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logie de ce mot est fort douteuse. M. Littré le fait dériver du préfixe co, et d’un radical agulare, dont l’origine serait le radical agere, allongé avec le suffixe ulare. Peut-être seraitil plus exact de faire dériver coagulare de coagulum, et de rapprocher alors le sanscrit âghâra, beurre clarine, de ghert, lait caillé ; irlandais geart, lait ; lithuanien gretine, crème, de gi’eti, écrémer ; tous ces termes de la racine sanscrite ghar, conspergere, ou le sanscrit védique âgya, beurre clarifié ; dans Wilson, âga, de la racine ang, oindre, d’où angana, onguent. — À cette racine Kuhn ramène fort bien l’ancien allemand ancfio, beurre, crème anchin, allemand moyen an/ce, suisse anken ;

— ou encore, et peut-être même ce dernier rapprochement serait-il préférable, le sanscrit fcvala, présure, caille-lait, probablement contracté de kuvala, ainsi que l’indique le dictionnaire de Pétersbourg ; mais kuvala, qui désigne le fruit du zizyphus juiuba, employé sans doute comme caille-lait, n est à son tour qu’une forme secondaire de kuvara, qui signifie astringent, en parlant du goût, — peut-être de Au + vara, peu désirable, peu excellent. À ce kuvara semble correspondre le cymrique cywer, ou cywair, présure, aussi cwyrdeb,-deb, suffixe, — d’après le dictionnaire de Walters, d’où peut-être l’anglais curd, caillebotte, qui manque aux langues germaniques. L’irlandais, qui perd le v entre deux voyelles, oî- fre la forme contractée coraid, lait caillél Rien ne ressemble mieux kkvala que le cymrique eaul, présure, armoricain keulê, kaouled. Mais il est probable que ces termes proviennent directement du latin coagulum, d’où notre mot caillé ; italien quagliato). Cailler, figer, faire qu’une matière liquide s’épaississe et prenne de la consistance : L’alcool a la propriété de coaguler l’albumine, celle du sang comme celle du pus. (Raspail.)

Se coaguler v. pron. Devenir coagulé, s’épaissir, se figer : Du blanc d’œuf soumis à l’action de la chaleur se prend en masse et se coagule. (Robiquet.) La qualité distinctive de la gélatine est de se coaguler à la température ordinaire de l’atmosphère. (Brill.-Sav.)

— Antonymes. Dissoudre, fondre, liquéfier.

COAGULUM s. m. (ko-a-gu-lom — motlat.). Chim. Masse de substance coagulée : Un coagulum de sang. Les acides mêlés au lait forment un coagulum. (Acad.) Il Substance qui produit la coagulation : La présure est un coagulum du lait.

COAILLE s. f. (koua-lle ; Il mil. —rad. coe, ancienne forme- de queue). Comm. Laine do mauvaise qualité, prise sur la queue de l’animât : Ce n’est que de la coaille. il On dit aussi

QUA1LLE OU ÉQUAILLE.

CO AILLER v. n. ou intr. (koua-llé ; Il mil. de coe, anc. forme de queue). Chass. Se dit’ des chiens quand ils quêtemt la queue haute : Les chiens coaillent.

COA1LLEUX, nom d’un ancien petit pays de France, dans la province du Lyonnais, dont le lieu principal était Saint-Martin-en-Coailleux, faisant actuellement partie de l’arrondissement de Saint-Étienne (Loire).

COAINE s. f. (ko-è-ne). Forme ancienne du

mot COUENNE.

COAITA s. m. (ko-è-ta). Mamm. Espèce de singe d’Amérique.

— Encycl. Le coaita, dont le nom scientifique est ateles paniscus, est un singe a physionomie laide et basanée ; ses oreilles sont nues et de couleur tannée, comme la face ; son corps, d’environ 0-m. 50 de longueur, est effilé, couvert de poils noirs, hérissés, rudes comme du crin ; la queue, plus longue que la tète et le corps pris ensemble, peu velue en dessous, sert à 1 animal pour s’accrocher aux branches d’arbre ; elle est assez flexible pour qu’il saisisse adroitement avec elle les plus petits objets ; les mamelles sont placées près des aisselles ; il a des membres grêles et effilés ; les mains antérieures sont dépourvues de pouce. Cette espèce présente plusieurs variétés, barbues ou sans barbe, les unes entièrement noires, les autres blanchâtres sous la gorge et le ventre. Geoffroy Saint-Hilaire

en a distingué deux, qu’il a appelées coaita de Cayenne et coaita de Surinam, mais qui ne sont probablement que des différences d’âge.

