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marine, il devint timonier pendant la guerre d’Amérique. Revenu à Nevers en 1784, il s’occupa pendant quelque temps de botanique, puis se rendit à Marseille dans l’intention de s’embarquer pour l’Égypte, afin d’étudier la flore de ce pays et ses antiquités. N’ayant pu donner suite à ce projet, il voyagea dans une partie de la France, séjourna à Brest, à Calais, et surtout à Avignon, où il fournit des articles au Courrier, journal de cette ville. La Révolution le ramena dans son département, où il se fit remarquer par son enthousiasme pour les idées et les institutions nouvelles. Il était un des meneurs du club de Nevers et publia à cette époque plusieurs brochures politiques. Fixé à Paris en 1790, dans ce district des Cordeliers qui a fourni tant d’acteurs au grand drame de la Révolution, il suivit les cours de l’École de médecine en même temps qu’il travaillait pour une étude de procureur, afin de subvenir à ses besoins. Il était un des orateurs les plus ardents du club des Cordeliers, fut associé par Prudhomme à la rédaction du journal les Révolutions de Paris, fut un des signataires de la fameuse pétition du Champ-de-Mars et prit une part active à tous les mouvements de la Révolution. Nommé membre de la Commune insurrectionnelle du 10 août, il fut élu procureur-syndic de la Commune, en remplacement de Manuel porté à la Convention nationale. Cette élection est une preuve de la popularité dont il jouissait déjà. Orateur facile et chaleureux, cœur ardent et sincère, doué d’une figure agréable et d’un organe sonore, probe et désintéressé, simple dans ses manières, d’un caractère droit et d’une pureté de mœurs inattaquable, il avait certainement beaucoup des qualités qu’on est en droit d’attendre d’un magistrat populaire. On peut répudier ses opinions philosophiques et politiques, mais on ne pourrait sans injustice lui refuser l’estime qui est due aux hommes honnêtes, à quelque parti qu’ils appartiennent. Il a d’ailleurs partagé tous les entraînements du temps. Dès son installation comme procureur de la Commune, il prit officiellement le prénom d’Anaxagoras, pour indiquer le peu de cas qu’il faisait des saints du catholicisme. Ce prénom, d’ailleurs, il l’avait adopté dès la fin de 1791, comme l’atteste une lettre de lui que nous avons eue sous les yeux. Il est avec Cloots un des premiers qui répandirent cette mode révolutionnaire de la débaptisation. Son ascendant sur le conseil de la Commune et sur le peuple de Paris lui fit naturellement jouer un rôle important dans les événements. Il était un des chefs du parti dont on a désigné les membres sous le nom d’hébertistes. Cependant il était séparé de son substitut, le fameux Hébert, par des différences d’opinions et de sentiments qui se manifestèrent en diverses circonstances. Il fut le promoteur d’une foule de mesures qui honoreront à jamais cette Commune de 1793, que les historiens de parti nous ont souvent représentée comme un camp de barbares, et qui se composait en majorité d’hommes distingués dans tous les genres, de savants, d’artistes, de jurisconsultes, de laborieux industriels et commerçants, d’écrivains, etc. Chaumette réclama et obtint l’abolition de la peine du fouet dans les maisons d’éducation, provoqua la fermeture des maisons de jeu et de débauche, la suppression des loteries, prit des mesures sévères contre les vendeurs de livres et de gravures impudiques, et fit décider que la bibliothèque de la Commune ferait collection des arrêtés, imprimés, adresses, etc., qui pourraient servir de matériaux aux historiens ; que le théâtre de la Montansier serait fermé, dans la crainte qu’un incendie ne communiquât le feu à la Bibliothèque nationale (située en face) ; que les bibliothèques seraient ouvertes tous les jours (elles ne l’étaient dans l’ancien régime que deux heures par semaine) ; que les malades des hôpitaux seraient désormais seuls chacun dans son lit ; que des livres seraient envoyés aux hospices ; que les aveugles non logés aux Quinze-Vingts (dont le régime fut amélioré) recevraient un secours de 15 sous par jour : qu’on rechercherait les moyens de loger les indigents, les infirmes et les vieillards, et de procurer du travail aux indigents valides ; qu’une maison spéciale serait affectée aux femmes en couches ; que le régime barbare imposé aux fous de Bicêtre et de la Salpêtrière serait adouci, etc. Ce fut aussi lui (les artistes l’ont bien oublié) qui fit créer notre grande école de musique, le Conservatoire, et qui entraîna la Commune à demander à la Convention de faire suspendre les restaurations barbares de tableaux qui se faisaient au musée du Louvre, et d’instituer un concours à ce sujet. « Plût au ciel, dit avec amertume M. Michelet, que l’administration de nos temps civilisés eût suivi, sur ce point, l’idée du vandale Chaumette ! Le musée du Louvre n’eût pas subi les transformations hideuses qu’on y déplore aujourd’hui. »

