Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 4, Chao-Chemin.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1140

CHEM

11 ;

puissance d’action et de volonté, mais d’action et de volonté despotique ; c’est l’empereur qui reconstitua l’administration des ponts et chaussées. Il voulait faire, tout faire, sans partage, sans rival ; en organisant le corps du génie civil, il y imprima son idée dominante, le monopole de tout pouvoir, de toute action ; depuis lors jusqu’à nos jours, la répugnance contre les Compagnies est naturellement restée dans ce corps une disposition traditionnelle. » M. Billault ajoutait que c’était l’industrie privée qui pouvait donner le meilleur emploi à l’aptitude et au savoir des ingénieurs de l’État. « Vous devez, disait-il, beaucoup plus attendre de ces ingénieurs quand, dégagés de- l’enveloppe des corps administratifs, ils travailleront sous leur responsabilité personnelle. Vous savez ce que c est, en matière de travaux, que l’aiguillon de cette responsabilité. Quand un ingénieur travaille pour son administration, ses travaux sont vus et retouchés par ses supérieurs, ses projets ne sont pas son œuvre exclusive ; il ne saurait y apporter cette sorte d’amour de son œuvre qui provoque si énergiquement toutes les facultés de l’individu : c’est un travail froid, régulier, un travail administratif ; mais rendez-le a lui-même, que son œuvre soit exclusivement la sienne : ce n’est plus par devoir, c’est pour lui, pour Son nom, pour sa gloire que vous le faites travailler. Ainsi, pour la conception des plans, le mieux est aussi possible aux Compagnies qu’au gouvernement ; il faut même dire, car la conception des plans ne se borne pas seulement aux détails matériels du tracé, elle embrasse les combinaisons commerciales, les calculs de combinaisons de tracés qui doivent satisfaire plus d’intérêts et davantage rapporter ; il faut dire que, pour, cette partie des plans qui n’est pas la moins importante, l’intérêt et le génie commercial des Compagnies seconderont, guideront merveilleusement la science de l’ingénieur, i

M. de Lamartine s’attacha à défendre contre la commission le rôle naturel du gouvernement qu’un libéralisme étroit et systématiquement hostile était toujours prêt a restreindre au détriment des intérêts généraux. > Si l’association, dit-il, a ses droits, son utilité, ses services, faut-il méconnaître a ce point les attributions du gouvernement, que de lui retirer ce qui appartient essentiellement à l’État, c’est-à-dire la direction, le domaine, la surveillance, la détermination des grands ouvrages ?... Et pourquoi donc exclure le gouvernement, qui n’est que la nation agissante, des œuvres que la nation a à accomplir ? Pourquoi cette clameur dès qu’on prononce le mot de gouvernement dans une entreprise quelconque ? Pourquoi ? C’est qu’en France, depuis vingt-cinq ans, le gouvernement est hors la loi ; c’est l’ennemi commun ; il faut se liguer contre lui, nier ce qu’il affirme, affirmer ce qu’il nie, se passer de lui partout, le déclarer incapable, embarrassant, impuissant en tout, le séparer de la nation, te condamner à un ostracisme politique, commercial, industriel, qui le mette en dehors de tout ce que le pays veut faire ; lui dire : Nous ferons tout sans vous, ou nous ne ferons rien, et ne le laisser exister au sommet de la nation que comme une grande et coûteuse inutilité, destinée seulement à décorer notre impuissance et à servir de but à tous les reproches, a toutes les insultes, à toutes les épigrammes dont vit une envieuse popularité t »

Le brillant orateur dénonçait ensuite dans la puissance dont les Compagnies allaient être revêtues une forme nouvelle du privilège, de l’aristocratie, de la tyrannie corporative abattue par la Révolution. « Il y a, s’écriait-il, un sentiment qui m’a toujours puissamment travaillé en lisant l’histoire ou en voyant les faits : c’est la conviction que la liberté sincère, progressive, est incompatible avec t’existeuce des corps dans un État ou dans une civilisation. Je sais que ce n’est pas la pensée commune, qui leur attribue au contraire une sorte de corrélation avec la liberté. Mais on no fait pas attention que l’on entend alors la liberté aristocratique et non pas la liberté démocratique, et que si les corps résistent à ce qui est au-dessus d’eux, ils oppriment de la même force tout ce qui est au-dessous. C’est la tyrannie la plus odieuse, purée qu’elle est la ptusdurable, latyrannie à mille têtes, la tyrannie à mille vies, àmille racines, la tyrannie que l’on ne peut ni briser, ni tuer, ni estropier ; c’est la meilleure forme que l’oppression ait jamais pu prendre pour écraser les individus et les intérêts généraux. Une fois que vous les avez créés ou laissés naître, ils sontmuîtres de vous pour les siècles. Vous ne savez où les saisir et ils vous dominent. Le3 corps, ou, ce qui leur ressemble, les intérêts collectifs reconnus par la loi et organisés, c’est l’asservissement prompt, inévitable, perpétuel de

