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Mein en 823, mort en 877. Dès l’âge de quatre ans ans, il reçut de son père le titre de roi d’Alemannie, puis celui de roi d’Aquitaine à la mort de Pépin. Objet de la jalousie de ses frères Lothaire et Louis, il partagea successivement la bonne et la mauvaise fortune du vieil empereur dans sa lutte contre ses fils révoltés. Après la mort de son père, en 840, il s’unit à son frère Louis le Germanique contre Lothaire, qui, comme fils aîné du Débonnaire, aspirait à la totalité de l’empire carlovingien, et qui fut défait à la sanglante journée de Fontanet ou Fontenailles dans l’Auxerrois, en 841. Louis et Charles ne surent ou ne purent tirer parti de leur victoire ; menacés de nouveau l’année suivante, ils resserrèrent leur alliance dans l’entrevue solennelle de Strasbourg (14 février 842). Le serment qu’ils prononcèrent en cette occasion, l’un en langue germanique, l’autre en langue romane, est le plus ancien monument écrit que l’on possède des idiomes français et allemand. En 843, le traité de Verdun consacra le démembrement définitif de la monarchie de Charlemagne. Charles eut toute la Gaule entre le Rhône, la Saône, la Meuse, l’Escaut et l’Océan. Toutefois, son neveu Pépin lui disputa longtemps l’Aquitaine méridionale, pendant que le duc Bernard se rendait indépendant dans la Septimaine et la Marche d’Espagne. Charles fit tuer en trahison ou peut-être tua de sa main le duc, soupçonné d’être son père, et, après quelques dévastations dans le Midi, dut céder l’Aquitaine à Pépin en 845, à la condition de l’hommage. La famine, la peste, les pirates normands, les Sarrasins mêmes, désolaient le royaume, en proie à l’anarchie. Son règne tout entier ne fut qu’une succession de calamités ; l’héritage du grand Charles tombait pièce à pièce, et les grands s’en partageaient les lambeaux pour constituer la féodalité. Les évêques étaient les maîtres de la France sous la toute-puissante impulsion d’Hincmar, archevêque de Reims. Mais ce gouvernement d’ecclésiastiques était impuissant contre les Normands, qu’on n’éloignait qu’à prix d’or, et qui revenaient sans cesse, par toutes les côtes et par tous les fleuves, porter leurs dévastations jusqu’au cœur du royaume, et piller les villes les plus puissantes, Nantes, Bordeaux, Rouen, etc. La guerre recommença en Aquitaine, en Bretagne, dans le Nord, sur tous les points de l’horizon, et de tous côtés les grands et les petits feudataires se rendaient indépendants et ensanglantaient déjà le pays de leurs luttes particulières. L’Armorique se détachait de la royauté franque et s’organisait librement sous le roi Noménoè et sous son successeur Hérispoé, que Charles le Chauve fut contraint de reconnaître en 851, sous la condition dérisoire de l’hommage. Afin qu’il ne manquât rien aux misères des peuples francs, les fils de Louis le Débonnaire se déchirèrent entre eux, et Louis le Germanique fut maître un moment d’une grande partie des États de Charles (859). Celui-ci, misérable roi impuissant à défendre son royaume contre ses feudataires et contre les épouvantables ravages des pirates scandinaves, ambitionnait cependant de vains titres et des agrandissements. En 869, à la mort de son neveu Lothaire II, il se jeta sur le royaume de Lorraine, que le traité de Mersen (870) l’obligea toutefois de partager avec son frère de Germanie. En 875, la mort de son autre neveu Louis II laissait l’Italie vacante ainsi que la dignité impériale. Il franchit rapidement les Alpes, prévint à Rome les fils de Louis, son compétiteur, et déroba pour ainsi dire le titre d’empereur à la complaisance du pape Jean VIII. La mort de son frère lui donna l’espoir de reculer ses frontières jusqu’au Rhin ; mais il fut battu par ses neveux à Andernach en 876, et mourut l’année suivante en traversant les Alpes, empoisonné, dit-on, par un médecin juif. Ce prince était violent, pusillanime, versatile et déloyal ; mais il protégea les lettres et les arts. Son fils Louis le Bègue lui succéda. L’année même de sa mort, il avait signé le capitulaire de Kiersy-sur-Oise, qui consacrait l’hérédité des comtés ; celle des fiefs existait déjà. Les comtes, jusque-là magistrats amovibles, au moins en droit, devinrent des souverains héréditaires. C’était l’acte d’abdication de la royauté franque ; l’ère féodale était ouverte.


