sait assez comment fut porté le coup. Les conjurés environnèrent César, sous prétexte de lui demander une grâce. Comme il la refusait, Metellus Cimber lui rabattit sa toge de dessus les épaules, ce qui était le signal. Casca le frappa le premier, par derrière, mais d’un coup mal assuré. Tous alors l’environnèrent ; « de sorte, dit Plutarque, que de quelque part qu’il se tournast il trouvoit toujours quelques-uns qui le frappoyent, et qui luy présentoyent les espées luysantes aux yeux et au visage, et luy se demenoit ne plus ne moins que la beste sauvage acculée entre les veneurs ; car il estoit dit, entre eulx, que chacun lui donneroit un coup, et participeroit au meurtre. » Aussi, quand César vit Brutus : « Et toi aussi, mon fils ! lui dit-il en grec. » Puis, il s’enveloppa la tête, ramena sa toge sur ses jambes, pour tomber avec décence, et demeura percé de vingt-trois coups (de trente-cinq, d’après le fragment de Nicolas de Damas, retrouvé en 1849), au pied de la statue de Pompée, qui en fut ensanglantée. « Si bien, dit encore Plutarque, qu’il sembloit qu’elle présidast à la vengeance et punition de l’ennemy de Pompeius. »

Disons, toutefois, que les mots : Et toi aussi, mon fils, adressés à Brutus, ne sont mentionnés que par des historiens postérieurs, Suétone, Plutarque, Salluste, etc. ; Nicolas de Damas, qui a laissé un récit circonstancié du meurtre de César, et qui était contemporain des événements qu’il raconte, n’en dit pas un mot.

Le meurtre n’a jamais sauvé les institutions condamnées. La mort tragique du dictateur ne ressuscita point la république, et elle ne fut que le prélude des guerres civiles d’où sortit l’ère des Césars. Rome était destinée à expier sa gloire militaire et ses violences envers les peuples, sous des maîtres qui lui firent amèrement regretter le grand homme et le tyran relativement débonnaire qu’elle avait sacrifié, après l’avoir divinisé.

Général, homme d’État, législateur, jurisconsulte, orateur, poète, historien, astronome et mathématicien même, César avait reçu de la nature les dons les plus riches et les plus variés. Cicéron le plaçait au premier rang parmi les écrivains et les orateurs. Il ne nous reste rien de ses harangues. Il avait écrit des Poemata, essais poétiques de sa jeunesse ; une tragédie d’Œdipe ; un livre, De astris, sur les mouvements des corps célestes ; des Apophthegmata, recueil de bons mots ; l’Anti-Cato, réplique au Caton de Cicéron ; un traité sur les Augures et les Auspices ; un autre De ratione latine loquendi ; des Épigrammes, etc. Tous ces ouvrages sont perdus, à l’exception de quelques fragments. Ses Commentaires sur la guerre des Gaules, qui nous ont donné les premières notions sur ces contrées dans l’antiquité, sont écrits d’un style pur, sobre et concis, et sont devenus, à juste titre, classiques dans le monde entier. Ils ont, de plus, pour nous la valeur d’un monument national. Les Commentaires sur la guerre civile sont empreints d’une certaine partialité. Le huitième livre de la Guerre des Gaules, ainsi que les Guerres d’Alexandrie et d’Afrique, ne sont pas de César, mais de A. Hirtius. Les Guerres d’Espagne sont d’un auteur inconnu.

De tous les personnages de l’histoire. César est peut-être celui dont on s’est le plus occupé. Nous allons donc terminer cette biographie importante en donnant l’opinion de ceux des historiens auxquels la critique historique accorde le plus d’autorité.

Montesquieu (Parallèle entre César et Pompée). « À Rome, faite pour s’agrandir, il avait fallu réunir dans les mêmes personnes les honneurs et la puissance ; ce qui, dans des temps de troubles, pouvait fixer l’admiration du peuple sur un seul citoyen. Quand on accorde des honneurs, on sait précisément ce que l’on donne ; mais quand on y joint le pouvoir, on ne peut dire à quel point il pourra être porté. Des préférences excessives données à un citoyen dans une république ont toujours des effets nécessaires : elles font naître l’envie du peuple, ou elles augmentent sans mesure son amour.

« Deux fois, Pompée, retournant à Rome, maître d’opprimer la république, eut la modération de congédier ses armées avant que d’y entrer, et d’y paraître en simple citoyen. Ces actions, qui le comblèrent de gloire, firent que dans la suite, quelque chose qu’il eût fait au préjudice des lois, le sénat se déclara toujours pour lui.

« Pompée avait une ambition plus lente et plus douce que celle de César. Celui-ci voulait aller à la souveraine puissance, les armes à la main, comme Sylla. Cette façon d’opprimer ne plaisait point à Pompée : il aspirait à la dictature, mais par les suffrages du peuple ; il ne pouvait consentir à usurper la puissance ; mais il aurait voulu qu’on la lui remît entre les mains…

« Pompée s’unit d’intérêts avec César et Crassus. Caton disait que ce n’était pas leur inimitié qui avait perdu la république, mais leur union…

« Enfin la république fut opprimée ; et il n’en faut pas accuser l’ambition de quelques particuliers, il en faut accuser l’homme, toujours plus avide du pouvoir à mesure qu’il en a davantage, et qui ne désire tout que parce qu’il possède beaucoup…

« César pardonna à tout le monde ; mais il me semble que la modération que l’on montre après qu’on a tout usurpé ne mérite pas de grandes louanges. »

Le comte de Champagny (dans son livre intitulé les Césars). « César a connu son siècle. César connaît son siècle et le comprend ; il veut, non pas le suivre, mais le devancer. Il a deviné que, dans la révolution qui va se faire, il n’y aura qu’une place digne de lui ; que s’il n’est le maître, il devra être esclave. Pour ne pas être écrasé par cette révolution, il faut qu’il la mène. Nous avons les oreilles rebattues de personnages qui symbolisent une