tous les autres intérêts... Que sera-ce, grand Dieu ! quand, selon votre imprudent système, yous aurez constitué en intérêt collectif et en Corporations industrielles et financières les innombrables actionnaires de 5 ou 6 milliardsque l’organisation de vos chemins de fer agglomérera entre les mains de ces compagnies ? Changez donc les tarifs alors ! Mais comment les changerez-vous ? Par la loi ? Mais qui votera la loi ? Des actionnaires en majorité. Qui votera les lignes ? Des actionnaires encore I Etablissez donc des lignes rivales. Mais qui votera ces lignes ? Des actionnaires en majorité. Améliorez, perfectionnez, changez les systèmes arriérés sur vos lignes. Mais qui vo*

CHEM

teraces améliorations, ces perfectionnements désirés, commandés peut-être par l’intérêt général du pays ? Qui ? Des actionnaires toujours... Vous les laisserez, vous, partisans de la liberté et de l’affranchissement des masses, yous qui avez renversé la féodalité et ses péages, et ses droits de passe, et ses limites, et ses poteaux, vous les laisserez entraver le peuple et murer le territoire par la féodalité de l’argent. Non, jamais.gouvernement, jamais nation n’aura constitué en dehors d’elle une puissanced’argent, d’exploitation et même de politique, plus menaçante et plus envahissante que vous n’allez le faire en livrant votre sol, votre administration et 5 ou 6 milliards à vos Compagnies. Je vous le prophétise avec certitude, elles seront maîtresses du gouvernement et des chambres avant dix ans. L’administration du pays ne dépense que 300 millions par an, et vos Compagnies remueraient un personnel et des intérêts plus forts que le personnel etl’intérêtde l’État tout entier ! Aurez-vous si peu de prévoyance pour le peuple, pour le gouvernement lui-même ? Créerez-vous une forme nouvelle de monopole, qui ne s’étendrait pas seulement sur le peuple, mais qui ne tarderait pas à s’étendre sur le gouvernement et sur les pouvoirs mêmes électifs du pays ? »

Dans le cours de la discussion, le ministère sentit la nécessité de faire des concessions à ses adversaires. • Je conçois, dit M. Martin (du Nord), que la Chambre puisse ne pas adopter complètement le système du gouvernement relativement aux quatre lignes

qu’il a proposées- Je conçois que, effrayée peut-être des sacrifices qui devraient être demandés au Trésor pour l’exécution des quatre lignes, la Chambre n’acquiesce pas à ce que ces quatre lignes soient faites par le gouvernement lui-même ; mais ce que je ne comprendrais pas, ce serait que la Chambre voulût, suivant l’avis de ta commission, décider qu’aucune dqp quatre ligues ne sera faite par 1 État, et qu’au contraire ces lignes devront être faites par des Compagnies... Je ne veux pas faire comme la commission, et je désire arriver à une transaction véritable. > Le chef du ministère, le comte Mole, vint marquer, en termes précis, le terrain sur lequel pouvait s’opérer la conciliation. « Sur les quatre lignes qui vous soDt présentées, dit-il, il en est deux dont le gouvernement doit se réserver l’exécution ; quant aux deux autres lignes, nous n’aurions aucune répugnance à les donner à des Compagnies, et si la Chambre avait voté les deux lignes, elle pourrait compter sur notre désir de lui présenter des soumissions, si nous en recevions qui nous inspirassent une confiance suffisante. » Mais la majorité avait pria son parti, et ce fut vainement que, vers la fin du débat, le ministère parut prêt à se contenter d’une seul ligne, de la ligne de Belgique. Tous les articles du projet lurentsuccessivementrejetés, et pour le scrutin d’ensemble on trouvadans l’urne 196boules noires et 69 boules blanches.