CHARLES II, dit le Gros, petit-fils de Louis le Débonnaire, fils de Louis le Germanique, fut empereur d’Allemagne, et reconnu comme roi de France de 885 à 887. V. Charles III, empereur.


CHARLES III, le Simple ou le Sot, fils posthume de Louis le Bègue, né en 879, mort à Péronne en 929. Il fut exclu de la couronne même après la mort de ses frères Louis III et Carloman, et vit successivement monter sur le trône Charles le Gros et le comte Eudes. Pendant le règne de ce dernier, il justifia en quelque sorte son exclusion en se plaçant sous le patronage d’Arnulf, roi de Germanie, et se fit sacrer à Reims en 893. Toutefois, tant que vécut son rival, il ne parvint qu’à obtenir une ombre d’autorité entre la Seine et la Meuse. Reconnu en 898, il régna d’abord sans opposition pendant vingt-deux ans, impuissant contre les Normands, qui continuaient de dévaster périodiquement le pays, impuissant contre les dynasties féodales, qui se constituaient librement de toutes parts à l’abri de leurs donjons et de leurs forteresses. L’événement le plus important du règne de Charles le Simple est la fondation du duché de Normandie. Les pirates danois commençaient à se fixer les uns sur la Loire, d’autres sur la Seine. Ces derniers, sous leur chef Roll ou Rollon, dominaient sur tout le pays qu’ils appelaient déjà de leur nom Northmannie, et poussaient leurs ravages jusqu’aux portes de Paris. Les expulser de vive force semblait impossible à un pays qui n’osait même pas leur résister. Le roi de France fit offrir à Roll la main de sa fille Gisèle avec la cession du territoire qu’il occupait, le titre de duc, la suzeraineté sur la Bretagne, à la condition qu’il fermât la Seine aux invasions nouvelles, qu’il reçût le baptême et devînt le vassal du roi. Le vieux pirate accepta, mais fit dédaigneusement rendre l’hommage par l’un des siens. Le soldat normand, sans se baisser, s’y prit de telle manière pour baiser le pied du roi qu’il le jeta à la renverse (911). Tel était l’avilissement où était tombée la race énervée de Charlemagne, que cet outrage d’un barbare demeura impuni.

Après la mort de Louis l’Enfant, fils d’Arnulf et le dernier carlovingien de Germanie, Charles voulut s’emparer de la Lorraine ; mais, battu par l’empereur Henri l’Oiseleur, il dut renoncer à ses prétentions, et fut bientôt déposé par les grands, qui proclamèrent roi de France le duc Robert (922), tué l’année suivante à la bataille de Soissons, où Charles montra une bravoure inutile à sa fortune. Attiré dans les États du comte de Vermandois, pendant que ses ennemis donnaient sa couronne au duc Raoul, il fut emprisonné par son perfide feudataire, ressaisit un moment le pouvoir à la faveur des divisions des factions ennemies, mais fut jeté de nouveau dans la tour de Péronne (928) et mourut l’année suivante. Son fils, Louis d’Outre-mer fut appelé au trône en 936, par un de ces retours de fortune qui précédèrent l’extinction définitive de la race carlovingienne.


CHARLES IV, le Bel, roi de France et de Navarre, troisième fils de Philippe le Bel, né en 1294, mort à Vincennes en 1328. Il succéda à son frère Philippe le Long en 1322. Son règne de six ans fut une période de spoliations fiscales, d’exactions et de violences. Il fit mourir dans les tortures Girard la Guette, intendant des finances sous le règne précèdent, moins pour punir ses rapines que pour s’approprier ses biens. Après avoir réformé les monnaies, il les altéra comme ses prédécesseurs, exila les banquiers lombards et confisqua leurs richesses, punit des seigneurs fameux par leurs brigandages, notamment Jourdain de l’Isle, mais toujours pour avoir des prétextes de confiscation. Sa femme Blanche de Bourgogne, convaincue d’adultère, avait été, comme sa belle-sœur Marguerite, rasée et enfermée au château de Gaillard d’Andely ; il obtint du pape la nullité de son mariage, et épousa Marie de Luxembourg, qui mourut deux ans plus tard, et se maria en troisièmes noces à Jeanne d’Évreux. Une intervention malheureuse en faveur des Flamands révoltés contre leurs comtes, une guerre en Guyenne contre les Anglais, une autre contre la noblesse de Gascogne, des secours donnés à sa sœur Isabelle dans sa lutte contre son époux Édouard II, tels furent les principaux événements du règne de Charles le Bel, qui, de plus, s’épuisa en vaines intrigues pour se faire nommer empereur au préjudice de Louis de Bavière, et contraignit Jean XXII, qu’il tenait comme prisonnier dans Avignon, d’excommunier son adversaire. Il rendit quelques ordonnances pour améliorer le sort misérable des juifs et des lépreux. Il mourut sans laisser d’héritier mâle et fut le dernier rejeton direct de Hugues Capet. La couronne passa au chef d’une branche collatérale, Philippe de Valois.