Le coaita habite les régions centrales de l’Amérique, notamment l’isthme de Panama, la Guyane et le Pérou. Il se nourrit de feuilles et de fruitSj et parait préférer ceux de certains palmiers. Il mange aussi des poissons, des insectes, des vers et même des huttres et d’autres mollusques bivalves ; on le voit, à la marée basse, venir sur le rivage prendre ces coquillages, les poser sur un rocher, briser l’écaillé à coups de pierre et manger le contenu. Ces animaux se plaisent surtout dans les forêts, où ’ ils vivent en société ; on dit qu’ils s’avertissent et se secourent entre eux. Ils accueillent d’une manière assez malhonnête le voyageur qui traverse leur forêt, font des grimaces et des contorsions grotesques, et s oublient même, s’il faut en croire quelques auteurs, jusqu à uriner sur le passant. Le coaita saute de branche en branche, en grimaçant des dents, et poussse des cris sourds et pleureurs. Sa queue, très-longue et contractile à l’extrémité, est pour lui comme une cinquième main ; il s’en sert pour pêcher ou pour attirer les objets qui sont à sa portée. Il t’enroule autour de son corps quand il veut dormir. Ou assure aussi que plusieurs indivi COAL

dus se suspendent par la queue, les uns au bout des autres, soit pour traverser un ruisseau, soit pour s’élancer d’un arbre à l’autre. La femelle du coaita n’est point sujette à l’écoulement périodique ; elle met bas ordinairement un ou deux petits, qu’elle porte toujours accrochés sur son dos ou à ses épaules, et ce poids semble ne diminuer en rien son agilité. Le coaita a beaucoup d’intelligence et dMresse ; il est d’un naturel doux, timide et docile. Quand on le prend jeune, il s’apprivoise facilement, est susceptible d’éducation, devient caressant et assez familier à l’égard de l’homme pour jouer avec lui, et s’attache aux personnes qui le soignent ; mais, comme son espèce est laide, et que d’ailleurs il ne supporte guère le froid de nos climats, il est peu recherché. Il est sujet à être attaqué par de longs vers intestinaux. A certains moments de l’année, le coaita est fort gras, et sa chair, quand il a mangé beaucoup de fruits, paraît exquise à la plupart des colons ; aussi ne le chasse-t-on que pour le manger ; mais il arrive souvent que, même blessé à mort, il reste suspendu par sa queue aux branches des arbres. Le catou est une espèce très-voisine du coaita, et que l’on confond souvent avec ce dernier ; mais il s’en distingue par sa face noire et non cuivrée ; ces deux espèces se rapprochent aussi beaucoup du belzébulh. COAB s. m. (kok). Forme anglaise du mot coke.

COALESCENCE s. f. (ko-a-lè-san-se — du lat. coalescere, se souder), Pathol. Adhérence des parties qui étaient divisées par accident ou naturellement.

— Gramm. Réunion de deux ou plusieurs mots pour en former un seul : La vraie orthographe de ce nom serait Arddhanari-Icouara, ou, avec la coalescencë sanscrite. Arddhanariçouara. {Val. Parisot.) Dans tes langues à flexion, la coalkscbnce ou force de rapprochement est devenue assez énergique pour donner naissance à un tout indissoluble appelé mot. (A. Maury.)

COALESCENT, ENTE adj. (ko-a-lè-san, an-te — du lat. coalescens, soudé). Hist. nat. Qui ne forme qu’une seule pièce.

— Bot. Se dit des bractées qui sont soudées avec le pédoncule.

COALISATION s. f. (ko-a-li-sa-sion — rad. coaliser). Action de coaliser ou de se coaliser : Travailler à la coalisation des États du Nord. || États coalisés : La Prusse ne faisait pas encore partie de la coalisation. (L. Gallois.) il On dit plus ordinairement coalition.

COALISE, ÉE (ko-a-li-sé) part, passé du v. Coaliser. Ligué : Ouvriers coalises. Puissances coalisées. Ce fut avec l’esprit public de la Prusse, avtant qu’avec des légions, que le grand Frédéric repoussa l’Europe coalisée. (B. Const.) Il n’a fallu que trois jours pour détruire l’ouvrage auquel l’Europe coalisée a travaillé pendant quarante ans. (Jay.)

— s. m. Membre d’une coalition : Les coalisés ne purent s’entendre.