Enfin, pour ne point fatiguer le lecteur d’une trop longue énumération, bornons-nous à ajouter qu’il fit décider que les honneurs de la sépulture seraient rendus aux pauvres de la même manière qu’aux riches ; d’après ce bel arrêté sur l’égalité des sépultures, les citoyens avaient tous un cortège décent et ils étaient ensevelis dans un drapeau tricolore. Paris a gardé quelque chose de cette égalité, malgré les réactions. L’indigent même, quand il est enterré aux frais de la ville, va à sa dernière demeure dans un char à deux chevaux, précédé d’un commissaire des morts, agent de la ville, qui n’est autre que le commissaire civil institué par Chaumette.

C’est aussi sur le drapeau national de la Commune que Chaumette recevait les enfants que les pères apportaient pour leur faire conférer le baptême municipal, purement civil, ou pour les rebaptiser de noms révolutionnaires. De sorte que, pour emprunter les belles paroles de M. Michelet, « nos saintes couleurs, le drapeau sacré de la régénération humaine recevait l’homme à la naissance et le recueillait à la mort. Pour consolation de la destinée, il trouvait ce bon accueil à son dernier jour ; il s’en allait vêtu de la France sa mère, enveloppé de la patrie. »

On a répété à satiété, en preuve de la barbarie des nommes de la Commune, que Chaumette demanda que les jardins publics fussent plantés en pommes de terre et autres plantes alimentaires. Cette proposition n’était pas nouvelle, et elle n’était qu’une conséquence un peu forcée de la réaction contre les parcs immenses et les inutiles jardins de l’aristocratie et des ordres religieux que l’émigration laissa vides et dont l’agriculture s’empara successivement au grand avantage du pays. En ce qui touche nos promenades, la proposition de Chaumette était sans doute un peu puérile, mais elle était propre à calmer le peuple à ce moment où Paris manquait de pain (septembre 1793). Ce fut lui aussi qui, touche du dénûment de nos pauvres soldats, qui marchaient pieds nus dans la neige et la boue, adjura les patriotes de porter des sabots pour faire baisser le prix du cuir ; son exemple entraîna des villes, des départements entiers qui se dépouillaient de leurs chaussures en faveur des défenseurs de la patrie. On sait qu’alors le cuir manquait par suite de l’immensité des besoins et de la lenteur des anciens procédés de tannage (les procédés rapides inventés par Séguin ne datent que de l’an III). Les historiens superficiels et les écrivains de parti ont beaucoup ridiculisé les sabots de Chaumette ; mais, bien loin de trouver là quoi que ce soit de ridicule, nous y voyons un trait touchant qui atteste le grand cœur et le patriotisme des hommes de ce temps.

Nous avons parlé delà popularité de Chaumette. Il était en effet l’oracle des Parisiens, qui ne se fatiguaient pas d’aller entendre, à la salle Saint-Jean, ses exhortations patriotiques ou morales. L’infatigable magistrat ne quittait, pour ainsi dire, jamais l’Hôtel de ville ; mêlé à la foule, qui se renouvelait sans cesse, il était accessible à tous, écoutait toutes les réclamations et répondait à tous sans jamais se lasser. Quand les séances envahissaient l’heure des repas, il tirait de sa poche un morceau de pain, comme le bonhomme Pache, et le mangeait tranquillement au milieu de la foule. Telle était la simplicité de ces magistrats révolutionnaires dont la physionomie a été si étrangement défigurée. Il y a un mot du temps qui peint avec naïveté la notoriété de Chaumette. On disait qu’il avait remplacé le carillon de la Samaritaine qui sonnait au Pont-Neuf. À tout nouveau débarqué, le Parisien de 1793, en effet, ne demandait plus, comme autrefois : « Avez-vous vu la Samaritaine ? » mais : « Avez-vous entendu Anaxagoras Chaumette ? »