CHARLES V, le Sage, roi de France, fils du roi Jean, né à Vincennes en 1337, mort en 1380. Lieutenant général du royaume pendant les deux captivités de son père, il eut à lutter contre les intrigues de Charles le Mauvais, qui aspirait à la couronne comme petit-fils de Louis le Hutin ; contre la jacquerie, contre l’opposition des états généraux et les entreprises démocratiques d’Étienne Marcel. Malgré sa jeunesse, il montra, au milieu de difficultés sans cesse renaissantes, une habileté trop souvent mêlée de perfidie et de duplicité. On l’a même accusé d’avoir trempé dans le meurtre de l’énergique Marcel. À son avènement (1364), la France, démembrée par le traité de Brétigny et accablée d’une dette énorme, déchirée par les factions, par les entreprises de Charles de Navarre et par les ravages des grandes compagnies, s’affaissait dans la misère et l’anarchie. Le nouveau roi, prudent, habile, patient et réfléchi, peu scrupuleux sur les moyens, formé au milieu des guerres civiles dans l’art d’attendre les événements et d’en tirer parti, était peut-être l’homme qui convenait le mieux à une telle situation. Il eut d’ailleurs la bonne fortune d’être servi par des hommes qui agissaient efficacement, et il put diriger les affaires sans quitter son hôtel Saint-Paul, et gagner des batailles sans jamais paraître à la tête de ses armées. Par la victoire de Cocherel, le vaillant Duguesclin brisa dès les premiers jours les espérances de Charles le Mauvais. Il fut moins heureux dans la guerre de la succession de Bretagne, et il perdit la bataille d’Auray (1365), qui fit triompher Montfort, le protégé des Anglais. Mais Charles V, en politique habile, se résigna à reconnaître Montfort comme duc, sous la condition de l’hommage, dans la crainte de le pousser entièrement dans les bras des Anglais. Cette modération lui gagna l’amitié de la noblesse bretonne et fit passer à son service un autre capitaine breton, Olivier de Clisson. En même temps, il délivra la France des grandes compagnies en en faisant passer une partie au service du marquis de Montferrat, et en envoyant le reste en Espagne, sous le commandement de Duguesclin, soutenir Henri de Transtamare contre Pierre le Cruel (1367). Le despotisme des Anglais dans les provinces françaises que leur avait assurées le traité de Brétigny fournit une occasion de recommencer les hostilités. Charles accueille les plaintes des habitants, fait secrètement des préparatifs de guerre, prépare avec beaucoup d’intelligence et d’activité un grand mouvement national, et cite enfin le prince de Galles à comparaître devant le parlement de Paris pour répondre sur les plaintes portées contre lui. Les délais étaient à peine expirés que le comte de Saint-Pol et le sire de Châtillon envahissaient le Ponthieu, rapidement conquis (1369), et que l’insurrection contre la domination anglaise se propageait dans le Quercy, le Rouergue, le Périgord, le Limousin, l’Agénais, etc. Duguesclin, Clisson, Boucicaut se couvrirent de gloire dans cette guerre nationale, où les succès se multiplièrent si rapidement qu’en 1378 les Anglais ne possédaient plus guère en France que Calais, Bordeaux et Bayonne. La fin du règne de Charles V se passa à guerroyer contre les débris des grandes compagnies, contre les révoltés du Languedoc et contre la Bretagne soulevée en faveur de son duc, et qu’on avait tenté prématurément de réunir à la France. Ce prince était faible et maladif, et ne pouvait supporter le poids d’une armure. On lui doit la réorganisation de l’administration des finances, l’institution de l’appel comme d’abus, atteinte portée à la juridiction ecclésiastique, la création d’une marine marchande, l’extension des privilèges et de la juridiction de l’Université, enfin la fondation de la Bibliothèque royale, car il en a rassemblé le premier fonds dans la Tour de la librairie, au Louvre. Ce premier fonds comprenait environ mille manuscrits. Il aimait et protégeait les lettres, et c’est pour lui que fut composé le Songe du Vergier. Aussi, quelques historiens expliquent-ils son surnom de Sage par Savant. Il avait trop appris à craindre le peuple pour l’aimer. La construction de la forteresse de la Bastille et les efforts qu’il fit pour faire tomber en désuétude les états généraux portent l’empreinte de ses défiances à cet égard. C’est lui qui fixa à quatorze ans l’âge de la majorité des rois. Il eut de son épouse Jeanne de Bourbon deux fils, Charles VI et Louis d’Orléans.