M. Audiganne, que nous avons pris pour guide dans cet historique des idées et des diseussions économiques sur l’exploitation des chemins de fer, a très-bien caractérisé, selon nous, l’attitude de la Chambre dans cette grande et mémorable discussion de 1838. « Dans l’état de la France, de ses idées, de ses habitudes, avec les institutions spéciales qu’elle possède en matière de travaux publics, avec l’inexpérience de l’esprit d’association, c’était un rêve que de repousser absolument l’intervention de l’État. On ne pouvait contester que le gouvernement seul disposât d’un personnel capable de diriger la construction. En dehors des ponts et chaussées, il n’y avait que quelques rares individualités qui fussent en mesure de prêter une aide utile pour ces applications toutes nouvelles. L’État pouvait sans doute mettre ses ingénieurs à la disposition de l’industrie ; mais il était à considérer en outre que, dans toutes les grandes affaires, la France a coutume de voir agir son gouvernement, c’est-à-dire de compter sur cette unité morale qui sert à concentrer les forces éparses du pays... Aucune objection sérieuse n’était possible d’ailleurs contre l’intervention limitée de l’État. Le mal ne pouvait être

frand, aux yeux mêmes des partisans les plus éclarés de l’industrie privée, si le gouvernement exécutait un ou deux chemins. Pour le moment, l’essentiel, c’était bien qu’on se mît à l’œuvre ; on l’avait proclamé presque unanimement. Satisfaite du sacrifice que le ministère avait consenti, et laissant de côté ses préoccupations politiques, l’opposition aurait dû voter au moins le chemin de la Belgique. Elle se serait honorée et fortifiée par un te] acte, car la meilleure preuve que tes partis, comme les hommes, puissent donner de leur énergie, c’est de montrer qu’ils savent maîtriser leurs proprésentraînements. En le reje. tant, comme elle le fit, de la façon la plus dédaigneuse, la Chambre donnait une preuve évidente de faiblesse ; triste exemple des abus que peuvent engendrer les préoccupations de parti dans l’examen des questions d’affaires ! »

Discussion de 1842. Les discussions de 1837 et de 1S38 n’avaient abouti à aucun résultat. Sous le ministère du 12 mai 1839, une commission, instituée par le ministre des travaux publics, M. Dufaure, fut chargée de continuer l’étude économique des chemins de fer en reprenant tous les points précédemment débattus. Cette commission avait à exa CHEM

miner les questions suivantes, posées déjà pour la plupart, mais qui attendaient toujours une solution : 1° Quel système doit-on adopter pour l’exécution des chemins de fer ? 2°Comment, dans le cas où l’État serait chargé de construire certaines grandeslignes, devrait-on procéder à l’exécution ? serait-ce par les moyens ordinaires ? serait-ce par des adjudications à forfait ? 3° Pourrait-on suivre un système mixte d’après lequel l’État ferait ce qu’on appelle le sol des chemins, c’est-à-dire -le/s, terrassements, les ouvrages d’art, etc., et laisserait à des Compagnies le soin dé poser les rails, d’acheter le matériel d’exploitation, etc. ? -<o Dans le cas où l’on reconnaîtrait que l’on doit, en général, abandonner l’exécution aux Compagnies, n’y aurait-il pas lieu de réserver encore certaines lignes à l’État ? 5° Comment les Compagnies devraient-elles être constituées et quelles conditions conviendrait-il de leur imposer ? Il importe de noter ce qui fut décidé-par la commission de 1839 relativement a -deux, ou trois des questions les plus importànt^s^EMe émit cette opinion, qu’il n’y avait lieu ni a^ékclure le gouvernement de rexécutiôn.des voies ferrées ni de la lui confier exclusivement ; que le choix à faire entre l’État et les Compagnies dépendait entièrement des circonstances ; que cependant on pouvait prévoir des cas dans lesquels l’État devait nécessairement être chargé du travail, par exemple lorsqu’il s’agit d’une ligne à laquelle se lient de grands intérêts politiques et pour l’exécution de laquelle les Compagnies n’offriraient point de suffisantes garanties. Elle se prononça d’une manière générale pour le système mixte du partage des travaux entre l’État et les Compagnies. L’État, disaitelle, aurait très-souvent intérêt à se renfermer dans les détails d’expropriation, dans les travaux de déblais et de remblais, dans les ouvrages d’art, en un mot, dans tout ce qui constitue la route proprement dite. Par ce moyen il dégagerait l’industrie privée de tout ce que l’établissement des chemins de fer offre d’éventuel et d’inconnu.