Emporté par le flot des événements, il appuya, comme procureur de la Commune, toutes les grandes mesures révolutionnaires, réclama au nom des sections de Paris et devant la Convention la création de l’armée révolutionnaire, et joua surtout un rôle important dans le mouvement contre le culte catholique, avec Anacharsis Cloots et autres. Il fut un des principaux organisateurs des fêtes de la Raison et provoqua la fermeture des églises de Paris (v. Raison). Lors de la chute des hébertistes, Chaumette, d’abord épargné par Robespierre, qui redoutait sa popularité, fut arrêté lui-même peu de temps après et renfermé dans la prison du Luxembourg. Il ne pouvait croire qu’on pût l’impliquer dans la conspiration qu’on imputait à ses amis, car il s’était séparé positivement d’Hébert en refusant de faire appuyer par la Commune le mouvement cordelier. On fit mieux encore en le comprenant dans la première de ces grandes fournées qu’on appela les conspirations des prisons, fictions meurtrières qui permettaient d’amalgamer dans le même procès des gens dont beaucoup ne se connaissaient même pas entre eux. C’est ainsi que Chaumette fut traduit au tribunal révolutionnaire en compagnie de Lucile Desmoulins, du girondin Beysser, du dantoniste Simon, du royaliste Hilton, etc. Il fut spécialement accusé de s’être coalisé avec Cloots, « pour effacer toute idée de la divinité.» Fouquier-TinviUe et le président Dumas parlèrent d’une manière fort édifiante de l’Être suprême, de la doctrine désolante de l’athéisme, et reprochèrent au procureur de la Commune de n’avoir fait fermer les églises, pendant qu’il poursuivait les filles de joie, que pour soulever contre la République les libertins et les dévots. Cette ridicule accusation avait été lancée déjà par le léger Camille Desmoulins dans son Vieux Cordelier. C’était la thèse de Robespierre. L’attitude de Chaumette fut pleine de dignité, quoi qu’on en ait dit, et M. Miehelet, qui cependant l’apprécie généralement avec équité, est dans l’erreur lorsqu’il écrit : « Chaumette pouvait les écraser ; mais il plaida à plat ventre, se montra ce qu’il était, un pauvre homme de lettres craintif et tremblant. »

M. Louis Blanc, ardent robespierriste cependant, est plus exact et plus juste : « Son attitude calme et fière devant ses juges, dit-il ; la dignité sans emphase de son langage, le refus dédaigneux qu’il fit de défendre sa vie, ne s’inquiétant que de son honneur, furent d’un homme qui n’attend que de sa conscience l’absolution de ses fautes. »

Il fut condamné à mort et décapité le 24 germinal an II (13 avril 1794).

Avec lui finit la grande Commune, avec lui fut définitivement écrasée la révolution philosophique et religieuse qui fut une des tentatives les plus hardies de cette époque. Ce qu’on frappa dans Cloots et dans Chaumette, suivant M. Michelet, c’était l’audacieuse avant-garde de la pensée humaine, du libre génie de la terre, qui eut son précurseur dans la Commune de Paris. Enfin, suivant le même écrivain, tous les martyrs de la libre pensée, tous ceux qui versèrent leur sang pour la liberté religieuse, les milliers de protestants persécutés « doivent reconnaître un frère dans l’apôtre de la Raison, qui fut la voix de Paris. »


CHAUMETTE DES FOSSÉS (J.-B.-Gabriel-Amédée), diplomate et voyageur, né k Paris en 1782, mort en 1841. Il suivit, en 1803, le général Brune à Constantinople, occupa divers consulats en Orient, fit de longs voyages en Norvège, en Laponie et en Russie, et séjourna quinze ans au Pérou comme consul général. Il mourut sur le navire qui le ramenait en Europe. Il connaissait plus de vingt langues. On a de lui : Voyage en Bosnie dans les années 1807 et 1808 ; Essai sur le commerce de la Norvège.


CHAUMEUR s. m. (chô-meur-rad.eAaume). Nom que l’on donnait, dans le xine siècle, aux marchands de paille et aux couvreurs en chaume.

— On donne encore ce nom, dans les provinces du centre de la France, aux ouvriers chargés d’arracher le chaume dans les champs : Manger comme un chaumeur.


CHAUMIER s. m, (chô-mié). Ouvrier qui coupe ou arrache le chaume dans les champs. Il Ouvrier qui couvre de chaume les habitations.

— Agric. Tas de chaume ou de paille.