COALISER v. a. ou tr. (ko-a-li-zé — du lat. coalescere, être soudé). Liguer, engager dans une coalition : Le commerce unit les hommes, tout ce qui les unit les coalise, donc le commerce est nuisible à l’autorité. (Napol. 1er.)

Se coaliser v. pron. Se liguer, former une coalition : Les ouvriers se coalisent pour obtenir une augmentation de salaire. (Blanqui.) Apprenez à mesurer vos paroles, et sachez que les rois s’allient et ne se coalisent jamais. (Colloredo.) Se coaliser, c’est allier forcément ce-qui s’exclut naturellement. (B. de Gir.)

— S’associer, unir ses efforts : Mille cerveaux auront beau se coaliser, ils ne composeront jamais le chef-d’œuvre qui sort dé la tête d’un Homère. (Chateaub.)

COALITION s. f. (ko-a-li-sion — du lat. coalescere, se souder). Ligue de puissances ou de partis qui s’unissent pour agir en commun contre quelqu’un  : Il y a peu d’exemples de coalitions dissoutes avant la victoire. (Duclerc.) Durant le courant de 1806, la quatrième coalition éclate. (Chateaub.) Presque toutes les coalitions ont eu pour objet l’iniquité et la guerre. (Guizot.) Rien n’est plus aisé que de dissoudre des coalitions. (Proudh.) Les coalitions cherchent l’inconnu sous le mensonge. (E. de Gir.) Tout ministère de coalition est une faute grave. (E. de Gir.) L’Angleterre était toujours l’âme de la coalition et poussait les puissances du continent à venir détruire sur les bords de la Seine une révolution qui l’effrayait. (Thiers.) Napoléon a été réduit à s écrier que ce n’était pas la coalition des rois, mais les idées libérales qui le renversaient. (E. Laboulaye.)

— Association de personnes qui s’entendent pour exercer contre quelqu’un ou quelque chose une pression commune : Les coalitions d’ouvriers. La loi sur les coalitions. L’aristocratie, au xixe siècle, c’est la ligue, la coalition de ceux qui veulent consommer sans produire. (Gén. Foy.) Les coalitions n’ont pas toujours tort, et, à dire vrai, le droit est rarement du côté du maître. (L. Faucher.) La loi punit les coalitions de l’amende et de l’emprisonnement. (Lamennais.) Toute candidature, toute opinion publiquement débattue implique de fait et de droit coalition. (Proudh.)

— Fig. Association morale : Faut-il encore, pour que les plaintes des malheureux soient

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écoutées, former tme coalition monstrueuse entre l’intrigue et la probité, le crédit et l’éloquence ? (Mirab.)

— Particulièrem. Réunion, juxtaposition des parties, abstraction faite de leur accord et de leur harmonie : Il importait de distinguer l’existence de l’Assemblée constituante de ses pouvoirs, sa coalition de sa constitution. (Mirab.) il Ce sens inusité est cependant d’une grande justesse.

— Politiq. Ministère de coalition, Ministère fourni par une coalition de partis qui, par leur accord, sont parvenus à renverser le ministère précédent : Le vice originel de tout ministère de coalition, c’est le défaut d’unité.

— Hist. nat. Réunion, soudure de parties qui étaient séparées auparavant.

  • — Encycl. Hist. On a particulièrement

donné le nom de coalitions à des ligues formées par les puissances européennes contre la Révolution française et contre Napoléon Ier. Elles sont au nombre de sept : la première, conclue à Pilnitz entre la Prusse et l’Autriche, à qui se joignirent, après la mort de Louis XVI, l’Angleterre, l’Espagne, la Sar•daigne, les Deux-Siciles, etc., fut sérieusement entamée par la paix avec la Prusse et l’Espagne {5 avril et 22 juillet 1795), et dissoute par le traité de Campo-Fcnnio avec l’Autriche (17 octobre 1797) ; la deuxième, formée en mars 1791, entre l’Angleterre, restée seule en armes, la Russie et la Turquie, qui n’avaient point pris part à la précédente, 1 Autriche et les Deux-Siciles, fut brisée par la victoire de Marengo, suivie du traité de Lunéville avec l’Autriche (9 février 1801), et par la paix d’Amiens avec l’Angleterre (25 mars 1802) ; la troisième, signée à Pétersbourg, le 8 avril 1805, entre l’Angleterre, qui avait rompu avec la France dès 1803, et l’Autriche, la Russie et la Prusse, fut dissoute de fait par la victoire d’Austerlitz, et de droit par le traité de Presbourg (26 décembre 1805) ; la quatrième, formée en septembre 1806, entre la Prusse, la Russie, l’Angleterre et la Suède, fut rompue par la.sanglante bataille de Friedland, suivie du traité de Tilsitt avec Alexandre et avec le roi de Prusse (9 juillet 1807) ; la cinquième, conclue le 9 avril 1809, entre l’Autriche et l’Angleterre, finit par l’entière défaite à Wagram des Autrichiens, qui obtiennent la paix à Schœnbrun le 14 octobre ; la sixième, signée en mars 1813, entre la Russie, la Prusse, l’Autriche, l’Angleterre, la Suède et presque toutes les autres puissances, eut pour résultat l’abdication de Napoléon (11 avril 18U) ; la septième, qui n’est que la continuation de la précédente, formée à Vienne en 1815, après le retour de Napoléon à Paris, le renversa de nouveau, et se maintint, pendant toute la Restauration, sous une forme permanente et sous le nom de Sainte Alliance.