CHARLES VI, le Bien-Aimé, roi de France, fils du précédent, né à Paris en 1368, mort en 1422. Il reçut le Dauphiné en apanage, et fut ainsi le premier des enfants de France qui porta le titre de dauphin. Il avait douze ans à peine à la mort de son père et fut placé sous la tutelle de ses oncles les ducs d’Anjou, de Berry, de Bourgogne et de Bourbon, qui déchirèrent l’État par leurs rivalités et leur ambition. Le duc d’Anjou, comme l’aîné, mit la main sur tout ce qui avait appartenu au feu roi, meubles, vaisselle, joyaux, argent, etc. Les misères du peuple, les déprédations et la tyrannie des grands, des tentatives faites pour établir des taxes nouvelles provoquèrent des insurrections de toutes parts, celles des Maillotins à Paris, des Tuchins dans le Languedoc, etc., en même temps que les Chaperons blancs de Flandre se soulevaient contre leur comte et contre la noblesse. Au milieu de ces mouvements, le duc d’Anjou prodiguait les trésors de la France pour son inutile expédition de Naples. Le duc de Bourgogne, qui avait des droits éventuels à la succession de Flandre, entraîna facilement le jeune Charles VI dans une guerre contre les communes flamandes. Vers la fin de 1383, l’armée française remporta la victoire de Rosbecque ; Ypres, Courtray, Bruges furent inondées de sang, comme expiation de leur triomphe sur l’aristocratie. Paris ressentit le contre-coup de cette réaction. Au retour du roi et des princes, la ville paya sa résistance aux spoliations fiscales de la cour en perdant toutes ses franchises ; la bourgeoisie et le peuple furent décimés par les supplices et ruinés par les confiscations et les taxes. Rouen, Reims, Châlons et d’autres villes subirent les mêmes châtiments. En 1385, Charles épousa Isabeau de Bavière, qui était à peine nubile et ne parlait que l’allemand. Les années suivantes furent remplies par des préparatifs formidables pour une descente en Angleterre, pour laquelle on avait épuisé le pays, et qui avorta honteusement, grâce aux lenteurs calculées du duc de Berry, qui n’avait vu dans cet armement qu’une occasion de rapines nouvelles et de spéculations. En 1388, le roi s’affranchit de la pesante tutelle de ses oncles, et, guidé par son frère Louis d’Orléans, s’entoura de quelques hommes capables qui avaient dirigé les affaires sous Charles V, Bureau de la Rivière, Jean de Noviant, Clisson, etc., que les princes et les courtisans appelaient ironiquement les marmousets. Par intervalles, déjà Charles avait donné quelques marques d’une altération d’esprit amenée peut-être ou au moins aggravée par l’abus des plaisirs. Un événement mystérieux vint bientôt lui porter un coup funeste et préparer les plus grands malheurs à la France. Il venait de déclarer la guerre au duc de Bretagne, qui refusait de livrer Pierre de Craon, l’assassin du connétable de Clisson. Comme il marchait contre le duc à travers la forêt du Mans, un homme bizarrement vêtu et le visage bouleversé sortit d’un fourré et se précipita à la bride de son cheval en criant d’une voix tonnante:« Roi, ne passe pas outre, car tu es trahis ! » Puis il disparut sans qu’on songeât à l’arrêter ou à le poursuivre. Charles fut vivement frappé de cette apparition. Quelques instants après, le choc accidentel d’une armure le fit tressaillir, et sa démence fit explosion. Il se crut environné de traîtres, tira son épée en poussant de grands cris et tua quatre hommes avant qu’on eût pu le désarmer. Peu de temps après, il faillit être brûlé vif au milieu d’une mascarade. Tout espoir de guérison était désormais perdu. Le malheureux roi vécut en proie à une démence tantôt enfantine et tantôt furieuse, alternée de quelques rares instants de lucidité, pendant lesquels il essayait parfois de réparer le mal fait en son nom. Sa belle-sœur Valentine Visconti, duchesse d’Orléans, et une jeune fille nommée Odette de Champdivers, fille d’un marchand de chevaux, et qu’on avait placée auprès de lui, le consolèrent seules au milieu de ses souffrances. On l’amusait encore avec des représentations de la Passion et avec des cartons peints qui devinrent les cartes à jouer, inventées, dit-on, pour lui, mais qui, en réalité, étaient déjà connues en Allemagne et en Italie. Ses oncles avaient repris le gouvernement de la France, dès lors en proie aux luttes sanglantes des factions, aux rivalités des partis de Bourgogne et d’Orléans. En 1404, Jean sans Peur succéda à son père comme duc de Bourgogne, et il hérita en même temps de son ambition et de sa haine pour le duc d’Orléans, qu’il fit assassiner en 1407, dans la rue Vieille-du-Temple, à Paris. De 1408 à 1410, il gouverna le conseil du roi et fut à peu près la maître de la France; mais il eut à lutter bientôt contre un adversaire redoutable, le comte d’Armagnac, beau-père du fils de sa victime, et qui marcha sur Paris à la tête d’une armée de bandits du Midi. C’est depuis ce moment que la faction d’Orléans fut désignée sous le nom d’Armagnac. Tour à tour maîtres de Paris et du pouvoir, les deux partis ensanglantèrent la capitale et le royaume, et se servirent du nom du roi pour sanctionner leurs déprédations et leurs violences (V. Armagnacs et Bourguignons). Le fantôme de monarque restait le spectateur impassible de ces luttes, aussi bien que des débordements de la reine Isabeau de Bavière. L’Angleterre, après avoir appuyé successivement les deux partis pour les user l’un par l’autre, s’arma contre la France, remporta la victoire d’Azincourt en 1415, où Charles d’Orléans fut fait prisonnier, et s’emparèrent du duché de Normandie. Les dernières années du règne de Charles VI furent marquées par de nouvelles calamités. Les massacres de partis, la peste et la famine firent périr plus de 40, 000 personnes dans Paris sans y ramener la paix. Enfin le duc de Bourgogne se montrait disposé à un accord lorsqu’il fut assassiné sur le pont de Montereau en 1419. Son fils Philippe le Bon se jeta dans le parti des Anglais et leur livra Paris. Le roi d’Angleterre, Henri V, maître de la capitale, appuyé par une reine indigne et par le parti bourguignon, fait signer au malheureux roi de France, dont il était le gendre, l’odieux traité de Troyes (1421), qui lui donnait la main d’une fille de France et la succession au trône, au préjudice du dauphin Charles (depuis Charles VII). Charles VI et Henri V moururent à peu de distance l’un de l’autre.