CHAUMIER (Pierre -Siméon), littérateur français. V. Simkon-Chaumier.

CHAUMIÈRE s. f. (chô-miè-re — rad. chaume). Habitation rustique étroite, misérable, le plus souvent couverte de chaume : Habiter une chaumière. Pays pauvre où l’on ne voit que des chaumières. C’est dans les appartements dorés qu’un écolier va apprendre les airs du monde, mais le sage en apprend les mystères dans la chaumière du pauvre. (J.-J. Rouss.) Il y a partout une chaumière auprès d’un palais. (Chateaub.) La chaumière ?i’est du goût que de ceux qui ne l’habitent pas. (St-Marc Gir.) C’est au foyer des chaumières qu’on a le charme d’entendre le français de souche, le français vieilli, mais nerveux, souple et libre. (Ste-Beuve.)

Heureuse la chaumière où la Muse est entrée !

Podsard.

Les chemins sont déserts, les chaumières sans voix, Nulle fouille ne tremble h la voûte des bois.

Lamartine.

Tu ne reverras plus tes riantes montagnes, Le temple, le hameau, les champs de Vaucouleurs,

Et ta chaumière, et tes compagnes. Et ton père expirant sous le poids des douleurs. C. .Delavioue.

— Syn. Chaumière, baraque, bicoque, ««lutue, etc. V. CABANE.

— Antonymes. Castel, château, hôtel, palais, maison de plaisance, villa.

— Epithètes. Paternelle, héréditaire, étroite, pauvre, indigente, humble, modeste, vertueuse, paisible, calme, tranquille, innocente, champêtre, agreste, rustique, nue, dépouillée, froide.

Omnmiêre indienne (la), Conte philosophique de Bernardin de Saint-Pierre, publié en 1791. C’est une fiction charmante, qui joint aux peintures et aux sentiments déjà tracés par 1 auteur dans ses autres ouvrages l’attrait nouveau d’une satire piquante. Un savant docteur anglais va jusque dans l’Inde pour y chercher la solution de quelques vérités scientifiques. Il s’entretient avec un paria, qui, loin du monde, dont il a éprouvé les injustices, vit heureux avec sa femme et son chat. Là, dans une conversation qui s’élève parfois jusqu’aux plus hautes considérations philosophiques, et telle qu’eussent pu la tenir Socrate et Platon s’ils eussent vécu à la fin du xvnje siècle, se fait la critique des académies, des sociétés, de la science et du bonheur des villes. Revenu à Londres, dit Bernardin de Saint-Pierre, le docteur répondait à ceux qui lui demandaient ce qu’il avait appris de plus utile dans ses voyages : « Il faut chercher la vérité avec un cœur simple ; on ne la trouve que dans la nature ; on doit ne la dire qu’aux gens de bien. » A’quoi il ajoutait : «On n’est heureux qu’avec une bonne femme. » Ce petit conte indien renferme plus de vérités que nombre de longues histoires. Il obtint un grand succès et souleva de très-vives critiques.

En 1808, M.-J. Chénier ; orateur d’une députation de l’Institut, chargée d’aller à la barre du conseil d’État rendre compte à Napoléon des.travaux pour les prix décennaux, dit dans son discours » que la Chaumière

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indienne était le meilleur, le plus moral et le plus court des romans. • 11 ajoutait : « Comme dans ses autres ouvrages, Saint-Pierre y réunit l’art de peindre par l’expression, l’art de plaire à l’oreille par la musique du langage, et l’art suprême d’orner la philosophie par la grâce. »

Les beaux esprits de l’époque, c’est-à-dire les intelligences éprises du progrès et de la liberté, virent dans ce roman une satire des institutions religieuses. Voltaire avait mis dans ses contes k l’orientale plus de raillerie ; mais sonZadigzi’a. point la causticité délicate, l’imagination colorée, la magnificence de ce second chef-d’œuvre de Bernardin de Saint-Pierre, où l’ironie relève la grâce et le charme du récit. « Nulle part, dit M. Sainte-Beuve, il n’a montré aussi vivement ce tour de pensée et d’imagination, antique, oriental, allant naturellement k l’apologue, à la similitude, qui enferme volontiers un sens d’Ésope sous une expression de Platon, dans un parfum de Sadi. Je ne fais que rappeler tant de comparaisons familières k l’auteur et éparses en toutes ses pages, de la solitude avec une montagne élevée, de la vie avec une petite tour, de Ta bienveillance avec une fleur, etc., etc. ; mais la plus illustre de ces images, et qui qualifie le plus magnifiquement cette partie du talent de Bernardin, est, dans la Chaumière, la belle réponse du paria : « Le malheur ressemble à la montagne noire de Bember, aux extrémités du royaume brû■ lant de Lahore : tant que vous la montez, « vous ne voyez devant vous que de stériles rochers ; mais, quand vous êtes au sommet, vous apercevez le ciel sur votre tête, et k vos pieds le royaume de Cachemire. » Cela est aussi merveilleusement trouvé dans l’ordre des sentences morales, que Paul et Virginie dans l’ordre des compositions pastorales et touchantes, a