— Législ, et écon. soc. Sous l’ancien régime, avec le système des jurandes et des maîtriseSj les coalitions entre maîtres et patrons étaient considérées comme une conséquence de l’organisation de ces industries. Les ouvriers ’étaient loin de jouir de la même liberté : leur concert était sévèrement puni ; lea magistrats étaient même investis du droit de prononcer contre eux des peines arbitraires. La Révolution de 1789, tout en détruisant l’ancienne organisation industrielle, ne plaça point l’ouvrier et le patron sur la même ligne. Deux lois, votées par l’Assemblée constituante, prononcèrent des peines très-sévères contre les ouvriers qui feraient des conventions tendant à refuser ou à n’accorder qu’à un prix déterminé le concours de leur travail. Ces conventions étaient, aux termes de la loi, déclarées inconstitutionnelles, attentatoires à la liberté et à la déclaration des droits de l’homme ; les coupables étaient punis de l’amende et de la prison, et de plus privés pendant un an de l’exercice de leurs droits civils. Les coalitions des propriétaires et fermiers et des ouvriers des champs pour faire baisser ou hausser les salaires furent l’objet de pénalités spéciales. Les coalitions des premiers étaient simplement punies de l’amende ; celles des seconds étaient, en outre, punies de la prison. La législation de la Convention nationale fut encore plus sévère. La loi du

23 nivôse an II ne parle pas des coalitions des maîtres. Les coalitions d’ouvriers sont qualifiées d’attentats à la tranquillité publique. Les amendes prononcées contre les ouvriers réfractaires ou contre les patrons, sous le nom de damnations, sont punies comme vols. Interdiction est faite aux ouvriers de quitter leur travail sans avoir averti le patron six semaines d’avance. Enfin les patrons sont invités à porter h la connaissance de l’autorité tous les faits de coalition. Tels sont les principaux traits de cette législation. Sous le Consulat, la législation devient moins sévère, mais en même temps plus précise. La loi du 22 germinal an XI maintient la distinction entre les maîtres et les ouvriers. Les coalitions entre patrons pour faire baisser les salaires sont punies d’une amende de 100 fr. À 3,000 fr., et les coalitions entre ouvriers pour faire hausser les salaires, empêcher d’aller à l’atelier, ou d’y rester avant ou après certaines heures, sont punies de la même amende, et d’un emprisonnement d’un à trois mois, sans préjudice

des peines spéciales portées contre les violences, voies de fait, attroupements. Cette inégalité entre les patrons et les ouvriers fut

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encore aggravée par le Code pénal de 1810. Jusqu’alors, l’administration et la justice n’avaient pu constater des coalitions entre patrons, bien que ces coalitions fussent aussi fréquentes que celles des ouvriers. Le Code pénal ne crut pas les patrons suffisamment protégés. Ces coalitions ne furent déclarées punissables qu’autant qu’elles auraient pour effet de tendre à abaisser injustement et abusivement les salaires. Le seul fait de coalition fut déclaré punissable pour les ouvriers, sans que la loi s inquiétât de savoir si les motifs étaient injustes ou abusifs. Les mêmes faits étaient punis différemment, selon qu’il s’agissait des maîtres ou des ouvriers. Enfin, des faits complètement innocents de •la port des maîtres étaient punissables chez les ouvriers. Voici, au surplus, le texte des dispositions du Code de 1810 à cet égard : • Art. 414. Toute coalition entre ceux qui font travailler des ouvriers, tendant à forcer injustement ou abusivement l’abaissement des salaires, suivie d’une tentative ou d’un commencement d’exécution, sera punie d’un emprisonnement de