On peut dire que la loi de 1842 est sortie des travaux préparatoires de la commission de 1839. Cette loi, sorte de transaction entre les partisans des Compagnies et ceux de l’État, fit prévaloir le système mixte dont nous venons de parler. L’exposé des motifs, présenté par M. Teste, ministre des travaux publics, insistait sur la nécessité de combiner les ressources du Trésor et celles de l’industrie privée. Il partageait la charge des travaux et des dépenses entre l’État, les localités et îes associations libres. Aux localités traversées, il imposait une contribution équivalente aux deux tiers du prix des terrains. Outre le dernier tiers restant, l’État prenait a sa charge les terrassements et les ouvrages d’art. Un laissait à l’industrie privée l’achat et la pose des rails, l’achat du matériel et l’exploitation, Le plan ministériel se résumait dans cette idée qu’avec la division de la dépense il devenait possible de réaliser des entreprises auxquelles il faudrait renoncer, si l’on était obligé de s’adresser aux seules forces de l’État ou aux seules forces des Compagnies. Dans ce système, les Compagnies n’obtenaient plus de concessions proprement dites : propriétaire du chemin, l’État le donnait simplement à loyer. « Ce n’est plus une concession qu’il accorde, disait le ministre, mais simplement un bail

?u’il consent, et dans lequel il est bien plus

acile que dans un acte de concession de comprendre toutes tes clauses que peut réclamer l’intérêt public. »

Le plan ministériel obtint, quant à ses bases, l’approbation de la commission parlementaire nommée pour l’examiner. Cette commission, dont faisaient partie MM. Harlé, Saunae, Lamartine, Tesnière3, Duvergier de Hauranne, Dufaure, Langer, le général Doguereau, Benoist, choisit M. Dufaure pour rapporteur. M. Dufaure ne comptait pas parmi les amis du cabinet ; il n’en prêta pas moins son appui très-sincère au projet. Son rapport se distingue à la fois par des vues solides et par la vivacité avec laquelle est exprimé le désir de voir enfin « succéder une exécution hardie à de longs tâtonnements. » Il y avait dans les dispositions générales de la loi proposée deux choses distinctes : d’une part, le tracé du réseau, le classement des grandes lignes de chemin de fer, de l’autre, le mode suivant lequel ils devaient être exécutés. On va voir en quel sens, en quels termes, et d’après quelles considérations le rapporteur se prononçait sur ces deux questions fondamentales.

Le rapport commençait par rappeler les phases suivies par l’établissement des chemins de fer en France. » Comme en Angleterre, comme aux États-Unis, comme en Allemagne, c’est le besoin de rendre la houille aux lieux où elle est consommée qui fuit établir sur notre territoire les premiers chemins de fer ; leurs concessionnaires n’ont pas d’autres vues, quels qu’aient été depuis le sort et la destination des chemins qu’ils ont construits. Ainsi sont entrepris, en 1S23, le chemin de Saint-Étienne à Andrézieux ; en 182d, le chemin de Saint-Étienne à Lyon ; en 1828, le chemin d Andrézieux à Roanne ; en 1830,1e chemin d’Epinac au canal de Bourgogne. ; en 1833, le chemin d’Alais à Beaucaire. Ouelques années après, au bruit que faisaient en Angleterre les succès du chemin de Liverpool à Manchester, on conçut le parti que l’on pouvait tirer de ce nouveau mode de communication pour le transport des voyageurs. C’est dans cette vue que

CHEM

furent concédés successivement, en 1835, la chemitï-de.Paris à Saint-Germain ; en 1S36, les $eûx : chemins de Versailles, et celui de Montpellier.à Cette, Bientôt les chemins de fer sont envisagés d’un point de vue plus étendu ; ils cherchent les lieux où le besoin des ehunges est le plus développé, où le mouvement des hommes et des choses est le plus multiplié. Le chemin de Mulhouse à Thann, et celui de Strasbourg à Baie traversent îes vallées industrieuses de l’Alsace ; les chemins d’Orléans et de Rouen sont créés pour donner une activité nouvelle aux relations de Paris avec ces deux villes et les grands ports de commerce qui sont derrière elles ; enfin, le gouvernement lui-même, en 1840, se charge de rattacher la France au chemin de fer belge par les deux ligues de Lille et de Valenciennes à la frontière, et de donner quelque ensemble aux chemins du Midi, et de relier le chemin de Montpellier à Cette et celui d’Alais à Beaucaire par une ligne de Nîmes à Montpellier, ■