Charles VI (histoire de), et des choses mémorables advenues pendant quarante-deux années de son règne (1380-1422), par Juvénal des Ursins. Cette histoire, écrite avec naïveté, est une source précieuse. Le style de Juvénal des Ursins a peu de couleur, mais l’époque est si terrible que des traits d’une extrême simplicité font parfois frémir, comme lorsqu’il dit : « Pour faire tuer un homme, il suffisait de dire : « Celui-là est Armagnac. »

Selon Michaud et Poujoulat, « l’ouvrage de Juvénal des Ursins n’a point l’allure de nos Mémoires, quoiqu’il en ait tout l’intérêt ; c’est une chronique piquante rédigée en français. L’archevêque de Reims enregistre les faits un à un avec toute la simplicité des vieux narrateurs de Saint-Denis… Il est crédule et naïf comme un annaliste du moyen âge. » Cet ouvrage fut imprimé pour la première fois in-8o en 1614.

Charles VI, opéra en cinq actes, paroles de Casimir et Germain Delavigne, musique de Halévy, représenté à l’Académie royale de musique, le 15 mars 1843. De tous les livrets modernes d’opéra, celui de Charles VI renferme le plus de remarquables vers ; les situations en sont dramatiques et intéressantes. La musique de Halévy est pleine de beautés de premier ordre.

Au premier acte, la jeune Odette, fille de Raymond, vieux soldat d’Azincourt, quitte sa chaumière pour se rendre auprès du roi, dont elle est la filleule, et dont elle devient comme l’ange gardien au milieu de ses accès de folie. Le chœur d’adieux chanté par les jeunes filles ses compagnes est d’une fraîcheur et d’une simplicité charmantes, Raymond, entouré des