six jours à un mois, et d’une amende de 200 fr. à 3,000 fr. — Art. 415. Toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, empêcher de s’y rendre ou d’y rester après certaines heures, et, en général, pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux, s’il y a eu tentative ou commencement d’exécution, sera punie d’un emprisonnement d’un mois au moins et de trois mois au plus. Les chefs ou moteurs seront punis d’un emprisonnement de deux à cinq ans.—Art. 416. Seront aussi punis de la peine portée dans l’article précédent, et d’après les mêmes distinctions, les ouvriers qui auront prononcé

des amendes, des défenses, des interdictions ou toutes autres proscriptions, sous le nom de damnations, ou sous quelque qualification que ce puisse être, soit contre les directeurs d ateliers et entrepreneurs d’ouvrage, soit les uns contre les autres. Les chefs ou moteurs du délit pourront, après l’expiration de leur peine, être mis sous la surveillance de la haute police pendant deux ans au moins, et pendant cinq ans au plus. »

Ainsi, dans ce système, qui n’aboutit, pas plus que ceux qu’il avait remplacés, à faire punir une seule coalition dô patrons, la minimum de la peine qui frappait les ouvriers était égal au maximum de la peine qui eût pu frupper les patrons ; les chefs ou moteurs de coalitions rie patrons n’étaient pas punis, tandis que des peines terribles frappaient les chefs ou moteurs de coalitions d’ouvriers ; les patrons pouvaient infliger des amendes à leurs ouvriers, les faire mettre en interdit dans certains ateliers sans encourir aucune peine, tandis que, pour ces mêmes faits, les ouvriers encouraient l’amende et la prison. Cette législation singulière devait durer près de quarante ans, sans que sa justice et son équité fussent mises en question ailleurs que dans les livres d’économie sociale, et dans les plaidoiries des avocats, lorsque les coalitions venaient devant les tribunaux.

Il fallut une révolution encore plus sociale que politique, celle du 24 février 1848, pour appeler sur ce grave sujet l’attention sérieuse des législateurs. Ce sont les économistes qui ont les premiers fait la lumière sur les lois qui règlent les rapports du travail et du capital, etdémontré’que les pénalités draconiennes édictées contre les coalitions d'ouvriers allaient directement contre leur but. Personne peut-être n’a mieux que M. Audiganne fait ressortir toute l’iniquité et toute l’impuissance du système de 1810. Voici le résumé des faits que cet honorable écrivain, qui a fait une étude spéciale de la question, met en lumière..En prononçant si durement l’interdiction du droit ’ de s’entendre, la loi ne laissait aux ouvriers que la triste alternative ou de se résigner sans pouvoir élever aucune prétention collective, ou de s’exposer à des pénulités sévères. Ce système draconien n’avait cependant pas l’avantage de supprimer les discordes et les querelles, et de rendre à- la paix sociale ce qu’il aurait ôté à la justice, s’il avait toujours été rigoureusement appliqué. Son impuissance a prévenir les coalitions a souvent été manifeste. De ces coalitions, le public n’a guère connu que les plus retentissantes, notamment celles qui éclataient au sein de nombreuses agglomérations, à Paris surtout, comme les coalitions des charpentiers, des tailleurs et des typographes. Les fails isolés, les suspensions plus ou moins longues de travail dont le théâtre était moins en évidence, bien que n’ayant attiré que des regards indifférents ou distraits, sont cependant en eux-mêmes de curieux objets d’investigation. Il y en a eu sur tous les points du pays, dans, les fabrications qui s’exercent au sein de vastes établissements, comme dans les industries divisées en une multitude de petits croupes. Ces collisions entre le travail et Te capital ont été surtout significatives à partir de 1830. En voici les exemples les plus remarquables. En 1831, une coalition éclata à Bordeaux, dans la nombreuse famille des tailleurs de pierre. On interrompit le travail, on demanda l’augmentation du salaire et l’adoption d’un tarif uniforme et obligatoire ; une collision s’engagea avec la force armée, des troupes furent concentrées à Bordeaux, trente-trois arrestations eurent lieu, et la coalition finit sans qu’aucune satisfaction eût été accordée. La coalition qui eut lieu en 1833.entre un certain nombre d’où-