Tous ces essais tentés sur différents points du territoire français, éloignés les uns des autres, étaient le fruit de différentes idées, d’intérêts plus ou moins étendus. Il était temps pour la France de se proposer un but plus élevé dans la création de ces moyens de communication, et de les coordonner suivant un

système adopté à l’avance. « Nous croyons que le jour est venu de classer les lignes de chemins de fer qui doivent répondre aux intérêts les plus généraux du pays. Nous n’interdirons pas par là la confection des chemins de fer dans des directions d’un intérêt secondaire. Si quelque grande industrie, si quelque puissante activité locale les réclame, . nous espérons que les capitaux privés, avec ou sans l’appui des finances de l’État, sauront les entreprendre ; nous le désirons vivement ; mais

du moins, au milieu de ces œuvres isolées et accidentelles, nous aurons une œuvre générale que nous devons aujourd’hui combiner et arrêter avec prudence, pour l’accomplir ensuite avec résolution. Comprendre «ans un classement légal les lignes que l’intérêt général réclame, c’est marquer à l’avance la direction et l’étendue de nos travaux ; c’est prendre envers nous-mêmes l’engagement de les commencer et de les terminer, •

Quels principes devaient présider à ce classement méthodique de nos grandes lignes de chemins de fer ? Dans quelles directions devaient être portées ces lignes ? De quel point devaient-elles partir ? à quel point arriver ? Par où devaient-elles passer ? Le rapport adoptait le réseau étoile, centralisateur. « Nous n’avons pas hésité plus que le gouvernement, disait M, Dufaure, à choisir Paris pour la tête de toutes nos grandes communications. Peu importe que Paris ne soit pas géographiquenient au centre de la France ; quels que soient les hasards ou les longs desseins politiques qui en ont fait la capitale du royaume, elle ne pourrait cesser de l’être que le jour où la France perdrait sa puissante unité. Du nord comme du midi, de l’est comme de l’ouest, c’est vers Paris que se tournent tous les regards ; c’est de Paris que vient la vie intellectuelle, administrative, commerciale, industrielle ; c’est de Paris que l’empereur rit partir toutes les grandes routes impériales ; c’est de Paris que sortent toutes les lignes télégraphiques. • Partant de Paris, les chemins de fer doivent être dirigés vers les frontières." Ce sera leur donner la destination la plus générale et la moins contestable que de les faire servir à nos relations internationales.. En les dirigeant de Paris sur nos frontières, vous vous préparez pour le temps de guerre un énergique moyen d’agression ou de défense. Il n’est plus nécessaire d’accumuler à l’avance dans quelques places, les plus exposées aux attaques de l’ennemi, les approvisionnements d’une armée offensive ; vos troupes se concentrent avec une rapidité encore inconnue, ’et la merveilleuse activité de la campagne d’Ulm peut être dépassée. Si, au contraire, vous prévoyez une de ces attaques auxquelles la France ne répondra plus que par une guerre nationale, la nation année peut se transporter en peu de temps sur les points menacés... Cet énergique instrument de guerre sera aussi l’agent le plus utile des entreprises de la paix. Les grandes capitales se rapprochent, les échanges se multiplient, toutes les parties de notre territoire sont mises en communication immédiate avec des peuples dont elles n’avaient jamais connu les produits et à qui elles ne pouvaient proposer leurs échanges. Lés barrières nationales s’abaissent, et les chemins de fer préviennent les guerres avant de fournir les moyens de les diriger avec succès... Diriger nos grandes lignes vers nos frontières de terre et de mer, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, la Méditerranée, l’Espagne, rOcéan, la Manche, telle est donc notre première règle générale de classement. » La seconde est de choisir à chaque frontière un de ces points qui, par des circonstances naturelles ou politiques, sont devenus peu à peu de grands centres de population agglomérée. « Lille, Strasbourg, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, sont comme les capitales des départements qui les environnent. Leur donner le bienfait des chemins de fer, c’est en doter autant qu’il est en nous toutes les parties du territoire qui sont dans le rayon de leur influence, qui vivent de leur vie, qui souffrent ou grandissent avec elles. > L’application dé ces deux règles, la détermination des deux extrémités, constitue le classement de la ligne ; il reste k déterminer les