M. Aimé Martin croit que la pensée de Bernardin était d’ouvrir un refuge au malheur. «Voyez ce pauvre paria, vil rebut de la nature, errant parmi les tombeaux, sans patrie, sans famille ; il n’est pus seulement rejeté do la société, c’est un être abject dont fa présence déshonore, dont le souffle est une souillure. Il n’ose approcher de ses semblables, il n’ose se montrer au jour ; on peut le tuer Comme une bête féroce : c’est l’homme te ! que les hommes le font. Courbé sous le poids du mépris, de l’abandon, de l’infamie, il relève son front et semble dire aux infortunés : Malgré tant de misères, il est encore possible d’être heureux ! »

La Chaumière est le livre qui console, comme Paul et Virginie est le livre qui fait aimer. Il nous invite k vivre avec le malheur, à le considérer comme un ami qui nous enseigne la sagesse. M. Aimé Martin rappox-te une anecdote historique où l’on voit qu’un jeune homme désespéré fut arraché à la tentation du suicide par la lecture de la Chaumière indienne (1795).

Dussault a écrit, dans les Annales littéraires, quelques lignes d’une rare finesse et d’une exacte vérité sur les deux chefs-d’œuvre de Bernardin, s Paul et Virginie et ia Chaumière indienne, où M. de Saint-Pierre a si bien exprimé les contrastes de la nature et âa la société, de l’amour et de la pudeur, de la mélancolie solitaire et rêveuse avec le tumulte bruyant des cités, sont sans doute des productions charmantes ; mais ce que prouvent le mieux ces délicieux ouvrages, ce n’est pas que l’auteur eût pénétré le secret de la nature, mais qu’il avait deviné celui de la peindre de ses vraies couleurs, et d’en rendre fidèlement tous les charmes, toutes les grâces et toutes les beautés. »

Napoléon avait dit un jour à l’auteur, pensionné par la famille impériale : «Vous devriez nous faire des Paul et Virginie et une Chaumière indienne tous les six mois ! >

Terminons enfin par cette appréciation de M. Eugène Marot : « Dans la Chaumière indienne, tout.invite k une sérénité forte, bien au-dessus de la rêverie ou de la mélancolie, signes de souffrance et de défaillance morales. Jamais on n’a célébré avec autant dé charme les vertus consolatrices de la nature. Il fallait ce charme pour faire comprendre la moralité àé l’œuvre, comment le malheur est un instrument de régénération, une source de bonheur et de joie ; sentiment nouveau, digne de l’époque qui cherchait la justice et la vérité, au risque de tous les malheurs possibles... Ce qui fait encore de la Chaumière indienne une oeuvre à part, c’est la manière dont la beauté plastique de la nature y est comprise et rendue. La grandeur et la précision des descriptions, l’art d’aborder avec grâce les détails vulgaires, lui donnent parfois le caractère d’un poëme héroïque. N’est-ce pas un détail homérique que l’échange des deux pipes entre le paria et le savant anglais ? Le premier chez nous, Bernardin de Suint-Pierre rappelle la simplicité grecque ; Fénelon en avait rappelé la grâce plus que la simplicité. »

Chaumière (la), tableau d’Hobbema : collection de M. Isaac Pereire, à Paris. L humble maisonnette s’élève au milieu des arbres, dans un enclos verdoyant qu’entoure une palissade. Un homme conduisant une charrette arrive du côté gauche, par un chemin qu’ombrage un bouquet de grands arbres. Un piéton, vêtu de rouge, s’avance à sa rencontre. À droite, un cavalier et deux chiens suivent la route, qui se déroule à travers champs. Un grand nuage noir projette son ombre sur ce tableau. Cette peinture, d’une exécution large